
fémblable au tonnerre. Nous fortîmes, '& fûmes
furpris de voir ratmofphère affez nette , a quelques
petits nuages près, qui n’éroient pas affez
épais pour nous dérober la clarté du foleil. Nous
crûmes que c'étoit le bruit d’un cabriolet ou le
feu qui étoit dans le voifinage. Nous fûmes alors
dans le pré pour découvrir d’où venoit ce bruit,
& nous vîmes tous les habitans du Pont-de*Pierre
qui étoient à leurs fenêtres & dans leurs jardins,
regardant avec étonnement un nuage qui paffoit
dans la direction du fud au nord, d’ où partoit ce
bruit. La furprife fut bien plus grande lôrfqu’on
apprit qu’il étoit tombé de ce nuage des pleines
très-groffes & en grande quantité, parmi lefqùelles
il y en avoir de dix, onze, jufqu’à dix-fept livres,
depuis l'habitation des Buat jufqu’à Glô z, èn paf-
fant par Saint-Nicblàs, Saint-Pierre, &c.'&c.'*>
Voilà comment s’expliquent tous ceux qui ont
été les témoins de cet événement extraordinaire.
« Ils entendirent comme un coup de canon, en-
fuite un coup double plus fort que le précédent,
te celui-ci fut fuivi d’un roulement qui a duré
environ dix minutes, & qui étoit accompagné “de
fifflement ; c'eft ce dernier bru’t que nous entendîmes
à Aigle. Tous les payfans furertt très-
effrayés, furtout lés femmes, qui croyoietit que
la fin du Monde étoit proche. Le morceau qui
accompagne ma lettre a été féparé d’iine greffe
pierre qui pefoit onze livres ; elle a été trouvée
entre les Buat & leFutey, Les plus groffes ont été
lancées fi violemment, qu’elles font entrées dans
la terre au moins à un pied de profondeur. Elles
font noires extérieurement, & grifâtres intérieurement
: il femble qu’il :y ait dedans une efpèce
de métal. Il en eft tombé une tout près de M. Bois-
de-Laville, qui demeure auprès de Glciz ; il eut
beaucoup de peur, & il fe faùva fous un arbre ; il
en a trouvé une grande quantité, de 'différentes
groffeurs, dans fa coür, fës blés, d<c. fans compter
toiicès celles que. les payfans ont ramaffées
ailleurs.
» Le Buat l’aîné vient d’arriver, & nous fait
ajouter qu’on a vu un globe de feu plârïer fur la
prairie. »
Notre confrère Leblond , qui habite l' Aigle
depuis plufieurs années, a donné auffi quelques
détails intérèfïans fur ce phénomène dans deux
lettres adrefTéês, le 14 & le 30 floréal, à M. Le-
noir, adminiftrateur du Mufée des m°numens français.
Voici comme il s’explique dans la première :
« Le 6 de ce mois, à une heure après midi, l’air
étant plus froid que chaud , le ciel ferein, on
‘entendit, dans l’efpace de deux myriâmètres, aux
'environs de l’Aigle, un bruit de tonnerre fort
extraordinaire par fôn roulement continu qui dura
cinq à fix minutes accompagné d’explofions
fréquentes femblables à des déchargés de mouf-
queterie. La dire&ion de cet orage, ou plutôt de
'ce phénomène , étoit du midi au nord. Comme
•cet événement a répandu la terreur dans tous les
lieux où on l’a remarqué, plufieurs perfonnes en
ont fait des relations verbales, mêlées fans douie
de quelques exagérations, & parce qu’on aime à
augmenter le danger auquel on s^eft cru expofé,
& parce que ceux qui font de tels récits ne font
pas ordinairement phyficiens. Le réfultat de tous
les récits m’a préfenté deux faits qui ont fixé mon
attention.
«« i° . Un orage qu’on peut regarder comme
extraordinaire, parce qu’il a étéfub it, qu’il s’elt
manifefté dans une affez grande étendue, à la
même heure, dans un court intervalle de teins,
& que l’effroi s’eft répandu partout où ce phénomène
a eu lieu.
»2°. Des pierres trouvées à la fuite de ce phénomène,
à des diftanCes confidérables les unes
des autrès5 pierres que le pays n’offre point ordi-
riairemênt, qui préfentent un certain éclat métallique,
& qui ont tous les-caractère s de fubftan-
Cës foumifes à un feu violént. J’en ai eu fépt entre
les mains, recueillies dans des lieux différens : la
plus forte pefoit dix-fept livres & demie. »
Dans la fécondé lettre, M. Leblond donne des
’détails plus pofîtifs encore. « Une grande explo-
fion eut lieu dans le village de la Vaffollerie : on
y avoit remarqué Un nuage éleétrique, falns pluie
ni grêle. L’explofion fut fuivie d’un -bruit lourd 8c violent, femblable à celui de la chiite d’un
corps très-lourd; fix perfonnes fe trarifportèrent
au lieu d’où ce bruit partoit ; à cinquante mètrts
de diftance, elles virent à l'entrée d’ un pré , un
trou du diamètre d’un boulet de vingt-quatre , &
profond de près de cinq décimètres : on en retira
une pierre pefaftt neuf kilogrammes. Quelques jours
après ,'M. Leblond fe tranfporta lui-même dans la
prairie j il vit que la pierre sfétoit arrêtée fur une
couche de filex, que de petites touffes de gazon
àvoient été éparpillées à l'entour : on lui apporta
fucceflîvement neuf pierres tombées à la meme
"heure à Saint-Nicolas de Sommaire, au Fontanil
■8c dans toute cette région du midi au nord, l’el-
pace de deux à quatre kilomètres de diftance. »»
Outre les deiïx pierres qui m'ont été envoyées
par M. Leblond , l ’une entière , & l’autre ayant
fait partie de celle de neuf kilogrammes, j’en ai
vu une douzaine à Paris, entre les mains de marchands
qui en font un commerce fort avantageux
par le haut prix qu’ils y attachent.
Elles font en général irrégulières, polygones,
fouvent cuboïdes , quelquefois fubcunéi formes,
de diamètres & de poids très-variés, toutes recouvertes
d’une croûte noire, graveleufe, d’une
matière fondue & remplie de petits grains de fer
agglutinés. La plupart font caffées dans plufieurs
de leurs angles, foit par leur choc eritr’èlles, foit
pâr la rencontre des filex fur la terre 5 leur intérieur
reflfemble à toutes les pierres analyfées par
MM. Howard & Vauquelin ; elles font grifes, un
-peu variées dans leur nuance, grenues & comme
écailleufes, fendillées dans beaucoup de points,
remplies dç parties brillantes métalliques-, du,
même afpeét , abfolument comme celles des autres
pierres analogues.
Nous en avons fait l’analyfe, M. Vauquelin 8c
moi, de la manière fuivante, déjà adpptée pour
un travail pareil. Sur la pierre réduite en poudre
fine, on a'verfé de l’acide muriatique un pe u foi -
ble : il s’eft produit une effervefcence affez vive j
il s’eft répandu une odeur de gaz hydrogène, fui-
furé, & la liqueur a pris une, couleur verte très-
prononcée. Le gaz qu’on en a recueilli n’étoic pas
entièrement fqlfuré. On a paffé'deux fois de fuite
de l’acide muriatique pour décolorer la partie in-
foluble j qui s’eft trouvée, après un.lavageexaét,
de la filice pure, faifant plus de la moitiédu poids
total de la pierre. La diffolution muriatique ayeç
excès d’acide a, été traitée par l’ammoniaque qui
en a précipité le fer oxidé , & en a retenu la ma-
gnéfie & le nickel,: on a féparé complètement le
fer en faifant bouillir la liqueur, & pn a obtenu
près de trente-fix pour cent de ce métal faiblement
oxidé. La liqueur contenant un mufiate triple
d’ammoniaque, de nickel 8c de magnéfîe, a
été mêlée avec une folution de potaiïe pour précipiter
la magnéfîe, qui a entraîné avec elle une
petite portion de nickel. On a eu à peu près neuf
pour cent de terre magnéfienne: leau chargée
d’hydrogène ftilfuré nous a fervi enfuite pour fé-
parer l’oxide de nickel, dont nous avons trouvé
environ trois pour cent. Nous ne parlerons pa,s
ici de quelques difficultés qui fe préfentent dans
les détails de cette analyfe ; nous les réferverons
pour un Mémoire particulier ; nous nous contenterons
d’énoncer le réfultat de cet examen. Il nous ,
a donné pour matériaux coaftituans de la pierre de 1
l’Aigle, à très-peu près, les proportions fui-
vantes :
Silice................................................... ..
Fer oxidé....................... 36
Magnéfîe......................... 9
Nickel......................................................... 5
Soufre.................. . . . ................................ 2
Chaux .......................................................... 1
1 q4
Les quatre pour cent d’augmentation tiennent à
l’oxidation des métaux, opérée par l'analyfe elle- ;
même.
§. III. Anqlyfe (fe la pierre d'Enfisheirjî.
La pierre d’Enfisheim, tombée fur la terre vers
la fin du quinzième fièçle , a fait le fuj^t de beaucoup
de récits plus ou moins fabuleux. Les auteurs ;
contemporains en parlent prefque tous. M. Bu-
tonfi:hoen, profe-ffeur d'hiftoive à l’École centrale
éo Colmar , m'a communiqué pluifieurs paffages
intéreftàns, fur la cfiute de eeué pierre. Comme
M/Dedrée en a fait mention ls Memojre i
très inté.reffant qu'il a donné à la Çlafie fur cette
matière, je n’expoferai ici que quelques traits
principaux de cette hiftoire remarquable. Une
chronique manuferite , en allemand, dit que le 7
novembre de l’an 1492 , entre les onze heures 8e
midi, on a entendu , dans les environs d’Enfis-
heim, un terrible coup de tonnerre, & qu’un
enfant a vu tomber 8e frapper dans un champ de
fromÊHt unç énorme pierre qui y étoit entrée, à la
profondeur de trois pieds environ ; elle pefoitalc rs
deux çent foixante livres. Maximilien, roi des
Romains, après en avoir fait détacher quelques
morceaux, la fit fufpendre dans l’églife paroiffiale
d’Enfîsheirr). Depuis la révolution, elle a été transportée
à Colmar , dépofée dans la bibliothèque;
elle ne pefoit plus que cent foixante-onze
livres.
M. Bartholdi, profefleur de chimie à l’Ecole
centrale du Haut-Rhin, a donné, il y a plus de
trois ans, une analyfe de cette pierre : outre la filice
, le fe.r, le foufre & la magnéfîe, i! y annonce
p, 17 d’alqmine, & il la préfente comme une pierre
fecondaire argilo-ferrugineufe, provenant de la
décomppficion des roches primitives, qui aura pu
être déplacée d’une montagne voifine.
La méthode d’analyfe que ce profefTeur a fuivie,
ne lui a pas permis de reconnoître affez exactement
les terres compofant cette produdtion ,
puifqu’il y admet de l’alumine qu’aucune expé-
riencqn’a pu nous y faire reconnoître. Il n’y a pas
non plus trouvé de nickel, & les moyens qu’il a
employés ne doivent pas en effet le lui montrer.
Le préfet du Haut-Rhin , M. Félix Defportes,
toujours dîfpofé à favorifer les recherches utiles
aux fciences,m*a envoyé un fragment de plufieurs
kilogrammes de la pierre d’Enfisheim , contenant
d’un côté une portion de la croûte fondue noire ,
un peu oxidée, Sc préfentant d’ailleurs toutes les
propriétés extérieures des autres pierres tombées de
Ratmofphère. On y trouve des efpèces de petits filons
de fulfpre de fer de de nickel gris 8c brillant.
Nous n’y avons pas renconté de globules de fer
très-fenubles.
Çent parties de cette pierre, traitées par les procédés
déjà décrits, nous ont donné ;
S ilic e .....................................................p y S .
Fer oxidé.................................................. 30
Magnéfîe.................................................. 12
N ick e l..................................................... 2,4
Soufre......................................................
Chaux...................................................... 1,4
Elle contient donc les mêmes principes que la
pierre de l’Aigle; elle n’en diffère que par un peu
moins de fer 8f de nickel, ôt un peu plus de ma-
gnéfie üc de filice ; encore cette différence ne va-
t-elle qu’à quelques centièmes..
En comparant l’analyfe de ces deux pierres i
B b b b 2