
*> M. Elihu Staples remarqua , à l’époque de la
di(parution du météore , qu’elle fut précédée de
trois foubrefauts ou bonds fucceflïfs , après chacun
defquels il parut moins brillant, jufqu’à fon
extinction finale.
»Tels ont été les phénomènes qui ont accompagné
l’apparition de ce météore. Nous omettons
à deflèin de parler des apparences qu’il a pu offrir
ailleurs ; nous laifTons ce foin' aux témoins oculaires}
ils le feront avec plus d’exaétitude que
nous, qui n’en parlerions que par ouï dire. Nous-
paffons aux conféquences des explofions & de l’ex-
tiridtion apparente du corps lumineux, c’eft-à-dire,
à la chute de mafîes pierreufes dans plufieurs endroits,
& en particulier dans la ville même de
Wefton.
» A l’époque de notre recherche , on en avoit
trouvé dans fix endroits différens : les plus éloi-,
gnés étoient à la diftance de fix à dix milles l’un de
l’autre , dans une ligne qui différoit peii de la direction
fui vie par le météore. Il eft probable en
conféquence que les maffes font tombées fuccef-
fivement dans le même ordre, c*eft-à-dire, du nord
au fud. Nous croyons pouvoir défigner trois endroits
principaux où les pierres font tombées, &
qui paroiffent correfpondre aux trois coups entendus
féparément, & aux trois bonds du météore ,
obfervés par M. Staples. Il y eut d’ailleurs quelques
circonftances communes à tous les cas. On
remarqua , par exemple , immédiatement après
l’explofîon, une efpèce de fifflement fourd dans
l’air, qui fut entendu partout, & , autant qu’on
a pu le juger, à l’époque de la chute. Quelques-
uns comparoient ce bruit à celui d’un ouragan;,
d’autres, à celui que produiroit un gros boulet
en mouvement rapide. Tous étoient frappés d’étonnement
, & redoutoient quelque cataftrophe.
Partout ,& immédiatement après ce dernier phénomène
, on entendit un bruit foudain, tel que
doit le produire un corps pefant tombant avec
une grande viteffe*
» i®. La chute la plus feptentrionale a eu lieu
dans le diftriCl d’Huntingdon, vers les limites
de Wefton , à la diftance de quarante à cinquante
verges à l’eft de la grande route de Bridgeport à
Newton , dans un chemin dé traverfe, contigu à
la maifon de M. Merwin Burr. Il étoit lui-même
debout dans ce chemin , en face de fa maifon,
au moment de la chute de la pierre. Le bruit
qu’elle fit en heurtant un rocher de granit
fur lequel elle tomba, fut très-fort. M. Burr n’en
étoit qu’à la diftance de cinquante pieds, & il fe
mit de fuite à chercher le corps qu’il venoit d’entendre
tomber ; mais comme le jour ne paroiffoit
pas encore, il ne le découvrit que demi-heure
après. La pierre avoit été en partie pulvérifée par
le choc : le refte fe trouvoit en fragmens très-petits,
difféminés autour du rocher jufqu a la diftance
de vingt à trente pieds. Le rocher lui-même,
à l’endroit où il avoit été frappé,, étoit taché
d’une couleur de plomb très-foncée. Le plus gros
des fragmens ne furpafloit pas le volume d'un oeuf
d'oie i & lorfque M. Burr le ramafla, il le trouva
encore chaud. En eflimant d'une manière approximative
le volume total de la pierre, d’après la réunion
des fragmens, on peut croire qu'elle pefoic
de vingt à vingt-cinq livres.
» M. Burr étoit fortement perfuadé qu’une autre
pierre étoit tombée dans un champ voifin , &
d'autres ont affirmé la chute d'une malle differente
de celle-là dans un marais à peu de diftance ; mais
on n'a trouvant l'une ni l'autre, il eft probable
que la pierre dont on vient de parler, & toutes
celles qui font tombées iîmultanément, proviennent
de la première des explofions du météore.
» 1°. Les malfes lancées dans la fécondé ex-
plofion paroiffent être principalement tombées
chez M. Prince, & dans fon voifiuage, à Wefton
diftant d'environ cinq milles, du côté du fud , ’diî
domicile de M. Burr. M. Prince & toute fa famille
étoient encore au lit lorfqu'ils entendirent
d'abord les explofions ; enfuite, & immédiatement
après, un bruit fcmblable à celui qu’occafionnero J U
chute d'un corps très-lourd. Ils efiayèrent de former
quelques conjeétures, mais peu ütisfaifantes, fur
la caufe de ce bruit. On apperçut bien enfuite dans
le gazon, en face & à vingt-cinq pieds de la
porte, un trou telqUe celui qu'on auroit pu faite
pour planter un gros pieu. Cette obfervation ne
les mit fut la voie d'aucune autre recherche, que
de s'informer pourquoi on avoit voulu planter
un pieu dans un endroit où rien n'en indiquoit la
convenance, tant les individus de cette famille
étoient éloignés de concevoir qu'il put tombée
des pierres de l’atmofphère. Ils a voient bien préfumé
vaguement quejee trou pourroit être l’effet
d'un coup de tonnerre ; mais ils ne feroient probablement
pas allés plus loin s'ils n’euflTent appris
dans la même journée, qu'il étoit tombé des
pierrres dans divers endroits de la ville. Cette c,r-
conftance lesfieqgagea, dans la même foirée, à
creufer à l’endroit où le trou étoit déjà fait, dans
le gazon, & ils trouvèrent au fond un e pierre en-
fevelie à la profondeur de deux pieds fous la
terre meuble qui l’avoit recouverte. Le trou
avoït environ un pied de diamètre ; & comme
la terre étoit molle & fans mélange de pierrts,
la malle tombée étoit demeurée prefqu'entière,
& feulement écornée dans deux ou trois endroits :
elle pefoit environ trente-cinq livres. D’après ce
que nous en avons ouï dire, c’étoit un fuperbe
échantillon (a noble fpecimen )., & les naturalises
auront toujours à regretter qu'un tréfor auflï précieux
ait été mis en pièces prefqu’immédiatemenr.
Le plus gros des fragmens, pefant environ douze
livres, a été acheté par M. Bronfon de Greenfield,
dans l'intention libérale de l'offrir en cadeau à
quelqu’un de nos Mufées.
». Six jours après on découvrit une autre mafle,
à un demi-mille au, nord-ouefl; de la maifon de
}A. Prince, On fut conduit à la recherché par les ]
indications de quelques perfonnes qui avoient ,
entendu le bruit de la chute, & les nommés Gé- :
déon Hall & Ifaac Fairchild trouvèrent au fond ;
d’un trou une pierre qui pefoit une dixaine de livres,
niais qui étoit brifée en plufieurs fragmens
par le choc qu’elle avoit éprouVé en tombant fur un morceau de gneifs détaché, qu’elle avoit fendu
en deux, & quil’avoit fracaffée elle-même.
» Les mêmes individus nous dirent qu’iîsfoup-
connoient qu’une autre pierre étoit tombée non
loin de celle- là ; -ils avoient entendu un bruit
venant du même coté, un peu à l’eft. Lorfque
nous revînmes dans cet endroit après une excur-
fion de quelques heures dans une autre partie de
la ville, nous eûmes la fatisfaétion de voir la conjecture,
fe vérifier par la trouvaille d’une mafle
pefant treize livres, qui étoit tombée à un demi-
mille au nord-eft de la maifén de M. Prince.
Comme la chute avoit eu lieu dans un champ
labouré , où il n’y avoit que. peu ou point de
pierres, celle-ci s’étoit feulement fendue en deux.
Nous achetâmes l’une^ies moitiés, qui offroit,
dans un degré remarquable, toutes les propriétés
qui caraétérifent cette clafle de pierres. Ces échantillons
ne tardèrent pas à acquérir une valeur vénale;
car ces bonnes gens difoient que, puifqu’il
avoit plu à Dieu de faire pleuvoir fur eux ce
tréfor, ils dévoient chercher à en tirer parti à-
leur plus grand avantage. D’autres, en revanche,
perfuadés que ces pierres contenoient de l’or &
de l’argent 3 les fournirent à toutes les tortures de
l’ancienne alchimie ; màis ni le creufet de l’orfé-
vre, ni la forge, ni l’enclume, ne purent y faire
trouver des richeffes qui n’exiftoient que dans
l’imagination des propriétaires de ces échantillons.
» On trouva une cinquième mafle à deux milles
au fud-efi de la maifon de M. Prince, au pied de
la colline de Tashowa. M. Éphraïm Porter & fa
famille l’entendirent, & la virent tomber à la diftance
de quarante verges. Ils apperçurent comme
une fumée s’élever de l’endroit, & une' fumée
femblable parut auflï fur la colline même où les
mêmes perfonnes difoient avoir entendu tomber
une autre pierre. A l’époque de la chute, n’ayant
jamais ouï parler d’un phénomène de ce genre,
ils fuppofèrent que le tonnerre étoit tombé là ;
mais au bout de trois à quatre jours , lorfqu’ils
entendirent parler des pierres trouvées dans leur
voifinage, ils fe mirent à la recherche, & découvrirent
auflï une mafle pierreufe dans la grande
route, à l’endroit même qu’ils fuppofoient avoir
été frappé du tonnerre. Elle étoit enfevelie à deux
pieds de profondeur ; le trou avoit environ vingt
pouces de diamètre , & fon bord étoit bleuâtre
par l’effet de ia pouflière de la pierre que le choc
avoit fait rejaillir.
» Elle fe trouva brifée en fragmens de diverfes
grofîèursj raffemblés, pouvoient pefer de
vingt à vingt-cinq livres. Le trou annonçoit une
chute très-violente ; le gazon étoit fort déchiré *
& en partie lancé à diftance.
>» Il eft probable que les quatre dernières pierres
dont on vient de parler, avoient été détachées à
l’époque de la fécondé explofion , & fi l'on en
trouvoit encore une fur le coteau voifin, il Fau-
droit indubitablement la rapporter à la même période.
. » 3°. Enfin, nous arrivons à celle qu'on peut
appeler lu catajirophe de ce grand fpe&acle.
» Une mafle de pierre .qui furpafloit de beaucoup
les volumes réunis de toutes celles dont on vient
de parler, tomba dans un champ qui appartient à
M. Élijah Secley, à trente verges de fa maifon.
» La chute de cette pierre fut accompagnée d’une
circonftance particulière. M. Elihu Staples habite
fur la colline au pied de laquelle, cette mafle -eft:
tombée j il fut témoin de la première apparition,
du progrès & des explofions du météore. Après
la dernière il entendit un bruit, comme d’un tourbillon
, à l’eft de fa -maifon & au deffus de fon
verger, qui eft fitué dans la pente du coteau. Au
même inftant une traînée de lumière paffa fur le
verger en formant une grande courbe, & elle
fembla pénétrer dans le fol même. On éprouva
une fecouffe, & on entendit-un bruit tel que celui
qu’occafionneroit un corps pefant en tombant à
terre ; mais comme on n’avoir jamais entendu
parler de pierres tombant des nuages, perforine ne
devina la caufe réelle de ce bruit, & on fuppofa
que c’ étoit le tonnerre qui étoit tombé dans cet
endroit. Trois ou quatre heures après l’événement,
M. Secley fe rendit dans fon champ pour
vifiter fes beftiaux. Il trouva que quelques-unes de
fes bêtes à cornes étoient rentrées dans l'enclos
voifin , & tous les animaux paroiffbient être encore
frappés de terreur. En continuant fa route ,
il fut lurpris de voir une partie du terrain qui
avoit été récemment aplani & gazoné, toute bou-
levérfée, & offrant des fignes récens & évidens
d’ une a&ion violente. En arrivant enfin à un certain
endroit de ce même fo l, il y trouva entaffés
des fragmens d’une pierre dont l’apparence étoit
fingulière, & il appela de fuite fa femme pour lui
montrer ce phénomène remarquable.
» Ici on voyoit les traces les plus frappantes
d’un choc très-violent. Une arête de fehifte micacé,
prefque de niveau avec le fol & defeendant
au fud-eft comme le coteau lui-mêmè, avoit été
brifée en éclats, fur une certaine étendue, par le
choc de la pierre , qui avoit ainfi reçu une direction
encore plus oblique, & étoit entrée en terre
à la profondeur de trois pieds , en fe creufant un
foflé de cinq pieds de long, fur quatre & demi d®
large, & en jetant de greffes maffes de gazon &
de fragmens jufqu’à la diftance de cinquante &:
même de cent pieds j & lors même qu’on n’auroit
vu ni météore ni lumière, & qu’on n’auroit entendu
ni explofion ni choc > on n’auroit pu douter,