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minutieufes de leurs _ fur faces, de leurs moindres
inégalités , de toutes leurs parties , étoient déjà
complètes 3 les grands travaux de Vefale, de Co-
lumbus j de Riolan, de Clopton-Havers , d’Albi-
nus y de Monro , de Bertin & de beaucoup d autres
célèbres anatomiftes avoient porté cette partie
defcriptive à fa perfection : on avoit. même.
fait beaucoup de recherches curieufes fur l’oftéo-
genie ou la formation des os, & les préc.ieufes
découvertes de Kerkringius , de Duhamel , de
Fougeroux, de Haller, de Troja, &c. avoient
déjà porté quelque jour fur cette belle partie de
la phyfîologie , avant que les .chimiftes eufftnr
trouvé la véritable nature de ces organes. Jufqu'en 1774 on sdétoit contenté de diftilier les os 3 d'en
déterminer inexactement les produits, d'en ranger
* vaguement la bafe folide parmi les terres 3 quoiqu'on
eût entrevu qu'elle confhtuoit une terre
particulière. Papin, Hériffant, Laffone, Haller,
avoient foigneufement diftingué & prouvé , par
quelques expériences, que les os étoient formés
de deux fubftances différentes} une gélatineufe,
fufceptible de fe diffoudre dans l'eau bou.liante,
& de former une gelée qu’on favoit préparer pour
plufieurs arts 5 & une autre fubftance qu’on avoit
regardée comme calcaire ou ablorbante lorfqu’une
de ces découvertes capitales, faites pour changer
la face de la feienee, fut faite par deux.chimiftes
fuédois. Gahn & Schéèle prouvèrent, par des
‘ expériences exaCtes, que la prétendue terre offeufe
étoit un fel terreux compofé d'acide phofphorique
& de chaux, qui ne pouvoit pas par conséquent
fe changer en chaux par l'aCtion du feu, ni faturer
les acides à la manière d’une terre abforbante
ordinaire. Cette découverte fut bientôt confirmée
par un grand nombre de chimiftes, & furtout en •
France, où le procédé de décompofition des os
fut Amplifié, ainfî que l'art d'extraire le phof-
phore, par Rouelle le jeune, Macquer, Poulle-
tier , de la Salle, Nicolas de Nancy &T Berniard.
On verra bientôt que, dans un dernier travail qui
nous eft commun à M. Vauquelin & à moi , nous
avons ajouté une nouvelle précifion à l’analyfe du
phofphate calcaire dés os.
Les os, expofés au feu avec le contaCt de l'air,
fi l’on commence par une température douce, fe
deffèchent d'abord & deviennent caffans : bientôt
«ne huile graiffeufe s’échappe de leur intérieur,
& vient jaunir leurs couches externes. A la vapeur
aqueufe qui s'en exhale d'abord, fuccède, lorf-
qu'on augmente le feu , une odeur fétide & graffe 5
la furface offeufe brunit, une vapeur blanche épaiftè
s'en dégage } la flamme s’en empare, & ils continuent
à brûler jufqu’à ce que toute l'huile en foit
diffipée. Alors ils font noirs & charbonnés fi on
les laiffe refroidir ; mais en les chauffant affez pour
les faire rougir, leur matière charbonneufe brûle
de leur furface jufqu'à l'intérieur , & ils font enfin
changés en une fubftance blanche, friable, indif-
foluble dans l’eau : tels font les os calcinés dont
o s
j on fait urage dans les arts pour frotter & polir le
diamant, pour fabriquer des coupelles. Ces os calcinés,
leflivés dans l'eau &r par les acides, donnent
un peu de carbonate de fonde, de carbonate
de chaux , & une grande quantité de phofphate
calcaire. La proportion de cetre fubftance falino-
terreufe, par rapport à I’oj entier, eft de.0,6$ ,
termè moyen de beaucoup de variétés relatives à
rage , à l'état de cet organe., à fafolidité , &'c. Si
l’on fait fortement rougir des os calcinés3 ils éprouvent,
en exhalant une lueur phofphorique jaunâtre
dont ils femblent être pénétrés, une demi-fulion
qui les rapproche de l’état de porcelaine. Ils ont
un grain ferré, fin, demi - vitreux ; une denfité
très-forte, une demi-tran.fparence , & cet afpeCt
doux qui appartient à toutes les terres vitrifiées.
En traitant les os dans des appareils fermés, en
les diftillant dans une cornue, depuis la plus légère
température qu'on a coutume d'employer dans
cette opération , jufqu'au plus haut degré de feu
que les vaiffeaux puiffent fupporter, on obtient
de l'eau qui prend peu à peu de la couleur &
l'odeur ammoniacale hujleufe, de l'huile en partie
liquide & légère, en partie lourde 8r concrète,
colorée en rouge-brun , d’une grande fétidité & du
carbonate & du pruffiate d'ammoniaque en ai Ablution
dans l'eau & fous forme concrète , falis par
une portion d'huile ; du gaz hydrogène carburé,
fuifuré , & du gaz acide carbonique. Il refte dans
la cornue un charbon qui retient la forme des os.
En examinant avec foin l'eau affez abondamment
obtenuejdans cette diftillation, on y trouve, outre
le carbonate ammoniacal, un peu d'acide fébaci-
que uni avec l'ammoniaque : l’huile épaiffe, féparée
des autres produits & foumife à une rectification,
devient en partie liquide, volatile, d'une
odeur prefqu'aromatique, & en tout fembl.able à
celle qu'on nomme huile animale de Dippel : elle
eft toujours un peu ammoniacale, &r verdit le firop
de violettes. Le charbon calciné dans des vaiffeaux
ouverts , & pouffé au blanc, donne les mêmes ré-
fultats que ceux qui ont été énoncés ci-deffus.
Autrefois les produits de la diftillation des os
étoient employés en médecine, & on préféroit
ceux qui provenoient, ou du crâne humain, ou
du bois de cerf. On voit bien que ces phénomènes
de la combuftion & de la diftillation des os3 les
vapeurs, l’inflammation, les produits liquides &
gazeux, font dus à la partie gélatineufe ou vraiment
animale de ces parties} car les Tels terreux ne
peuvent en être, ou la caufe, ou la fource.
Les os3 expofés à l’air, s'y deffèchent peu à peu :
ils deviennent caffans & arides 5 ils blanchiffenc
lorfqu'ils font long-tems frappés par la rofée} ils
jauniffent enfuite, furtout à la longue & pendant
les tems chauds : en fe colorant, ils deviennent
gras & huileux à leur furface. Après beaucoup de
tems, brunis par une forte de combuftion lente,
ils fe délitent, fe fë parent en petites écailles, &
tombent en pouflière. C’eft ainfî qu’ils fe détruisent
fent peu à peu dans les campagnes & les cimetières
j mais des fîècles fuffifent à peine pour opérer
cette deftruCfcion difficile. J'en ai examiné qui
avoient féjourné près de trois cents ans dans un
charnier, défendus à la vérité'de l'eau de la pluie,
& qui, très-durs & très-élaftiques encore, con-
tenoient prefqu'entière leur partie gélatineufe,
Vanfw'ieten cite un fquelette confervé dans fon
mufeum , dont les os fe détruifoient fpontané-
ment, & tomboient en pouffîère par l'effet d’un
virus qui, fuivant lu i, fubfiftoit- encore dans ce
fujet, & réagiffoit fur le tifiii & la compofition de
les os. On fait que ces organes reçoivent & font
germer facilement de petites graines de végétaux
qui en recouvrent la furface d'une mouffe verdâtre}
qu'enfouis dans la terre, ils admettent dans
leurs pores du carbonate de chaux que l'eau dépote
entre leurs couches en les privant d'une
partie de leur gélatine } que quelquefois ils en font
encroûtés, &r prennent improprement le nom d’oj
pétrifiés i enfin que, pénétrés par une diffolution
d’oxide de cuivre ou de fels de fer, ils fe teignent
en vert & en bleu %y ils portent alors le nom de
turquoijes.
.L'aCtion de l'eau fur les os eft un des phénomènes
les plus anciennement connus, & celui qui
a été employé avec le plus de fuccès pour en déterminer
la nature. L'eau froide n'agit que très-
lentement fur ces organes. Quand ils y féjournent
quelques jours , elle en pénètre peu à peu les
pores} elle divife & écarte leurs lames} elle ramollit
leur parenchyme gélatineux : leur fuc médullaire
fe change facilement en matière adipoci-
reufe. L'eau bouillante en attaque le tiffu lorf-
qu'on les a auparavant réduits en petits fragmens,
en copeaux, en pouflière ou en lames minces ;
elle diflbut leur matière blanche cartilagineufe,
8c la change promptement en gélatine très-pure-:
c’eft même avec ces corps que l'on prépare la
gelée la plus blanche} la plus tranfparente, la plus
douce & la plus fufceptible de recevoir toutes les
faveurs, tous le s parfums, tous les affaifonnemens
les plus variés. On extrait ainfî un aliment léger
& agréable de la corne de cerf : ainfî l'ivoire & les
os fourniffent une nourriture utile dans quelques
circonftances. On ramollit la fubftance gélatineufe
des os dans ces organes tout entiers, lorfqu’on les
foumet à l'aCtion de l'eau élevée à une température
bien fupérieure à celle de fon ébullition ordinaire
, comme cela a lieu par la comprcflion forte
dans la machine ou le digefteur de Papin, où les
os les plus folides fe ramolliflent en quelques minutes.
Ces corps ainfî privés de leur fubftance
gélatineufe par l'eau deviennent enfuite, lorfqu'on
les chauffe lentement, fecs; caftans & friables}
leurs lames fe féparent facilement les unes des
autres. Je n'ai parlé ici que de l'aCtion de l'eau fur
les lames offeufes pures & féparées de tout ce qui
fie leur appartient pas. La proportion de cette
gélatine, extraite des os par le moyen de l’eau,
Chimie, ! Tome V.
paroit être de 0,2y à 0,55. Si l’on chauffe dans ce
liquide des os entiers & frais, leur périofte, ainfî
que les tendons & les ligamens qui y reftent attachés,
s’y diflbut & augmente la proportion de
gélatine : leur moelle fe fond & fe raffemble à la
furface fous là forme d'huile. Voilà pourquoi iis
contribuent à la qualité alimentaire & à la congélation
du bouillon. L'eftomac & la force digeftive
opèrent encore mieux que l’eau chaude la décompofition
des os3 & les animaux qui les prennent
pour alimens les-rendent privés en grande partie
de leur matière gélatineufe, comme on le prouve
par l'analyfe chimique des excrémens des chiens
oftéophages, excrémens fi ridiculement nommés-
autrefois, en matière médicale, album gr&cum.
11 y a long-tems qu’on fait que les acides les
plus roibles ont la propriété de ramollir les os,
& d’en diffoudre la partie qu'on nommoit terreufe.
Hériffant , en examinant avec quelque foin ce
phénomène dans un Mémoire inféré parmi ceux
de l’Académie des fciences de Paris pour 1758 , a
cru trouver, dans l'acide nitrique avec JequeJ il
ramolliffoit les os qu'il y laiffoic tremper en dif-
folvant leur terre qu'il croyoit crétacée fans toucher
à leur partie cellulaire membraneufe y un
moyen d’ifoler les deux matériaux conftituant ces
organes. Haller a vérifié ce ramolliffement même
par l’acide acéteux & le jus de citron : il a foup-
çonné que, dans le ramolliffement des os par l’effet
des maladies, il y avoit un acide qui les rongeoit
ainfî. Tous les chimiftes ont vu enfuite qu’ une
diffolution des os dans les acides précipitoit, par
.les alcalis, une matière comme terreufe, qui n’a-
voit pas là propriété de devenir de la chaux vive
par la calcination. C'eft à Schéèle qu'eft-due la
véritable connoiffance de ce phénomène. Après
avoir diffôus, comme Hériffant, des os dans l'acide
nitrique, il a filtré la liqueur} il a reconnu que
cette liqueur, toujours acide, quoique farurée de
tout ce qu’ elle pouvoit diffoudre d'oj, précipitoit
du fulfate de chaux par l'addition de l'acide fulfu-
rique concentré, & qu’après cette précipitation,
la diffolution, tirée à clair & évaporée dans une
cornue, donnoit l’acide nitrique volatilifé, & laif-
foit de l'acide phofphorique qu'on fondoit en verre
par une châteur fuffifante. Il a conclu de cette
expérience, que l'acide nitrique déeompofok le
phofphate de chaux, bafe des os ; que leur cl i Ablution
dans cet acide étoit un mélange de nitrate
calcaire & d'acide phofphorique 3 qu'en décom-
pofant le premier par l'acide fulfurique & en réparant
le fulfate de chaux précipité , il ne reftoiî
plus qu'un mélange des deux acides nhofp
& nitrique, & que ce dernier mélange chauffé
laiffoit dégager l'acide nitrique volatil, 'tandis que
l'acide phofphorique fixe reftoié au fond de' la
cornue. On verra bientôt que les chofes ne fe
paffent pas exactement de cette manière: il 1
expofer, avant de-le prouver, ce que les chimi
ont fait fur cette action des acides entre i’épocue