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« 2e. Fendre le caillou ou l'écailler.
” La principale opération de l'art eft celle de
bien fendre le caillou, c'eft-à-dire, de lui enlever,
des écaiiles de la longueur , groffeur & forme qui
Conviennent enfuite pour en faire des pierres à
fufit; c'eft celle qui demande le plus d’adreflè &
la main la plus fure.
m La pierre^ n'a point de fens particulier pour fa
enflure, & s'écaille également dans toutés les directions.
w L’ouvrier tient le morceau de caillou dans fa
main gauche non foutenue.
» Il frappe avec le marteau au bord des grandes
faces produites par les premières ruptures , de
manière^ à enlever l'écorce blanche de la pierre en
petites écaillés, & a mettre à découvert le filex,
enfuite il continue à enlever d'autres écailles
ou le filex eft pur.
” Ces écailles ont à peu près un pouce & demi
( quatre centimètres) de largeur, deux pouces & ;
demi ( huit centimètres ) de longueur, & deux
lignes ( quatre à cinq millimètres ) d'épaiffeur dans
le milieu.
99 Elles font légèrement convexes en deffous,
& elles laiffent par conféquent dans le lieu qu'elles
occupoient, un elpace légèrement concave, terminé
longitudinalement par deux lignes un peu
Taillantes, à peu près droites. Ces fortes d’arêtes,
produites par la rupture des premières écailles,
doivent fe trouver enfuite vers le milieu des
écailles enlevées fubféquemment, & les feules
écaiiles où elles fe trouvent peuvent fervir à faire
des piertes a fufil.
J On continue ainfi à fendre ou écailler la pierre
en différons fens, jufqü'à-ce que les défeétuofités
naturelles de la maife rendent impoffibles les caf-
fures que l'on exige, ou que le morceau fe trouve
réduit à un trop petit volume pour recevoir les
petits coups qui forcent le filex a éclater.
.v ;6. Faire la pierre.
*- On (bilingue dans la pierre a fufil cinq parties.
»> t ü, La miche, partie qui fe termine en bifeau
prefque tranchant, & qui doit frapper fur la batterie.
La mèche doit être de deux à trois lignes
(cinq à fept millimètres) de largeur; plus large,
elle feroit trop fragile ; plus courte, elle donne-
roit moins d'étincelles. .
n 2°. Les flancs ou bords latéraux, qui font toujours
un peu irréguliers,
” 3°. Le talon, qui eft la partie oppofée à la
mèche, & qui a toute l'épaiffeur de la pierre.
“ 4°. Le dejfous de la pierre, qui eft uni & un peu
convexe.
" 5°. L'âjJis, qui eft la petite face fupérieure
placée entre l'arête qui termine la mèche & le
talon ; elle eft légèrement concave’. C'eft fur elle
qu'appuient les mâchoires du chien de la batterie
pour le maintenir dans fa place.
” Pour faire la pierre on choifit donc des écailles
jjui aient an moins une arête longitudinal? ; on
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1 détermine lequel des deux bords en bifeau doit
! faire la mèche, enfuite on appuie fuccelfivement
] les deux côtés de la pierre qui doivent faire 1< s
i flancs & la partie qui doit former le talon fur le
tranchant du cifeau, en luipréfentant la furface
convexe que l'on foutienc avec l'index de la main
gauche, & l’on frappe avec la roulette de petits
coups au deffous du point d'appui que préfente le
cifeau > la pierre fe rompt alors exactement dans la
ligne qui porte fur le cifeau, comme fi elle avoit
été coupée. On façonne ainfi la pierre fur fes flancs
& dans fon talon.
» 4®. La pierre ainfi réduite à la forme qu'elle
doit avoir, on finit par ce qu’on nomme la raffiler, \
c eft-à-di*e , perfectionner fon tranchant eh le
mettant en ligne droite. Pour cela, on retourne la
pierre y on appuie les bords de la mèche fur le
cifeau , & cinq à fix petits coups de roulette donnent
la dernière façon à h pierre.
M Toute l’opération de faire une pierre ne prend
pas une minute.
»Un bon ouvrier peut préparer mille bonnes
écailles dans un jour s'il a de bons cailloux, &
faire , également dans un jour, cinq cents pierres a
fußt: ainfi en trois jours il fendra & finira à lui feul
mille pierres à fufil. •
** Ce métier laiffe beaucoup de déblais j ils s’élèvent
à environ les trois quarts, parce qu'il n’y a
xguère que la moitié des écailles qui foient bonnes,
que près de la moitié de la mafia, dans les meil- i
leurs cailloux, ne peut pas être écaillée, & qu’il
eft rare que le plus gros bloc fournifle plus de
cinquante pierres a fufil.
M Les écailles qui ont de la croûte ou qui font
trop épaiffes pour en faire des pierres à fufil, fervent
à faire des pierres à briquet j celles que l'on
vend à Paris viennent des bords de la Seine, &
font ordinairement bonnes.
« Les pierres , lorfqu'elles font complètement
façonnées, fe partagent en differentes fortes, qui
ont différens prix , félon leur perfection $ elles fe
vendent depuis quatre jufqu'à fix décimes le cent:
on a donc des pierres fines 3 pierres communes, pierres
de pifiolet, pierres de moufquet, pierres de fufil de
chaJJ'e.
« La fabrication & le commerce des pierres a
fufil n’appartiennent en quelque forte qu'à trois I
communes du département de Loir-&-Cher, &à
une du département de l'Indre, ainfi que je l'ai
déjà dit j favoir : au département de Loir-&-Cher,
la commune de Noyers, à deux mille qnatre cents
mètres à l'eft-nord-eft de Saint-Aignan i celle de
Couffy, à cinq mille fix cents mètres, & celle de
Meunes, à un myriamètre à l'eft-fud-oueft i &
dans le département de l’Indre, la commune de |
Lye, à neuf kylomètresau fud-eft de Saint-Aignan..
Les habitans de ces communes, adonnés à ce genre
de travail, montent à peu près à huit cents , &
ils s'en occupent fans doute depuis l'époque où
on 4 fubftituç une pierre aux pyrites quiavoient
remplacé
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remplacé la mèche dont on s’étoit fervi lorfque les
oioufquetons furent inventés : aufli ces ouvriers
ont-ils excave prefque toute la plaine qu’ils habitent,
& qui recèle les cailloux.
»».Un feul ouvrier, nommé Étienne Buffet,
échappé de la commune de Meunes & habitant
fur les bords de la Seine depuis plus de trente ans,
y a apporté fon art fans y avoir fait un élève.
C'eft de lui que j'ai reçu des leçons de cette fabrication.
« Il y a encore dans quelques autres parties de
la France de petires manufactures de pierres afufil,
une entr’autres , commune de May fie, fur la rive
droite du Rhône, à quinze cents toifes nord-nord-
eft de Rochemaure, chef-lieu de canton du département
de l'Ardèche j mais aucune d'elles n’a
l ’importance de celles qui font voifines de SaiDt-
Aignan, qui en expédient beaucoup à l'étranger.
»3 Dans les pays étrangers que j'ai parcourus, je
ne fais aucun lieu où cet art foit exercé, fi ce n'eft
dans le territoire de Vicence & dans un canton de
la Sicile. Il fe peut qu’il exifte dans plufieurs autres
lieux, où il n'eft pas regardé comme affez important
pour être indiqué à l'attention du voyageur
(i). »
Extrait £ un Mémoire de M. Salivet fur la fabrication
des pierres a fufil dans les départemens de
lIndre & de Loir & Cher, par F. P. N. Gillet-
Laumont, avec 1‘indication de quelques autres lieux
ou il s3en fabrique également„
Depuis la kCture du Mémoire de M. Dolomieu
à rinftitiit, le Confeil des mines a eu connoiffance
d'un Mémoire fur la fabrication des pierres à fufil
des environs de Saint-Aignan, fait par M. Salivet,
commiffaire envoyé, en l’an 2, fur les lieux par
j'adminiftration des armes portatives. Ce Mémoire
intéreffant, ayant pour but principal la partie ad~
(i) La Norwège n’ a ni c raie , ni f i le x , ni calcédoine,
ni agates ( Voye^ Mémoires de l’Académie de Copenhague,
vol. I I , pag. 126 , 329. Dette land ikke eyer den rette flin~
tefteen) \ la Suède n’en a que dans les plaines de Scanie ,
ou Linné en a trouvé. ( Voye% fon Voyage en Scanie. ) Le
Danemarck a dans l’île de Séelande, aux bailliages de W o r -
dingborg & de T a xo ë, quelques collines de craie renfermant
des bancs de filex. L a plus remarquable eft celle que . l’on
nomme Stevnsklint. Hacquet a reconnu de fort bons filex
pyromaques en Podolie bc P ocu tie , notamment dans des
collines argilo-calcaires, fur les bords de la Podhorce, à 1 embouchure de cette rivière dans le Dniefter. L ’armée impériale
, fuivant cet auteur, s’approvifionne maintenant de
pierres à fufil dans cette partie de 1’ ancienne Pologne. Le
meme naturalifte a donné, dans le cinquième volume du
Magafin helvétique, une defeription détaillée de la fabrication
des pierres à fu f il, avec la figure des outils qu’on y
emploie. Il prétend que les filex de Podolie font fupérieurs ,
pour cet ufage , à ceux de France même ôc d’Angleterre. L e
magafin de ces pierres à fufil était en 1789 à Nizniow : on en
avait préparé plus de 90,000 en deux .mois. ( Cette note eft de
M. Coquebert. )
Chimie. Tome Wt
miniftrative, contient plufieurs faits déjà rapportés
! dans.celui de M. Dolomieu, & d’autres qui ajoutent
des détails nouveaux ou des éclairciffemens
utiles à cet art intéreffant. On va rapporter ici ce
qu’il contient de plus important relativement à
l'arc.
« D’après M. Salivet, les deux communes où
l’on fait le plus de pierres a fufil, font, fur la rive
gauche du Cher, celle de Couffy, compofée d'une
infinité de hameaux où demeurent une grande partie
des ouvriers caillouteurs, & celle de Meunes»
où il y eh a un affez grand nombre. Les carrières
d’où fis extraient les cailloux occupent un efpace
de plus d'une lieue carrée (feize kilomètres carrés).
Dans la commune de Lye il y a peu d'ouvriers, &
dans celle de Noyers, fur la rive droite du Cher,
il y en a encore moins,
» Le'fol qui recouvre les bancs où fe trouvent
les cailloux , eft en général d'une qualité médiocre.
La furface en eft fabloneufe , propre à h vigne ;
les parties baffes font abreuvées d’eau, & contiennent
de belles prairies.
33 Les cailloux propres à être taillés en pierres a.
fufil fe trouvent, par bancs horizontaux, à la profondeur
de quitorze mètres & demi à feize mètres
(environ quarante-cinq à cinquante pieds
d’ancienne mefure ) dans une terre crayeufe &
marneufe , molle & géLtineufe; ils font couverts
d'une croûte de craie blanche d’un, deux, jufqu'à
trois centimètres d’épaiffeur.
33 Les ouvriers caillouteurs font rarement propriétaires;
mus ils s'affocient cinq ou fix, & achètent
le droit de fouiller fur environ un demi-
arpent , qu'ils payoienr, vers le milieu de l’an 2 ,
quatre cent à cinq cent vingt francs. Ils exploi<-
tent la couche de cailloux propres à faire des
pierres à fufil par des excavations horizontales, à
la profondeur d’environ feize mètres ( près de
cinquante pieds- ) , dans lefquelies ils defeendent
par plufieurs petits puits difpofés en gradins, que
l'on appelle carrières , caves ou crocs.
» Ils commencent par creufer , dans un terrain
ordinairement fabioneux, une large excavation à
peu près ronde , de treize à feize décimètres
( quatre à cinq pieds) de profondeur. Etant alors
parvenus dans un terrain plus folide, ils ouvrent
dans ce trou un puits de forme rectangulaire, de
feize à vingt décimètres (cinq à fix pieds) de
longueur, fur fept ( deux pieds) de largeur, & ils
le creufent de trente à trente-deux ( neuf à dix
pieds ) de profondeur.
33 Ils font enfuite un fécond puits de pareille
ditnenfion, mais non à l'à-plomb du premier. Pour
cela ils pratiquent horizontalement, à la profondeur
de fix à fept décimètres (deux pieds), fur
toute la longueur d’un des^côtés longs du premier
puits, une efpèce de njçhe ceintrée. C'eft à cet
à-plomb qu’ils foncent leur fécond puits de la
même profondeur que le premier. Ils eti creufent
de même un troifième, puis un quatrième s’il eft
Y y y