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JMatière qui fa t a la fabrication de la pierre afufil. J
»s En général , les pierres de toutes fortes , f
lorfqu’elles font lufceptibles de produire de vives
étincelles en choquant contre l'acier , pourroient
fervir de pierres a fufil 3 comme elles fervent toutes
de pierres à briquet, l ï , au même degré, elles
étoient propres à recevoir 3 par des moyens faciles
& peu coûteux, la forme convenable à la
place qu'elles doivent occuper dans la platine
d'un fufil. Cependant, même dans ce cas, ces
pierres, d'efpèces différentes, pourroient encore
préfenter quelques motifs de préférence : fans
doute on choiflroit parmi elles toutes celles dont
on obtiendroit une fcintillation plus vive, produite
par un moindre choc5 celle qui, en donnant
l’étincelle qui doit enflammer la poudre , al-
téreroit le moins la furface de l'acier contre lequel
elle doit frapper j & ces raifons de prédilection
feroient déjà en faveur de l'efpèce de pierres
dites filicées, lesquelles ont un grand avantage, à
cet égard, fur les pierres dites quart\eu\es, qui dé-
truiroient bientôt la batterie du fufil où elles feroient
employées. Mais les Alex proprement dits,
à cette première forte de fupériorité, joignent encore
celle que leur donne leur genre de caffure,
qui les rend fufceptibles d’être divifées en éclats y
lefquels n’exigent enfuite que bien peu de travail
pour prendre la forme & les dimenfionS defirées.
Audi eft-ce parmi les Alex que les tailleurs de pierres
afufil ont trouvé la matière vraiment propre à
l'exercice de leur art* mais parmi les nombreufes
variétés qui appartiennent à cétte efpèce de pierre,
il n'en eft qu’une que le feul marteau puiffe bien
façonner. Les agates & les calcédoines, dont on
fait aufli des pierres afufil, ne reçoivent une forme
convenable que par la taille fur la meule.
39 Les tailleurs de pierres a fufil nomment caillou
la pierre qu’ils emploient, & fe nomment eux- 1
mêmes caillouteurs. Ce mot caillou, qui flgnifie
pour eux la pierre par excellence, qui, dans les
autres parties de la France , n'indique qu’une
pierre ifolée & arrondie, de quelque nature qu'elle •
foit, eft devenu auffi le nom par lequel beaucoup
de naturaiiftes français déflgnent les Alex, peut-
être parce que la plupart des pierres ifoîées des
environs de Paris & des pays calcaires font de
cette nature. .
« Le caillou des ouvriers en pierres afufil appar- :
tient à la forte de Alex que les naturaiiftes ont ;
nommée filex gregarius , filex ignarius, filex creta-
ceus 3 filex vulgaris, filex vagus , ■feuerftein des Al-
lemands , &c. Mais tous lés Alex dits grojfiers-,;
parce qu'ils n’ont ni l’éclat ni la beauté des calcédoines
& des agates , tous ceux qui exiftent épars
dans les champs pour avoir été arrachés accidentellement
aux lieux de leur origine, tous les Alex
que renfermenrtes craies ne font, pas propres à
faire des pierres a fufil; & même, eu égard à l'im-
menflté de.Alex qui exiftent dans certaines contrées,
on peut dire que le caillou propre à faire
des pierres à fufil n'eft pas commun dans la nature
: beaucoup de pays en font entièrement privés
; 8c peut-être même pourroit-on dire que la
France poffède prefque feule la variété du Alex exigé
pour être facilement taillé en pierre à fufil ; car on
ne peut pas croire que ce foit l'art de faire des pierres
a fufil qui foit refté un myftère pour les autres
nations qui n'en fabriquent point quoiqu'elles en
faffent un grand ufage. Cet art èft A Ample, qu’e!-
les l’auroient bientôt appris : ce doit donc être la
matière propre à l'exe-cer qui leur manque.
?» En décrivant la variété de Alex qui fert plus
particuliérement à faire des pierres a fufil, je lui
appliquerai le nom de filex pyromachus, Alex py-
romaque , qui exprime fon ufage , 8c que j'ai préféré
à celui de filex Jclopetarius , fclopétaire , qui
me paroît plus dur. D’ailleurs, ni l’une ni l’autre
de ces épithètes n'eft nouvelle : d’anciens miné-
ralogiftes les ont déjà employées.
Defcription méthodique du filex pyromachus (filex
pyromaque ).
Caractères extérieurs.
« AfpeCt extérieur. Les Alex pyromaques, lorfqu’ifs
fortent de leur carrière, font toujours couverts
d'une écorce blanche, d’une à deux lignes, &
quelquefois plus d'épaiffeur j d'unafpëâ: terreux,
crétacé} d'un tiffu lâche , bien moins dur &
moins .pefant que le Alex qu’elle recouvre.
35 Forme extérieure. Les maffes de bonnes pierres a
fufil ont une furface un peu convexe , ou qui approche
de la forme globulaire j les Alex de formes
bizarres, très-irrégulières , font pleins d’imper-
feéfions.
» Volume. Ce n'eft pas dans les plus großes maffes
que' fe trouvent les meilleures pierres. Rarement
les bons cailloux furpaffént le poids de vingt
livres : il ne les faut pas non plus au deflous dû
poids d’une à deux livres.
35 AfpeCt intérieur. La pâte du Alex pyromaque a
un afpeét gras, un peu luifant, & un grain tellement
An, qu’il eft imperceptible.
>3 Couleur. Dans les bons Alex pyromaques, la
couleur peut varier depuis le jaune de miel juf-
qu'au brun-noirâtre.
s» Nota. Ce ne font point les différentes nuances
des maffes de Alex qui déflgnent leur aptitude à
faire des pierres à fufil 3 mm l’uniformité de leur
teinte, laquelle ne garde même pas fon intenfiré
lorfque la pierre eft réduite en minces éclats; Les
cailloux des départemens de Loir-&-Cher -8c de
l'Indre font jaunâtres ; ceux des collines de craie
qui bordent la Seine font bruns-noirâtres : les uns
& les autres*, réduits en poudre, font parfaitement
blancs.
33 Tranfparertce. Le Alex pyromaque doit avoir
une forte de demi-tranfparence graffe 8c uniforme,
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qui permette de diftinguer l’écriture fur laquelle
feroit appuyé un éclat de cette pierre qui auroit un
quart de ligne d’épaiffeur.
33 Cajfurei Le Alex pyromaque doit avoir une
caffure lifte & égale dans toute fon étendue, très-
légérement conchoïde, c’eft-à-dire, convexe ou
concave. Ce genre de caffure eft une des propriétés
les plus effentielles de cette variété de Alex, pu.if-
que c’eft à elle qu’elle doit la faculté d’être taillée
en pierre a fufil.
33 Nota. C'eft par ces caractères extérieurs que
les ouvriers reconnoiffent les pierres propres à leur
travail 5 c'eft par eux qu'ils jugent de leur degré
de perfection : ils nomment cailloux francs ceux qui
poffèdent toutes les qualités qu'ils exigent, 8c
cailloux grainchus ou intraitables ceux dont les
imperfections nuifent à leur caffure : ils comparent
la partie dès maffes de Alex qui a une demi-
tranfparénce 8c une teinte uniforme, à la partie
graffe du lard qu'ils nomment couenne, & ils difent
que tel caillou a plus ou moins de couenne, 8c que
tout n'eft pas couenne dans un caillou î ils difent
que la couenne de la partie fupérieure du caillou
eft toujours meilleure que l’inférieure.
33 Les Alex pyromaques font regardés comme
imparfaits ou grainchus lorfqu'ils font privés naturellement
de quelques-uns des caractères extérieurs
que je viens de leur affigner, ou que-leur longue
expofltion à l'air la leur fait perdre. Prefque toutes
les maffes font fujètes à avoir des taches blanchâtres,
opaques, des fortes de noeuds ou la matière
la plus dure ne cède pas auffi facilement au choc
du marteau : on y rencontre aufli des cavités garnies,
ou de petits criftaux de quartz, ou de mamelons
de calcédoine. Tous ces accidens qui nui-
fent à la caffure, font rejeter comme inutiles les
mafies qui en font trop affeêtées.
Caractères phyfiques.
33 Pefanteur Spécifique. Silex pyromaque blond,
des bords du Cher, 26,041, l'eau étant eftimée
10,000. Silex pyromaque noirâtre, des collines de
craie de la Rocheguyon, 25,9^4.
» Nota. A cet égard, le Alex pyromaque ne diffère
pas eflentiellement de toutes les autres variétés
de Alex dont les pefanteurs fpéciftques fe
renferment affez ordinairement entre les limites
de 26,100 & 2y,900.
33 Dureté fpécifique. Celle du Alex pyromaque eft:
un peu fupérieure à celle du jafpe, mais inférieure
à celle des agates 8c des calcédoines 5 à peu près
la même que celle des autres Alex grofliers, filex
vulgaris.
Fragilité. Le Alex pyromaque eft plus fragile
que la plupart des autres pierres Aliciées 5 le caillou
de couleur blonde eft plus caffant que celui de
couleur brunâtre, & celui-ci, un peu plus fcintil-
lanc, détériore auftl un p:eu plus vice la batterie
des fuiils.
33 Eprouvé par la collifion. Deux morceaux de
Alex pyromaque, frottés vivement l’un contre l'autre
, développent plus de phofphorence & une
odeur plus forte qu’aucune autre variété de Alex.
Cette odeur eft luffifamment caraêtérifée par le
nom de pierre afufil 9 fous lequel on eft accoutumé
a la déflgner.
Caractères chimiques.
M AtaCtion de l'air. Le Alex pyromaque, dépouillé
de fon écorce naturelle 8c expofé pendant
îong-tèms aux intempéries de l’atmofphère, paroît
prendre une fécondé écorce blanche & friable,
laquelle n eft que le Alex réduit en poudre, 8c
jufque dans fon intérieur il perd fon oeil gras, fa
demi-tranfparence, & il devient blanchâtre. Dans
ce ca s-là , la pefanteur fpéciflque de celui qui
auroit été de 25,954, ne va plus qu'à 25,754 ; il a
donc perdu par conféquent i 300 du poids qu’il
avoit au fortir de la carrière.
33 Nota. Le Alex pyromaque eft quelquefois trop
humide au fortir dè la carrière } alors on le fait
fécher j mais fl, par une trop longue expofltion à
l’air ou au vent, il avoit perdu une certaine humidité
fouvënt très-viflble lorfqu’on le tire, alors il
ne peut plus être taillé en pierres afufil ; il caffe
mal. Les caillouteurs ont grand foin de rejeter
tous ceux qui ont perdu ce degré favorable : on
pourroit peut être les y ramener en les tenant dans
un lieu frais ou en les couvrant de terre, 8c par
ce moyen on réuffiroit au moins à conferver ceux
que l’on voudroit réferver pour le travail de
l’hiver.
93 Projeté en fragmens fur une plaque de fer chaud ,
il faute & pétille , & .y devient opaque.
33 Projeté en poudre fur du nitre enfufion, il donne
quelques étincelles, un peu d’inflammation & de
détonation.
33 Calciné dans un têt, il perd 2,50 de fon poids}
il augmente de volume, devient d’une blancheur
extraordinaire, 8c alors fe retrouve très-caffant &
prefque friable. Dans cet état il a le coup-d’oeil
de la plus belle pâte de porcelaine.
33 Diftillé dans une cornue & pouffé au plus grand
feu, il donne un peu de gaz acide carbonique, &
une quantité d’eau qui va au 2,00.de fon poids
mais aucun indice de la matière combuftible qui*
dans la précédente expérience, a fait détoner le
nitre.
33 Ffota. Cette eau, qui paroît effentielle à tous
les Alex, & que je nommerai leur eau radicale èft
la caufe de leur tranfparence : leur exDofltion à
l'air, en les defféchant, «les rend opaques, ainfi
que nous l'avons dit. Les Alex pyromaques font
donc: des pierres, hydrophanes imparfaites } car elles
ne reabforbent enfuite que difficilement l’eau né-
eeffaire à leur diaphanéicé. Cette eau contribue
auffi a la liaifon de leurs molécules intégrantes, &