
•» dération de cet être précaire, tenons-nous-en à
« celle de nos quatre élémens réels 5 auxquels les
» chimiftes , avec tous leurs nouveaux principes ,
*> feront toujours forcés de revenir uitérieure-
»» ment, 8ec. &c. »
>• Voilà un arrêt qui, de la part dont il vient,
feroit certainement une flëtriffure éclatante pour
tous les phyficiens qui fe. font occupés de la chimie
depuis le renouvellement des fciencess’il étoit
mérité, & qu il tût été prononcé en connoiifance
de caufe.
» Je fais très-bien qu’il ne peut faire aucune
impredion fur ceux qui fe donnent la peine d’étu-
d er férieufement la chimie, qui entendent véritablement
cette feiente, & qu’à cet égard il feroit
fuperflu de la juftifier 5 mais je fais aufti que le
nombre de ces vrais ehimiltes eft très-petit, tandis
que celui des lecteurs des ouvrages de l'illuftre
auteur que je viens de citer, eft très-grand ; & il
eft certain que ces derniers, qui compofent pref-
que tout le public, & qui ne connoilfent la chimie
que de nom, ne peuvent manquer de prendre des
idées conformes à celles de ce célèbre écrivain,
dont l’autorité eft d’un lï grand poids j & comme
il en réfulteroit néceflairement une impreflion défavorable
, & d’autant plus nuifible au progrès de
la fcience qu’elle feroit prefque générale, je crois
qu’il eft abfolument indifpenfable de juftifier notre
chimie moderne de ces imputations lï peu méritées.
»9 Je prie donc les lecteurs, & même le juge
illuftre & févère auquel je réponds, de me pardonner
quelques courtes réflexions, qui n’auront
d’autre but que de lui expofer la vérité, & de lui
infpirer des fentimens plus doux.
»9 Le phlogiflique des chimiftes modernes eft repréfente
comme un être de leur méthode, plutôt que
de la nature. Il faut d’abord obferver fur cela que
ce terme de méthode, qui autrefois fe prenoit en
bonne part, ne fe prend prefqae plus qu’en mau-
vaife part depuis que tout ce qui peut porter ce
nom a été proferit dans les ouvrages du grand
écrivain auquel je réponds ; mais ce qu’il eft eflen*
tiei de remarquer, c’eft que , quelqu’idée qu’on
puiflfe attacher à une doctrine quelconque défi-
gnable par le mot méthode, elle ne convient, & ne
peut abfolument convenir à celles des chimiftes
d’aucun âge. S’il y a un reproche à leur faire, c’eft
bien .plutôt de n’avoir jamais eu aucun fyftème lié
auquel on puifle donner le nom de méthode. La
prétendue méthode des chimiftes eft donc un être
de raifon} c’eft la première fois qu’on les a taxés
d’en avoir une. Quiconque voudra fe donner la
peine de lire attentivement leurs ouvrages, pourra
fe convaincre facilement qu’ils n’ont rien de plus
méthodique que ceux du grand philofophe qui
blâme fl généralement tout>e efpèce de méthode.
En fécond lieu, il eft dit que le phlogiflique n’eft
pas un principe fimple & identique p comme les chi-
prijlis le représentent. Il y a dans cette imputation
un alliage du vrai avec le faux, dont il eft très-
eflentiel de faire le départ. Il eft bien vrai que les
chimiftes repréfentent le phlogiflique comme un
principe identique, comme un même être , une
même efpèce de matière, quelle que foit la nature
des corps compofés dans lefquels il fe trouve combiné
; & s’il y a une vérité démontrée en phyfi-
que, c’eft aflfurément celle-là, comme on le peut
voir par ce qui vient d’être expofé ci-delfus. Mais
il eft abfolument contraire à la vérité, que les chimiftes
aient décidé que le phlogifiiquê étoit un être
fimple } ils déclarent qu'ils n’ont aucune’ certiruie
de la fîmplicité abfolue de l’air, de l’eau , du feu
lui-même, & ils fe font expliqués formellement
fur cet objet. Comment donc attribueroient-ils
cette flmplicité au phlogifiiquê, qui ne peut être
que le feu pur ou le feu combiné avec quelque
matière particulière nécelfaire pour lui fervir de
lien, d’ intermède pour l’introduire dans d’autres
compofés, & qui, dans ce cas, feroit vifiblement
un principe fecondaire, un corps compofé? Qud-
qu’ineptie qu’on puiflfe leur fuppofer, celle-ci
paflferoit aflurément les bornes de toute"vraifem-
blance. Si l’on veut fe donner la peine de lire
avec queîqu’attention ce qui eft expofé à ce fujet
dans le préfent article, on verra que cela fe réduit
à avancer que le principe de la combuftibilité des
corps ne peut être que la matière du feu elle-
même la plus fimple & la plus pure, ou bien cette
même matière liée par quelque fubftance particulière,
mais toujours la même. Les chimiftes ont
laiflfé ainfi indécife cette queftion de la flmplicité
abfolue du principe de l’inflammabilité, mais apparemment
fans que 1 homme célèbre qui les a
jugés, s’en foit apperçu. Il a pris fur lui de la décider
; il a prononcé que le principe de l’inflammabilité,
le vrai phlogifiiquê de la nature f e fi un
compofé, un produit de £alliage, un réfultat de la
combinaifon des deux élémens de £ air 6* du feu fixés
dans les corps.
1 >9 Quoique perfonne ne fente mieux que moi
tout le prix des idées de cet illuftre phyficien, ce
fentiment me paroît fl évidemment contredit par
les faits chimiques les plus connus & les mieux
confiâtes, que je me vois dans la néceflité d’ex-
pofer ici les motifs qui m’empêchent de l’adopter.
Je vais donc réfuter l’opinion d’un grand homme
que j ’honore ! Cette réflexion a prefqu’arrêté ma
plume 5 mais puis-je craindre de manquer à aucun
des égards qui lui font dus, fi je ne fais qu’ufer
de la liberté de penfer en matière de phyfique,
dont il connoît fi bien lui-même tous les droits &
tous les avantages, & qui ne manque jamais d’être
réglée par l’honnêteté quand elle n’a d’autre but
que la recherche de la vérité ?
99 Obfervons d’abord que s’il étoit prouvé que
l’élément du feu ne peut fe fixer dans les corps
dans fon état de pureté & de fîmplicité , qu’il
eût néceffairement befoin pour cela d’être lié
d’abord par un autre élément j que cet élément
fervant
fervant d’intermède ne pût être que î'aîr; en un
mot, que le vrai phlogifiiquê de la nature fût un
compofé d’air & de feu. Comme ces deux fubf-
tances font des êtres conftans, chacun dans fon
efpèce, il s’enfuivioit que le compofé qu’elles for-
meroient par leur union , favoir, le phlogifiiquê,
feroit auffi un être confiant & identique dans toute
la nature, & que par conféquent les chimiftes qui
l’ont repréfenté comme identique , non d’après
des raifonnemens , mais d’après la multitude de
faits concluons dont j’ai fait mention , n’auroient
point mérité le reproche qui leur a été fait à
ce fujet.
9> Mais ce n’eft point là le principal objet dont
il s’agit ici. Il s’agit de favoir ce que c’eft que la
matière du feu , de décider fi on lui connoît
quelque propriété qui ne lui permette.point d’entrer
en qualité de principe pur & fimple dans la
compofitiôn des autres corps, comme le font toutes
les autres efpèces de matière. S’il n’y a qu’une
feule fubftance capable de lier cette matière du
feu, & qui lui doive fervir d’un intermède né-
ceflaire pour la fixer dans la combinaifon des
compofés. x
»9 Ii faut déterminer de plus s’il y a des faits
connus en chimie qui le prouvent, & qui dé-
montient en même tems que cette fubftance qui
doit former avec la matière du feu le vrai phlo-
giftique de la nature , eft l’air.
' « Enfin, on doit examiner fi tous les faits chimiques
ne fe réunifient point au contraire pour
prouver que la matière du feu n’a befoin d’aucun
intermède, d’aucune efpèce d’alliage pour fe fixer
dans les diflPérens compofés, en qualité d’une de
îeurs parties conftitutives , & que l’air fingulié-
rement n’entre point dans la compcfîtion des corps
combuftibles, qui font les plus remplis de feu
fixé ou de phlogifiiquê. Je ferai' fur ces différens
objets les remarques fuivantes.
99 Premièrement, aucune des propriétés du feu,
.connues jufqu’à préfent, ne prouve que cet élément
foit autre chofe que la propre fubftance dé
la lumière : elles prouvent toutes au contraire qu’il
n’y a rien de matériel dans le feu, que la pure
fubftance de la lumière; & que la chaleur n’eft
qu’une modification , un état particulier qui n’appartient
point en propre à la matière du feu , &r
dont tous les corps font fufeeptibies, aufli bien que
la lumière.
»»Secondement, je conviens qu’ avant d’avoir eu
cette idée fur la nature du feu, je crôyôis , avec
le plus grand nombre de phyficiens, que la chaleur
etoit une fubftance réelle , une matière d’une nature
particulière , capable d’agir comme nous
voyons agir le f u fur tous lès corps; qù’en un
mot, U chaleur étoit la véritable matière du feu ,
la fubft.ntce ignée, la plus fimple & ta plus pure,
& que dans cette taufie idée pouvant conce-
Voit- comment cette prétendue; matière, qui-pé^
Retre-. tous lès corps fins jamais fe fixer dans au
Cm Mit. Tome V.
cun, pouvoit cependant devenir le principe de
i inflammabilité des corps, j’ avois imaginé qu'il
pouvoit y avoir dans la nature une efpèce de matière
à nous entièrement inconnue, qui eût feule
la propriété de contracter une union direéle avec
celle du feu, & qui, l'ayant ainix une fois fixée,
étoit fon intermède néçeffaire pour la fixer en-
fuite, & la faire entrer en qualité de partie conf-
titutive dans la compcfîtion des corps combuftibles.
Ce n'éteit là , j'en conviens, qu'une conjecture
qui s'éloignoit même des idées de Stahl,
& uniquement deftinée à expliquer un faic incon-*
cevable , & dont ce chimifte n’avoit donné aucune
explication. J'avoue enfin que cette conjecture
fur la nature du phlogiflique, n'ayant'été imaginée
que pour faire concevoir un fait que je
croyois vrai, mais qui ne l'eft pas, favoir, que la
chaleur étoit une matière qui, dans certains cas 8c
par le fecours de quelqu’intermède, fe combinoit
dans les corps, a dû paroître d'autant plus obf-
cure, d'autant plus vague 8r plus dénuée de preuves,
que cette matière, fuppofée le lien nécef.
faire du feu pour le convertir en phtoiflique,
n’étoit ni connue, ni déterminée, ni même afli-
gnable.
_ » Il eft a fiez probable que l'illuftre auteur de
1 Imroduclion a 1‘ Hfloire naturelle des minéraux s'y
eft trouvé tout auffi embarraffé que moi ; mais que
plus hardi, & ne voulant rien laiffer d'indéterminé
dans un fujet fi important, il à cru en dif-
fiper couée l'obfcurité en aflïgnant la matière qui
devoit fervir à lier le feu, pour en compofer le
feu fixable ou‘\e phlogiflique, & ç'a été l'air qu'il a
choifi pour en faire avec le feu, non hpklogifti-
que des chimiftes, mais lè lied, fc'eit-à-dire, celui
de la nature.
“ Nos fentimens ne differoient' donc qu'en ce
que je n'avois point déterminé quelle étoit la
fubftance qui devoit fervir dé lien & d'intermède
au feu pour le rendre fixable & phlogiflique, ac
qu'ici cette fubftance fe trouve déterminée i mais
je dois faire remarquer que ce n’a été que dans la
fuppofitiqn. qu'on pût démontrer que la matière
du feu toute feule n'eft point fixable dans les
corps, que j'avois imaginé un intermède propre
a lui fervir de lien, fans ofer même donner la
moindre idée de ce que pouvoit être cet intermède.
Mais s'il eft prouvé , comme je crois
que cela l'eft à préfent, que la matière du feu la
plus, fimple & la plus puié , qui n'eft que la lumière
el'lè-même, e’ft'icapable, comme toute autre
efpèce de matière, de fe combiner dire'dle-
merit1 dans les corps-compofés , il eft manifefte
que fon union préalable, foit avec l’air, foit avec
toute autre efpèce, de matière particulière, eft
fout-à-fait inutile, & fuppofée fans néceffité. Je
dois donc m'ep tenir & je m'en tiens à ma première
propofition , qui dans le fond eft celle de
Stahl j favoir, que le phlogiflique n\ft autre chofe
que la matière du feu la plus fi nple & la plus
J£kk