
leur fait éprouver* Tantôt la couleur blanche fe
convertit en jaune, en rouge, en bleu, en vert
ou en noir j tantôt l'effet inverfe fe manifelte;
fouvent des corps très-fufibles ifolément deviennent
réfradtaires par leur com binai (on , & vice
• verfâ,* fouvent encore des matières cauftiques deviennent
iniipides par leur union, ou des matières
fans faveur acquièrent de la caufticité dans leur
combinaifon ; enfin, l’état liquide fe change en
un état folide plus ou moins fort, ou réciproquement
les folides fe liquéfient lorf'qu’ ils fe combinent
enfemble. Il en eft de même de la pefanteur
fpécifique, de la forme, du tiffu intérieur, de
la capacité pour le calorique, du magnétifme &
de i’éjeclrieifme fefi un mot, de toutesXespropriétés
qui peuvent fervir de caractères diftinttits entre
les corps, 8c qui par là fournifient aux lavans des
moyens de les bitn connoître.
Ces converfions ou ces changemens de propriétés
caradtériftiques que les lois de l'affinité chimique
produifent dans les corps unis ou combinés
entr'eux, ont cela de très-remarquable qu'ils dif-
paroiflent au moment même où ces corps fe dé-
funiffent, 8c que lorfqu'ils fê féparent & repaffent
à leur fimplicité primitive, ils reprennent les
propriétés qu’ils avoient dans leur état ifolé, &
qui appartenoient, comme caractères diftinctifs,
à chacun d'eux,
; Par ces confidérations générales, non-feulement
on voit que l'étude des fciences naturelles confifte
entièrement dans l’examen & la comparaifon des
propriétés qui distinguent les corps les uns* des autres,
mais encore que parmi les propriétés il y en
a qui tiennent à la nature intime des corps , fans
doute à la difpofition particulière de leurs molécules
entr’èlles , & qui, comme telles, influent
fur les changemens qu'ils font fufceptibles d'éprouver
par leur contaét, appartiennent aux forces
d'attra&ion, 8c par conféquent méritent plus
que les autres la dénomination de propriétés chimiques.
PRUSSIATES. On nommeprujftates les fels formés
par l’acide pruffique uni à des bafes alcalines,
terreufes ou métalliques. A l'article Matières
animales (tom. IV , pag. 701 ) , j’ai déjà traité
de l'acide qui conftitue ce genre de fel. J’ai con-
fidéré comme un des principaux caraêtères de ces
matières, la propriété qu'elles ont de former l’acide
pruffique , (oit par l’a&ion du feu , foit par
la fermentation, foit par l’adtion des acides puif-
fans. J'ai tracé l’hiftoire de cet acide , & j ai
donné avec des détails allez étendus l'extrait des
travaux qu'ont fucceffivement entrepris , fur ce
corps intéreffant, les chimiftes les plus habiles,
depuis le te ms où Diesbach en fit la découverte
dans les premières années du dix-huitième fiècle,
jufqu'à celle où Schéèle 8c enfuice M. Berthol-
let communiquèrent, l'un en 1776 à l’Académie
des fciences de Stockholm, & l'autre en 178 y à
l ’Académie des fciences de Paris, un travail important
, à la fuite duquel ils font parvenus à déterminer
d’une manière allez précife la compo-
fition de cet acide. Mais cet article, rédigé il y
a ( aujourd'hui 8 octobre 1808 ) plus de dix ans,
ne contient que les connoilfances acquifes jufque-
là , & phifieurs faits d’une haute importance ont
été découverts depuis cette époque.
Il me refte donc, pour compléter l’hiftoire chimique
de l'acide pruffique, à rendre compte des
travaux qui ont été faits dans les dernières années
du dix-huitième fiècle 8c dans les premières
du dix-neuvième. Deux genres de recherches
furtout ont changé les idées que les anciennes expériences
avoient fait naître fur l'acide pruffique,
l'un de M. Curaudeau, 8c l'autre de M. Prouft.
Le Mémoire de M. Curaudeau, publié en avril
1802 dans le Journal de Phyfique, préfente des
notions nouvelles fur la nature de cet acide, fur la
manière dont il eft formé dans les leffives prufli-
ques, fur les moyens de prévenir fa décompofition
& d’augmenter le produit de fa fabrication.
Les favantes recherches de M. Prouft, inférées
dans les Annales de Chimie de 1794 8c de 1806 ,
ont pour but de faire connoître mieux qu’on r.e
l'avoit tait jufqu'à lui, la nature des combinaifons
de l ’acide pruffique avec les bafes alcalines 8c
métalliques. Ce beau travail jette en effet un
grand jour fur les diverfes combinaifons de l’acide
pruffique : il explique beaucoup de faits juf-
que-là inexpliqués j il éclaircit les différentes cir-
conftances dans lefquelles on obtient ou non' le
bleu de Pruffe > il ne laiffe plus de doute fur la
compofidon des prujftates métalliques, & fur la
préfence du fer, que l'on rencontre dans prefque
tous ces prujftates. Je vais rendre compte fucceffivement
de ces deux Mémoires.
M. Curaudeau penfe que l’acide pruffique
n'exifte jamais feul 8z fans combinaifon j que la
matière qui doit former cet acide ne le devient
que quand on lui préfente des oxides métalliques.
Cette matière, qu'il appelle le radical prujfique ou
pruffire, ne fe forme elle-même qu'au moment où
on veife de l’eau fur le réfidu de la calcination du
fang avec la potaffe. Jufque-là il ne fe trouve dans
ce réfidu que deux des élémens du radical pruffi-
que ; favoir : le carbone 8c l’azote. A l’inftant où
l’on ajoute de l’eau, celle-ci eft décompofée &
fournit l’hydrogène , troifième élément du pruf-
fire, & dont la réunion avec l’azote & le carbone
déjà exiftans conftitue le radical pruffique.
Il attribue la décompofition de l'eau à l’a&ion
de l'azote ou azuré carboné de potaffe. En même
tems que cetre décompofition à lieu , i°. une portion
de l'azote fe combine à de l ’hydrogène &
forme de l’ammoniaque; 20. une portion du carbone
s’unit à de l’oxigène : d'où réfuîté de l’acide
carbonique qui fe combine à une partie de la po-
taffe. Selon lui , la tendance qu'a cet alcali pour
s'unir à l'acide carbonique qui fe forme dans cette
circonftance,
circonftance, influe finguliérement fur la prompte
décompofition de l’eau.
L’affinité de la potaffe pour cet acide eft également
affez puiffante pour opérer fucceffivement
la décompofition de la plus grande partie du pruf-
fire, qui a lieu en effet dans les leffives pruffiques fi
fi l’on ne prend des précautions pour l’arrêter, &
furtout la prévenir. Le moyen confifte à ajouter
dans les leffives du fulfate de fer au maximum,
dont la bafe, de concert avec la potaffe, fixe le
radical pruffique en lui fourniffant de l’oxigène.
C’eft alors feulement qu’il s’établit entre la potaffe,
le pruffire (devenu dès-lors acide pruffique) &
l’oxide métallique, un équilibre d'affinités, qui
•donne naiffance à une combinaifon complexe, affez
énergique pour réfifter à l’aétion décompofante de
beaucoup de corps. M. Curaudeau nomme ce prujjtate
triple , prujfiate de potaffe par le fer,
M. Curaudeau termine fon Mémoire par expo-
fer le fyftème de dénominations qui lui femblent
propres à rendre fes idées plus nettes & plus pré-
ci fes j il propofe de nommer prujftre ou radical pruffique
la combinaifon de l’azote, du carbone &
de l’hydrogène. La combinaifon de ce radical ou
pruffire avec les bafes dépourvues d’oxigène lui
femble mériter le nom de prujfturé, & celles des
bafes oxigénées avec le pruffire le nom de pruf-
fiates. Dans le cas où le pruffire eft combiné à un
alcali & en même tems à un oxide métallique,
cette combinaifon pourroit, fuivant lui, être nommée
prujjtate de telle bafe par tel oxide. Exemple :
i°. prufliure de potaffe; 20. prujjtate de fer ; $.V
prujjtate de potaffe par le fer.
M. Prouft, dans des Recherches fur les p.rujfates ,
données en 17.94» avoit énoncé des idées tres-dif-
férentes de celles que renferme fon dernier travail
, publié à la fin de 1806, fur ce genre de combinaifon.
De nouvelles expériences ont rectifié les
erreurs qui s’étoient glifiées dans fes premières
recherches fur la nature des prujftates.
M. Prouft regarde en dernier lieu l’acide pruf- '
fique comme lin compofé de charbon, d azote &
d’hydrogène, dont les proportions ne lui font
pas connues : toutefois la grande quantité de charbon
que cet acide laiffe après fa deftru&ion , lui
donne lieu de penfer que ce principe s’y trouve
plus abondamment que les deux autres. Aucun
fait, fuivant lui , n’autorife à croire queToxigène
entre dans la compofition de l’acide pruffique.
L’examen qu’il a fait d’un grand nombre de leffives
pruffiques lui a conftamment démontré la préfence
de deux combinaifons bien diftinêtes, réful-
tantes de l’union de la potafle avec cet acide.
L’une eft la combinaifon limple de la potaffe avec
l’acide pruffique ; c’eft le prujfiate fimple de p.o-
taffe : l’autre , qu’ il nomme prujfiate triple de potajfey
eft le produit de la ‘Combinaifon du même acide
avec la potaffe & Toxide.de fer.noir. Nous donnerons
en détailles propriétés cara$ériftiques.de.1
ces deux fols lorfque^ nous traiterons de chacun •
Chimie. Tome V,
d'eux en particulier. Le prujfiate fimple parole
abonder dans les leffives. Pour éviter qu’il ne fe
décompofe & ne fe convertiflè en ammoniaque 8c
en acide carbonique, il faut avoir la précaution,
avant de chauffer 8c de concentrer les leffives, d’y
ajouter une diffolution de fulfate de fer, comme
le recommande M. Curaudeau ; mais on doit faire
ufage du fulfate vert du commerce, 8c non du
fulfate au maximum. M. Prouft avoit d'abord con-
feillé de prendre ce dernier de préférence ; mais
il a reconnu que c’étoit une erreur. En effet, on
ne peut douter, d’après fes expériences, 8c Schéèle
avant lui l’avoit pofitivement avancé, que l'oxide
noir de fer eft le feul qui puiffe fe combiner au
prujfiate fimple, & le conftituer prujfiate triple de
potaffe. On peut en juger par les expériences fui-
vantes. Si on décompofe le prujjtate triple de potaffe
en faifant bouillir les criftaux de ce fel avec
les acides muriatique ou fulfurique, à mefure
qu’ une portion de l’acide pruffique fe volatilife 8c
qu’il fe forme du muriate ou du fulfate de potafle,
il fe précipite du prujjtate blanc de fer dont l oxida
eft au minimum . & qui devient bleu par le con-
ta& de l'air, ;à mefure qu'une portion de fon oxide
paffe au maximum d’oxidation en abforbant de
l’oxigène atmofphérique.
Sans l’oxide noir contenu dans le prujjtate triple
de potaffe, il ne fe formeroit point de bleu de
Pruffe avec les diffolutions de fer au maximum ;
ce qui le prouve, c’eft qu’on n’en obtient jamais
du mélange de ces diffolutions avec le prujjtate
fimple. Ce dernier fel donne un beau bleu avec
les diffolutions de fer au minimum, au bout de
quelques inftans, parce qu’ il commence par s’emparer
de la portion d’oxide noir dont il a befoin
pour arriver à l’état de fel triple, tandis quel autre
portion d'oxide paffe au maximum pour fe combiner
à ce fel & former le bleu de Pruffe. La portion
d’oxide noir qui exifte dans le prujftate triple
de potaffe paffe, fans changer d’état ou fans s oxi-
der davantage, dans le bleu de Pruffe,que Ion
obtient toutes les fois que l’on mêle une diffolution
de prujjtate triple.de potaffe a une diffolution
d’oxide de fer au maximum. Cette affertion eft
prouvée par le fait fuivant. Lorfque l’on decom-
pofe du bleu de Pruffe par la potafle, on obtient du
prujfiate triple de potaffe jaune-citrin, criftallifable
en oétaèdres tronqués, dans lequel on a ci-deffus
prouvé la préfence de l’oxide noir : fi le bleu de
Pruffe ne contenoit que de l’oxide de fer au maximum
, il ne donnerait point de prujfiate triple de
potafle par les alcalis, puifque ce dernier fel ne
contient que de l’oxide de fer au minimum 5 ce
que prouve, d’un autre côté, l’impoflibilité d’unir
le'prujfiate de.potaffe fimple à l’oxide de fer
rouge. .
L’oxide de fer au minimum, qui fait partie
conftituànte Idû prujjtate triple de potaffe , ne paffe
pas feulement dans le bleu de Pruffe , que l'on ne
doit plus conûdérer, d'après ce qui a été dit plu»
A a a a a