rinfe&e la matière phofphorique , celle-ci perd
fa lumière, & fe lèche en quelques heures en une
matière blanche-, elle luit même dans le vide du
baromètre : l'eau chaude, en ramolliffant la ma-r
tière féchée , lui redonne la phofphorefcence j l'eau
froided’éteint j l’eau eft lefeul diffolvant de cette
matière, qui paroît être indépendante de la vie,
d'après M. Carradori.
Quant aux vers qui rendent lumineufe & brillante
l'eau de la mer, ils font fi petits, bc le point
lumineux qui appartient à chacun d'eux feroit
fi difficile a déterminer, que je ne regarde pas
comme auffi-fûres que les précédentes les obfervarions
& les expériences qui auroient pour objet
de rechercher chez eux la caufe de la phofphoref-
cence animale. Etudiez & comparez ce qui a été >
déjà fait par les naturaliftes & les phyficiens fur
la propriété lumineufe de l'eau de la mer 5 lifez
depuis Pline, qui a connu ce phénomène, jufqu'à
M. Péron, qui en a parlé le dernier en homme
éclairé autant qu'en naturalifte habile , & vous
verrez que toutes ces recherches fe bornent à
prouver que ce font de petits animaux prefqu'imperceptibles
qui éclairent ainfi, & qui femblent
enflammer les eaux de l'Océan. Je doute qu’on
trouve fur cet objet, plus que n'a fait le dernier
naturalifte. Je donnerai à la fin de ce paragraphe
un article de M. Péron fur la phofphorefcence
des eaux de la mer.
Enfin, pour ne rien omettre d’effentiel fur cette
matière importante , parlerai-je ici de la lumière
ou plutôt ^es étincelles que donnent les poils des
mammifères lorsqu'on les frotte un peu vivement
dans l'obfcurité? Le pétillement, le bruiffement
qui accompagne ce phénomène lorfqu’on paffe
brufquement la main fur le dos d’un chat à re-
brouffe-poil, n'eft-il pas un indice affez certain
que ce phénomène dépend du fluide électrique
excité par le frottement? Mais, comme je l'ai
déjà fait remarquer dans cet article, le phénomène
de la phofphorefcence n'a-t-il pas une connexion
très-intime avec le phénomène de l'électricité?
& ne peut-on pas raifonnablement foup- \
çonner que l’un dépend de l'autre, ou qu’au moins
ils s’accompagnent fi fréquemment, qu'ils pour-
roient bien découler de la même fource ? Cette
idée qu’il ne faut pas regarder encore comme une
vérité démontrée, commence au moins à acquérir
une affez grande probabilité lorfqu’on compare
les analogies reconnues entre l’éîeétricifme & le
phofphorifme, & furtout lorfqu’on remarque que
les opérations chimiqnes préfentent conftamment
dans les corps un changement d'état de leur électricité
propre au moment où elles ont lieu. Toutefois.
ces étincelles bruiflantes, qui .fe développent
chez les animaux vivans par le frottement de
le.urs poils qu'on excite, jnfque dans les poils rares
qui hériffent fouvent la jambe & le bras de
l'homme , qui tiennent de près à la propriété qu’on
connoït dans les fourrures bien fèches du lapin,
dû chat , du renard, d'exciter l'éleCtricité lorfqu’on
frappe avec elles les gâteaux de réfines
dont on forme les éleCtrophores, ne doivent
peut être pas être rapportées à la phofphorefcence
proprement dite. C'eft dans ce fens qu'au eorm-
mencement du paragraphe aCtuel, j'ai annoncé
que la phofphorefcence n'exiftoit pas, ou n'exiftoit
que bien rarement & bien foiblement dans les
mammifères, les oiféaux & tous les animaux à fang
chaud. On peut fans doute rapporter encore à
l'éle&ricité plutôt qu'à la phofphorefcence, les lumières
rapides, les étincelles brillantes, mais
paffagères , qu'on a plufieurs fois vu fortir-ou
s'élancer des yeux des chats, de quelques autres
mammifères, & même de certains oifeaux de
proie noéiurnes, placés dans des lieux bien obf-
curs.
Phosphorescence de l a mer ( i ). « Sous
des rapports non moins finguliers fans doute ,
l ’Océan ayoit encore fixé mes recherches. La phof-
phcrefcence de fes eaux, depuis Ariftote & Pline,
a été, pour Jes voyageurs & pour les phyficiens,.
ufi égal objet d'intérêt & de méditation. Combien
les phénomènes n'en font-ils pas effectivement
nombreux & variés 1 Ici la furface de l'Océan
étincelle & brille dans toute fon étendue, comme
une étoffe d’argent éleétrifée dans l’ombre ; là fe
déploient les vagues en nappes immenfes de foufre
& de bitume embrafés} ailleurs on diroit une mer
de lait, dont on n'apperçoit pas les extrémités.
Tous les détails de ce grand phénomène ne font
pas,moins dignes d'admiration, que teür enfemble.
Bernardin de Saint-Pierre a décrit avec enchou-
fiafme ces étoiles brillantes qui femblent jaillir
par milliers du fond des eaux , & dont,. ajoute-t-
il avec raifon, celles de nos feux d’artifice ne font
qu'une bien foible imitation. D ’autres ont parlé
de ces maffes embrâfées qui roulent fous lès vagues
comme autant d'éhormes boulets rouges, & nous
en avons vu nous-mêmes qui ne paroiffoiènt pas
avoir moins de vingt pieds de diamètre. Plufieurs
marins ont obfèrvé des parallélogrammes incan-
defeens ,des cônes de lumière pirouettant fur eux-
mêmes , des guirlandes éclatantes, des ferpenteaux
lumineux. Dans quelques lieux des mers, on voit
fouvent s’élancer au deffus de leur furface des
jets de feux étincelans \ ailleurs on a vu comme
des nuages de lumière & de phofphore errer fur
les flots au milieu dès ténèbres. Quelquefois l'Océan
paroît comme décoré d'une immenfe écharpe
de lumière mobile, onduleufe , dont les extrémités
vont fe rattacher aux bornes de l'horizon.
Tous ces phénomènes, & beaucoup d'autres encore
que je m’abftiens d'indiquer ici , quelque
('ij Extrait du Voyage de decouvertes aux Terres auf~
. ..aies, par M. Pérou, naturalifte, tome i l page oetjfi i m
merveilleux qu'ils puiffent paroître, n'en font pas
moins de la plus inconteftable vérité > ils ont été
d’ailleurs plufieurs fois décrits par les voyageurs
de la véracité la moins fufpeCte, & je les ai moi-
même prefque tous obfervés en différences parties
des mers.
» Pour l’explication de ces efpèces de prodiges,
combien de théories n'ont pas été fucceffivement
émifes ! Tantôt l'efprit prétendu du fe l, le bitume,
le pétrole, les huiles animales, ont été
préfentés comme les élémens de ces phénomènes
variés j tantôt le frai de poiffon, celui des mo-
luques, les débris des animaux marins, ont paru
fufceptibles de fournir à leur explication i le mucus
gélatineux qui tranffude continuellement des poif-
fons, des zoophytes, des molfufques, &c. n'a pas
été étranger à ces brillans effets. Quelques phyfi- ,
ciens ont admis une efpèce de mouvement de ,
putréfaction dans les couches fuperficielles de
l’Océan j plufieurs ont appelé la lumière à leur
fecours ; & tandis que les uns la faifoient agir .
comme combinée,d’autres la confidéroient comme
exclufivement réfléchie. L'éleCtricité ne pouvoit
manquer de jouer un grand rôle dans cette partie
del’hiftoire de la mer, & plufieurs hommes célè- .
bres ont effectivement eu recours à cet agent.
Plus récemment encore, le phofphore & fes com-
binaifons diverfes ont ouvert une nouvelle carrière
aux hypothèfes : quelques uns l'ont fuppofé
dans ces phénomènes à l’état libre > d'autres l'ont
voulu combiné avec l’hydrogène..... En un mot,
il n’ett aucune forte d’explications vraifemblables'
ou même abfurdes qui n'ait été fournie jufqu'à
ce jour fur cet objet, & cependant l'opinion des
phyficiens rigoureux flotte encore incertaine fur
la caufe réelle de ce grand phénomène de la
nature.
» Dans la partie phyfique & météorologique de
mes travaux , j'aurai plus particuliérement occa-
fion de difeuter chacune de ces théories diverfes,
& je démontrerai, j'efpère, aifément combien, une
feule exceptée, toutes les autres font loin de pouvoir
fatisfaire à toutes les données du problème j
j'expoferai feulement ici quelques-uns des réfultats
de mes expériences & de mes longues recherches
à cet égard.
*> i° . La phofphorefcence appartient effentielle-
ment à toutes les mers ; on l'obferve également au
milieu des flots de l'équateur, dans les^mers de la
Norvège, de la Sibérie, & dans celles du pôle
antarctique.
» Toutes chofes égales d'ailleurs, la pk&f-
pkorefcence eft en général plus forte & plus confiante
entre les tropiques ou près des tropique*,
que fous des latitudes plus rapprochées des pôles.
» 3°. La température habituellement plus élevée
des mers équinoxiales paroît être la caufe médiate
de cette différence.
» 4°. Toutes chofes égales d’ailleurs, la phofphorefcence
eft plus grande &r plus confiance le long
des côtes, dans les mers refferrées & dans les détroits,
qu'au milieu des mers très-vaftes & loin
des terres.
m 5*. En général, ce phénomène eft d’autant
plus fenfible, que la mer eft plus fortement agitée
, & que l'obfcurité de la nuit eft plus profonde.
« 6°. On peut cependant l’obferver auffi par les
tems les plus calmes, & le plus beau clair de lune
ne fuffit pas toujours pour l ’éclipfer.
» 70. Tous les phénomènes de la phofphorefcence
des eaux de la mer, quelque multipliés, quelque
finguliers qu'ils puiffent être, peuvent cependant
être rapportés tous à un principe unique, la phofphorefcence
propre aux animaux marins , & plus
particuliérement aux moluques & aux zoophytes
mous. Mes nombreufes obfervations & la belle
fuite de peinture d'anitnaux phofphoriques exécutée
par M. Lefueur me permettront, j'efpère,
de mettre cette grande vérité à l'abri de tout
doute légitime.
*> 8°. Cette phofphorefcence aCtive des animaux,
bien différente, fous tous les rapports, de cette
foible lueur que peut développer, dans certains
cas, la décompofition putride, eft tellement dépendante
de l’organifation & de la vie, qu’elle
s’exalte, s'affoiblit & s'éteint avec elle pour ne
plus fe reproduire après la mort. »
IXe. GENRE. Phofphorefcence des plantes en
végétation.
C ’eft une chofe bien douteufé encore , que la
phofphorefcence des plantes vivantes. Il n’ÿ a qu’un
phénomène qui püiffe être rapporté à celui-là, &
ce phénomène eft fi rare , qu'il a été révoqué en
i doute par plufieurs naturaliftes ou botaniftes très-
exaCts obfervateurs. On attribue la découverte
du fait dont il s'agit ici à mademoifelle Linné,
fille de l’illuftie & favant auteur du Syftéme fexuel
des plantes. Dans un jardin de botanique, par une
belle foirée d’été , mademoifelle Linné obfervoit
les étamines de la capucine ( irop&olum commune ) ,
iorfqu’elle vit fortir de la fleur des étincelles brillantes
& paffagères. Perfonne n'a depuis trouvé
i'occafion de recommencer cette obfervation}
mais ce n'eft pas une raifon de nier l’exiftence de
ce phénomène, car il n'eft pas permis de penfer
que mademoifelle Linné fe foit trompée, & aie
pris l’illufion pour la réalité. Sans s'expo fer à rai-
fonner fur ce fait comme fur la dent d'or, en le
fuppofant vérifié, on feroit encore porté à ne pas
le regarder comme une Vraie phofphorefcence , &
à le rapporter à l'éleCfcricité. La fcintillation eft ür*
des caractères des corps éleCtrifés au moment où ;
la quantité de fluide qu'ils contiennent étant fur »-
bondante à leur faturation, l’excès qu’bsen ont,
s’échappe avec plus ou moins de violence. N’eft-
ce pas là ce qui a eu lieu dans le fait obfervé oar
mademoifelle Linné ? A la vérité, même en adop