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tôt leurs porcelaines ; mais chacune d*elles, différence
de celles du Japon & de la Chine, eurent
auilî des différences enrr elles.
Néanmoins aucun phyficien ne s’étoit occupé 4e cet art avant Réaumur, qui publia, en 1727 &
1729 , deux Mémoires intéreffans fur la porcelaine.
Ayant brifé des porcelaines du Japon , de Saxe &
. de France pour en connoîcre l'intérieur , il commença
par décrire avec foin leur mie ou leur
grain. Celui de la porcelaine du Japon lui parut
compa&e, fin, ferré, peu lifte & peu brillant ; celle
de Saxe lui préfenta une mie plus compare, fans
grain lifie , & luifante comme de l’émail ; celle de
Saint-Cloud ( communément de la porcelaine de
Sèvres ) lui offrit un grain moins ferré, moins fin
que celle du Japon, fans Iuifant, & refi'embiant au
grain du lucre. I/aétion d'un feu violent lui fit
r.econnoître que la porcelaine du Japon étoit infu-
fible & inaltérable, & que celles d'Europe étoient
fufibles. De là Réaumur fut conduit à penlèr ,
i° . que la porcelaine étoit une demi-vitrification ;
2°. que cette demi-vitrification pouvoit provenir,
foit de ce qu'un mélange vitrifiabie n'auroit pas été
affez chauffé pour être amené à l'état de verre,
foit de ce qu'on auroit fait le mélange de forte
que la demi-vitrification ne put pas aller plus loin.
Çe dernier cas lui parut être celui de la porcelaine
du Japon, entièrement infufible, & le premier
çelui de la porcelaine d'Europe , qui , plus fortement
chauffée que par le feu de la cuiffon > cou-
lo it, fuivant lui, en verre.
Cette théorie générale & lumineufe fut d'ailleurs
appuyée fur des faits tirés de l'hiftoire de la
préparation de la porcelaine de la Chine, envoyés
par le Père d'Entrecolles, millionnaire français ,
très-zélé & tcès-éclairé. Réaumur examina le pé-
tuntzé & le kaolin des Chinois, envoyés par.le
millionnaire, comme les deux matières dont le
mélange formoit laporcelaine chinoise; il reconnut
que le petuntzé, efpèce de pierre de roche (feld-
fpath), fe fondoit feul ; que le kaolin ( argile
blanche) réfiftoit à la chaleur la plus forte fans fe
fondre, & que le mélange des deux terres broyées
& à parties égales, façonné en gâteau, fe cuifoit
au feu de manière à donner une porcelaine toute
fembiable à celle de la Chine. N'ayant pas d'abord
trouvé à fa portée de pierre fembiable au
petuntzé ( la minéralogie & la lithologie étoient
fort peu avancées en France au commencement
du dix-huitième fiècle ) , il imagina de prendre un
vetre joue fait pour le mêler ayec des kaolins ou
des argiles, & donner à celles-ci la propriété de fe
fondre à demi; mais il paroît que le fucéès ne répondit
point à fes vues, car il ne parla plus de fes
effais après 1729.
Il commit manifeftement deux erreurs, fuivant
Macquer ; l’une, de confondre la porcelaine de Saxe
avec les autres porcelaines fufibles qu'on fabriquoit
alors en Europe. Aucune porcelaine de cette efpèce
ne fe trouve , d'après k s effais de Macquer j
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parmi celles de Saxe qu'il a effayées. Son Iuifant
intérieur & fa denfité font même des preuves
qu’elle a éprouvé toute la fufion dont elle étoit
fufcepcible. La fécondé erreur de Réaumur étoit
de regarder le kaolin comme un talc en poudre:
celui-ci feroit toujours trop maigre, & n'auroit pas
le liant néceffaire pour faire une pâte fufceptibla
d’être façonnée au tour, comme l'ont été les va-
fes de la Chine : c'eft donc une efpèce d'argile.
Malgré le lïlence de Réaumur après les deux
Mémoires cités, les principes vrais qu’il avoit po-
fés fur la porcelaine guidèrent ceux qui fe font occupés
de cet art, & il reçut promptement en Europe
une amélioration remarquable. Celles de Saint-
Cloud &c du faubourg Saint-Antoine à Paris firent
pendant quelque te ms de la porcelaine fufible, mais
très-belle en ce genre. Il s'en éleva des. fabriques
à Viileroi, à Chantilly & à Orléans. Bientôt la
' première, transportée à Sèvres . marcha vers la
perfection, Sc parvint à faire de h porcelaine dure,
! infufible, d'un blanc lupérkur à toutes les au-
; très, & d’une foiidité égale à celles de l’Orient
: & de Saxe. Macquer raconte , dans J' article cité,
la part qu'il a eue à ce perfedLouneuu.ne remarquable
de la porcelaine do Sèvres, auq.u-1 il fut appelé
& invite par le roi. Ce fut vers >’e milieu du
dix-huitième fiècle, que ce grand chimilb commença
fon travail par la recherche &. l'examen
d'un grand nombre de terres 6c de pierres ioup-
I çonnees propres à la préparation de la porcelaine,
! bien perluaJe que les matériaux qu'on avoit era-
! ployes jufque-là à Sevres , ne donnoient que les
i porcelaines vitreufes ou à fritte fufible, telles que
celles qu'on avoit jufqu’alors fabriquées en F rance.
J1 publia à cette occafion, dans les Mémoires de.
V Académie pour 1758, un fourneau à vent & à
moufle, connu fous fon nom , & propre à donner
dans les laboratoires des refuitats fatisfaifans fur
l’aétionjd'un feu violent. Les expériences nombreu*
fes faices à Sèvres x & dont les procès-verbaux
font dépofés dans cette célèbre manufacture impériale
, lui fournirent le fujet de fon beau Mémoire
fur les argiles. Alors le vrai kaolin ou l’argile
fine & pure, très-liante, fortant très-blanche
de la cuite, fut trouvé ainfi que le petuntzé naturel
ou artificiel. Alors l’art d’imiter & même de
furpafler les porcelaines du Japon fut véritablement
inventé.
Les caractères de la véritable porcelaine doivent
être diftingués en ceux qui font inhérens â fes qualités
intriflfêques, à fa compofition primitive, &
en ceux qui appartiennent à fa beauté & au coup-
d'oeil extérieur. Il n’eft pas difficile de ümq une porcelaine
d'un beau blanc, d’une belle demi-tranf-
parence, revêtue d'une couverte brillante, mais
d’ailleurs d’une pâte peu liante, difficile à travailler
, peu compaéte, fufible, caffante par le
contrafte du chaud & du froid, & dont la couverte
fe raie & fe dépolit parce qu’elle eft trop tendre.
•Ainfi fes qualités extérieures font faciles A obte-
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pir ; mais les propriétés internes & la bonté de 1
la pâte ont été le fujet de recherches beaucoup
plus pénibles & beaucoup plus longues. Rien
n’eft, d’une autre part, plus facile à obtenir
qu’une pâte bien liante, aifée à travailler, d’une
cuite dure & dénfe, infufible , réfiftant bien aux
variations fubites de température , mais fans blancheur
& fansbeauté.La réunion des deux caractères,
beauté & bonté, a été feule d'une grande difficulté
dans le tems du travail de Macquer, & il affuroit
alors que la nature étoit très-avare des matériaux
propres à cette fabrication. Pour prouver cette
allertion, Macquer cite dans fon article une efpèce
de porcelaine bile , à vil prix , dont tous les Français
font depuis long-tems ufage , & qui eft connue
fous le nom de poterie de grès , tels que les
vafes ae Savigny en Picardie , & de plufieurs fabriques
de Brètagne. Ces poteries ont, fuivant
lui , toutes les qualités intrimeques de la porcelaine
du Japon, de même grain, le même fon , la
même dureté, la même réfifiance aux changemens
de température,, & la même infufibilité. Si cette
poterie grolïière étoit blanche , ou fi l'impureté j
de l’argile & des autres matières employées à fa ;
fabrication ne lui donnoir pas les couleurs, &
ne lui ôcoic pas lademi-tranfparence; fi elle étoit
fabriquée avec plus de foins & de précautions ; fi
enfin elle étoit recouverte d’un vernis fin, elfe
ne le céderoit en rien, fuivant Macquer, à la
porcelaine du Japon. Elle préfente donc toutes les
bonnes qualités de cette porcelaine, & il ne lni
manque que la beauté. Macquer en concluoit que
les terres propres à la fabrication de la belle
porcelaine dévoient être beaucoup plus rares en
France & même en Europe, qu’à la Chine & au
Japon, ou au moins.y être moins connues; car
il ajoute enfuite que depuis les travaux fucceffifs
des modernes, & furtout de MM. Guettard &
Darut, les chofes ont bien changé à cet égard ;
& en effet, s’il exiftoit déjà de fon tems quelques
différences entre la porcelaine dure de Sèvres
& celle du Japon, elles étoient à l’avantage
delà première , même par rapport au grain plus
ferré & plus vitreux, joint à faparfaite infufibilité.
Cet art a éprouvé encore , depuis Macquer,
des perfeétionnemens notables, non pas peut-être
pour la pâte de la vraie porcelaine, mais pour la
Couverte & les couleurs. La manufacture impériale
a d’ailleurs excité l’émulation parmi les fa-
bricans, au point que plufieurs fabriques de Paris
font devenues des rivales très-dignes de lui dif-
puter la palme, & de fervir elles-mêmes de mol
le s à toutes les autres fabriques très-multipliées
aujourd'hui.
On v o it, d’après les principes expofés juf-
qü’ici , qu’il y a deux éfpèces de porcelaine :
Ie. la porcelaine vitreufe ou fufible, que Macquer
nomme fauffe porcelaine ; 2°. la porcelaine dure ,
infufible,, ou vraie porcelaine, imitant celle du Japon
, premier modèle qu’on eft parvenu a furpaf-
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fer en France, même dans un affez grand nombre
de fabriques»
Macquer décrit enfuite, dans fon article dont
nous avons donné plus haut la fubftance , l’art de
fabriquer ces deux eipèces de porcelaine. J’emprunterai
de lui cette defeription, parce que cette
partie de fon article eft trop précife 6c trop ferrée
pour pouvoir être extraite, & parce que c’ eft encore
ce que je connois de plus clair 6c de mieux
fait fur cet art.
« La bafe des porcelaines fufibles eft , dit Macquer,
ce que l’on nomme, dans le langage de l’ arc,
une fritte. Ce n’eft autre chofe qu’un mélange de
fable ou de cailloux réduits en poudre , avec des
feîs capables de les difpofer à la fufion, & de ieur
donner une très-grande blancheur à l’aide d’une
chaleur convenable à laquelle on les expofe. On
mêle enfuite cette fritte avec une terre liante &r
blanche, argileufe & marneufe , mais en obfcr-
vaiît de n’en mettre que la moindre quantité pol-
fible, c'eft-à-dire, que ce qui eft absolument néceffaire
pour former une pâte qui puiffe fe travailler.
On paffe le tout au moulin pour bien broyer
& bien mêler la fritte avec la terre, & l’on en
forme une pâte dont on fa it, foit fur le tour fi
elle eft affez liante, foit dans des moules , tous
les ouvrages qu’on juge à propos.
*> Lorfqu’ils font fecs , on met chaque pièce
dans un étui de terre qu’on nomme galette ou
plutôt cafette, & on arrange ces étuis en piles les
uns fur les autres dans un four, qu’on en remplit
entièrement jufqu’à la voûte. Ces fours, qui
ne font que des chambres ou cavités de grandeur
& de formes différentes , fuivant les manufactures,
font tous dilpofés de manière que leur
foyer ou l’endroit dans lequel on met le bois eft
placé en dehors, vis-à-vis d’une ou de plufieurs
. ouvertures qui communiquent dans l’ intérieur du
j four. La flamme du bois qu’on met dans cet en-
| droit eft bientôt entraînée dans l’intérieur du
four, dont l’air, fe raréfiant, détermine un courant
d’air de dehors en dedans, comme dans
tous les fourneaux. On ne fait d’abord que très-
peu de feu pour échauffer le four doucement 8c
par degrés : on le continue en l’augmentant de
plus en plus jufqu’ à ce que les porcelaines foient
cuites, c’eft-à-dire, jufqu’à ce qu’elles aient acquis
leur dureté & leur tranfparence ; ce que l’on
reconnoît en retirant de tems en tems du four
quelques petites pièces de porcelaine qu’on appelle
des montres y & qu’on a placées pour cela dans des
étuis ouverts latéralement, de manière à pouvoir
les retirer commodément. Alors on ceffe le feu,
on laiffe refroidir entièrement le four, & on retire
les porcelaines, qui dans cet état reffemblent
à du marbre blanc, & n’ont aucun Iuifant, parce
qu’elles n’ont point encore l’enduit vitrifié qui
doit leur en donner, & qu’on nomme la couverte.
La porcelaine cuire, & qui n’a point encore reçu
fa couverte, fe nomme du bifeuit. Ce bifeuit eft