
moyens poflible $, que je n'avois plus de nouvelles
lumières à acquérir ni de nouveaux renfeign émeus
à efpérer j je partis de l’Aigle le 16 meflidor, & jé
revins à Paris.
»5 Si Ton rapproche, d'après les règles de la critique
, les témoignages moraux & phyhoues que je
viens de rapporter avec fidelité, on y trouvera
une réunion de preuves dont raccord ne convient
qu'à la vérité même.
» En effet, confidérons d’abord les témoignages
pFtyfiques.
» On n'a jamais vu, avant l’explofion du 6 floréal
, de piertes météoriques entre les mains des
habitans du pays.
« Les collections minéralogiques faites avec le
plus de foins, depuis plufieurs années, pour recueillir
les produits du département, ne renferment
rien de femblable. Les Mémoires que pof-
fède le Confeil des mines fur la minéralogie &
la géologie des environs de l’Aigle, n'en font aucune
mention.
*> Les fonderies, les ulïnes, les mines des environs
que j'ai vifitées, n’ont rien dans leurs produits
ni dans leurs fcories qui ait avec ces fubf-
t:nces le moindre rapport. On ne voit dans le pays
aucune trace de volcan.
» Tout à coup, & precifément depuis l’époque
du météore, on trouve ces pierres fur le fol &
dans les mains des habitans du pays, qui les con-
fioiffent mieux qu’aucune autre. Elles font fi communes,
que l'on peut eftimer le-nombre de celles
que l'on montre à deux ou trois mille.
33 Ces pierres ne fe rencontrent que dans une
étendue déterminée, fur des terrains étrangers
aux fubftances qu’elles renferment, dans des lieux
où il feroit impoffible qu’en raifon de leur volume
& de leur nombre , elles euffent échappé
aux regards.
» Les plus grofies de ces pierres, lorfqu'on les
caffe, exhalent encore une odeur fulfureufe très-
forte dans leur intérieur ; celle de la furface a
difparu, & les plus petites n'en exhalent plus qui
foie fenfible : en forte que l'odeur exhalée par les
plus grofies paroît aufii de nature à difparoître
avec le tems.
>3 Ce font là autant de preuves phyfiquqs qui
attellent que les pierres météoriques des environs
de l’Aigle font étrangères aux lieux où elles ont
été trouvées ; qu’elles y ont été tranfportées récemment,
depuis l'époque de l’explofion, & par
une caufe qui a modifié les principes qu'elles renferment.
*3 Maintenant fi l'on confulte les témoignages
moraux, que trouve-t on ? Vingt hameaux-difper-
fés fur une étendue de plus de deux lieues carrées,
dont prefque tous lés habirans fe donnent pour
témoins oculaires, & attellent qu’une épouvantable
pluie de pierres a été lancée par le météore.
Dans le nombre fe trouyent des hommes faits, des
femmes, des enfans, des vieillards : ce font des
pavfans fi m pies & grofliers . qui dem*ttrent-a une
grande diftance les uns des antres 5 des laboureurs
■ pleins de fens & de r ai for 5 des eccléfi-ftiquts
| peéiables ; des jeunes gens qui, ayant été min».m.-s,
| font à l’abri des illusions de la peur : «nures
perfonnes, de profitions, de moeurs , d’onin: rr,
fi différentes, n’ayant que peu ou point cL reîa.
dons entr’elles, font tout a coup d’aecmd
atteller un même fait qu’elles n’ont aucun inta.
à fuppoitr ; elles le rapportent tontes au n ;; , ;
jour , à la 3me heure, au même mitant, avec
mêmes cii confiances, avec les mêmes coin; ■•-
fions; & ce fait fi univerfeileuur.t, fi forte
attefté, n’eft qu'une conféquence des pve iîves 1
ftques ralfemblécs précédemment : c'efi qu’il
tombé dans le payA~ des pierres d’une nature particulière
à la fuite de l’explofîon du 6 floréal.
» Bien plus, on montre encore des traces, des
débris qui atteftent matériellement la chute de e s
maffes , dont on ne parle qu'avec effroi. On dit
les avoir vues descendre le long des toits, cafler
des branches d’arbres, rejaillir en tombant fur la
pavé : on dit qu'on a vu la terre fumer autour des
plus grofies, ik qu’on les a tenues brûlantes dans
les mains. Ces récits ne fe font, ces traces ne fe
montrent que dans une étendue de terrain déterminée.
C ’eft là feulement qu’il eft poflible de
trouver,encore quelques pierres météoriques : on
n'en ccnnoïr pas un feu! morceau qui ait été trouvé
fur le terrain hors de cet arrondifl'ement, & il n’y
a pas un feu] témoin qui prétende avoir vu tomber
des pierres ailleurs.
33 Enfin, une troifième efpèce de preuve ré fui te
de certaines particularités phyfiques unanimement
racontées par les habitans du pays, qui font trop
peu éclairés pour en avoir prévu les conféquence?. :
je veux parler des changeoeens fuccefiifs obfeivés
dans la dureté de ces pierres, & dans l'odeur qu’elles
exhaloient ; changemens qui, au rapport des
: témoins, parmi Iefquels il faut compter notre confrère
Leblond, fe font opérés dans l’efpace de
| quelques jours après l'explofion du météore ; chan-
gemens dont j'ai moi-même obfervé très-fenfible-
ment les traces en caffant des morceaux de dlmen-
| fions différentes, & ce nouveau rapprochement
des témoignages & des faits ne fert qu'à montrer
entr’eux un nouvel accord.
33 Ainfi toutes les preuves, foit phyfiques, foit
morales, qu’il a été poffible de recueillir, fe concentrent
, & convergent pour ainfi dire vers un
point unique ; & fi l'on confiJère la manière dont
! nous»avons éré conduits, par la comparaifon des
témoignages, au lieu de l'explofion; le nombre
des renfeignemens pris fur les lieux, & leur accord
avec ceux qui avoient été recueillis à dix lieues de
là la multitude des témoins , leur ciraétère moral
, la reffembiance de leurs récits & leur coïnci-
; dence parfaite, de quelque part qu'ils foient venus
fans qu'il ait été poflible de découvrir à cet égard
une feule exception , on en conclura, fans le
moindre doute,.que le fait fur lequel ces preuves
fe réunifient, eft réellement arrivé, & qu'*7 ejt
tombé des pierres aux environs de /’ Aigle de 6 jioréa/
an xi. p
33 Alors l’enfembîe des témoignages donnera de
ce phénomène la defeription fui van te :
33 Le mardi 6 floréal an x i , vers une heure après
midi, le tems étant ferein, on apperçut de Caen.,
de Pont-Audemer & des environs d'Alençon , de
Falaife & de Verneuil, un globe enflammé, d’un
éclat très-brillant, & qui fe mouvoic dans l’at-
niofphère avec beaucoup de rapidité.
33 Quelques inflans après on entendit à l'Aigle &
autour de cette ville, dans un arrondiflfement de
plus de trente lieues de,rayon, une expiofion violante
qui dura cinq ou fix minutes.
» Ce furent d’abord trois ou quatre coups fem-
blables à des coup^ de canon, fui vis d’une efpèce
de décharge qui reffembloit à une fufiilade ; après
quoi on entendit comme un épouv an cable roulement
de tambours. L'air étoit tranquille 5c le ciel
ferein, à l'exception de quelques nuages, comme
on en voit fréquemment.
» Ce bruit partoit d’un petit nuage qui avoit la
forme d'un rectangle, 5c dont le plus grand côté
étoit dirigé efl-oueft. Il parut immobile pendant
tout le tems que dura le phénomène ; feulement
les vapeurs qui le compofoient, s'écartaient, momentanément
, de différens cotés, par 1 effet des
explofîons fucceflàves. Ce nuage fe trouva à peu
près à une demi-lieue au nord-ouefl de la ville de
l’Aigle : il étoit très-élevé cans l’atmofphère ;,car
les habitans de la Vaffolerie 5c de Boiflavfib, hameaux
litués à plus d'une lieue de diitance l ’un de
l’autre, l obfervèrent en même, tems au .deffus de
leufs têtes. Dans tout le canton fur lequel ce nuage
planoit, on entendit des fiffiemens femblabies a
ceux d’une pierre .lancée par une fronde, & l’on
vit en même te ms tomber une multitude de malles
folides, exactement femblabies à cédés que l'on a
défi g nées fo us j e nom de pierres météoriques.
»* L'arrondi fieraient dans lequel ces ma lies ont
été lancées, a pour limites le château du Fo;nteni],
le;hameau de la Vaffplerie, & les villages de Saint-
Pierre-ie-Sommaire, Glofs, Gouvain, Gau ville &
•.Saint-Mi die ! -de-Sofa maire.
»j C ’eft une etendue elliptique d’environ deux
lieues & den»ie de long, fur à peu près une de
large, la plus grande dimenfion étant dirigée du
. f i i d - c f i au nord-oued , par une déclinaifon d’environ
;21 degrés : c'ait la dircéfion actuelle du méridien
magnétique à l’Aigle.
On peur de là quelques lumières fur la
.diodpl,--- du a.rtoore. En effet, s’il eût éclaté en
un feul bftant, le: pierres euffent .été lancées fur
une étendue à peu près circulaire ; mais b durée
du bruit ar.ru^çe uu* Culte ù'expl-lions fucceifi-
- V e s , qui o n t u répandre d e s pierres fur une é t e r v
d ,ns'ie f e u s fu-ivarsttWqyelle n i é t é p t v
w...pi., C.v , .•.loiîveaièiu ind.îqise donc la direction
horizontale du météore, 5c , en rapprochant
ce refulcat des témoignages qui font tomber le
globe de feu du côté du nord , on en conclura ,
avec une grande apparence de certitude, que le
météore marchoit du fud-eft au notd-oueft, par
une déclinaifon d’environ vingt-deux degrés. •
3» Si les obfervations faites fur la durée du bruit
pouvoient être regardées comme exa&es, on en
déduiroit la vitefie horizontale du météore .d’après
l’ellipticité de l’étendue dans laquelle les pierres
ont été lancées; mais je ne lâche pas qu’il ait été
fait fur ce point aucune obfervation précife , & à
cet égard on ne peut compter que fur l'exactitude
des inftrumens, parce que l'étonnement porte toujours
à augmenter la durée d'un phénomène dont
la continuité nous caufe quelque furprife. On peut
feulement préfumer, d'après ces données, que la
vitefie horizontale du météore, lorfqu’il a éclaté/,
étoit peu confidérable, & c'eft probablement pour
cela qu’on le crcyoit tout-à-fait immobile. Cela
n’empêche pas d'ailleurs qu’il ne pût avoir une
très-grande vitefie dans le fens vertical, puifque
la vitefie horizontale eft la feule que ce genre d ob-
fervatioes puiffe faire connoïtre.
33 Les plus grofies pierres font tombées à l’extrémité
fud-eft du grand axe de l’ellipfe, du cê-.é du
Fontenil & de la Vafiolerie. Les plus petites font
tombées à l’autre extrémité, & les moyennes entre
ces deux points. D’après ces eonfidérations précédemment
rapportées, les plus greffes paroicroient
dire tombées les premières.
>3 La plus groffe de toutes celles que l'on a trouvées
, pefoit 8 k. 63 ( 17 livres & demie ) au moment
où elle tomba ; la plus petite que j'aie vue,
& que j’ai rapportée avec moi, ne p.èfe que 7 ou
8 grammes (environ 1 gros),: cette dernière eft
•donc environ mille fois plus petite que la précédente.
Le-nombre de toutes celles qui font tombées,
peut êt/e évalué à deux ou trois mille.
»3 Les échantillons de pierresjnétéoriques dont il
a été quefiion dans ce Mémoire, font dépofés au
Muféum d'hiftoire naturelle. M. Thénard a bien
voulu en analyfer quelques-uns, & il a trouvé :
Silice............... 46
Fer oxidé ............................................. 4«-
Magnésie........................... i o
NickeL...................... 2
Soufre j environ...........'................................ 5
108
33 D'où il faut retrancher la quantité d’oxigène
qui s’eft unie au métal pendant l ’opération. Les
divers morceaux, que l’on a effayés Comparativement,.
n’ont point offert de différences appréciables,
quoique choifis parmi ceux que leur afpeél
ou le. lieu de leur chute fembioit devoir diftin-
giter.îe plus les uns des autres.
» Ou voit par cette analyfe, que les pierres tombées
aux environs de l'Aigle font compofées des
D d d d i