
autre cercle, plus nombreux peut-être, moins
échauffé encore que le troifième , mais qui a toutes
les difpofitions poffibles pour le devenir bien
davantage. Il ne s’eft formé > ce dernier, que depuis
qu’on a introduit Yoxigene 'parmi les médicamens,
depuis-qu’on lui a reporté une prérogative
d’aéliony attribuée jufqifici à d'autres fubftances
qu’il accompagne 5 ceux-ci, fort étonnés d'abord
de l’admiffion de cet intrus dans la matière médicale
, me paroiffent le retourner de toutes les faces
, le confidérer par -tous les côtés, & ne rien
voir, en dernière analyfe, qu’un pur objet fan-
taftique, faute de s’être habitués à bien concevoir
fa prelence, & à fui vi e pas à pas le chemin que
ce principe, fi long-tems inconnu, a fait dans le
monde depuis que la chimie.lui a en quelque forte
donné fon entrée au mois d’août 1774. Je ne parle
pas du cercle des indifférens ou des apathiques j
qui fe tiennent à l’écart de cette nouveauté, comme
de toutes les autres: leur maffe, inepte d’abord,
finit par devenir: fervile ; & s’il n’y a rien à en
craindre, il n’y a rien non plus à en efpérer.
Au milieu de ces groupes ou de ces cercles,
dont, fans fidtion , je puis me croire véritablement
entouré, comment me conduire avec la prudence,
avec.la fageffe,avec la dignité même qui
conviennent à cet important fujet ? Dois-je attaquer
de front nos antagoniftes, &-efiayer de les
perfuader de l’exiftence de Yoxigene, pour arriver
jufqu’ à leur faire voir qu’il jouit de vertus médicâ-
menteufes; énergiques? Dois-je raflambler tous les
faits qui prouvent que ceux qui répugnent à croire
à fes vertus,: ies emploient tout en les niant , & fans
s’en être même doutés jufqu’ ici ? Dois-je efpérer
que des hommes qui admettent fi gratuitement
& avec tant de bonne volonté le phlogiftique, les
antiphlogiftiques, le doux ; le falé, & toutes les
acrimonies dont ils ne fe font jamais inquiétés de
combattre les hÿpothèfes , voudront bien admettre
un être réellement palpable, pefant, fufcep-
tible de combinaifons & d'effets très-fënfibles fur
l’économie animalei C’eft fans doute une entre-
prife difficile, & je me trouve cependant placé
dans une circonftance trop impérieufe pour ne pas
la tenter. Je me lens même affez de hardieffe pour
ne pas défefpérer du fuccès fi je puis obtenir un
peu de filence de là part des préjugés & des parlions
j carf fans me flatter de parier plus haut
qu’eux, je me perfuade au moins que je raifonne-
rai mieux. Je dirai donc, avec la fimplicité qui
convient au pur énoncé des découvertes, comment
me font venues, il y a plus de quinze ans,
les premières idées fur cette matière, quelles expériences
les ont peu à peu fortifiées dans mon
efprit, quels rapprochemens de faits me les ont
confirmées, jufqu’où je les ai pouffées j comment,
en les énonçant dans mes cours, je les ai confiées
au zèle des étudians & des médecins philofophes.
Je ne cacherai point ce qu'il y a de foible, comme
je ne chercherai point à enfler ce qu'il y a de fort,
parce que je n’ai d’autre intérêt que celui de«
progrès de l’art.'J’inviterai feulement ceux qui
m'écoutent-à me Cuivre avec foin , à ne pas perdre
l'enchaînement &. la férié des faits , à-comparer
ce que je leur expofe avec ce qu’on favoit fùr la
théorie dé l’aétion médicamenteufe, & à prêter
leur attention,1 comme il convient,- à un objet
neuf, difficile, peu:-expliqué encore malgré toutes
les difcuflîons dont il a été la fource, & qui, II
je ne m’égare, ouvre une nouvelle route dans la
thérapeutique.
Lorfque Berthollet, marchant alors fur les traces
de-Macquer pour la théorie, tandis qu'il com-
mençoit à Cuivré de près les premières découvertes
de Scheèle qu’ il étoit appelé à confirmer, à agrandir
& à rallier d’une manière fi brillante à la doctrine
pneumatique, expliquoit, en 1779 & 1780,
la caufticité des fels métalliques par leur avidité à
enlever le phlogiftique aux matières animales ; lorsqu'il
faifoit voir que la diffolution aqueufe de fu-
blimé corrofîf, mife en contaél avec la chair, le
précipitoit en piercure doux, tandis que la matière
animale étoit devenue friable, il étoit déjà facile
de prévoir que le rôle, attribué dès-lors au phlo-
giftiqua, appartenoit réellement à Yoxigene dont
l’aétion devoir avoir lieu d’une manière inverfe,
c’eft-à-dire, que le fublimé corrofif cédoit à la matière
animale fon oxigene, au lieu de lui enlever
fon phlogiftique, & ce fut ainfi en effet que Berthollet
lui-même, ayant folennellement annoncé,
en 178/, qu’il renonçoit à la théorie du phlogiftique
comme! principe imaginaire, quil n?étoit
plus néceffaire d’admettre après les découvertes
de Lavoifiér -, expliqua l’aétion des oxides métalliques
comme cauftiques fur les organes des animaux.
Ce fut à cette épocjue, & même dès la fin
de 1784, que je commençai à préfenter dans mes
cours, comme un fait pofitif, ce que je n’avois
jufque-là énoncé 'que comme une choie encore
hypothétique. Je faifois voir par des expériences,
que les cauftiques métalliques ( l’oxide d’arfenic ,
l’oxide rouge de mercure, l’oxide gris d’argent)
brûloient véritablement les fubftances animales;
qu’ils fe laiflbient enlever, par ces fubftances,
leur principe oxigene » & que ces oxides repaf-
foient ainfi à l ’état métallique > je rapprochai encore
, à la même époque, l’aétion -des grailles
chauffées avec les oxides métalliques dans la préparation
des onguens, parce qu’il étoit naturel de
confidérer ie phofphore & les grailles fi abondans
au foin des matièresanimales , comme des corps
très-propres à éclairer für la nature de 1 altération
que les fubftances animales éprouvoient de la part
des Cauftiques métalliques. Bientôt je pouffai dans
mes leçons cette idée plus loin, en faifant obfer-
ver aux élèves, que l’énergie des cauftiques n’étoit
que l’extrême de la puiffance médicamenteufe. Je
commençai, en 1785 & 17867a faire entrevoir que
l’a&ion de quelques médicamens pourroit bien provenir
de Yoxigene qui entroit dans leur compolition.
tion. L’étude des propriétés de ce principe , qui
m’occupôit alors avec ardeur, me le faifoit voir
jouaht un rôle immenfe dans les phénomènes chimiques.
Précipité de l’air vital atmofphérique dans
les corps combuftibles , par l’effet même de la
combuuion, je le montrai conftamment caraété-
rifé dans fa combinaifon avec les corps brûlés,
comme principe de leur faveur & de leur âcreté ,
en offrant à la jeuneffe ftudieufe l’exemple du
charbon , du foufre, du phofphore, prefqu’infï-
pides, & devenant aigres, piquans, cauftiques
même par l’addition de Yoxigene ; l’exemple de
l’arfenic, du cuivre, du mercure, de l’antimoine,
n’àyant qu’une aétion foible ou nulle fur les animaux
dans leur état métallique, & pafTant à la
nature d’irritans, de purgatifs, d’émétiques, de
corrofifs même, fuivant la proportion a oxigene
qui leur étoit unie dans les aiverfes préparations
pharmaceutiques auxquelles ils étoient fournis.
Ainfi je m’élevai peu à peu d’expériences en
expériences, & de méditations en méditations, à
confidérer la propriété purgative , émétique, fti-
mulante , fondante, comme les premiers degrés
ou les termes progreflîfs d’une graduation ou d’une
échelle médicamenteufe, dont l’inertie ou la foi-
bleffe étoit le minimum, & la caufticitë deftruc-
tive de l’organifation animale étoit le maximum
ou le fommet.
Les objections que je me fis à moi-même, loin
d’arrêter la marche de ma raifon dans cette fuc-
ceflion d’idées, ne firent que l ’accélérer par ia
promptitude & l’affuranèe des réponfes que les
faits chimiques me fournirent. L'eau, de tous les
corps le plus oxigéné, puifqu’il en contient o,8y,
n’a eu qu’une action médicamenteufe très-foible,
parce que le principe qui y fixe l’oxigène, Ieso,iy
d’hydrogène qui le faturent, le retiennent avec
trop de force pour qu’il puifïe fe porter fur les
matières animales ; fans cela, au lieu d’offrir à
l’homme & aux animaux le préfent qui étanche
leur foif & foutient leur exiftence, la nature ne
leur auroit donné dans l’eau qu’un liquide incendiaire
& deftruCteur, plus dëforganifant encore
que ces acides minéraux puiffans, dont l’art chimique
a fu opérer la féparation des compofés où
ils exiftent, ou la compofition totale. Ce que j’ai
conçu de l’inaétivité médicamenteufe de l’eau, je
l ’ai Amplement appliqué à tous les corps naturellement
ou artificiellement oxigénés, qui n’exercent
non plus, malgré la préfence de l ’oxigène,
qu’une aCtion foible ou nulle fur les organes des
animaux vivans.
Ainfi s’eft graduellement formé pour moi un
fécond principe fur la propriété médicamenteufe
des fubftances oxigénées ; favoir, que ces fubftances
ne font réellement des médicamens , ou
n’exercent des effets fenfibles dans nos corps,
quautant que, contenant de l’oxigène, elles l'abandonnent
plus ou moins facilement aux matières
animales dont elles, ont le contaéfc, Cette fécondé
Chimie. Tome V ,
confidération ne m'a pas moins fervi que la première
i répandre un grand jour fur l'action médicamenteufe
en général, dont il ne faut jamais
perdre de vue qu’une légère faveur, âcre ou défa-
gréable, autre, en un mot, que la fapidité alimentaire,
eft le minimum, & la caufticité le maxi~
mum. C ’eft elle qui m’a fait voir que les cauftiques
acides ou métalliques étoient tous compris dans la
claffe des corps combuftibles brûlés qui tiennent
le moins à l’oxigène, & qui le cèdent le plus facilement
aux matières animales, telles que l ’acide
nitrique, les oxides d’or & d’argent, l’ oxide de
mercure rouge. Elle feule peut expliquer comment
un corps oxidé eft d’autant, plus aétif qu’il
contient plus d’oxigène; comment, par exemple,
l’oxide rouge de mercure, qui eft cauftique, n’eft
que purgatif pu altérant lorfqu’ il eft oxide gris ou
oxide blanc > car il eft important de placer ici ce
réfultat chimique, devenu fi fécond en ce moment,
queI’attraCèion entre les corps combinés eft
en raifon inverfe de la faturation, c’eft-à-dire, que
plus les corps, dans leur union, font éloignés de
la quantité réciproque qui doit les faturer, & plus
ils adhèrent les uns aux autres. Ainfi l’oxide de fer
rouge, ou un fafran de mars, eft plus énergique
que l’oxide de fer noir ou éthiops martial, parce
que la portion d’oxigène qu’il contient au deffus
de fon oxidation en noir, adhère moins que celle
qui le conftitue premier oxide.
Dans le fécond énoncé fe trouve renfermé
une fuite de propofitions qui en découlent fi immédiatement,
que jamais, dans aucun effai de
théorie médicale, les explications n’ont été plus
rapprochées de l’obfervation ; jamais lumière plus
vive n’a éclairé la thérapeutique : je ne citerai ici
que quelques-unes des applications dont je parle;
toutes celles qui y tiennent, fe préfenteront facilement
à ceux qui voudront porter la plus légère
attention fur cet objet. Il paroîc fi vrai que la propriété
médicamenteufe, dépendant de la préfence
de l’oxigène , eft en raifon direfte de l'attraétion
de ce principe pour les matières animales, & de
la rapidité avec laquelle il peut quitter les com-
pofés dont il fait partie pour s’unir à ces fubftances
organifées, que l’eau, comme hydrogène
oxigéné ( l’hydrogène étant de tous les corps celui
qui a le plus d’affinité pour l’oxigène), eft le plus
foible des médicamens ; que l’acide carbonique
où l'oxigene eft retenu par le carbone, tenant le
fécond rang après l’hydrogène, n’eft que très-
légérement aigre & n’a que peu de force médicamenteufe
; que le phofphore, qui tient le troi-
fième rang pour fon affinité avec l’oxigène, forme
avec lui l’acide phofphorique , fore éloigné de
l’âcreté de l’acide fulfurique; dont le radical, le
foufre , tient plus foiblement à l’oxigène que le
phofphore, & que l’acide nitrique , le plus puif-
fant de ces compofés acidifiés, n'eft lié , dans fa
compofition faturée d’azote oxigéné, que par un
noeud fi relâché, que l’oxigène qui s’en fépare-
D a d
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