
d’exiftence que dans l’imagination des chimiftes,
& inventé pour expliquer., tant bien que mal, une
multitude de faits & de phénomènes obfcurs &
embarraffans.
» Le parti le plus fage feroit peut-être de Iaiffer
ces philofophes dans leur opinion, fans faire de
nouveaux efforts pour éclaircir eettesnatière; ce-
endant comme la chimie ne peut que gagner
eaucoup à être plus connue & plus répandue
u'elle ne l'eft, je vais ajourer ici quelques confi-
érations relatives au phlogijlique 3 & dont ce que
j'ai dit fur ]a nature du feu m'a fait naître l'idée.
L'opinion que j'adopte dans l'article du F e u confine
à ne reconnoïtre dans cet élément aucune
autre fu bilan ce que celle de la lumière, & à ne
regarder la chaleur que comme le mouvement de
vibration ou d'olcillation dont les parties agrégatives
& confiitutives des corps quelconques font
fufceptibles quand elles font ébranlées par le choc,
foit de la lumière, foit de toute autre matière en
mouvement. Si cette opinion efl tien fondée, il
s'enfuit néçeffai rement que la chaleur, n'étant
point une matière propre, mais feulement une
modification , une manière d'être dont toute efpèce
de matière efl fufceptible, la chaleur ne peut,
pas plus que le mouvement, entrer dans aucune
combinaifon, ni fe fixer dans aucun compofé en
qualité de principe ou de partie conftitutive (i).
Àinfi le phlogiflique ou le feu combiné des chi-
mifles n'eft point de la chaleur ni rien qui y ait
aucun rapport. Mais comme les corps combufti- ;
blés produifent, dans leur combuftion, tous les
phénomènes du feu, le principe igné auquel ils
doivent cette propriété, ne peut donc être autre
chofe que la matière même de la lumière , laquelle,
à mefure qu'elle fe dégage des liens de la
combinaifon, produit non-feulement les phénomènes
qui lui font propres, mais encore la chaleur
ou le mouvement de vibration des particules
des corps, en quoi la chaleur confifie effentielle-
ment.
» Il fuit de là que les noms de feu principe, de
feu combiné , de feu fixé, de principe inflammable,
ou enfin celui de. phlogijlique, par lequel les chi-
miftes ont dénommé cette même fubftance en un
feul mot, n’expriment autre chofe que la matière
même de la lumière, confédérée comme fixée dans (i)
( i ) M a c q u e r , p o u r p r o u v e r q u e le phlogijlique n ’ e f t p a s
d e l a c h a l e u r c o m b in é e , p r e n d i c i u n p a r t i d é c i d é , c e lu i
d e n i e r l ’ e x i f t e n c e d e l a c h a l e u r j & d e n e l a r e g a r d e r q u e
C om m e u n ç f f e t d o n t t o u s le s c o rp s - f o n t f u f c e p t i b l e s , fie q u i
e f l d u a la v ib r a t i o n d e l e u r s m o lé c u le s . Q u o iq u e c e l a n e -
f a f lë r i e n a l ’h j f t o i r c d u p r é t e n d u phlogijlique, j e d o i s fa i r e
remarq^uqr i c i q u e ., q u e l q u e c e t t e o p in io n p a r o i f f e , f in o n
> a u m o i n s , p ré fé r é e c om m e h y p o t h ç f t p a r d e c é l è - ,
b r e S p h y / î c ie n s f i^ g é o m è t r e s , le s - c h im i i le s p r o p r em e n t d i t s ,
q ù i fe l i y r e n t a u x , e x p é r i e n c e s f i t à ; r p h f e t v a t i e n , fo n t
A .re g a rd e r le c a lo r iq u e c o m m e u n e m a t i è r e e x i s t a n t e ’
p a r e l le - in e ip e , m e f u r a b l e , o b é i ï | k n ï : à d e s a f f in i t é s , fie f ^ f - ■
. c è p i ib le d . e ju r e r d a n s n n g r a a d i f i ç n ib r e d e ç o n ib in jL i fo n s . j
les mixtes en qualité d'une de leurs parties conf-
citutrves. Tout l'embarras , toute t’obfcurité que
ceux qui n'ont pas lu ou entendu les ouvrages des
bons chiinifies modernes ont trouvés dans la' théorie
du phlogijlique, viennent uniquement de ce
qu'on n'avoit point une idée nette de la nature du
feu & de ce qu’on regard oit la chaleur comme
lui-même, tandis qu’elle n'eft qu'un de fes effets,
& un effet qui ne lui eft pas même particulier,
mais qui peut être produit par toute autre matière,
pourvu qu'elle foit animée d'une^fuffifante quantité
de mouvement inteftin.
. » Le phlogijlique n’eft donc antre chofe que la
propre fubftance de la lumière fixée immédiatement
ou médiatement dans un grand nombre de
compofés, dont elle eft un des principes, 8c privée
, tant qu'elle eft dans cet état de fixation, de
fa mobilité , 8c des autres propriétés qui la carac-
térifent quand elle eft libre.
53 1 a lumière étant reconnue pour une fubftance
matérielle dont on connoït lè mouvement, l’élaf-
la réfrangibilité.; ï&feficxibilité, qu'on peut
diriger, détourner, réfléchir, concentrer, difper-
fer, & c . , qu'on peut même décompofèr & re-
compofer, il n'y a pas plus dè difficulté à concevoir
qu'elle s'unit & fe combine avec toute autre
efpèce de matière, qu'il n'y en a à comprendre
que l'air, l’eau & la terre font fufceptibles de ces
mêmes unions > 8c perfonne affurément ne s'eft
; encore avifé de douter que l'air, l'eau & la terre
qu’on obtient dans l’analyfe chimique des mixtes,
ne fuffent combinés dans ces mixtes avant leur dé-
compofition. Pourquoi n'en feroit-il donc pas de
même de la lumière, fubftance à la vérité plus
mobile , mais tout aufti matérielle que l’air, l'eau
& la terre ? Peut-il y avoir aucune efpèce de matière
qui ne foit pas fourni fe à l’attraftion ou à la
tendance générale qui porte toutes les parties de
la matière les unes vers les autres, & qui en con-
■ féquence ne foit capable de contrarier toutes les
unions imaginables lorfque rien ne s'oppofe à ces
unions ? Une matière telle que la lumière, dont
non-feulement les chimiftes , mais même les Amples
phyficiens les moins initiés dans la chimie,
eonnoiffVnt déjà tant de belles propriétés, pourra-
, t-elle donc être regardée comme un être luppofé'
& imaginaire ? Quand il eft démontré, par les faits
lts plus nombreux & les mieux conftatés ,< que^
cette .fubftance, a laquelle il ne manqué aucune'
I des propriétés de la matière ; eft réellement combinée,
comme partie cotifticutive, dans un-grand'
nombre de corps compofés s & particuliérement
dans les corps combuftibles , ne fera-t-il pas permis,
né fera-t-il pas meme utile de la défigurer par
* un nom particulier, tel que celui de phlogjsti-
•Ql,E j.Tour diftinguer la portion de la lumière qui
!eft dan,s cet état de combinaifon & de fixation, de
la portion de la même matière qui} n’étant retenue
par aupqn lien ,, jouit de. toute la mobilité qui la
caratftéfife dans fon état de liberté ? Les chimiftes,
convaincus, par des expériences multipliées &
inconteftables, que les graiffes, les réiines, les
bitumes, les charbons , les métaux, en un mot,
tous les corps combuftibles, de quelque nature
qu’ils puiflent être, forment conftamment, avec
l’acide vitriolique qui n'eft pas combuftibîe, un
compofé combuftibîe qu'on nomme du foufre, &
que les corps combuftibles employés dans cette
combinaifon perdent de leur combuftibilité à proportion
qu'ils contribuent à la production d'une
plus grande quantité de foufre, en ont conclu
qu'il y a daps tous les corps combuftibles une matière
combinée, un principe auquel ces corps doivent
leur combuftibilité, & que c'eft cette même
matière qui les quitte pour s'unir à l'acide vitrio-
lique, avec lequel il forme le nouveau compofé
combuftibîe.
» Les mêmes phyficiens-chimiftes, après avoir
fournis à toutes les épreuves imaginables le foufre
qu'ils produifoient dans les différentes comhinai-
fons dont on vient de parler, & après avoir reconnu,
avec la dernière évidence, que ce foufre
étoit toujours parfaitement le même , toujours
abfolument femblable à lui-même, en un mot,
décidément identique de quelque nature que fût le
corps inflammable qui lui eut fourni fon principe
phlogijlique3 en ont conclu que, comme l'acide
vitriolique de ce compofé étoit confiant, il n'y
avoit que fon principe inflammable qui put varier,
& que , comme il ne varioit pas & ne faifoit pas
varier le foufre, ce principe de l’inflammabilité,
[e phlogijlique en un mot, étoit lui-même une
fubftance invariable, toujours la même, enfin tout-
à-fait identique dans les corps combuftibles quelconques.
» Cette même vérité leur a été confirmée par
une infinité d'autres faits auffi certains & auffi
décififs que la compofition artificielle du foufre,
& furtout par les réductions de toutes les chaux
métalliques. Ils ont vu que la plupart des métaux,
expofés à l’aétion du feu avec le libre corna# de
1 air ,vc'eft-à-dire, avec les conditions néceffaires
a la combuftion des corps combuftibles, perdoient
plus ou moins complètement leur forme & leurs
Propriétés métalliques ; que quelques-uns même
bruloient alors avec une flamme très-fenfible ; ils
en ont conclu que ces compofés contenoient le
principe de l'inflammabilité ou le phlogijlique ,* ils
fe font afîurés que les terres ou cendres qui ref-
toient après ces combuftions, fe recompofoient en
métal toutes les fois qu on leur appliqueit un corps
combuftibîe contenant le phlogijlique, & capable
ue leur rendre ce qu’ils avoient perdu j oue ce
corps combuftibîe, iervant à la réduction des terres
métalliques , perdoit de fa combuftibilité à
proportion qu'il la procuroit à la terre qu’il ré-
dutfoit en métal ; ils en ont conclu que le phlogif-
tlq-ue, pafloit des corps combuftibles dans les com-
P° es métalliques. Enfin, ils ont démontré , par les
^periences les plus Amples , les plus certaines 9
que la terre d'un métal quelconque, celle dft
plomb, par exemple, ne reforrfioit jamais un autre
métal que du plomb quand on lui combinoit lô
phlogijlique, & que, de quelqu'efpèce que fût le
corps combuftibîe dans lequel on prenoit le phlogijlique
pour le combiner avec la chaux du plombi
que ce fût des huiles, des réfines, des graifles,
des bois, des charbons, d'un autre métal même,
il réfuîtoit de toutes ces combinai fon s un plomb
toujours ex-télément le même, fans la moindre différence
fer fi b le: ; ils ont conclu affirmativement de
tous ces faits, que le principe de l ’inflammabilité
étoit un être confiant, toujours le même, toujours
femblable à lui-même ; en un mot, un être
identique dans toute la nature, de même que l'eau,
l’air, l'or, & une infinité d'autres corps plus ou
moins Amples ou décompofés, mais conftans, identiques
& invariables chacun dans fon efpèce. Si ce
n'eft pas là une conclufion légitime , une conclu-
fion qui fuit néçeffairement des faits j s'il n’eft pas
permis de dire qu’un globule d’or pur eft en touf
femblable, & de nature identique avec un autre
globule d’qr pur j qu'une goutte d'eau pure eft la
même efpèce de matière qu'une autre goutte de
la même eau; qu’une molécule de lumière non
décompofée ne diffère en rien d’une autre molécule
de h même lumière , il faut convenir qu’il
n'y a plus aucune efpèce de raifonnement à faire,
non-feulement en chimie, mais encore dans quelque
genre de icience 8c de connoiflance que ce
foit (i).
33 J'ai déjà dit la plupart de ces chofes dans
nombre d endroits de mes ouvrages ; je demande
bien pardon aux leéteurs intelligens & attentifs de
les répéter encore ici j mais on conviendra fans
doute que j’y fuis forcé, en lifant le paffage fui-
vant d'un ouvrage imprimé en 1 7 7 4 .
« Le-fameux phlogijlique des chimiftes (être de
M leur méthode plutôt que de la nature) n’eft pas
»» un principe Jtmple 8c identique, comme ils nous
” 1® préfentent ; c’eft un compofé, un produit de
l'alliage, un résultat de la combinaifon des deux
33 élémens de l'air 8c du feu fixés dans les corps.
33 Sans nous arrêter donc fur les idées obfcures &
>> incomplètes que pourroit nous fournir la confia
( 1 ) M a c q u e r n e f em b le p lu s d o u t e r i c i q u ’ i l a d é c o u v e r t
l a v é r i t a b l e m a t i è r e d u phlogijlique, Sc q u e c ’ e f t la lu m i è r e
q u i jo u é c e r ô le e n fe c o m b in a n t a v e c fe s c o r p s j q u ’ e l le
d o n n e l ’ o d e u r , l a c o u l e u r , l a v o l a t i l i t é , l a f u f i b i l i t é , 8c
f u r t o u t l a c o m b u f t ib i l i t é a c e u x q u i n e l ’ a v o i e n t pu s j q u e
c ’ e f t e l le q u i fe d é g a g e e n c o r p s c om b u f t ib le s lo r s d e l a
c o m b u f t i o n d e i m é t a u x , lo r s d e l e u r o x id a t i o n o u d e l e u r
d i f lb lu t iô n . d a n s îes a c id e s . P o u r é t a b l i r c e t t e d o & r i n c , i l
a c r u d e v o i r r é p o n d r e a u x o b j e c t io n s q u e B u f f o a a f a i t e *
c o n t r e le phlogijlique & à l ’o p in i o n d e c e g r a n d é c r i v a i n , q u i
p e n f o i t q u e le p r in c ip e in f l am m a b l e f û t u n a l l i a g e d e l ’ a i r Sc
d u fe u f ix é d a n s le s c o r p s : i l s ’ e f t f e r v i m êm e d e l a r é p o n f c
à c e t t e o b j e c t io n p o u r e f f a y e r d e l i e r f a t h é o r ie p a r t i c u l i è r e
a v e c c e lle d e s c h im i f t e s f r a n ç a i s , q u i c o m m c n ç o i e n t à p a r le r
a lo r s d e l a f i x a t i o n d e l ’ a i r d a n s le s r a é u u x & l e s c o r p s prules, 1 *