
riante : il fe change alors en une pouflïère brune-
noirâtre. On produit le même-effet par une longue
expofition à la chaleur de l'eau bouillante , ou
plutôt on diminue feulement ainfi fa propriété fulminante
; car jamais on ne la lui ôte entièrement
par-là. Hellot a vu qu'en plaçant l’or fulminant
entre deux cartes , &: en le chauffant, il ne don-
noit qu'un bruit léger, & laifloit un oxide violet
fur les cartes. Quand on jette par petites parcelles
l'or fulminant fur des charbons allumés, il pétille
feulement, & décrépite fans fulminer. !.e contaét
de l’air favorife manifeftement fa fulmination , 8c
quand on oppofe, dans un vaiflèau allez fort &
bien fermé, une réfïftance infurmontable au dégagement
de gaz qui accompagne cette fulmination,
celle-ci n'a pas lieu. C ’eft ainfi que Birch a
fait voir, devant la Société royale de Londres,
que l’or fulminant enfermé dans un globe de fer
8c chauffé fortement ne fulminoit pas. Bergman
a vérifié ce fait, & obfervé que l'or chauffé dans
une fphère de cuivre épaiffe, fermée par un pas
de vis , fe réduifoit fans fulminer. Il ajoute que
douze grains d'or fulminant ainfi traités ont donné
un gaz qui s'échappoit avec fifflement-, mais fans
détoner. M. Berthollet, en chauffant doucement
le précipité d'or fulminant dans des tubes de cuivre
dont l’extrémité plongeoit foiis des cloches
pleines de mercure , a obtenu du gaz ammoniac,
& l’or étoit réduit en oxide violet. Ainfi il eft
prouvé qu'une chaleur douce capable de volati-
lifer 1 ammoniaque, ou qu'une réfiftance forte fuf-
ceptible de s'oppofer, même pendant l’aètion d'une
forte chaleur , à la dilatation fubite des gaz qui fe
dégagent de l’or fulminant, s oppofe également
à fa fulmination. Dans le premier cas, il y a de
l ’ammoniaque dégagée, & il refte de l ’or en oxide}
dans le fécond, l’or eft réduit quoiqu’il n’y ait point
de détonation.
Avant les expériences exactes de Bergman, &
furtout avant celles de M. Berthollet, on ignoroit
encore la véritable caufe de la fulmination de l'or
fulminant ; elle a été apperçue par le premier, &
mife en fuite hors de doute par le fécond de ces
chimiftes. En faifant détoner, à l'aide d’une forte
chaleur, quelques grains d'or fulminant dans des
tubes de cuivre dont l’extrémité plongeoit fous
des cloches pleines de mercure, M. Berthollet a
obtenu du gaz azote , quelques gouttes d'eau, &
d e l’ or bien réduit. L'or fulminant, compofé d’oxide
d’or & d'ammoniaque, éprouve alors une double
décompofition dans tes deux compofés binaires
qui 1e forment : l'ammoniaque porte fon hydrogène
fur l'oxigène de l'oxide d’or, & c'en à la
dilatation violente autant que fubite, ainfi qu'à la
rapide condenfation de ces deux corps au moment
où ils s'unifient pour former de l'eau, que font
dus la flamme & 1e bruit qui fe produifent pendant
cette décompofition. Alors l’autre principe
de l’ammoniaque, l’azote , devenu libre, fe dégage
en fluide élaftique, 8c contribue ainfi à la
percuflîon de l'air & à la fulmination, tandis que
i'or, privé de fon oxigène, reparoit fous fa forme
8c avec fon brillant métalliques. L’or fulminant ett
donc , comme l’argent fulminant, un oxide ammoniacal.
Les différences qui exiftent entre cts
deux produits, tiennent certainement aux proportions
8c à l'état plus' ou moins condenfé de 1 oxide
8c de l'ammoniaque qu ils contiennent ; il ne relie
plus à trouver, pour les connoïtre parfaitement,
que ces feules différences de proportion qui rendent
le premier beaucoup plus fulminant que 1e
fécond.
Cette théorie fimple de la nature 8r des propriétés
de l’oxide d’or ammoniacal fulminant explique
facilement les divers moyens qui ont ete
employés pour détruire fa propriété fulminante.
Une chakur très-douce produit cet effet en voia-
tihfant l’ammoniaque, 8c en réduifant 1e compofé
au fimple état d'oxide. Une très-forte réfïftance
au développement de fes principes dans l état gazeux
s'oppofe à fa détonation. La décoétion longue
dans l’eau n'êft pas propre à cela, malgré 1 af-
fertion de quelques chimiftes, d’après les expériences
pofitives de Bergmanqui a tait bouillir
deux fois de fuite-8c pendant une heure chaque
fois, de l'or fulminant avec fix cents parties d’eau :
fa propriété fulminante, loin d'avoir diminue, n a
fait qu’augmenter par cette opération j ce qui
prouve que ce compofé, loin d’être difloluble
dans l’eau , ne fait que céder à ce liquide les
corps étrangers & falins qui lui font mêles, & qui
nuifent plus ou moins à fa propriété fulminante.
Au contraire, tout corps fec, interpofé entre tes
molécules de l’or fulminant, l'empêche de détoner
, ou diminue fa fulmination en écartant^ fes
molécules. 11 n’eft pas vrai de dire, comme l’ont
avancé beaucoup de chimiftes, que les acides
aient généralement 1e pouvoir de détruire la propriété
détonante, car Bergman a reconnu que
malgré la digeflion dans ces corps, l’or fulminant
confervoit fon caractère , & furtout que, diflous
entièrement dans l'acide muriatique , 8c précipité
parla potaffe , il le recouvroit comme auparavant.
Cependant on parvient à 1e dépouiller de cette
propriété lorfqu'après avoir fait digérer piulieurs
fois de fuite des acides fur l’or fulminant, on le
lave à chaque fois avec beaucoup d’eau. Plufieurs
acides mêmes 1e réduifent par ce moyen en oxide
pourpre ou en or métallique. Les alcalis, mélangés
avec lui par une légère 8c douce trituration, modèrent
finguliérement fa détonation : fi on les fait
digérer avec de l'eau fur l'or fulminant, ils la lui
enlèvent entièrement > mais l’a&ion de la chaleur
tente contribue beaucoup à cet effet. Au refte, il
faut toujours faire tous ces effais avec prudence ,
& effayer enfuite 1e produit fur de très-petites
quantités. Le foufre, tes huiles elles-mêmes ont
la puiffance d’ôter aufli à l'or fulminant fa propriété
fulminante, 8c il eft facile de voir que cela
tient à ce que, comme dans tes premières expétîences
citées , ces fubftances en réparent 1 ammoniaque
& en réduilent l'oxide; aufli 1 or reprend
il alors fa forme métallique. . ^
Le muriate d’or ou la diflolution d’or, que j ai
prouvé n’êtreen effet que cette efpèce de Ë j , eft
décompofée par la plupart des fubftances métalliques
qui ont p'us d’attraélion pour l’oxigène, que
n’en a l’or. Le bifmuth, le zinc, le fer, le plomb,
le cuivre, l’argent, 1e mercure même , ont fpécia-
lement cette propriété, 8c on s’en fert quelquefois
avec avantage pour couvrir quelques-uns de ces
métaux d’une couche d’or: il en eft cependant,
tels que le plomb 8c l’argent , qui ne le (éparent
que fous la forme d’oxide pourpre ; c’ eft en rai Ton
du premier de ces phénomènes de la réduction 8c
de la précipitation de l’or réduit par les métaux,
que l’on dore tes roues de cuivre qui font employées
dans l’horlogerie. Mais aucune de ces précipitations
n’eft aufli fingulière , 8c n’a plus attiré
l ’attention des chimiftes, que celle qui eft opérée
par l’étain. On va trouver encore ici une preuve
de l’avantage de la doéhine pneumatique , qui a
pu feule détruire toutes les difficultés, foit pratiques
, foit théoriques, dont étoit heriffee cette
opération chimique. D’ailleurs,dans l’explication
qui y eft relative, cette do&rine épargne tous les
détails qu’on étoit autrefois obligé de donner fur
la préparation formée par la précipitation de l’or ,
opérée à l’aide de l'étain. C ’eft Caflius qui a le
premier décrit avec foin cette préparation, quoiqu'elle
ait été connue avant lui, 8c annoncée dans
plufieurs ouvrages de chimie, & furtout dans ceux
de BafileValentin. Evxleben a donné une Diflèrta-
tion très-détaillee fur cet objet > mais maigre les
nombreufes 8c utiles expériences dont elle eft
remplie, il s’en falloit de beaucoup néanmoins
que cette matière eût été convenablement éclaircie
jufqu’au travail de Pelletier fur tes deux états
de la diflolution muriatique d’etain , travail qui a
détruit toutes les obfcurités dont cette opération
étoit encore couverte.
Quand on plonge une lame d’étain dans la dif-
folution d'or, la furface de ce métal fe colore tout
à coup en violet ou en pourpre très-foncé, 8c
une pouflïère de cette couleur, d’une fineffe extrême,
fe répand peu à peu dans toute la liqueur,
dont elle détruit la tranfparence, 8c quelle rend
prefque noire. On nomme cette poudre p r é c ip it é
d e CaJJius , p r é c ip it é p o u r p r e ou p o u r p r e m in é r a l. Ce
n'eft point par ce procédé qu’on la prépare abondamment
pour les arts de la porcelaine ou de la
faïence où elle eft fort employée j c’eft en mêlant
une diflolution d’étain dans l'acide nitro-muria-
,tique ou dans l’acide muriatique , avec la diflolu-
\tion de l’or, qu'on l’obtient très abondamment.
Mais autrefois ce mélange ne produifoit pas toujours
la couleur que l’on cherchoit : tantôt on n'a-
voit qu’un brun-Cale 5 quelquefois on ne produifoit
rien. Quoique quelques obfervations faites par
plufieurs chimiftes auroient pu mettre fur la voie
pour reconnoître la véritable caufe de toutes tes
incertitudes, on n’a pu tes connoïtre définitivement
que lorfque Pelletier a eu découvert que 1e
muriate d’étain avoit la propriété d’abforber de
l’oxigène atmofphérique j que quand il s en étoit
faturé, il ne donnoit plus de précipité pourpre ;
que ce précipité tenoit même a la grande tendance
de l’étain non faturé d’oxigène pour ce principe;
qu’ il l’enlevoit à l’oxide jaune d'or, & qu’en le
ramenant à l'état d’oxide pourpre il le^ feparoit de
fa diflolution , 8c s’y umffoit lui-même intimement
; que c'étoit pour cela que la liqueur fur
mante de Libavius, ou le muriate furoxigene d é-
tain ,ne précipitoit pas la diflolution d’or/ que par
la même raifon une diflolution d’étain, faite depuis
long-tems , 8c expofée à l’air dont elle avoit
abforbé l’oxigène qui l'avoit faturee , ne donnoit
plus de précipité pourpre avec 1e muriate d o r $
que celle qui n’avoit encore abforbe qu une foi-
ble portion d’oxigène , y formoit un précipite
rouge-pâle ou fauve, 8c qu’ainfi cette précipitation
confiftant dans la déloxidation de 1 or par
l’étain, & dans l’union de l'oxidc d o r en partie
defoxidé avec l’oxide d’étain plus oxigéné qu’au-
paravant > il feroit déformais toujours facile de
préparer à volonté le précipite pourpre, 8c il
n’arrivetoit plus de manquer cette importante
préparation. L’expérience de tous l-; s chimiftes
confirme cette théorie fimple 8c lumineufe de
Pelletier. J’ajouterai à ces faits , que pour avoir
un beau pourpre il faut étendre les deux diffolu-
tions de beaucoup d’eau, 8c agiter rapidement 1e
mélange.
C ’eft au même principe , à la grande attraction
du fer pour l’oxigène, quand il n’en eft pas faturé,
qu’tft due la décompofition de la diflolution muriatique
d’or; lorfqu’on y verfe une diflolution
de fulfate de fer verte 8c récente, tout à coup il
fe forme un précipité d’or réduit. Bergman a cru
ce précipité tellement rapproché de l'état d’or,
qu'il l’a donné comme moyen de reconnoître 8c
rte déterminer la proportion de ce mérâl diflous
dans tes effais de fes mines par la voie humide.
Le fulfate de fer rouge ou furoxigéné ne forme
point un pareil dépôt dars 1e muriate d’or. 11 faut
que le fer foit .peu oxidé pour précipiter l’or en
lui enlevant de l’oxigène.
Plufieurs antres diffolutions métalliques ont
également la propriété de décompofer 8c de précipiter
la diflolution muriatique d’or. Le nitrate
d’argent y forme un précipité rougeâtre, mélangé
de muriate d’argent blanc 8c d’oxide d’or pourpre :
celui de plomb y donne un dépôt obfcur 8c foncé,
compofé de muriate de plomb 8c d’oxide d’or. On
ne connoît pas même à beaucoup près tous tes
effets réciproque^ que tes fels métalliques divers
font capables de produire, 8c les compofés qu’ils
peuvent former ayec la diflolution d’o r, fur laquelle
beaucoup d’entr’eux font fufceptibles
. d'agir.