
une plaque de fer bien chaude, paroiffent très-
lumineux dans l'obfcurité } & chaque parcelle de
ces fpaths reffemble à une belle étoile ou à un
petit morceau dephofpkore brillant de lumière.
“ Cet effet n’eft point particulier aux fpaths.
M. Lavoifier ayant communiqué dernièrement à
l’Académie ( 1778) l ’obfervation qu’il avoit faite
fur une craie qui le produifoit aufli d’une manière
affez fenfiblé, plufieurs autres phyfîciens, 8c
M. Lavoifier lui-même, ont trouvé qu’un très-
grand nombre de terres calcaires avoient la même
propriété : on n’en a pas même encore rencon-
tré qui ne Teuffent pas ; en forte qu’ il eft très-
probable que cet effet eft général pour toutes les
efpèces de cette terte, mais avec des différences
pour l’intenfité 8c la durée de la lumière j car
cette lumière diminue alfez promptement, &
s’éteint enfuite- entièrement quoiqu’on réchauffe
la plaque de fer. J’ai fait moi-même quelques expériences
de ce genre , dont je vais expofer ici
lès réfultats.
» La terre calcaire contenant toute fa matière
animale, qui n’a fubi aucune altération, aucune
deftruétion par un long féjour dans l’intérieur de
la terre, telle qu’elle l’eft dans les coquilles fraîches
d’huitres Amplement lavées, pilées & fé-
chées, devient lumineufe fur la plaque de fer
chaude i mais fa lumière m’a paru moins forte &
moins durable que celle de la craie de Bougival.
» La magnéfie du fel d’Epfom, non calcinée,
m’ a donné une lumière alfez belle & alfez durable
: la même terre calcinée n'a pris qu’une lumière
foible 8c peu durable.
» La terre des os des animaux, non calcinée,
précipitée de fa dilfolution dans l’acide nitreux ,
bien lavée & bien féchée, m’a produit une lumière
plus belle & plus durable que celle de la
magnéfie du fel d’Epfom non calcinée.
5» Les galets quartzeux de la Loire, pulvérifés
& non calcinés, n’ont pris qu’une lumière foible
te peu durable.
La terre de l’alun, précipitée par l’alcali fixe,
bian lavée & bien féchée, fans calcination , m’a
fait voir une lumière très-belle & très-durable.
*> Enfin , ce qui eft alfez remarquable, le tartre
vitriolé en poudre, mis fur la plaque ou pelle
de fer chaude, a pris une lumière phofphorique,
à peu près de même intenfité & de même durée
que celle de la craie.
»3 Ces expériences avoient été faites par un
tems froid, très-fec 8c très-favorable à l’éledri-
cité: c’étoit les 18 & 19 février 1777, pendant la
nuit, & le 20, l’air étant devenu beaucoup plus
doux & très-humide, je les ai réitérés la plupart
pour voir fi cette circonftance y apporteroit quelque
changement } mais je n’en ai apperçu aucun.
s* Elles avoient toutes aufli été faites fur une
pelle de fer que je faifois rougir, & que je laiffois
enfuite refroidir jufqu’à ce qu’elle ne fût plus vi-
fible dans l’obfcurité, avant d’y mettre les matières
fur Iefquelles je faifois l’expérience. J’ai voulu
voir fi la nature du fupport n’y avoit pas quelque
influence } 8c pour cela j’ai réitéré aufli la plupart
de ces expériences fur une foucoupe de porcelaine
que j’ai fubftituée à la pelle de fer, & les
effets ont été les mêmes.
J’ai fait depuis encore quelques épreuves du
même genre fur plufieurs autres matières de nature
fort différente, dans l’efpérance qu’en multipliant
on pourroit entrevoir la caufe de ce phénomène}
mais il en faudra probablement un beaucoup
plus grand nombre. J’ai vu feulement que la
chaux éteinte à l'air, & l'efpèce de talc connu fous
le nom impropre de craie de Brianpon , donnoient
une lumière à peu près égale à celle de la craie
ordinaire} que le gypfe ou plâtre cuit devenoit
moins lumineux que la craie} que l’alcali fixe du
tartre non cauftique l’étoit infiniment peu} que le
filex ou pierre à fufil noire, calcinée en blancheur,
l’étoit beaucoup davantage} que l’antimoine diaphonique
, la chaux ou potée blanche d’étain ,
je colcothar lavé, l’émeri 8c plufieurs fables ferrugineux,
brillans, magnétiques &non fuifureux,
effayés fur la plaque de fer chaude, ne donnaient
aucune lumière} que la lune cornée & l’arfenic
blanc, fur une capfule de terre à creufet, chauffée
au point convenable, ou rte donnoient point de
lumière, ou n’en donnoient qu’une fi foible,
qu’elle étoit douteufe} 8c qu’enfin le fublimé cor-
rofif, fur la même capfule, préfentoit un des plus
beaux fpeétacles phofphoriques qu’ on puiffe voir.
Je crois cependant que la capfule étoit plus
chaude dans cette dernière expérience, que .dans
celles fur la lune cornée 8c l’arfenic, & je dois
avertir qu’en général il m’a paru que le degré de
chaleur du fupport influoit allez confidérablement
fur l’intenfité de la lumière} 8c comme il n’eft
guère poflîble qu’il foit parfaitement le même
dans une fuite d’expériences comme celles-ci,
ceux qui les répéteront, trouveront peut-être
quelques différences dans les réfultats ; mais,
comme j’ai fait tout ce que j’ai pu pour que le degré
de chaleur fût toujours à peu près le même,
j’ai lieu de croire que j’ai fort approché du vrai,
& que fi l’on obferve quelques différences, elles
feront peu confidérables. »
Voilà des faits qui, quoique déjà nombreux,
ne le font cependant point affez pour qu’on puiffe
tirer quelque conclufion générale : il faudra ,
comme je fai dit, multiplier beaucoup davantage
ces épreuves , & il eft aifé de fentir qu’elles méritent
bien d’être fuivies.
Phosphore sulfuré. C ’eft une combinaifon
de phofpkore avec une petite quantité de foufre :
on l’obtient en jetant le foufre dans le phofpkore
fondu fous l’eau, & en agitant. Ce compofé, jeté
dans Peau , fe décompofe , pétille , lance de petites
bulles de gaz hydrogène fulfuré.
• On a profité de la grande combuftibilité du
pkofphôre fulfuré pour fabriquer ce qu’on nomme |
des briquets 8c des bougies phofphoriques. On pré- j
pare les briquets en fondant 8c en^ enflammant du
phofpkore dans un flacon : après un inftant d’inflammation,
on bouche le flacon. En plongeant enfuite
une allumette foufrée , la promenant fur 1 q p hof-
phore, &en la retirant, elle s’enflamme à l’air : on
procure ainfi de la lumière 8c du feu dans tous
les tems.
Quant aux bougies phofphoriques , on les pré-
pare en foufrant le bout de petites bougies qu’on
nomme ù l* efprit de vin : on les enferme dans de
petits tubes de verre fcellés aux deux bouts à la
lampe d’émailleur } ôn introduit dans les tubes ,
& vers les parties foufrées des bougiès , un petit
fragment de phofpkore} on chauffe pour combiner
le foufre avec le phofpkore. En caftant le tube 8c
en retirant les bougies, elles s’enflamment au moment
où elles ont le conta# de l’air. ( Voyei Us
mots Phosphore & Soufre. ) ■
PHOSPHORESCENCE. On nomme phofpho-
refcence le phénomène par lequel un corps , quel
qu’il foit, préfente la propriété de luire dans l’obfcurité
, ou de répandre de la lumière} c'eft comme
qui diroit qualité lumineufe.
La phofphorefcenee a de tout tems frappé les
phyfîciens & mérité leur attention } ils ont cherché
, à différentes époques, à expliquer ce phénomène}
& comme ils ont voulu l’attribuer à une
caufe générale, leurs explications n’ont été que
de véritables romans. En effet, fi l’on étudie les
diverfes circonftances qui ont lieu, pendant la
phofphorefcenee, celles qui la précèdent ou qui la
fuivent, ainfi que la nature diverfe des corps qui
la préfentent, on reconnoït qu’elle varie affez
pour qu’on ne puiffe pas la croire due à une feule
caufe, 8c pour qu’on ne foit pas porté à diftin-
guer différentes efpèces de phofphorefcenee.
L’hiftoire de la phofphorefcenee , je ne faurois
trop le remarquer ic i, -eft un fujetneuf encore 8c
prefque vierge en phyfique. J’en fais un article
particulier, moins pour expofer les découvertes
déjà connues fur ce fujet, que pour en démon-
treri’importance , & pour engager les phyfîciens
& les cnimiftes à s’occuper de ce beau fujet. Je
le regarde comme une carrière qu’on n’a encore
que commencé à parcourir, & qui promet à ceux
qui voudront s’y engager, une fuite de découvertes
précieufes pour la connoîffance 8c l’explication
de l’un des plus remarquables & des plus fré-
quens phénomènes de la nature.
En comparant entr’eux, 8c les différens corps
phofphorefcens, & les diverfes circonftances de
la phofphorefcenee, on trouvera dix genres principaux
de ce phénomène, fous le rapport de la nature
des fubftances dans Iefquelles il exifte, 8c des
caufes qui paroiffent lui donner nai fiance. Je vais
parcourir fucceflivement ces dix genres de phof-
phorefcence dans autant de paragraphes.
I,r. GENRE. Phofphorefcenee par frottement.
Je rapporte à ce premier genre, comme la plus
fimple dans fa caufe efficiente, quoique peut-être
la plus cachée dans fa véritable fource, cette
phofphorefcenee qui naît par le frottement, comme
celle de deux quartz promenés prefque fans force 8i fans preffion l’un fur l’autre. Ces pierres paroiffent
alors , dans un lieu obfcur, toutes couvertes
& même toutes pénétrées d’étincelles lu-
mineufes , qui éclairent une affez grande furface
& une affez grande étendue lorfque les quartz font
d’un volume un peu confidérable , quoique pouvant
être tenus dans les mains, à l’aidedefquelles
on les frotte l’un fur l’autre. On augmenteroit
beaucoup cette phofphorefcenee en choififfant deux
morceaux de quartz de quatre décimètres de long ;
par exemple, en les enchâffant dans des cadres de
bois ou de fer, & en les faifant frotter l’un contre
l’autre par un mécanifme quelconque.
On eft obligé de placer dans le même genre,
d’après cette méthode de claffer les phofphoref-
cences, celle qui a lieu par le frottement du mercure
fur les parois de verre d’un tube de baromètre
où le vide eft parfait, & les traînées légères
de lumière qui jailliffent de certaines blendes
par le fimple frottement d’un cure-dent, 8c celles
qui paroiffent en frottant deux morceaux de ro-
tain (efpèce derofeau) l’un contre l’autre, quoi-
qu aflurémment ces trois pkofphorefceaces^gmblent
vraiment différer entr’elles, ainfi que de celles des
quartz frottés. Regardera-t-on comme un phénomène
analogue aux précédées, ou différens d’eux,
les lueurs phofphoriques produites par le frottement
d’une broffe rude fur des diamans taillés?
Eft-il vrai, comme l’ont cru les phyfîciens, que la
lumière contenue dans les corps que le frottement
rend lumineux, en fort avec une forte d’explo-
fion par l’effet de ce frottement même ? La nature
très-différente des trois corps qui offrent ce phénomène
de la manière la plus remarquable, permet
elle d’adopter cette fimple caufe, & fi des
foffiles fi divers entr’eux ont également la propriété
de biffer fortir la lumière emprifonnée 8c
obfçure encre leurs molécules ? Ne faut-il pas
admettre la même propriété dans beaucoup d’autres
corps qui devroient alors être phofphoreff
cens par le frottement ?
On ne peut pas nier que la lumière qui remplit
l’efpace qu’elle parcourt d’ailleurs avec tant
de viteflè , ne puiffe être contenue dans beaucoup
de corps, comme dans l’air, qu’elle ne foit plus
ou moins adhérente à leurs molécules, & qu’elle
ne puiffe s’en échapper par la preffion, de manière
que la direction de fon mouvement devienne ful-
ceptible de la faire appercevoir. Ces affertions,
qui font plus que des hypothèfes pour les phyfi-
çiens modernes, expliquent affez naturellement
la phofphorefcenee née du frottement, quoique celui
ci fait bien différent, dans les deux cas, du