
dis que d'autres, expofés de même à l'action du
feu, deviennent à la vérité chauds,. rouges & lumineux
, mais fans produire de flamme par eux-
mêmes , fans pouvoir fervir cftliment au feu : ces
derniers ne brûlent point par eux-mêmes, ne font
que pénétrés d'un feu étranger, & ceffent d'être
chauds & lumineux quand on ceffe de leur appliquer
un feu extérieur.
« On diftingue ces efpèces de corps les uns des
autres en donnant le nom de corps"combufiibles aux
premiers, & de corps incomhuftibles aux féconds.
Les ‘ehimilles ont fait de tout tems une grande
différence de ces deux efpèces de corps, & ont
reconnu que les premiers ne doivent leur inflammabilité
qu’à un principe qui n’exifte point dans
les féconds ( i ) ; mais comme ce principe inflammable
eft de nature à be pouvoir être féparé d’avec
les autres principes des corps, & obtenu feul &
pur, & que par conféquent il a été impoflible de
reconnoître toutes celles de fes propriétés qui lui
font particulières , & qui le diftingüent de toutes
les autres fubftances, on n’a eu anciennement que
des idées confufes & peu exactes de ce principe
inflammable ; & même, malgré les recherches &
toute la fagacité des plus grands chimiftes modernes
, c’ eft de tous les principes des corps celui
qu’on connoît encore le moins ex a élément (2).
» La grande erreur des anciens chimiftes, au
fujet du principe inflammable, a conlïfté à ne le
pas fuffifamment diftinguer d’avec des corps plus
compofés, qui en contiennent à la vérité une
grande quantité, mais dont il n’eft lui-même qu'une
partie conftituante. Ils le confondoient, par exemple
, avec l'huile & avec le foufre, dont ils lui
dpnnoient indiftinélement les noms, quoique ni
l’huile ni le foufre ne foient point le phiogiflique
des Modernes, mais feulement des fubftances dans
la compofition defquelles ce principe entre en
grande quantité.
« D’un autre côté, comme l’huile, le foufre &
les autres compofés inflammables diffèrent affez
çonfidérablement les uns des autres pour ne pouvoir
jamais être regardés comme la même chofe,
il y a lisu de croire que les Anciens, qui don-
noier.t tantôt l’un, tantôt l’autre de ces noms au
principe inflammable, ont méconnu auffi totalement
fon unité & fon identité, c’eft-à-dire, qu'ils
ont ignoré qu’il n’y a dans la nature qu’un feul
principe inflammable, toujours le même, toujours
exactement femblable à lui-même, foit dans les
(1) I l feroit moins inexaéfr de dire o n t cru r e co n n a îtr e.,
qu’onr r e connu : il eft_iuême plus vrai d’annoncer qu’ils
avoient imaginé ce principe pour expliquer l’inflammabilité
des corps.
(2) Cela devoir ê tre, piiifque le p h lo g i f i iq u e étoit un principe
imaginaire. I l n’y avoit aucun moyen de faifir les caractères
d’un être de raifon , & il falloir les imaginer comme
l’être lui-même, 8c l’on verra bientôt que c’eft le parti qu’on
a-voit pris-»
huiles, foit dans le foufre, foit dans les charbons;
en un mot, dans quelque eompofé combuftib le
que ce foit (1). Nous devons la connoiffance de
ces vérités fi importantes aux chimiftes modernes,
& furtout à l’illuftre Stahl, qui a créé par-là , en
quelque forte, une chimie nouvelle, & fait entièrement
changer de face à cette fcience. Tout
ce que nous allons dire du phlogifiique ou du j&t
principe dés corps, eft le fond de la doctrine de ce
grand chimifte fur cette matière importante; nous
y joindrons feulement lés idées que l’examen attentif
des phénomènes nous a fait naït-re.
» Lq phlogifiique doit être regardé comme le feu
élémentaire combiné & devenu un des principes
des corps combuftibles.
33 Les principaux phénomènes que préfentent
ces corps, c’eft de s’enflammer, d’exciter alors de
la chaleur & de la lumière, de faire fur les autres
corps tous les effets que font les rayons du foie il
réunis, ou les grands frottemens des corps durs,
fous ces corps s’enflamment ou paffent à h’ét *.t
igné par le feul attouchement du feu pur mis en
aétion jufqu’à un certain point, ou, ce qui revient
au même, par le contaCt d’un corps quelconque
actuellement dans l’état d’ignition (2).
j y - 3.3 La combuftiop des corps occafionne toujours
leur décompofïtion ou la féparation des principes
dont iis font compofés, & les phénomènes de la
combuftion fubfiftent d’une manière plus ou moins
1 fenfible, jufqu’à ce que le feu principe qui entroit
dans leur compofition, foit entièrement dégagé,
épuifé ou diffipé. Ce qui refte après cela du corps
qui a brûlé rentre dans la claffe des corps incom-
buftibîes, & il femble que ces phénomènes ne
permettent point de douter que le feu élémentaire
ne foit entré-comme un principe dans la compofition
de-.ces corps.
33 Boerhaav.e penfe que les corps combuftibles
ne fe changent point en feu élémentaire. Iorfqu’ils
brûlent, parce que, dit-il , fi cela étoit ainfi, il
fsudroit enfin que l’élément du feu s’augmentât à
l ’infini. Mais on peut' répondre que cela n’arrivera
pas fi ce feu, dégagé des corps ; eft capable de
rentrer dans de nouvelles combinaifons, de reformer
, en un mot, de nouveaux corps inflammables.
O r , par la même raifon qu’il eft entré
| dans la compofition des premiers corps combufti-
j blés , il eft poffible auffi qu’i] rentre dans de nouvelles
combinaifons toutes pareilles. Il fe fait donc
Ci) Il étoit bien difficile que les chimiftes anciens ne
.confondiffent- pas le> prétendu principe inflammable avejc les
I c.orP^ com b u ftib le s , p.uifqu’il leur étoit impoflible de l’ob-
I tenir féparé d’eux &c pur.
J (à) On v a Voir que , malgré tout l’efprit &c toute la fineflè
| que Macquer a mis dans cette difcüflion, il-a donné, comnle
[des autres chimiftes,’ les propriétés des corps combuftibles
j pour celles du;p h lo g i f i iq u e , & qu’ il à-prouvé par-là qu’il lui
* a ete impoflible. de confîdérer le phlogifiique, feu l, malgré le
• reproche qu’il faifoit aux autres d’avoir confondu ces deux
I êtres.
ainfi une forte de circiilatibfi'continuelle du feu
comme de tous les autres élémens, qui tantôt font
purs, libres, dégagés de tous corps capables de
nianifefter toutes leurs propriétés, tantôt'font combinés,
unis avec d’aurres corps, & conftituans
des compofés dans lefquels leurs propriétés font
plus ou moins cachées & modifiées par celles des
autres principes auxquels ils font unis , & qui ,
dans le travail continuel de la nature, pafient alternativement
de l’un à l’autre de ces états.
» On conçoit très - difficilement, à la vérité ,
comment le feu pur, élémentaire y dont les parties
p.roiffent toujours agitées d’un mouvement fi
violent, & n’avoir aucune cohérence entr’elles
,ni aucune difpofition à adhérer, d’une manière
fixe, aux parties des autres corps; on conçoit,
.dis-je, difficilement comment un tel corps peut
,fe joindre, d’une manière confiante & folide, en
qualité de principe, c’eft-à-dire, de manière que
chacune de fes parties primitives intégrantes s’unifie
& adhère fortement à chacune des parties
intégrantes de quelque corps folide; en forte que,
n’étant plus après cela fous la forme d’agrégé, il
paroiffe privé de la fluidité, de la mobilité & de
prefque toute l'aCtivité qui lui font fi effentielles.
Cependant nous voyons, par tous les phénomènes
chimiques, que la nature & la quantité des contacts
des parties intégrantes & conflituantes des corps
font capables de produire les unions, & de former
les combinaifons les plus étonnantes ; & d’ailleurs,
il paroît démontré par les faits, que cette
union des parties du feu avec d’autres corps a
réellement lieu ; car il eft impoflible, il on ne la
fuppofe pas, de concevoir les phénomènes des
corps combuftibles, ainfi qu’on l’a déjà fait remarquer
(1).
03 Le phlogifiique ou principe inflammable des
chimiftes modernes peut donc tiès-bien n’être, &
vraifembiablement n’eft en effet autre chofe que
le feu même le plus pur & le plus fimple confi-
déré dans l’état de combinàifon, & non dans celui
d’agrégation.
« Nous obfervons d’abord que, jufqu’à préfent,
les chimiftes n’ont jamais cru avoir féparé & obtenu
feul ce qu’ils appellent le principe inflammable
des corps, comme ils le font néanmoins*, de même
affez facilement, à l’égard des .autres principes.
Tout ce qu’on a pu faire jufqu’à préfent fur le
phlogifiique en le féparant des corps inflammables,
fe réduit à le dégager de ces corps par leur combuftion
, 8e alors il fe remet neceffairemenc dans
f état du feu pur 8e en aCtion ; ou bien on l’enlève
(1) I l n ’ était pas feulement difficile de concevoir comment
un principe auffi mobile & auflî léger que le feu, principe
tel que les 'chimiftes le conçoivent, pouvoic fe fixer
dans les corps & partager leur folidicé : ilJ étoit encore plus
” prouver que fa. préfence devînt la caufe des phénomènes
du feu , de la combuftion- & de toutes les propriétés qu’on
Ini.attribuoit. • -,
à un corps par le moyen d'un-autre corps qu’on
lui pré fente, & auquel il s’unit à mefure qu’il
quitte le premier. A la vérité, dans ce fécond cas,
on le.féparé d’un corps fans combuftion, & fans
qu’il fe réduife en feu aCtuel ; mais il eft évident
qu'on ne l’obtient point feul, puifqu’alors il ne
quitte une combinàifon que pour rentrer en même
tems dans une autre. - -
33 Cette difficulté , jufqu'à préfent non furmon-
té e , d’obtenir pur le principe inflammable des
corps dans un autre état que celui de feu libre 8c
en aCtion, nous paroît une des plus fortes raifons
de croire que le pklogiflique n’ eft autre chofe effen-
tiellemént que le feu pur, mais privé de fon activité
par l’union qu’il a contractée avec une fubf-
tance quelconque. Si cela eft, le phlogifiique n’a
point d’autres propriétés générales que celles du
feu pur, ou, pour parler plus exactement, il n'en
a point d'autres en tant que phlogifiique, que celles
qui naiffent de l’union du feu pur avec les
differentes fubftances auxquelles il fe combine :
ces propriétés font par conféquent particulières à
chacune de ces combinaifons, 8c différentes fui-
vànt la nature des fubftances combinées avec le
feu (1). |
» Quoi qu’il en foit, le pouvoir qu’ont les chimiftes
d’enlever le principe inflammable d’un com-
pofé , & de le faire paffer dans une nouvelle com-
binaifon fans combuftion & fans qu’il fe diffipe,
leur a fourni les moyens de faire les obfervations
les plus importantes fur les effets qu’il produit
dans une infinité d’opérations chimiques, 8c de
remarquer les propriétés, qu’il communique aux
différentes fubftances avec lefquelles il s’unit. Us
ont comparé Jes propriétés d’un corps pourvu de
fon principe inflammable,, avec celles de ce même
corps après qu’ il en a été dépouillé ; ils ont examiné
les nouvèlles propriétés des fubftances avec
lefquelles ils ont pu combiner le phlogifiique, C ’eft:
en obfervànt ainfi ce principe dans toutes fes marches
d’une combinàifon dans une autre , 8c en le
fuivant pour ainfi dire à la trace, que Beccher,
qui le nommoit terre inflammable, 8c furtout Stahl,
qui le nommoit principe de Vinflammabilité ou phlo-
giftique, font parvenus à nous éclairer infiniment
fur la nature de cette fubftance, qui agit d’une
Ci) I l èft bien évident, par ces détails &c par ceux qui fui-
vent , que Macquer ne regardoit le p h lo g i f i iq u e que comme
la,matière du feu / pure, fixée ou combinée dans les corps
combuftibles. Outre que cette idée eft fort différente de celle
de Stahl, élite's écarte néceflairement de là vérité , puifque
les phénomènes de fa combuftion, où la préfence de la lumière
& de la chaleur libres eft donnée par Macquer comme-
la preuve de la préfence du feu ou du p h lo g if iiq u e , dépendent
, comme je l’ai prouvé à l'article C o m b u s t io n , d’une
caufcjfort étrangère à celle du p h lo g i f i iq u e , & fe déplaceraient
d’ailleurs du Corps combuftible dans le corps comburant.
( P lo y e z le s a r t ic le s C o m b u s t io n , F e u o x ig è n e ,
CfilMÎE , &C:. >