
Hans la liqueur, Ce fuc, ainfi altéré par le tems,
avoic une odeur fétide très-déiagréable, mais d'un
genre tel que je n'en ai jamais ftnti de pareil. Il
avoit une faveur acide , amère & aüringente tout
à la fois 5 il rougiffoit la teinture de tournefol} il
paflbit facilement à travers le papier Jofeph, &
devenoit clair. Ainfi filtré, il avoit la même odeur
& la même faveur qu'auparavant. Les acides le
coagulent en une malle très-épaifle, qui reffem.bîe
beaucoup à du blanc d'oeuf ou à de l'albumine
cuite. L'acide muriatique oxigéné, ajouté d'abord
en petite quantité, lui a fait prendre une couleur
rôle très-pure, qu’une plus grande dofe d'acide a
fait paffer au violet, qu'enfin une plus grande
quantité encore a détruite entièrement. Quelque
tems après que cette couleur eft développée, il fe
forme un précipité de la même nuance , mais plus
foncé. L’acide fulfurique concentré a produit
dans ce fuc un magma épais, qu'un excès d'acide
d-ITout & que l’eau précipite enfuite. Il s'eft développé,
par le mélange de l’acide fulfurique avec
cette liqueur, une odeur légèrement aigre.
» La potaffe cauftique forme, dans le fuc de
papayer clair, un précipité de couleur blanche, &
exhale en même tems une forte odeur d'ammoniaque
, tenue fans doute en combinaifon par quel-
qu'acide.
» La liqueur où j’avois mis la potaffe ayant été
filtrée & mêlée avec de l’acide muriatique oxigéné,
a également pris une couleur violette , &
l'acide muriatique fimple y a fait naître un précipité
blanc abondant.
» La matière caféiforme, qui, comme je l'ai dit
plus haut, nageoit dans le fuc, prend, en fe.; défié
chant , la demi-tranfparence de la corne j elle fe
ramollit à la chaleur , & exhale une fum.ée blanche
qui a l'odeur de la graiflè brûlée. Elle fe dif-
fouc allez abondamment dans l’alcool chaud, d’où
line partie fe fépare pendant lerefroidiffement.
Cette matière , évidemment fébaeée, paroît pro- j
venir de la décompofition- du fuc de papayer lui-
même , dont l'azote s’eft uni à de l'hydrogène
pour former l’ammoniaque, & i'.oxigène à du carbone
pour donner naiftance à de l'acide carbo--
nique.
» L’acidité du fuc de papayer liquide eft due
fans doute à l'altération qu’a lubie cette fubftan.ee.
par la-fermentation, puifque le fuc de papayer
concret ne donne aucune marque d'acidité. Quoi-,
qu'il fût naturel de penfer que cet acide étoit
l'acide acétique, j'ai crû cependant devoir m'en
affurer par le procédé fuivant,
»Le fuc, évaporé en confiftance firupeufe à une
chaleur très-douce , fut mêlé avec quatre fois fon
poids d'alcool reétifié, qui produiut un précipité
très-abondant. La matière féparée fut lavée plu-
fieurs fois avec de nouvel alcool, & celui-ci,
réuni au premier , fut évaporé dans une cornue à
une chaleur très-ménagée, jufqu'à ce que le réfidu I
fût réduit en confiftance de firop épais. •
” portions dé liqueur paflfées fur la fin de la
diftill.uion étoîent fenfibiement acides, & avoient
une odeur de vinaigre ferifiblement alcoolifé.
» Le réfidu de la diftillation avoit une couleur
rouge-brune, une faveur fenfibiement acide. Les
alcalis n y formoient point de précipité , mais ils
en dégageoient une forte odeur d'ammoniaque.
Elle né précipitoit point l'acétate de plomb comme
le fait l'acide malique, mais elle le précipitoit
lorfque fon excès d'acide avoit été faturé par
1 ammoniaque ou tout autre alcali,
î ” L infufion de noix de galle y formoit un précipité
extrêmement abondant.
» IJ paroït donc, par ces expériences, que le
fuc de papayer fermenté ne contient pas d’acide
malique, comme M.‘ Cadet-Gaflîcourt l'a annoncé
dans une Notice fur le fuc de papayercommuniquée
à la Société libre des Pharmaciens de Paris,
mais bien de l'acide acétique qui tient en combinaifon
de l'ammoniaque, & une quantité affez
confidérable de fuc de papayer altéré par la fermentation.
» C'eft probablement cette combinaifon, dont
les apparences extérieures & quelques propriétés
chimiques la rapprochent de l'acide malique, qui
en a impofé à M. Cadet. Ce qui m'a fait foupçon-
ner qu'il y avoit quelqu'erreur dans fon énoncé,
c'eft que je m'étois affairé que le fuc concret de
papayer ne contient aucune trace d’acide, & q.u'd
me femblpit extraordinaire que l'acide malique
eûr été formé par la fermentation } au moins nous
n’en avons point d'exemple, & nous en avons du
contraire , c'eft-à-dire, qu'il fe détruit par la fermentation.
» Le précipité blanc que M. Cadet a obtenu,
par l'alcool, de la ciiflblution du fuc concret,
n'eft pas non plus du malate de chaux, comme il
le croit > ce n'eft abfolument que le fuc lui-même
fans altération, que l'alcool fépare de l’eau.
» Le fuc de papayer, mêlé avec le fucre par
M. Roch, n'avoit fubi aucune altération} car après
en avoir fépare le fucre par l'aicool, il m'a pré-
fenté les mêmes propriétés que le fuc concret
naturel.
-» Je pénfe qu'il ne peut y avoir aucun doute
que le lue de papayer ne foir une fubHance très-
animalifée }-au moins en a-t-il, comme on fa vu ,
tous les cara&ères, & en fournit-il tous les produits.
J'avoue qu'il n'a de fi mil it une parfaite avec
aucune matière animale connue j cependant je crois
que celle dont il fe rapproche le plus, eft l'albumine
animale, puifque, d< ff.-ché, if fe dilfout comme
elle dans l’eau > que fa diffolution eft coagulé $
par la chaleur, par les acides , les.alcalis, les dif-
iolutions métalliques, l'infu.fion de noix de galle,
l’alcool j 8rc. , comme la fi nne j qu'enfin il fournit
à la diitiliarion , par la chaleur fimple & avec.l'acide
nitrique , abfolument les mêmes produits
que les fubftances animales les mieux caraétéri-
fées.
Cô
P A P
•» Ce n'eft pas la nature animale de cette fubf-
tance qui dort furprendre, cat les fucs de prefque
toutes les plantes en contiennent une femblable
ou au moins fort analogue ; mais c'eft fon abondance
& fa pureté dans le papayer : on n’y trouve
rien qui porte le cara&ère des végétaux, &c fi
cette îubltance étoit colorée, comme l’albumine,
du fang qu'on retire par le lavage du caillot, on
pourroit, comme je l’ai dit dans mon premier
article, les confondre facilement l'une avec l’autre.
» Le fuc de papayer eft employé à l'Ifle-de-
France & dans les autres endroits où croît 1 arbre
qui le fournit, pour faire périr le ver folitaire.
L'on affnre que ce remède eft immanquable ; ce- :
pendant fon ufage n'a pas eu le même fuccès en
Europe, foit que cette fubftance ait éprouvé par
le tems une altération qui a détruit fa propriété
vermifuge, foit qu’on ne l’ait pas donnée à des
dofes affez fortes. »
Observations fur Vanalyfe du fuc de papayer, par
M. Cadet.
« Quoique je ne me fois pas rencontré avec
l ’eftirnable favant, M. Vauquelin, dont les analy-
fes méritent la plus grande confiance, je n'en con-
ferve pas moins l’efpoir d’avoir fait dernièrement
lin travail utile, & j?efpère prouver aujourd’hui
que ni lui ni moi ne nous fommes trompés.
» J'ai dit que le fuc de papayer contenoit de 1 acide malique: M. Vauquelin n'y a trouvé que
de 1 acide acéteux. Cette différence me comman-
doit de nouvelles expériences j je les ai faites, &
elles m’ont prouvé que nous n'étions pas autant
éloignés que nous le paroiffions.
» Comme, dans un fait contefté, deux obferva-
teurs valent mieux qu’un, j'ai prié M. Cheviliot,
élève & ami de M. Thénard, de fuivre avec moi
ces effais.
’ » Nous avons précipité, par l'acétate de plomb,
la liqueur acide reliante dans la cornue après la
diftillation du fuc de papayer. Le précipité a été
recueilli fur un filtre, & lavé. Traité enfuite par
l’acide fulfurique étendu d'eau & filtré, il a paffé
une liqueür légèrement acide.
» Elle précipitoit l'acétate &Je nitrate de plomb j
ce que ne fait point l'acide acéteux.
y» Cette liqueur acide a été évaporée ; elle s'eft
prife, vers la fin, en une maffe firupeufe. Abandonnée
à elle-même, elle paroiffoit attirer légèrement
l’humidité de l’air.
» M. Vauquelin penfe que ce que je regarde
dans le fuc de papayer comme de l'acide maliaue,
eft une combinaifon d'acide acéteux & d’amino-
niaque. Pour nous en affurer, nous avons redif-
fous çette liqueur concentrée dans l'eau, & nous 1 avons faturée par de la potaffe pure. Il ne s'eft
point dégagé d’odeur d’ammoniaque} ce qui auroit
du arriver fi cet alcali y eût exifté. Enfin , cette
nouvelle combinaifon de l’acide avec la potaffe a
Chimie, Tome V •
P A P 4°9
été évaporée, & nous avons verfé deffus de l'acide
fulfurique. Il ne s'eft manifefté aucune odeur d'acide
acéteux.
» Si malgré tous ces faits on perfîfte à croire
que l'acide du fuc de papayer n’eft pas de l’acide
malique, on aura une étrange anomalie à expliquer
} mais je crois pouvoir jeter quelque jour fur
la formation de l'acide acéteux que M. Vauquelin
a trouvé, car je ne doute point que fon analyfe ne
foit parfaitement exa<5te.
*\Ce chimifte dit qu'il a diftillé, avec quatre
parties d'alcool, du fuc de papayer débarraffé ,
par la précipitation, de fa matière caféiforme, &
que les portions de liqueur paffées à la fin de la
diftillation avoient une odeur de vinaigre fenfibiement
alcoolifé.
» L'alcool, me fuis-je dit, n'auroit-il point une
fur l'acide malique à la température où
I élève la diftillation ? Cela me parut intéreffant à
conftater. J'ai donc fait un mélange d’acide m; -
lique extrait du fucre avec quatre parties d'alcool}
j'ai diftillé à une chaleur douce. Les dernières
portions de liqueur qui ont paffé dans le
récipient, rougiffoient fenfibiement la teinture de
tournefol. J'ai cru reconnoître l’odeur de l’acide
acéteux, quoique mêlé avec l’alcocl. Je n’affu-
rerai pas que ce fût véritablement de l’acide acéteux,
parce qu’il n’étoit pas en affez grande quantité
pour être combiné avec des bâfes } mais ce
qu'il y a de certain, c’eft qu'il ne précipitoit ni
l'acétate ni le nitrate de plomb, tandis que l'acide
malique refté dans la cornue avoit confervé cette
propriété.
» Le fuc de papayer que M. Vauquelin & moi
avons examiné, avoit fermenté} mais, d'après les
cara&ères phyfiques que décrit ce chimifte , &
ceux que j’ai obrervés, il paroît que la fermentation
n'avoit pas été égale dans les deux bouteilles
que nous avons analyfées ( i) . N’eft-il pas naturel
de penfer que, dans l’une, il s'étoit formé de l’acide
malique, & que, dans.J’autre, cet acide avoit
été converti en acide acéteux ? Il eft vrai, comme
l’obferve M. Vauquelin, que l'on n'a point encore
vu la fermentation produire l’acide malique} mais
à coup-fur elle ne le détruit pas, puifqu’on trouve
cet acide dans le vin, dans le cidre & dans le poiré.
Je penfe qu’il fe forme au contraire dans la plupart
des fermentations végétales * mais que la fermentation
n’étant pas arrêtée, au moment où il fe
manifefte, il paffe fi rapidement à l'état d'acide
acéteux , qu'on n'a pas eu l'occafion jufqu'ici de
conftater fon exiftence.
» Je fonde mon opinion fur les expériences fui*
vantes : J'ai fait fermenter du fucre avec de la
levure de bière. Auflilôt que la liqueur a donné
des fignes d'acidité, j’y ai verfé de l’acétate de
( i) M. Deyèux,, qui y offerte plâfîcurs fioles de: lue dp
papayer, a egalement remarqué ‘qu'elles étoient di^érfemeiof
altérées,
î ü f