
C ’eft furtout dans cette circonftance que nous l'avons
examiné, M. Vauquelin & moi , parce que
nous nous le fournies procuré alors très-facilement.
Nous avons aufïi profité de l'écoulement confidéra-
bîe de mucusx\\ie fait naître le contaét du gaz acide
muriatique oxigéné, pour en recueillir une quantité
fuffilante aux expériences propres à nous le
faire bien connoître. Il eft arrivé,plufieurs fois à
M. Vauquelin , très-fenfible à l'adtion du gaz
acide muriatique oxigéné, dé^ recueillir par fon
effet foixante-quatre grammes de ce liquide en
moins d’une heure. A l'aide de ces circonftances
nous fommes parvenus à en déterminer a fiez exactement
la nature. On fait que ce liquide eft très-
abondant chez les enfans, un peu plus lourd que
l’eau & adhérent à la plupart des corps, même les
plus polis.
3. Le mucus nafal eft d’abord un liquide clair,
limpide, un peu vifqueux & lent, fans odeur,
d’une faveur falée & âcre , qui irrite la partie la
plus délicate de la peau : c’eft vraiment alors la
pituite vitrée des Anciens. Expofé à l’air & au feu,
il fe comporte comme les larmes, & n’en diffère
que par l’abondance de fon réfidu plus épais &
fouvent plus coloré. On y trouve des criftaux de
muriate de foude, de la foude à l’état de carbonate,
& des phofphates de chaux & de foude 5 ces
derniers y font beaucoup moins abondans que les
autres, il verdit le papier teint de fleur de mauve
avec les fels : on y rencontre une matière animale
qui n’eft point albumineufe, qui s’épaiflit & fe
concrète promptement par l ’oxigène de l’air &
de l’acide muriatique oxigéné , prend alors de l’opacité
& des couleurs jaune ou verdâtre , qui fe
bourfoufle confidérablement, fe remplit de bulles
par l’adtion du feu , & ne lai fie que peu de rélidu
fur les charbons allumés. Ce mucilage animal ,
plus abondant que dans les larmes, y paroît être
de la même nature.-
4. Ce liquide, toujours expofé à l’air qui tra-
verfe continuellement les narines, eft conftamment
plus épais, plus vifqueux, plus collant que les larmes
j & le carbonate de foude qui! contient, tandis
que celles-ci ne contiennent que la foude, annonce
que l’air y dépofe une partie deJ’ acide carbonique
qu’il recèle, furtout au fortir du poumon j aufli
trouble-t-il alors très-fenfiblement les diffolutions
de baryte, de ftrontiane & de chaux. Dans les
narines, la chaleur du lieu, furtout dans les rhumes,
& le courant d’air qui le frappe fans ceffe,
contribuent aufli à fon épaifliffement. Le mucilage
de l’humeur nafale, en s’épaifliffant à l’air, y prend
fouvent la forme de petites lames fèches, brillantes
& comme micacées. S’il s’eft defféché en très-:
petites couches, il imite prèfque ces traces brillantes
& légèies que laiffent les limaçons & les
limaces fur tous les lieux qu’ils parcourent. Le
mucus najal n’éprouve point une véritable putréfaction
à l’air: on le diroit même entièrement '
inaltérable & imputrefcible, à le voir reftant uns \
contracter de mauvaife odeur, même au milieu
de l’eau & à une température allez élevée. Cependant
cette propriété de conferyation ne s’étend
pas jufqu’à la communiquer aux autres corps qui y
font plongés.
f . L'eau ne diffout point le mucus du ne%. On
fait que cette matière y refte vifqueufe, & qu'elle
ne fe délaie qu’avec beaucoup de difficultés dans
l’eau même par l’agitation. L'eau chaude & l’ébullition
ne rendent pas ce fingulier mucilage plus
mifcible & plus difloluble. Dans i’eau bouillante
il paroît d’abord faire corps avec l’eau, & cependant
on le voit fe féparer & tomber au fond de
ce liquide par le refroidiffement. 11 eft vraifem-
blable que cette indiflolubilité eft due à la fixation
de l’ oxigène. 11 n’a pas non plus la propriété
de rendre les huiles mifeibies à l’eau, ni
d’en opérer la fufpenfion emulfiforir.e par la trituration
, comme le fait un mucilage végétal.
C’eft pour cela qu’en lavant & même en faifant
bouillir cette humeur épaiffe dans l'eau, on dif-
fouc & on fépare les fels qu’elle contient, fans
toucher au mucilage qui en fait la bafe.
6. Les acides épaifliffent le mucus nafal quand
ilsiont concentrés, & quand on les emploie à petite
dofe ; mais quand on en met une plus grande
quantité ils le rediffolvent en lui donnant des
nuances diverfes de couleur. L’acide fulfurique le
teint en pourpre & le rend très-liquide en y for-
manteependant quelques flocons qui fe précipitent
au fond. L’acide nitrique un peu fort le diffout en
jaune. Le muriatique eft celui de tous qui en opère
plus facilement & plus complètement la diffolu-
uon en lui donnant une couleur violette. L’alcali
fixe cauftique le décompofe, en dégage de l’ammoniaque
qu’il y forme, & en diffout une portion.
Les fels alcalins ou terreux ne lui font point
éprouver d'altération & ne le diffolvent pas.
7. Le mucus des narines étant diftingué fpécia-
lement de tous les autres liquides animaux par le
mucilage vifqueux qu’il contient aftez abondamment,
c’eft évidemment dans la préfence de ce
principe a}u’il faut rechercher fes ufages & le
rôle qu’il joue dans l’économie animale. Outre le
genre d’évacuation quelquefois . très-abondante
qu’il procure, & la proportion de matière évacuée,
relative à celle des autres organes excréteurs qu'il
entraîne hors du corps, ce liquide entretient la
molleffe des parois membraneufes des foffes na-
fales , & prévient la féchereffe que l’air fec, paf-
fant en torrens continuels à travers ces cavités,
tend a y faire naître. Il modère la trop grande fen?
fibiiité des papi.les nerveufes qui s epanouiffent
fur cette membrane olfadtive j il arrête & fixe les
C?"PS odorans 5 il en emouffe la trop grande activité
j il purifie l’air refpiré en lui enlevant les molécules
pulvérulentes;qu’ il entraîne avec lui, &c
qui feroient plus nuifibles dans les poumons. Toujours
contenu dans un lieu chaud , humide &
aéré, trois circonftances qui fayorifent lï émjnemment
ailleurs la putréfadfcion, la nature prévoyante
y a placé une propriété oppolef a la
fepticité, qui eût expofé l’homme & les animaux
à une foule de dégénérescences & de maladies
dangereufes. .
8. On fait que le mucus des narines elt liucep-
tible de changer de nature, & de prendre des
propriétés très-variées dans les affections natales.
11 s’épaiflit , devient jaune,. orangé , verdâtre,
teint fouvent les linges d’une nuance verte tres-
vive en s’y deflechant j ii-daic naître la fenfation
de la préfence du cuivre * il exhale quelquefois
une odeur fade ou fétide. Il devient fi acre dans
quelques affections, qu’il femble ronger la membrane
des narines, & produit des excoriations
autour de leurs ouvertures, ainfi que fur la lèvre
fupérieure. Enfin , il eft tantôt liquide comme de
l’eau , d’autres fois filant comme une huile ; dans
plufieurs cas , épais , vifqueux & toujours transparent
comme de la gelée > dans d autres eu constances
, à demi concret & blanc, jaune ou vert,
comme une humeur purulente. On n a encore
examiné chimiquement aucun de ces changemens,
& à peine même y a-t-on tait 1 attention qu ils mentent.
., . ' I , c •
9. Nous avons décrit avec beaucoup de loin,
M. Vauquelin & moi, l’effet que produit le gaz
acide muriatique oxigéné fur le mucus nafal & lur
les membranes qu’il recouvre & d ou il fe filtre.
Au moment même où ce gaz pénétré dans les narines,
il y fait naître un fentiment de refferrement
& de gêne, dont l ’éternuement eft la fuite j il s é-
tablit un écoulement de liqueur claire. Le refferrement
& la roideur des membranes du nez &
de la gorge reftent long-tems. Après la ceffation
ou la diminution du premier écoulement, fuccède
un embarras du nez, un enchifrénement} le fens
de l’odorat & celui du goût font perdus. On fent
une humeur épaiffe & même fèche comme du
parchemin dans le nez & dans la gorge ,_une chaleur
âcre fe propage dans là poitrine, & fait naître
un mouvement fébrile : un mal de tête affez violent
& un trouble dans les idées accompagnent
cet état. Enfin, on rend par les narines ou par la
bouche des maffes blanchës ou jaunes, concrètes
dont la fortie, qui dure plufieurs .heures, procur
du fouîagement, & le mal ceffe peu à peu jufqu
ce que l’équilibre foit entièrement rétabli. On ne
peut pas douter que cette maladie artificielle n ait
de grands rapports avec le rhume naturel, & que,
dans la production de ce mal , .il n’ y ait dé la part
de l’oxigène atmofphérique , une adhon moins în-
tenfe peut-être, mais très-femblable à celle que
fait naître l’acide muriatique pxigén,é. Dans les
froids fubits & piquans qui fe manifeftent par une
forte de fentiment âpre & rude, ce principe de
l’atmofphere réagit très-vîte fur le mucus najal;
il l'épaiflît en lui enlevât s4 ^ eau 3 ^ en ^ fixant
lui-même > iL irrite les parois de la membrane de
mouvement te de fa denfité, une grande quantité
d’eau. Cette ébauche d’un effet naturel, auquel
nous avons été conduits par un phénomène cr.ee
par l’art, fait voir ce qu’on peut efperer des re-
cherches de la chimie moderne , & combien il elt
important de les pourfuivre fans relâche.
MUIRE, vieux mot français, qui fignifie eau
falée , eau de nier, & qui provient manifeftement
du mot latin muria. Quelques auteurs de chimie
& d’arts chimiques ont employé ce mot dans leurs
ouvrages. Il a beaucoup vieilli, & n eft plus
d’ufage.
MUQUEUX. 1. Le muqueux, corps muqueux ou
mucilage, fi reconnoiffable a fa vifcolité, à fa
confiftance épaiffe & collante , à fa fadeur ou fort
infipidité, fe rencontre dans beaucoup de parties
végétales differentes les unes des autres : c’ eft un
des matériaux immédiats des végétaux les plus
répandus, & que le travail de la végétation paroît
former avec le plus de facilité & de fréquence.
On le reconnoît dans tous les organes des plantes
lorfqu’ en les broyant leurs molécules font adhérentes
les unes aux autres , & comme pulpeufes ;
lorfque tous les corps qu’on en.approche, s’y collent
& y adhèrent 5 lorfqu’elles joignent à cette
première propriété une infipidité. ou une fadeur
plus ou moins îparquée, & une qualité inodore.
2. On le trouve dans un grand nombre de racines,
telles que celles de mauve, de guimauve,
de confoude, l’oignon de lys, &c. & en général
dans celles des plantes jeunes, dans celles qui ne
font point de nature à devenir ligneufes, ou qui
ne le deviennent que très-tard. Il exifte dans les
tiges, & furtout fous l’épiderme & entre les dernières
couches corticales qu’il humeéte , à travers
lefquelles il fe fait fouvent jour pour s’écouler au
dehors, comme on le voit fi fouvent dans tes arbres
fruitiers, furtout dans ceux dont le fruit eft à
noyau. Il fe rencontre aufli dans les feuilles d’un
grand nombre de végétaux prefqu’à toutes les
époques de la végétation , & dans toutes vers le
commencement de leur fortie & de leur épanouif-
fement. On s’ en affure à cette époque en écrafant
lé tiflu délicat des feuilles entre les doigts : ce
tiffu adhère fortement à la peau > il accompagne
fouvent le tiffu pulpeux ou parenchymateux des
fruits , toujours les enveloppes des femences ,
tantôt à leur extérieur, tantôt à leur intérieur.
Avant que les cotylédons foient formés & devenus
fecs & fcrineux, ils font fous la forme géla-
tineufe , tranfparente & vifqueufe du corps mu-
! queux, y.
^Trés"fôuvent le muqueux eft intimement mêle
ou même, combiné avéc quelques autres principes
immédiats des végétaux , furtout avec le fucre &
les acides, comme on le voit dans le plus grand
; 'nombre de fruits dont on peut extraire facilement
le fuc > quelquefois avec la fécule amiiacée ou