
A. La gomme de pays découle de l'abricotier,
du prunier, du cerifier, du pêcher, de l'amandier
, &c. & en général de tous les arbres à fruit
a noyau. Elleelt blanche, jaune ou rougeâtre: en
la choilifiant bien elle peut fervir comme la gomme
arabique, & elle a fur celle-ci l'avantage d'être à
meilleur marché. J'ai ramaffé fur l'écorce d'orme
un fuc orangé ou rouge, en larmes concrètes , arrondies
, d'une faveur fade ou prefque nulle, dif-
folubles dans l'eau, 8c formant une dilfolution vif-
queufe ; c'eft une matière gommeufe qui n'eft pas
affez abondante pour pouvoir être recueillie.
B. La gomme arabique découle de l’acacia, le
même qui fournit le lue extraélif épaifli au feu :
cet arbre, nommé mimoj'a niloticay efi très-abondant
en Egypte, en Arabie, fur les bords du N il,
& dans un grand nombre de lieux de l’Afiique en
général. La gomme pend à l’arbre en formés arrondies
, irrégulières, tranfparentes » blanches, jaunes
ou rougeâtres, fouvent ridées, quelquefois
Tortillées. La plus belle eft la plus incolore & la
plus limpide ; elle fert de nourriture aux naturels
du pays. On la nomme quelquefois dans le commerce,
gomme du Sénégal: on en fépare les larmes,
fuivant leur pureté 8c leur beauté , pour en faire
différentes qualités.
C. La gomme adragante fort fpécialenient de
rarbriffeau fi abondant en Crète, 6c nommé adra-
ganty afiragalus tragacantha de Linné : elle diffère
des deux précédentes par la forme; elle eft en rubans
, ou en plaques, ou en lames contournées,
ftriées, cannelées , d’un blanc-opaque : 011 y trouve
auffi de petites larmes de la même couleur. Sa dîf-
lolution eft plus difficile 8c plus vifqueufe que celle
de la gomme arabique ; elle contient toujours des
filamens ou des flocons mucilagineux : on l'emploie
comme plus pure 8c plus utile que cette
dernière.
27. Parmi les plantes fi nombreufes qui contiennent
le fuc muqueux > ou gluant, ou pulvérulent,
on choifit furtout, pour en extraire des mucilages
utuels, les racines de mauve & de guimauve,
l’oignon de lys, la graine de lin, les femences de
coing : on les laiffe macérer dans l'eau chaude, &
on en forme ainli des liquides vifqueux, collans,
qui remplacent les gommes proprement dites , &
qui peuvent même être amenés à l’état gommeux
par la defficcation. Chaque pays a d'ailleurs un fi
grand nombre de plantes qui peuvent fournir des
mucilages par leur macération dans l'eau, qu'il feront
difficile 8c entièrement inutile d'en préfenter
ici le dénombrement.
j; 2$. Le muqueux forme en général un des maté"-
riaux des végétaux que h nature a le mieux difpo-
•fés pour fervii: de nourriture aux animaux. J’ai dit
que les Africains vivoient de la gomme de l'acacia.
J’obferverai feulement qu’ il y a des effomacs ro-
buftes 8c vigoureux qui digèrent facilement ce fuc
fade & vifqueux, & qui le convertirent aifément
en cbyle. Un européen qui voyage dans les contrées
à gomme, ne doit pas en faire ufage fans
une efpèce d’aflaifonnement, fans beaucoup de
ménagemens ; & voilà pourquoi l'aliment le plus
approprié à l'homme, parmi les matières végétales
, eft un mélange ou une combinaifon de fuc
muqueux 8c de fucre.
29. Dans l'art de guérir, toutes les gommes &
tous les mucilages font employés avec un grand
fuccès comme adouciflans, relâchans, invifeans,
pour calmer l’irritation, l’inflammation, la chaleur,
la douleur; c’eft furtout en topiques ou en
applications extérieures qu'on les emploie dans
les tumeurs enflammées douloureufes, & qui annoncent,
un travail de rélolution ou de fuppura-
tion. Voilà pourquoi on fait entrer les mucilages
de graine de lin, de pépin de coing, de-guimauve,
d'oignon de lys dans des mélanges de
cataplafmes, qu’on nomme caïmans, réfolutifs,
émôiliens. •
30. Dans les arts, on fe fert beaucoup des gommes
ou des mucilages pour donner de la confif-
tance aux tiflus légers & aux couleurs qu’on applique
deffus , quelquefois auffi pour coller ou
faire adhérër les unes aux autres les furfaces de
ces corps; On encolle le papier ou les toiles par
leur dîflblution. On les emploie pour donner du:
corps & de l’apprêt aux feutres , aux rubans, aux
taffetas. Les étoffes trempées dans l'eau gommée
y prennent un luftre & un éclat paffagers que le
contait de l'eau détruit très-promptement. On en
; fait auffi la bafe des cirages pour les cuirs de lou-
liers, de bottes, &c. La gomme entre dans la fabrication
de l'encre. En un mot, les gommes 8c les
; mucilages font très-utiles dans l’économie do-
meftique 8c manufacturière.
MUR1ACITE, nom donné , par quelques mi-
néralog'ftes, à un mélange naturel de fulfate de
chaux 8c de muriate de foude, qu’.on trouve dans
le Tyrol, & qu’on a d’abord cru fauflfement un
muriate de chaux. Cette première errëur, énoncée
par MM. Fichtel 8c l'abbé Poda , a été bientôt
reCtifiée par M. Klaproth , qui y a trouvé, par
1 analyfe, ƒ8 centièmes de fulfate de chaux, 31 de
muriate de foude , & 11 de carbonate.de chaux.
Ce fel mixte, criftallifant en cubes , femblable,
par fon afpeCt, au fel gemme, a une faveur plus
foible 8c plus lente à fe développer que le muriate
de foude. AJ. Vauqüelin a confirmé l’analyfe dé
M. Klaproth, en y ajoutant toutefois le fait fuivant,
qui préfente un grand intérêt depuis la découverte
de l'arragonite ou carbonate de chaux
anhydre, 8c du fulfate de chaux natif également
privé d'eau ; c’eft que cent grains de muriate, en
petits fragmens, expofés à un feu violent pendant
une demi-heure, n’ont rien perdu dé leur poids , 8c n'ont pris qu’une légère opacité.
L'analyfe chimique eft en contradiction avec le
nom de foude muriatée gypfifere que M. Haüy lui .a
donné, puifque le fulfate de chaux y eft près de
deux
deux fois plus confidérable que le muriate de
foude.
MURIATES'. Les fels qu’on nomme muriates
dans la nomenclature méthodique, parce qu’ils
font formés par l’acide muriatique uni à des bafes,
portoient autrefois le nom exclufif deppjj parce
que l’efpèce principale de ce genre important, le
muriate de foude ou fel marin; eft en effet le premier
fel connu, le fel le plus çmployé, le fel en
quelque forte par excellence , celui qui a donné
fon nom à tous les autres. On a fouvent auffi dé,-
figné autrefois les muriates par les noms deffets
marins. Il étoit naturel que ce genre fût celui qu'on
eût étudié avec le plus de foin, à caufe du grand
ufage qu^on fait de plufieurs de fes efpèces ; auffi
y a-t-il long-tems que la plupart, ou au moins la
férié la plus utile des muriates, celle des muriates
alcalins , eft connue avec quelques détails. C'eft
furtout depuis le commencement du dix-huitième
fiècle qu’on en a fait l’objet de grandes recherches,
quoique ce ne foit que vers 1745, Parles travaux
de Duhamel 8c de Margraff, qu’on a diftinguè
avec exactitude la bafe du fel marin d’avec la po-
taffè ou alcali végétal. Après cette époque capitale
dans.l’hiftoire des muriates, les efpèces diverfes &
plus ou moins rapprochées du fel marin ont été
fucceffivement étudiées, 8c on n’a pas ceffé, juf-
qu’à ces derniers te'ms, d’augmenter les connoif-
fances chimiques par les nombreufes expériences
auxquelles ces fels ont donné lieu.
Les muriates exiftent.pour la plupart dans Iajia-
ture : il en eft qu’on trouve fous la forme fo.lide
de foffiles dans l'intérieur du globe ; quelques-uns
fe.rencontrent diffous dans les eaux qu’ils minéra-
li'fenr. On retire auffi quelques muriates alcalins
des fubftances organiques végétales ou animales,
diffous furtout dans les fluides de ces êtres vivans.
D’après ces ét^ts divers, ou bien on les extrait de
la terre, ou bien on les fépare des eaux par'l’évaporation
fpontanée ou artificielle ; on les purifie
en les diffolvant dans de nouvelle eau, 8c en les
en obtenant folides par upe évaporation bien ménagée
, ou par un refroidiflèment lent. Il en eft
plufieurs efpèces que la nature n’offre pas, 8c qu’on
prépare artificiellement par différens moyens : tels
font la plupart des muriates métalliques.
Quoique les propriétés phyfiques varient dans
les genres 8c foient de véritables caractères, fpéçi-
fiques, il en.eft cependant quelques-unes qui font
allez confiantes pour pouvoir les confidérer comme*
des efpèces d’indications génériques : telle eft pour
les muriates la faveur falée plus ou moins franche,
ou pure, ou mêlée d’amertume, d'acreté, de piquant
&c. qui eft cependant dominée ou furpaf-;
fée en quelque forte par celle du fel marin ordinaire.
La lumière n’agit fenfiblement que fur quelques
muriates métalliques,; le calorique les fait décrépiter
, fondre , fublimer ; il eft même quelques
Ch i m i e , Tome F .
efpèces qu’il décompofe, 8c dont il fépare l’acide
des bafes. On obferve cependant à cet égard, que
la volatilité, d’ailleurs fi grande, de cet acide, eft
finguliérement enchaînée par fon union avec la
plupart des terres 8c des alcalis, & qu’il eft retenu
dans ces combinaifons avec affez dè force pour
que la plus haute température ne puiffe pas le plus
fouvent l’en détacher. Il y a donc dans ce point
une très-grande différence entre les nitrates 8c les
muriates j puifque les premiers font fi faciles à dé-
compofer, tandis que les féconds réfiftent prefque
tous au plus grand feu. Cependant beaucoup de
muriates métalliques font affez volatils pour qu’on
ait dû attribuer à leur acide la puiffance de donner
de la volatilité aux oxides qui le faturent.
L’oxigène & l’azote n'ont aucune aCtion fur les
muriates a & le genre d’altération que quelques
efpèces éprouvent dans l’air, la déliquefcence fur-
tout qui caraCtérife la plupart d’entr’elles, ne dépend
que de l’eau difloute ou précipitée de i’at-
inofphère.
Aucun corps combuftible ne préfente d’aCtion
fur les muriates ; c’eft là un des caraCtères les plus
prononcés 8c les plus remarquables de ce genre de
fels ; ils diffèrent beaucoup par-là des fulfates qui
brûlent ces corps en paffant à l’état de fulfures, 8c
des nitrates qui les enflamment en fe décomposant
dans leur acide & en fe réduifant à leurs bafes. On
fait déjà que c’eft à cette entière inertie fur les
corps combuftibles qu’eft due l’ignorance complète
où l’on eft encore de la nature de l’acide
muriatique. Quelque fortement & quelque long-
tems qu’on chauffe les muriates avec ces corps, ils
n’éprouvent aucun changement. On a coutume de
dire cependant que ces fels ont la propriété d’augmenter
l’énergie du feu, 8c que c ’eft pour cela
que , dans quelques manufactures , on jette dans
les bvafiers ou dans lesffoyers des poignées de fel
marin; mais on verra dans fon hiftoire, que les
effets qu’ il produit font dus à une autre caufe que
fa décompofition 8c fa prétendue énergie fur les
corps combuftibles.
Tous les muriates alcalins 8c terreux font difib-
lubles dans l’eau, 8c il n’ y en a pas une feule efpèce
qui, comme dans les fulfates 8c les fulfites alcalins
& terreux, refufent de s’unir à ce corps & de partager
fa liquidité. On les obtient prefque tous crif-
tallifés, foit en évaporant lentement leurs diffolu-
tions, foit en les laiffant.refroidir avec plus ou
moins de précaution. La plupart des muriates donnent
à l’eau qui les di(Tout, la propriété de s’échauffer
fans fe volatiliîcr plus ou moins au deffus
de quatre-vingts degrés. Quoique beaucoup de
muriates métalliques foient folubles 8c même dé-
liquefcens comme les alcalins, il y a cependant
plufieurs de ces fels qui n’ont que peu ou point de
folubilité. ;
Les oxides métalliques ont en général peu d’action
fur les muriates alcalins 8c terreux ; cependant
quelques-uns de ces corps brûlés ont la pro