
on n avoic pu obtenir un kermès comparable à uft
autre; toujours il offroit des différences plus ou
moins grandes dans les propriétés phyfiques ; tantôt
il étoit couleur de bois, d’autres fois d’un
brun-marron plus ou moins foncé j quelquefois
il étoit léger, brillant &. velouté, mais Couvent
mat, pefant & femblable à de la brique pilée 5
enfin, fes nuances étoient variées à l’infini, auffi
n’éroit-ce qu’en tremblant que les pharmaciens le
préparoient, n’étant jamais fûrs de l ’obtenir de
telle ou telle nuance , & l’on fait combien il
importe au pharmacien furtout d’avoir des corps
toujours présentant les mêmes propriétés phyfi-
ques , .car elles font ordinairement en rapport
avec les propriétés chimiques , & conféquem-
ment avec les effets médicinaux, c’eft ce qu’on
verra dans la fuite de ce IVIemoire» Tous ces kermès
cju’on regardoit en général comme, fembla-
blés a la couleur près, different effentiellement
dans leur nature : les proportions des principes
qui les conftituent, font extrêmement variés, & ,
ainfi qu’on le démontrera par l’analyfë , la couleur
tft vraiment le type du kermès; on verra que
toujours elle eft en rapport avec les principes
conflituans de ce corps, au point qu’au feul aj|
peél on pourroit pour ainfi dire en eftimer les proportions.
Or , puifque les proportions des principes
du kermès font fi variées, comment les effets
qu’ il produit fur l’économie animale pourroient-
üf ne P^s fêtre ? Il falloit donc trouver le moyen
d’obtenir un kermès confiant , & de.plus un kermès
beau , léger,riche en couleur, d’unbrun- j
pourpre & velouté, tel* enfin que les médecins
le réclament, & que les pharmaciens s’efforcent
de l ’obtenir.
■ ^our parvenir à ce but, voici la marche que
j ’ai fuivie.
“ Je penfai d’abord que fi le kermès differoit,
ce ne devoit être dû qu’aux différences de la nature
& des proportions des corps employés pour
l’obtenir, & aux circonftances diverfes de l’opération.
Je fongeai donc à la potaffe qui pouvoit
être plus ou moins pure , & plus ou moins cauf-
tique; à l’eau qui pouvoit tenir en diffo.lution.di-
verfes fubftances, & être plus ou moins aérée; au
foufre d’antimoine,dont les proportions de foufre •
& d’antimoine pouvoient plus ou moins varier ,
& donner par-là naiffance à un kermès plus ou
moins fulfuré , plus ou moins antimoniéj aux proportions
diverfes de potalfe, de fulfure d’antimoine
& d’eau; à l’état de fulfure d’antimoine
qu’on emploie ordinairement concaffé, & enfin à
la plus ou moins grande durée de l'ébullition. Chaque
auteur jufqu’ici a varié finguliérement ces
proportions ; les. uns preferivent des dofes. très-
fortes de fulfure d’antimoine, d’autres au contraire
font diminuer la potaffe ; les proportions
d’eau font également différentes, & la durée de
l’ébullition plus ou moins longue, & même fouvent
ils ne limitent point ces deux dernières conditions.
I r .^en^ant que le procédé le plus généralement
fuivi par les pharmaciens étoit celui preferit par
le Codex de Paris, je le répétai, me propofanc
d’en comparer les produits, & d’en examiner le
refidu ; je me fervis d’abord, comme il l’indique ,
de feize parties de fulfure d’antimoine pulvérifé
groffiérement, quatre parties de nitre fixé (ou
j carbonate de potaffe obtenu de la calcination du
nitre avec le charbon), & trente-deux parties
d’eau filtrée; je fis bouillir deux heures à un' feu
égal & modéré ; je filtrai & j’ajoutai vingt parties
d’eau filtrée & trois parties de nitre fixé; je fis
bouillir comme ci-deffus ; je filtrai de nouveau ;
j ajoutai encore vingt parties d’eau filtrée & deux
parties de .nitre fixé ; je fis bouillir & je filtrai. Au
lieu de mêler , comme l’indique le Codex| ces
trois liqueurs, je les laiff.i dans des vafes féparés :
au bout de vingt-quatre heures je décantaifiltrai
& lavai féparément le kermès de ces trois liqueurs
avec de l’eau filtrée & froide , jufqu’à ce que
celle-ci en fouît abfoluinent infipi.de ; je fis fécher
dans l’étuve à une douce température ; je comparai
ces trois kermès, & ne remarquai pas de différence
très-fenfible entr’eux ; ils étoient tous trois
à peu près également éloignés de la couleur &
du velouté tant recherchés par les pharmaciens.
I J examinai le réfidu que j’analyfai à l'aide de l’acide
nitro-muriatique, comparativement avec dû
fulfure d’antimoine encore intaéf ; je trouvai qu’ils
étoient femblables, & que ce refidu pouvoit con-
féquemment fervir à faire de nouveau kermès.
, » Je réfolus alors d’ajouter une nouvelle quantité
de potaffe , d’opérèr comme ci-deffus, & çie
répéter cette opération jufqu’à ce que le fulfure
d’antimoine fut épuifé, jufqu’à ce qu’il refufât de
donner du kermès ; comme je prévoyois qüè je
ferois obligé de multiplier ces opérations pour arriver
au but-que je me propofois, je- recommençai
tout avec de très-petites proportions, & je réduifis
le fulfure d’antimoine en poudre afin d’augmenter
les points de contait, & rendre conféquemmenc
cette opération plus prompte. J e pris cent vingt
grammes de fulfure d’antimoine pulvérifé , trente
grammes de potaffe du commerce la plus pure (1),
au lieu de nitre fixé, qui n’eft, comme on fait, que
du carbonate de potaffe, & trois cents grammes
d eau filtrée ; je fis bouillir une demi-heure à un
feu modéré dans un poêlon de terre verniffée ; je
filtrai dans un vafe de verre échauffé.par la vapeur
de 1 eau bouillante; je-laiffai repofer vingt-quatre
heures; je décantai, filtrai & lavai avec de l’eau
filtrée froide, jufqu’à ce qu’elle en fortît infipide,
& fis fécher a l’étuve, à une douce température.
J ajoutai de nouveau fur le réfidu trente grammes
de potaffe & trois cents grammes d’eau filtrée ; je
(1) Celle d Amérique, que M. Vauquelin (Annales de
-Chimie, 3a frimaire an 10) a prouvé contenir le plus de
potaffe j elle en contient les de fon poids.
fis bouillir une demi-heure ; je filtrai, laiffai repofer
vingt-quatre heures , filtrai, lavai, & fis
fécher comme ci-deffus. Je répétai cette opération
de la même manière , avec les mêmes proportions
d’eau & de potaffe, avec le même foin, en employant
la même chaleur , en faifant bouillir le
même tems, filtrant toujours dans des entonnoirs de
verre bien propres, & recevant la liqueur dans des
vafes de verre à chaque opération, nétoyés avec le
plus grand foin, faifant toujours fécher à la même
température (à 2 f deg du therm.’centigr.) ; enfin,
j’opérai avec la plus grande précaution toujours
de la même manière, parce que j’avois en outre
l ’intention de comparer tous les kermès obtenus,
& de les analyfer comparativement, pour m’af-
furer fi les proportions des principes du kermès
font toujours les mêmes, & pour parvenir parJà
à reconnoîcre la caufe de la variété qu’il préfente
dans fes propriétés phyfîques ; mais j’étois loin
de foupçonner en commençant, qu’il me faudroit
autant de perfévérance pour arriver au but que
je m’étois propofé ; je penfms que dix ou douze
opérations auroknt Suffi pour épuifer cent vingt
grammes de fulfure d’antimoine pulvérifé , & mon
étonnement étoit éxtrême lorfque je voyois que-
quarante , que foixante opérations ne fuffifoient
pas ; je continuai toujours avec les mêmes foins
jufqu’à la quatre-vingt-quinzième opération; j’obtins
du kermès quatre-vingt onze fois ; la quatre
vingt-douzième n’en donna que quelques atomes
, & les trois autres n’en fournirent point du
tout.
» Je comparai tous ces kermès , & je vis qu’ils
étoient à peu près femblables, du moins il n’y
avoic entr’eux que de légères différences qu’on
pouvoit attribuer à une deflïccation un peu plas
ouâm peu moins parfaite. Alors je voulus, par
une feule opération, faire ce que j ’avois fait en
quatre-vingt-onze : au lieu de cent vingt grammes
de fulfure d’antimoine, je n’en pris que feize grammes
que je mis avec le quart de fon poids ( quatre,
trente-deuxième), multiplié par quatre vingt-dix,
r ’eft-à-dke , avec trois cent foixante grammes de
potaffe du commerce ; j’ajoutai quatre mille grammes
d’ eau, & je fis bouillir une demi-heure; je
filtrai, & laiffai repofer vingt-quatre heures ; je
filtrai de nouveau & fis fécher à l’étuve, dont la
température étoit maintenue à 25- degrés : il ne
xefta point ou prefqye point de réfidu.
. Il étoit donc inutile d’employer, comme on le
fait ordinal ement, une fi grande proportion.,de
fulfure d’antimoiné ; de plus, on dévoie l’employer
en poudre , contre l ’opinion de plufieurs praticiens
, pourvu qu’on l’employât dans cette foible
proportion, & je ne doute pas que les différences
entre le kermès fait de la même manière, en fup-
pofant que l’on opère avec autant de foin, & en
ayant égard à toutes les circonftances autant que
je l’ai fait dans ces effais; je ne doute pas, dis-je,
que cës"différences ne foienrdues à la pulvéri-.
fation plus groffière ou plus fine; ce qui augmente
ou diminue la proportion du fulfure d’antimoine,
,en multipliant plus ou moins le nombre des molécules
qui devront être en contaét avec la potaffe,
& je me fuis affiné, par plufieurs opérations
comparatives, qu’en augmentant la proportion du
fulfure d’antimoine pulvérifé, on obtenoit du kermès
plus ou moins varié , tandis qu’en employant
le fulfure d’antimoine parfaitement pulvérifé, on
eft fur , en en prenant toujours le même poids,
que la proportion fera toujours la même, & que,
fi toutes les autres circonftances font également
obfervées, les réfultats feront auffi toujours femblables.
» Toutefois le kermès obtenu étoit loin d’être
comme je le.defîrois ; il étoit pâle, & point ou
prefqne point velouté.
*>M’étant affuré, par toutes ces expériences, do
la proportion convenable de potaffe , je fis quelques
effais pëur çonwoître celle de l’eau.
» J’avois employé, dans l ’opération précédente,
quatre mille grammes d'eau, en rempliffant d’aii-
1 urs les mêmes conditions que ci-deffus ; puis ,
dans une troifième opération , je n’en employai
que mille grammes. Je comparai ces deux kermès
au premier; ils en differoient fenfiblement ; ils
paroiffoient plus pefans, plus mats ; ils fembloient
être de la brique pilée.
w Je refis trois autres opérations, l’une avec üx
mille grammes d’eau, l’autre avec huit mille, &
la troifième avec dix mille grammes. Le kermès de
ces trois opérations étoit extrêmement pâle; il
étoit prefque couleur de bois.
« Quatre mille grammes d’eau paroiffoient donc
être la proportion la plus convenable pour les
proportions de fulfure d’antimoine & de potaffe
employées. Je préviens toutefois que cette proportion
d’eau feroit beaucoup trop forte fi l’on
opéroit en grand : quelques effais le feront con-
noître aux praticiens. Il faut qu’il y ait affez d’eau
pour que le kermès puiffe fe dépofer affez lentement
, & qu’il n’y ait pas de criftalüfation ; mais
ii n’en faut pas un trop grand excès. J’ai remarqué
conftamment que, lorfqu’on employoit des proportions
d’eau trop confidérables, le kermès étoit
vilain, fouvent très-peu coloré , & même quelquefois
jaunâtre ; ce qui eft dû à un grand écartement
de molécules , qui, long-tems fufpendues
dans la maffe de l’eau , fe rapprochent lentement,
& reftent dans un état de divifion extrême, & l’on
fait qu’en général les corps perdent de leur couleur
d’autant qu’ils font divifés : ainfi Voxide rouge
de mercure très-divifé, précipité, par exemple,
de fa diffolution par une bafe, paroît jaunâtre;
le foufre très-divifé, celui qu’on précipite d’un
fulfure hydrogéné à l’aide d’un acide, & qu’on
nomme vulgairement magiftere de foufre , eft:
blanc, &c. Hcc.
» Penfant que l’oxigène de l’air, d'ffous dans
l’eau, employé à'laver le kermès, pouvoit bidler
Z 2. 2.