
lien de bois qui fer ta retenir le chaume , & qu'elle
avoir détaché. Il étoit tombé dans le clos beaucoup
d'autres pierres que l'on avoit ràmaffées. On
m’affuroit qu'il y en avoit une dans la mare, &
une autre dans un foffé à demi dellçché. Il falloit
renoncer à la première > nous cherchâmes l'autre,
mais inutilement.
yy Le fils de la maifon, qui m'avoit déjà donné
toutes celles qui lui reftoient, me dit qu'il en avoit
trouvé dans un champ, à un quart de lieue de là. Je
lui demandai s'il avoit.pareillement vifité tous les
champs voifins. Il me répondit qu’il ne l'avoir pas
fait > & comme le lieu qu'il indiquoit, fe rappro-
choit de Sa'int-Nicolas-de-Sommaire, où je favois
qu'il éto't tombé un grand nombre de ces pierres,
je me décidai à entreprendre encore cette recherche,
efpérant que du moins cette fois je ferois plus
heureux.
» En effet, après avoir cherché environ pendant
une heure , par le fdleil le plus ardent, nous
en découvrîmes une que je retirai moi-mêmé de
la terre où elle étoit enfouie 5 je la tins long-tems
brûlante dans ma main, tant étoit grande la chaleur
à laquelle elle étoit expofée. Elle reffemble
parfaitement à toutes celles que nous avions déjà.
»9 Satisfait de cette petite découverte, j'examinai
la nature du fol où nous étions, & les divér-
fes fubftanees qui s’y trouvent. Jè donnai à cet
examen un tems & un foin proportionnés à fon
importance. C ’eft unè terre affez légère, fur la-
uelle on trouve des cailloux & quelques fcorieS
e forge que l'on nomme du laitier.-On dit que
très-anciennemenr il y a eu dans ce lieu des forges
qui ont été abandonnées. Au refte , on fait combien
ces fcories diffèrent des pierres météoriques,
& les payfans eux-mêmes n'y font pas trompés j
car aux environs de l'Aigle, ils connoifTerit aujourd’hui
parfaitement ces pierres, & favent très-
bien les diftinguer dès autres, qu'ils nomment par
oppofition des pierres naturelles.
»9 En revenant, mon jeune guide me montra
dans les champs un berger qui paffoit autrefois
pour incrédule, mais que la peur de ce terrible
météore a converti.
99 De retour au village du Mefle, je partis auffi-
tôtponr le bourg dn Glofs. Cétoit un de ceux
que mes précédentes informations m’indiquoient
comme fe trouvant fur Ta limite du météore. En
effet, il n’y étoit point' tombé de pierres, quoiqu'on
eût entendu violemment l'explofion au fud-
©ueft. Je fus qu’il étoit tombé quelques pierres ,
mais petites & en très-petit nombre , au hameau
de la Belangère, fitué à l’oueft de Glofs. Par ces
récits, & par les informations que je reçus, je me
confirmai dans l'opinion qir’ il n'étoit rien tombé
dans les villages de Saint-Antonih & de Couvain.
- ' »j D’après là courte que je venois de faire, &
les renfeignemens qu'elle m'avoit procurés , jecon-
noiffois les-limitès de l ’explofion au fud, à l’eft &
au nord j il ne me reftoit plus à parcourir que le côté
f de l’oueft, 8c en conféquence, lorfque je partis de
Glofs, qui eft au nord-eft de l'Aigle, je me dirigeai
vers le fud-oueft.
>9 J’allai d’abord au hameau de la Barne , dans
l'habitation qui porte ce nom. Les perfonnes qui
l'habitent, avoient entendu le bruit du météore,
& en avoient été fort effrayées > mais fe trouvant
alors dans leurs mâffons, elles n'avoient pas vu de
pierres tomber, & ne furent averties de ce phénomène
que par leurs fermiers, qui en apportèrent
des morceaux qu'on venoit de trouver dans la
cour. J'en reçus un échantillon.
>9 Le maître de la maifon m’accompagna juf-
qu’à fa ferme, dont les gens me fournirent des
témoignages beaucoup plus forts. Non-feulement
ils avoient vu & entendu le météore, mais les
pierres tomboient en fifflant autour d’eux comme la
grêle. Ils coururent à la mare, croyant que les bâ-
timens étoient en feu ; leur peur étoit telle,
qu'ils s’attendoient à périr, & ils ne parloîent
encore de ce phénomène qu'avec effroi. Toutes
les pierres tombées ici font fort petites : ces gens
en avoient tant ramaffé, qu'ils ont fini par les
jeter dans la baffe-cour, comme n'offrant aucun
intérêt. Cependant on m'en donna encore plu-
fieurs que l'on avoit confervées. Nous chercha»
mes long-tems dans les herbages fi nous pourrions
en trouver encore fur la terre 5 mais ce fut
en vain, l’herbe étoit devenue trop haute. On
ne dit pas ici que ces pierres fuffent chaudes
lorfqu’on les ramaffa > ce qui tient fans doute à
leur peu de volume.
99 J’allai de là au hameau de Boiflaville, & je
me préfentai dans l’habitation qui porte ce nom.
Le propriétaire, à qui je m'adreffai, eft un jeune
homme de vingt-huit à trente ans, qui paroît inf-
truit & bien n é\ il a fervi pendant la guerre de
la révolution j & n'eft par conféquent pas fufcep-
tible d’être effrayé par un coup de tonnerre. Ces
particularités donnant beaucoup de poids à fon
témoignage, je l’ai recueilli avec une attention
particulière, & je le rapporte fidellement.
99 M. Boiflaville étoit au milieu de fa cour, tête
nue j il entendit fubitement comme trois ou quatre
coups de canon , fuivis d'une efpèce de décharge
qui reffembloit à une fufillade , après quoi
il fe fit comme un épouvantable roulement de
tambours, accompagné de fifflemens très-forts ,
caufés par des pierres qui tomboient fur la terre.
L ’air étoit tranquille & le ciel fereinj feulement
on obfervoit directement au deffus de la cour un
petit nuage noir, qui paroiffoitimmobile, & duquel
fembloit partir tout ce bruit. On ramaffa furie
champ une grande quantité de pierres météoriques
dans l’enclos qui environne la maifon ; elles
étoient toutes extrêmement petites. M. Boiflaville
. m'en a donné plufieurs morceaux.
»9 La mère de M. Boiflaville, Dame âgée &
très- refpeétable, atteftoit la même chofe avec les
mêmes détails. Tous fes^ens avoient vu les mêmes
effets,
effets, 8i leurs récits s'accordoient entr'eux. Ils
avoient été extrêmement effrayés : les animaux
s’agitoient violemment, & l'on crut que le feu
étoit par toute la maifon.
99 M. BoiflaVille avoit pris des informations pour
favoir s'il étoit tombé des pierres au bourg de la
Ferté-Frenel j mais on n'en avoit pas vu , & cela j
s’accorde avec les rapports qui m’avoientété faits
d’ailleurs.
» Ic i, comme à la Barne, le fol eft de bonne
terre franche, ainfi que celui des “champs & des
herbages environnons : on n'y trouve point de
cailloux, & l’on y bâtit avec de la brique. M. Boiflaville
eft bien certain qu'on n'a jamais vu dans le
ays, de pierres femblables à celles qui font tom-
ées.
»9 Voilà donc un témoin que fon caractère moral
met à l'abri des iilufïons de la crainte & au
deffus du foupçon d’infidélité. Son récit coïncide
dans les plus petits détails avec ce que l'on rapporte
partout aux environs. Un pareil accord
pourroit-il exifter s’il n’avoit la vérité pour bafe ?
99 De Boiflaville, je paffai à la ferme delà Blandinière,
où l'on m'avoit dit qu'il étoit tombé de«
pierres météoriques en affez grande quantité, mais
fort petites. Je ne trouvai dans la maifon qu’une
femme âgée, qui ne put me donner beaucoup de
détails, mais qui me confirma dans ce que je favois.
L?e là je vins au hameau du T e il, où je
m'attendois à trouver très-peu de ces pierres. En
effet, il n’en étoit tombé qu'un petit nombre .&
de fort petites. Il étoit par cela même difficile
d’en obtenir des échantillons, les habirans y tenant
d'autant plus, qu'elles font plus rares. J'éprouvai
une femblable difficulté par une fembiable
caufe au village des Guillemins, qui eft voifin
du précédent i cependant on me donna une de
ces pierres, qui étoit tombée devant la porte d’une
maifon , avec plufieurs autres que l'on me montra
, & qui étoient pareillement d’un très-petit
volume. Je jugeai, par tous ces lignes, que je me
trouvois fur la limite occidentale de l'explofion. En effet, je m'affurai, en pouffuit plus loin i
u'on n'a pas apperçu de pierres météoriques au-
«là de cet endroit, il n'en eft point tombé au
bourg de Gauville.
» Eu reprenant ma route vers l’Aigle, je m'arrêtai
au châreau de Corboyer. Je favois qu'il étoit'
tombé beaucoup de pierres dans cet endroit. En
effet, les ouvriers qui travailloient alors dans la
cour, me dirent qu’ils avoient eu une grande
h’ayeur en les entendant fiffler autour d’eux, &
les voyant defeendre le long des toits , comme
auroit fait la grêle. Le propriétaire étoit abfent :
je parlai au concierge , qui me parut un homme
fort intelligent} il me confirma tous ces faits, &
**>e mena chez le maire du lieu, qui me donna un
morceau d’une pierre tombée devant fa maifon, &
J*1 affura que l’on n'en avoit jamais vu de fembla-
We dans le pays. Ici , comme dans tous les en-
Cu im is . Tome K ,
T droits que jai parcourus, il y a aûtant de témoins
que d’habitans, & leurs récits font unanimes.
» Le lendemain de l'explofion, le maire avoit
I écrit au fous-préfet d’Argentan , pour lui an-
I noncer cette épouvantable pluie de pierres ; il en
* avoit même joint à fa lettre un échantillon , & c’é-
to- t celle dont on m'avoit parlé àSéez. Mais, avant
d'écrire à Alençon , le fous-préfet avoit cru devoir
prendre des renfeignemens ultérieurs, qui fe
trouvèrent retardés par diverfes circonftances.
C'eft pour cela que M. Lamagdelaine n'a voit aucune
connoiffance du fait.
*> Je rentrai à l'Aigle à dix heures du foir , apportant
avec moi tous les échantillons que l'on
m’avoit donnés , ainfi que les notes qui les ac-
compagnoîent, & que j'avois prifes fur Us lieux.
Le lendemain je m'occupai à les mettre en ordre. 1
Quoique ces renfeignemens me paruffenr fuffire
pour établir la réalité du phénomène , je ne négligeai
rien pendant mon féjour à l’Aigle pour les
compléter, & je cherchai avec une égale bonne
foi tout ce qui pouvoit les confirmer ou les combattre
j mais fous ce dernier rapport je ne trouvai
aucune objection plaufible, furtout pas une feule
obfervation, pas un feul récit fait fur les lieux,
qui contredit les réfultats de mes obfervations.
»* Cependant je voulus employer encore un der-,
nier moyen pour les vérifier. C ’eft un ufage, parmi
les payfans des environs, de fe raffembler le dimanche
matin fur la place de l'Aigle. J'allai un de
ces jours au milieu d'eux ; je les interrogeai, & ,
d'après les récits qu’ils faifoient fur le météore ,
je pus conftamment déterminer le canton qu’ils
habitoient ; car ceux qui avoient vu tomber des
pierres étoient en deçà des limites que j'avois parcourues
, & ceux qui n'en avoient pas vu tomber
étoient en dehors. Il n’y eut point d'exception à
cette règle. J'en conclus que j’avois bien circonf-
crit l’étendue fur laquelle le météore avoit éclaté.
99 Ce fut au milieu de ces groupes, où l'on n’é-
toit point du tout étonné de voir mettre de l'importance
à ce phénomène , que l’on m’indiqua
celui de tous les payfans des environs qui paroiffoit
avoir couru le plus grand danger. C ’eft un
nommé Piche, tireur de fil de fer, demeurant au
village des Aunées , commune de Glofs. Lors de
l’explofion, il travailloit en plein air avec plufieurs
autres ouvriers. Une pierre rafa le long de
fon bras, & tomba à les pieds il voulut la ra-
maffer, mais elle étoit brûlante, & il la laiffa
retomber tout effrayé. Ce fait, qui m'avoit été
raconté d'abord fur la place par les payfans, me
fut confirmé par cet homme lorfqu’ils me iVucent
amené. Il n'avoit plus cette plein, qu'un intérêt
bien étranger aux fciences avoit fait avidement
recueillir & confondre avec plufî. urs autres j mais
il me donna un ^morceau tombé en même tems,
au même lieu, près de lui, & fous les yeux de
tous fes compagnons.
? Enfin, lorfque jè me fus affuré, par tous les
D d d d