
lente d’un bleu-fale. A peine le morceau dont je
parle fut-il tranfporté au laboratoire des recherches
chimiques du Muféum, que M. Laugier, aide-
chimilte , chargé d’en faire l’examen , & de le
foumettre aux expériences que je lui avois indiquées
, le montra à M. Vauquelin , dont les con-
feils font fi utiles, & dont les connoiffances minéralogiques
font fi étendues. Au premier afpeét,
M. Vauquelin reconnut le foflîle de l’ Ifle-de-
France pour être tout-à-fait femblable à un minéral
qu’il avoit reçu d’Abildgaard quelques mois
avant fa mort, fous le nom de phofphate du Bréfil.
Il y reconnut la même couleur , les mêmes lames ,
le même tiffu ; il nous apprit qu’ayant effayé ce morceau
du Bréfil, il l’avoittrouvé entièrement diffolu-
ble dans les acides, & qu’en précipitant cette dif-
folution par la potafle en grande quantité, il avoit
eu d’une part de l’oxide de fer dépofé, & de
l’autre du phofphate alcalin. Il affura que le minéral
de rifle-de-France étoit de la même nature , &
qu’il préfenteroit les mêmes propriétés; & en effet,
quelques lames de ce dernier ayant été broyées,
elles donnèrent une poudre d’un allez beau.bleu-
clair, abfolument femblable à celle du phofphate
de fer du Bréfil, & qui, comme celui-ci, fut
romptement dilfoute dans l’acide nitrique foi-
le , fans laiffer prefque de réfidu fenfible. Ainfi,
dès le premier elfai, le foflîle que nous avions à
examiner , nous offrit les mêmes caractères appa-
rens & la même diflolution dans les acides , que
celui du Bréfil; de forte que nous reconnûmes au
même inftant l’exiftence du même minéral dans
deux contrées fort éloignées l’une de l’autre.
Mais la fingularité même de ce premier elfai,
& fa différence d’avec le premier apperçu de plu-
fieurs minéralogiftes, nous fit fentir la néceflité
d’entreprendre une analyfe très-exaéte du minéral
de rlfle-de-France , & de porter les expériences
aufli loin que la petite quantité qui nous en
avoit été donnée, pourroit nous le permettre.
M. Laugier s’eft livré , fous ma direction, aux
recherches néceffaires à cette analyfe avec un
foin & une exactitude que je ne faurois trop louer ;
elle lui a fourni l’occafion de trouver quelques
faits nouveaux & un procédé intéreffant, propres à perfectionner ce genre de travail fi utile pour la
connoiflance des minéraux. La defcription de
fes expériences, toutes vérifiées par M. Vauquelin
& moi , pourra faire apprécier l’importance
de rétabliffemer.t du laboratoire des recherches
dans le Muféum, & fes grands avantages pour
les progrès de l’hiftoire naturelle.
$. II. Analyfe du minéral de 1‘1 fie-de-France entier.
On a commencé par réduire en poudre ce minéral
entier & , fans effayer d’en ifoler les lames,
Ja légère pouflière qui les recouvre en dehors, &
les portions opaques qui en altèrent la tranfpa-
rence.
i° . Cette poudre d’un bleu-pâle agréable, adhérente
au papier fur lequel on la frotte, & lui
donnant fa couleur , expofée à la chaleur, perd
bientôt fa nuance, & prend une couleur jaune
d’oxide de fer. Cette opération, faite dans un
creufet, donne une perte de près du tiers de fon
poids} car aux 0,28 qu’on y trouve de moins, H
faut ajouter l’addition de l’oxigène dont le fer fe
charge : à une très-forte température, le minéral
fe vitrifie, comme on le dira en parlant de l’ action
du chalumeau.
2°. Cent parties du minéral en poudre ont été
introduites dans une petite cornuede verre qui a
été placée dans un fourneau de réverbère, & à laquelle
on a adapté uu petit ballon. On a affujetti
ces deux vaiffeaux avec une bande de papier enduit
de colle de farine, & on a mis quelques charbons
allumés à peu de diftance de la panfe de la
cornue. A la moindre chaleur la poudre a perdu fa
couleur bleue , qui s’eft convertie en une couleur
jaune de fer. Bientôt après les parois de la cornue,
jufque vers fon orifice, fe font tapiflees d’une
rofée abondante. Celle-ci r par l’augmentation de
la chaleur, s’eft condenfée en gouttelettes d’eau,
qui fe font réunies dans le récipient. Lorfqu’on a
vu qu’il ne fe dégageoit plus de vapeurs, on a ceflé
l’opération, on a caflé la cornue pour obtenir le
réfidu bien fe c, & on s’eft afluré qu’il avoit perdu
28 pour 100 de fon poids. Cette perte n’a pas pu
être conftatée exadtement par le poids de l’eau
obtenue dans le récipient, parce qu’elle étoit en
trop petite quantité pour permettre cette appréciation
exaéte. D’ailleurs, il devoit y avoir plus
d’eau dégagée que 28 pour 100, d’après l’oxida-
tion en jaune du réfidu qui avoit abforbé une portion
d’oxigène de l'air contenu dans la cornue. On
peut donc eftimer l’eau à environ 31 pour 100.
30. Quatre grammes du minéral de l’Ifle-de-
France, réduits en poudre bleue, ont été arrofés
avec deux parties & demie d’acide nitrique étendu
de la moitié de fon poids d’eau diftillée. Il ÿ a eu
une légère effervefcence & un léger dégagement
du gaz nitreux, dus à l’oxidation fubite du fer,
qui en effet a paffé fur-le-champ au rouge}
bientôt, & à l’aide d’une douce chaleur, la totalité
du minéral a été difloute, à l’exception d’une
très-petite portion de fubftance jaune qui, fépa-
rée par le filtre & féchée, ne pefoit que cinq centigrammes
ou un péu plus d’un centième du minéral
employé. On l’a confervé pour l’examiner
plus tard.
4°. La diflolution , qui avoit une couleur jaune-
verdâtre , a été précipitée par l’ammoniaque.
Comme on avoit ajouté un grand excès de cet
alcali, le précipité abondant qui s’étoit formé
d’abord, a été entièrement rediflous du foir au
lendemain , & il n’â reparu qu’après avoir fait
bouillir long-tems le mélange, & en avoir ainfi
féparé l'excès d’ammoniaque qui avoit opéré la
diflolution.
On croit devoir remarquer ici que l’attra&ion
du phofphate de fer pour l'ammoniaque eft très*
confidérable ; que celle-ci adhère au fel ferrugineux
avec une forte d'opiniâtreté, & que cette
propriété peut donner un très-bon moyen de fé-
parer ce phofphate de quelques autres fels du même
genre, tels que le phofphate de chaux, &c. Le
précipité occafionné par l’ammoniaque a été recueilli
fur un filtre } il avoit une couleur rouge-
foncée , un afpedt gélatineux, & , par la defiicca-
tion, il en a pris une brune-noiratre } il pefoit
trois grammes foixante-dix centigrammes.
50. Dans l ’intention d’analyfer complètement
ce précipité & d’ifoler l’oxide de fer de l'acide
pholphorique, on a pulvérifé ce précipité , & on
l’a traité au feu dans un creufet de platine, avec
le double de fon poids de-foude cauftique. Le
creufet retiré du feu & prefque refroidi, on a
verfé fur la maffe de l’eau diftillée, on a agité le
mélange, on l’a filtré, & on a lavé la partie info-
luble julqu’à ce que l’eau en fortit infipide.
6°. On a verfé dans la leflîve alcaline dont on
vient de parler, une diflolution de muriate d’ammoniaque
qui a occafionné un précipité peu abondant
, lequel s’eft féparé fur-le-champ, a préfenté
les cara&eres de l’alumine, & s’eft trouvé pefer,
après la defliccation, vingt grammes ou un peu plus
du vingtième du précipité.
7°. Comme on foupçonnoit que la leflîve alcaline
contenoit du phofphate de foude qu’on vou-
loit décompofer par l’eau de chaux , & comme il
étoit à craindre que la foude en excès ayant vrai-
femblablement abforbé de l’acide carbonique,
n’apportât quelqu’infidélité dans l’expérience en
donnant lieu à la formation d’une certaine quantité
de carbonate de chaux , on a jugé convenable
de faturer l’excès d’alcali avec l’acide nitrique, &
de faire bouillir le mélange pour en féparer totalement
l’acide carbonique. Cela fait, on a verfé de
l’eau de chaux qui a occafionné un précipité volumineux
, gélatineux, ayant les caractères du phofphate
de chaux} il fe diffolvoit dans les acides fans
effervefcence} il en étoit précipité fous la forme
floconeufe par l’ammoniaque} fa diflolution dans
les acides donnoit un précipité abondant par l’acide
oxalique. Ce phofphate de chaux, lavé & calciné,
pefoit un gramme foixante-quinze centigrammes,
qui donnent foixante-dix-fept centigrammes
d’acide phofphorique, ou un peu moins
du cinquième du minéral entier.
8°. La portion infoluble dans l’alcali de l'expérience
y*, a été féchée & calcinée ; elle pefoit un
gramme foixante-cinq centigrammes. Traitée par
l’acide muriatique , fa diflolution précipitoit en
bleu-foncé parle pruflîate de potafle, en jaune par
l’ammoniaque. C ’étoit donc de l’oxide de fer qui
forme plus du tiers du poids du minéral entier.
On a vu que, dans la troifième expérience, une
matière du poids de cinq centigrammes avoit
conftamment refifté à l’acide nitrique. Ce réfidu
a été fondu avec trois parties de potafle cauftique
: la maffe retirée du feu avoit une couleur
verdâtre. Délayée avec l’eau diftillée, & arrofée
d’acide muriatique , elle s’y eft difloute, & la dif-
folution ayant été évaporée à ficcité, le réfidu
lavé a laifle une quantité inappréciable de Alice;
on l’a cependant évaluée à un centigramme. La
portion foluble a donné du bleu de Prufle par la
pruflîate de potafle; c’etoit donc une petite portion
de fer qui avoit échappé à l’aétion de l’acide,
fans doute à caufe de fa forte attraction pour la fi-
lice, & parce qu’il n’étoitpas uni à l'acide phofphorique.
io°.Les produits recueillis, favoir, l’acide phofphorique,
l’oxide de fer, l’alumine & la fiiice,
étant loin de former la totalité du minéral fournis
à l’expérience , il étoit naturel de penfer que
l'eau contenue affez abondamment dans ce minéral
étoit la véritable caufe de la perte éprouvée»
Cependant pour ne laiffer, autant que poffîble ,
aucune incertitude , on a effayé la première dif-
folution nitrique qui auroit pu contenir quelques
fubftances étrangères au pkofphate de fer. On s’eft
afluré du contraire en ver fan t , i°. de l'oxalate
d’ammoniaque, qui n'a annoncé la préfence d’aucune
portion bien fenfible de chaux ; 2°. une dif-
folution de nitrate de baryte , qui n’a donné aucun
ligne de l’exiftence de l’acide fulfurique.
ii° . On ne fe diflîmuloit pas pourtant que,
dans le cas où l’on devoit attribuer à l'eau feulement
le déficit trouvé dans l'anaiyle, on pouvoit
tirer du récit même des expériences énoncées,
une obje&ion plaufible en apparence. Pourquoi,
en effet, fi la perte devoit être attribuée à l'eau
de criftallifation faifant plus du quart, cette perte
n’ a-t-elle été que de oo,6 immédiatement après
la précipitation du phofphate de fer par l ’ammoniaque
?
On va répondre à cette objection par un fait
auquel on etoit loin-de s’attendre, & qui n’tft
peut-être pas dénué de tout intérêt.
Une nouvelle portion du minéral, réfervée pour
le befoin , a été difloute dans une fuffifante quan:*
tité d’acide nitrique. Le précipité obtenu par l’ammoniaque,
après avoir été foigneufement lavé, a
été trituré encore humide avec deux parties de
foude, au lieu d’être traité brufquement dans ua
creufet, comme dans la cinquième expérience. A
peine ces deux corps ont-ils été en contad:, qu’il
s’eft fait un dégagement confidérable d’ammoniaque
, & ce phénomène a duré l’efpace de dix minutes.
On doit conclure naturellement de ce fait,
qu’il fe forme dans ce cas un fel triple, un phofphate
d’ammoniaque & de fer ; que conféquem-
ment une partie de l’ammoniaque qui fert à la
précipitation du fel métallique, s’y combine & fe
précipite avec lui ; enfin, que cet alcali, prenant
la place de l’eau de criftallifation, mafaue au moins
en partie la perte <jue l’on avoit faite de ce liquide
contenu dans le minéral, & s’oppofe à ce qu elle
foit aufli fenfible qu’elle devroit l’être.