
la natation, la flexion, l’extenfîon des diverfes
parties, ou les mouvemens fenfibles de loco-mo-
tion partielle ou totale, fournis à la volonté & aux
pallions qui diftinguent fi éminemment la clalfe des
êtres organifés & animés , de celle des plantes.
Lorfqu’on confidère le$ mufcles dans leurs rapports
avec les autres parties du corps des animaux,
on y trouve un nouveau motif d’intérêt pour en
étudier les propriétés , puifque le fyftème mufcu-
laire forme une des maffes les plus confidérables
de l’organifation animale. Leur enfemble remplit
un efpace très-grand dans l'économie dés animaux :
recouverts par la peau, contenus par les aponé-
vrofes, recouvrant de toutes parts les os qu'ils
enveloppent & qu’ils garnirent, ce font eux qui
donnent la forme & la torofîté aux membres. Leurs
parties faillantes & bombées deffment, avec les
creux de leurs intervalles, toutes les formes que
le ftatuaire & le peintre imitent dans leurs chets-
d-’oeuvre, & à l'aide defquelles ils offrent à nos
yeux la majefté d'un dieu dans l'Apollon, lex-
preflion de la douleur dans le Laocoon , la force
dans l'Hercule 3 la vigueur & Tadreffe dans les
luteurs & l’athlète, la fraîcheur de la jeunefie
dans l'Antinous , la grâce & la beauté dans la
Vénus.
Les mufcles font arrofés par am gfand nombre
de vaiffeaux fan gui ns, qui rampent à leur furface
& plongent dans leurs fibres ; de vaiffeaux lympa-
thiques ou abforbans, qui font également, & à
l'entour de leurs fibres, & dans les interftices qui
les féparent. On y trouve encore des nerfs qui fe
diftribuent & fe perdent dans leurs faifceaux, du
tiffu cellulaire dont ils font abondamment pourvus
, des membranes aponévrotiques qui les enveloppent
, des tendons,qui les terminent. Quoique
toutes ces parties ne foient qu'acceffoîres à leur
tiffu proprement d it, les anatomiftes les confîdè-
rent comme appartenant à leur organifation 3 &
en effet, toutes contribuent à leurs fonctions. Le
tiffu cellulaire en lie les fibres j les vaiffeaux fan-
guins les nourriffent & lés échauffent > les vafes
abforbans y puifent l’excédent de leur nourriture,
& enlèvent leur partie ufée par l'effort vital ; les
nerfs y portent la caufe immédiate de leurs mou-
vetnens , & l’ordre de la volonté qui les commande,
de quelque nature que foit cette caufe;
les tendons déterminent leur a61:ion fur telle ou
telle partie ; les aponévrofes fourniffent un point
d’appui à leurs faifceaux. Il y a de plus de la graiffe :
au dehors & au dedans de leurs fibres, qui, par fon
moyen, gliffent facilement les unes fur les autres.
L’enfemble & l'intégrité de ces divers tiffus, qui
les pénètrent & qui les confti,tuent des organes
vîvans, font néçeffaires à l’exercice de leurs fonctions
j & quand l'un ou l’autre manque ou fouffre,
le mufcle perd une partie ou la totalité de fon activité
: c'eft pour cela que, parmi les anatomiftes,
les uns ont voulu que les mufcles fuffent formés de
tiffu cellulaire j les autres les ont crus conftitués
de filamens nerveux j quelques-uns n’y ont vu que
des extrémités vafculaires.
L’analyfe des mufcles pourvus de toutes les parties
organiques qui en compofent l’enfemble, n’eft
donc pas & ne peut pas être exaéte,1 puifqu'elle '
confond un grand nombre de tiffus différens. S'il
étoit vrai que telle fût la contexture & la compo-
fition de ces organes du mouvement, on ne pour-
roit fe flatter d’en connoître la nature que par
l'a'nalyfe de chacune de ces parties ; -& une fois
chacune d’elles bien connue , il ne tefteroit rien
à faire pour déterminer celle du mufcle. Autrefois
on fe bornoit, pour l’analyfer, à diftiiler la chair,
■ & à défigner la quantité de phiegme, d’efprit, de
fel volatil, d’huile & de charbon qu’elle fournii-
foit :.il faut ajouter à cette ancienne notion,que,
parmi les produits dè la chair, on obtient une
quantité notable d’acide acétique huileux combiné
avec l’ammoniaque, & que le mufcle paroît être,
parmi les fubftances animales, celle qui fournit le
plus de cet acide. Geoffroy le médecin a décrit
l’effet de l’eau, .& la quantité de matière diffolu-
ble qu’elle enlève, par l’ébullition, à un grand
nombre de chairs différentes, fous le rapport de
la partie nutritive contenue dans chacune d’elle s.
Ce travail n’a quelque valeur que relativement à
la propriété alimentaire. Thouvenel eft le premi; r
qui ait effayé de connoître les principes divers,
ou plutôt les matériaux conftitüans des mufcles ; il
a employé pour cela plufieurs procédés inufités
jufqu'à lui, & qui lui ont permis de donner une
notion un peu plus pofitive de la nature de ces
organes. Je me fuis enfuite occupé de la bafe
même ou du parenchyme particulier aux mufcles,
& conféquemment de leur véritable tiffu, indépendamment
de toutes les fubftances qui ne font
qu’acceffoires.
Dans l’impoffibilité où l’on eft: d’ifoler le tiffu
mufculaire proprement dit,d'ayec les tiffus vafeu-
laire, nerveux , & des liquides fanguin , lymphatique,
graiffeux j qui y font intimement mêlés,
il faut fe contenter , en traitant des propriétés chimiques
du mufcle j de rechercher & de bien féparer
celles qui appartiennent à chacune de ces matières
animales en particulier, & de n’attribuer à la chair
mufculaire que celles qui ne caraétérifent point ces
„matières. Cette méthode d’exclufion peut conduire,
comme on va le voir, à une connoiffance
affez exaéte de la nature de la fibre charnue. Les
chimiftes modernes ont traité le mufcle comme
une matière végétale mélangée de plufieurs fubf-
tances différentes qu’ ils ont tenté de féparer les
unes des autres, d’abord par des moyens mécaniques
, enfuite par des procédés chimiques. Comme
cet organe eft rempli de vaiffeaux fanguins & lymphatiques
qui contiennent des liquides, l'effort de
la preffe a fervi à Thouvenel pour les féparer. Les
fluides qu’il a obtenus, ont été traités fuccefflve-
ment par le calorique qui en a coagulé la matière
albumineufe, & fait criftallifer des fels par l’évaporation,
par Talcool qui en a diffous quelques 1
fe ls , & une fubftance extraétive particulière que
ce chimifte a crue propre aux mufcles : il a fait diverfes
applications fucceftives de l’eau au réfuiu
du premier liquide évaporé, pour en féparer la
gélatine & les fels ; mais ces moyens ne l'ont pas
conduit au but aufli exactement qu’il l’efpéroit,
& en effet ils préfentent une grande difficulté ’
d’exécution.
J’ai mieux réufli, dans cette analyfe, en commen- j
çant par laver d’abord le mufcle dans l’eau froide,
qui enlève le fang & la lymphe, & qui, lorfqu’on ,
a haché la chair & qu’on l’a malaxée avec l’eau
tombant en filet à fa furface, laiffe bientôt le tiffu
mufculeux blanc ifolé, mêlé à la vérité avec les
tubes yafculaires, les filets nerveux , les lames cellulaires,
dont on peut enfuite opérer une forte de
départ à l’aide du procédé que j'indiquerai. L’eau
qui a lavé & décoloré la chair mufculaire, reffem-
ble entièrement à du fang très-étendu d’eau : fi on
la fait chauffer, elle fe coagule & fe fépare, à la
furface, en flocons rouges - bruns, comme cela
arrive à la partie colorante fanguine j il fe dépofe
en même tems des filets fibreux, peu abondans à
la vérité, mais réconnoiffables pour de la fibrine.
La liqueur, peu colorée après ce'tte aétion du feu,
légèrement trouble & laiteufe, évaporée doucement
, donne des pellicules albumineufes qu’on
fépare, fe colore, acquiert une faveur un peu âcre
quand elle eft concentrée,, fe prend en gelée légère
par le refroidiffement, 8c fournit, lorfqu’on l’évapore
à ficcité, un réfidu d’un rouge-brun : on
tire de ce réfidu, par une application bien ménagée,
de l’alcool & de l’eau employés fucceffive-
ment, une forte d’extrait fapide dont je parlerai
bientôt, un peu de gélatine, & des phofphates de
foude & d’ammoniaque.
- On voit que l’eau froide, appliquée à la chair,
en extrait, avec la liqueur fanguine & lymphati-
qué, une légère portion de matière extraétive &
fapide , qui appartient fpécialement à cet organe.
Quand la chair eft ainfi privée de ce qu’elle contient
de diffoluble à froid, fi on la fait bouillir
dans l’eau, elle laiffe échapper encore une matière
albumineufe, qui fe raffemble en flocons grifâtres
au haut de la liqueur, & une fubftance qui vient
nager comme des gouttes d’huile à fa furface. Les
fibres charnues fe féparent les unes des autres ; le
tiffu lymphatique & cellulaire, diffous,donne à l’eau
la propriété de fe prendre en gelée par le refroidiffement.
L’évaporation bien ménagée de cette décoction
de chair décolorée auparavant, y montre
encore une portion de matière extraétive favo-
neufe, qui prend de la couleur par la concentration,
& quelques traces de fels phofphoriques. Le
produit de cette décoétion eft une forte de mauvais
bouillon qui n’a pas toutes les propriétés de
celui que l’on prépare avec la chair entière & non
lavée , dont il fera bientôt queftion ; il n’en diffère
cependant que par moins de principes. .
Après ces deux aétions fucceflives de l’eau
froide d’abord, enfuite de l’eau bouillante fur le
mufcle t fi chacune d’elles a été pouffée aufti loin
qu'elle peut aller , il ne refte plus qu’un parenchyme
fibreux, d'un gris-fale, infipide , qui fe
durcit par l’aétion de l’eau chaude, loin de s’y
diffoudre, dont les faifceaux fibreux fe féparent
facilement les uns des autres, qui fe deffèche &
devient caftant à l’air fec & chaud, &c qui préfente
tous les caraéterés de la fibrine du fang , fpécialement
la diffolubilité dans les acides fcibles, la propriété
de donner au feu beaucoup de carbonate
ammoniacal, & une huile fétide ; celle de fournir
abondamment» du gaz azote par l'aétion de l'acide
nitrique, qui le convertit en graiffe citrine
flottante à la furface , en matière amère , aiguillée ,
inflammable, & en acides oxalique, acétique, &c.
diffous dans la liqueur. J’ai conclu de mes recherches
fur ce parenchyme charnu , qu’il étoit immédiatement
formé par le fang fi abondamment
verfé par la nature dans le tiffu du mufcle ; que la
nutrition de çet organe confiftoit dans la réparation
de la fibrine ; que c’étoit fans doute pour cela
que non-feulement le fang y étoit fort abondant,
mais encore ralenti dans fon cours, avant de pénétrer
dans l’incérieur des fibres, au moyen de
plis & dë courbures , puifque, fuivant la belle
obfervation anatomique de l'illuftre Haller, un
grand nombre d’artères fuivoient une route tor-
tueufe & rétrograde avant de fe plonger dans la
profondeur des mufcles. C'eft fous ce rapport que
j'ai montré le fang comme de la chair coulante ;
fuiyant i'expreflîon du père de la médecine.
Lorfqu’on fait cuire de la chair dans l’eau, fans
la laver, préliminairement, une grande partie de
la matière féreufe & albumineufe colorée fe fépare
en flocons bruns , coagulés par l’aétion de la
chaleur, & forme l ’écume qu’on enlève ; une autre
portion de la même matière refte adhérente à
la viande, & lui donne cette couleur fauve-brunâtre,
qui fe fonce, comme on l’obferve généra^
lement, par le contaét de l’air : l’ëau diffout peu
à peu la matière gélatineufe appartenant au tiffu
cellulaire & lymphatique des mufcles, fond & fépare
la graiffe qui nage à la furface, diffout encore,
& des fels phofphoriques , 8c une matière extractive
particulière , qui lui donne la couleur dorée,
, l’odeur comme aromatique, & la faveur un peu
piquante & agréable que tout le monde conncîe
dans le bouillon. Cette liqueur alimentaire, bien
préparée, eft donc une diffolution de matière gélatineufe,
d’une fubftance extraétive animale, que
M. Thénard croit être un compofé particulier de
; phofphate & de muriate de foude & d’ammonia-
| que ; elle contient de plus un peu d'huile graif-
feufe, diffoute à la faveur.de la gélatine & de
i l’extrait, un peu de matière albumineufe , &
même une petite portion de phofphate de chaux.
Le bouillon préfente à t'examen chimique une
fuite de phénomènes qui y prouvent la préfence