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» Un chimifte dont les opinions font d'un grand
poids, Prouft, a furtout cherche à établir cette
doctrine en l’appuyant de plufieurs faits nouveaux
& intéreffans. Comme les applications que je préfente
font fondées fur une hypothèfe différente,
il me paroït convenable d’expofer Ion opinion en
fes propresteimes:
« Ces proportions toujours invariables , ces at-
» tributs conftans qui caraêtérifent les vrais com-
» pofés de fart ou ceux de la nature ; en un mot,
*9 ce pondus natura li bien vu de Stahl, tout cela,
»9 dis-je, n’eft pas plus au pouvoir du chimifte,
*9 que la loi d’ ele&ion qui prefîde à toutes les corn-
» binaifons (i). »».
»9 Prouft applique donc aux oxides un principe
qu’ il regarde comme général > il admet l’affinité
des fubftances comme eleétive, & il regarde les
proportions qui forment chaque combinaifon comme
fixées par une loi invariable. Je ne reviendrai
pas fur les di feu (fions dans lesquelles je fuis entré
relativement aux autres combinaifons ; mais il faut
conftater que les conféquences que j’ai tirées de
l’aûion chimique des autres fubltances, peuvent
recevoir des propriétés dès oxides une nouvelle
confirmation, & acquérir par-là plus de généralité,
99 Je dois donc faire voir que les proportions
de l’oxigène dans les oxides dépendent des mêmes
conditions que celles qui entrent dans les autres
combinaifonsj que ces proportions peuvent varier
progreflivement depuis le terme où la combinaifon
devient poflible, jufqu’à celui où elle atteint
le dernier degré, & que, lorfque cet effet n'a pas
lieu, ce n’eft que parce que les conditions que
j’ai indiquées, deviennent un obfiacle à cette a&ion
progreflivë, opinion qui fera développée dans les
chapitres fuivans. ( Aux chapitres Dijfolutions des
métaux, &c. )
*• Si les métaux qui s’oxident en fe volatilifant
prennent tout à coup des proportions d’oxigènè
que Ton peutregarder comme confiantes, & fi les
proportions déterminées d'oxigène qu’ ils reçoivent,
paroiffent favorables à l’opinion contre laquelle
je réclame , il n’en eft pas de même de ceux
qui entrent en fufion tranquille, comme l'étain &
le plomb : leur oxidation fait des progrès depuis
le plus foible degré jufqu’à un terme qui cependant
n’eft pas toujours le dernier de l’oxidation
qu'ils peuvent recevoir dans d’autres circonftan-
ces, & l’on voit fe fuccéder les couleurs & les
autres propriétés qui accompagnent chaque degré
d’oxidation ; ainfi le plomb forme un oxide qui
commence par être gris j puis il paffe à differentes
nuances de jaune, & il finit par être rouge'au
moyen dJ-une circonftancé dont il va être queftiom
Le fer paffe également par différentes nuances, &
prend des propriétés différentes à mefure que l’oxio
x i
dation fait des progrès. On peut obferver des
effets femblables dans plufieurs métaux.
»9 Si donc plufieurs métaux parviennent, par une
certaine température, à un degté d’oxidation dans
lequel les proportions de l’oxigène paroiffent être
fixés , ce n’eft que parce que les conditions de
l’oxidation font alors les mêmes, & que toutes
les combinaifons qui fe pro'duifent avec les mêmes
conditions doivent être uniformes. O r, c’eft principalement
lorfque l'oxidation s’opère au moment
ou la tenfion élaltique des métaux Us volatilife,
que les conditions de l’oxidation fe trouvent particuliérement
déterminées}mais, foit que le métal
jouiffe de la propriété de fe volatilifer, fuit qu’il
s*oxide plus inégalement par des degrés fuccefhfs
de chaleur, il eft facile de recpnnoître que la combinaifon
de l ’oxigène peut y varier, & même indéfiniment
, depuis que, la force de cohéfion perdant
fa prépondérance, l’oxidation devient pofli-
ble jufqu’à l’extr.êvne où elle teffe de l’ être, à
moins que l’affinité mutuelle des deuxi élémens ne
foit aidee de qtielqu’autre affinité qui porte plus
loin le terme de l’oxidation.
» Si l’on oblige les oxides qui font devenus fixes
par la condenfarion qui s’eft produite, à fupporter
un degré de chaleur fupérieur à celui qui a pré-
fidé à leur oxidation, ils abandonnent une partie
de leur oxigène, & relient dans un autre état.
99 Ainfi Voxide d’antimoine que l’on obtient pat
la fublimation, contient, fuivant Thénard (.i),
vingt d’oxigène fur cent : cet oxide, expofé à une
chaleur graduelle, lui a donné quatre autres degrés
d’oxidation, qui contenoient depuis feize jufqu'à
vingt parties d’oxigène. Quoique l’on ne puiffe
regarder comme rigoureufe la précifion de ceux
de ces réfultars qui ne diffèrent entr’ eux que de
quelques centièmes , les qualités que ces oxides
préfentent, ne permettent pas de douter qu’ils
n'euffent réellement des proportions différentes
d’oxigène. Le même chimifte conclut des expériences
intéreffantes qu'il a faites fur le cobalt,
qu’il exifte au moins quatre efpèces d'oxides de
cobalt, l ’oxide bleu, Yoxide olive, Y oxidepuce ,
Yoxide noir, qui ont des proportions différentes
d’oxigène.
>9 Clément & Déforme ont trouvé que Y oxide
de zinc fublimé contenoit à peu près 0,18 d'oxigène
; mais l’ayant pouffé à une forte chaleur, il
a pris une couleur jaune, & ils n’ont évalué celui
qu'il avoit retenu qu’à 11,64 (2). Ils ajoute nt, avec
raifon, qu’il eft probable qu’en chauffant plus fortement
Y oxide blanc,'on lui feroit perdre encore
de l’oxigène. Il faut remarquer qu e fé lon Vau-
quelin dont on connoît l'exaélitucfe ; Y oxide du ful-
fate fc du nitrate de zinc contient 0,31 (5).
>9 Cette défoxidation par la force de la chaleur
(1) Annales de Chimie, corne XXXII, page S t .
(i j Annales dp Chimie, tome XXXII.
pP Ibid, corne XLII.
r p Ibid, tome XXVIII.
fe
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fe remarque furtout dans les oxides qui fe forment
fans que le métal fe volatilife, & qui parviennent
plus facilement à différens degrés d’oxidation : il
y a pour tous un terme dans la température, qui eft
le plus fiivorable à la combinaifon de la plus grande
quantité d'oxigène, paffé ce terme, ils perdent,
par la chaleur, une partie plus ou moins grande
d’oxigène, félon la température & félon la force
avec laquelle ils le retiennent.
»9 Lorfque l’on expofe à une forte chaleur Y oxide
rouge de plomb, on en chaffe une partie de l’oxi-
gène, & on l’amène à l’ état d‘oxide jaune. L’oxide
de plomb ne peut donc parvenir à la proportion
d oxigène qui lui donne une couleur rouge fi on
le tient au même degré de chaleur qui lui a été
néceffaire, ou que du moins il a pu fupporter
pour prendrela nuance jaune, de forte qu'en ex-
pofant: I'oxide rouge à cette même chaleur, il revient
a la couleur jaune en abandonnant la portion
d’oxigène qui fait la différence des deux oxides;
ce qui explique pourquoi, dans la fabrication du
minium, on finit par tenir quelque tems Yoxide à
une chaleur plus modérée que celle qu'il a Apportée
jufque-là, & pour cet objet on intercepte
la communication avec l'air néceffaire à l’ entretien
du feu.
99 Voxide de manganèfe, expofé à l’aétion du
feu, abandonne une portion d'oxigène d'autant
plus grande, que la chaleur eft plus élevée, &on
peut l'amener par-là près de l'état A'oxide blanc :
mais la chaleur doit être progreffivement augmentée
} de forte que celle qui peut en dégager une
partie ne fuffit plus pour volatilifer celle qui lui
Accède. Si Yoxide noir n’étoit qu'un mélange du
métal le plus oxide avec celui qui l’eft le moins-,
comme il faut le fuppofer dans l'opinion que je
difeute , &i s’ il n’y avoit pas de degrés intermédiaires
d’oxidation, la même température devroit
fuffire pour faire paffer tout Yoxide d'un état à
l'autre 5 mais l'obfervation prouve que , conformément
aux autres combinaifons, Yoxide oppofe
une réfiftance croiffanté à mèfure que la quantité
d’oxigène diminue.
>9 U oxide de fer fe conduit de même } car fi l’on
expofe Yoxide rouge à l'aétion du feu , il prend
peu à peu une couleur pourprée qui fe fonce de
plus en plus} il fe rapproche par-là de Yoxide
noir.
si Lorfque l’on opère l ’oxidation du fer par une
chaleur très-haute , ce n'eft pas , par la même
raifon, Yoxide rouge qui fe forme, mais un oxide
po;r. C’eft dans cet état que fe trouvent les écailles
qui fe détachent du fer que l’on forge, & qui ont
fervi à plufieuis expériences de PriefUey fous le
nom de finery cinder.
» Si l'aâion de quelque fubftance fécondé celle
de la chaleur, Yoxide abandonne plus facilement
fon oxigène, du moins jufqu’au point qui convient
a la combinaifon qui fe forme. Lorfqu’au contraire
cette fubftance peut fe combiner avec Yoxide,
Chimie. Tome V .
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elle maintient le degré d'oxidation par toute la
force de la combinaifon qu’eile peut former avec
lui, jufqu'à ce que l’expanfion que loxigène tend
à prendre l’emporte fur cet effet.
»9 L'oxide d’or & celui d’argent, par exemple ,
peuvent fe fondre avec les fubftances vitrifiables
qui entrent en combinaifon avec eux ; ils foutien-
pent alors un degré de chaleur fort fupérieur à
celui qui fuffiroit pour réduire ces métaux : de là
vient que Yoxide d’argent, qui entre en vitrification
avec la terre qu'il diffout dans un creufet
d’argile, ne peut fe réduire, félon l’obfervation
de Sage (x ) , que par l’intervention des fubftances
inflammables.
93 Les fubftances qui ont ainfi la propriété de fe
combiner avec les oxides favorifent par-là même
l'oxidarion des métaux, comme nous,l’avons vu
pour l’or & l’argent que l’oh expofe à une forte
chaleur fur un Apport qui peut entrer en vitrification
avec leur oxide. C ’eft ainfi que la coupelle,
formée de phofphate de chaux, favorife la formation
des oxides avec lefquels elle peut entrer en
combinaifon, & non , comme on le penfe, parce
qu’elle peut loger dans fes interftices les oxides
liquéfiés.
9» On trouve dans cette propriété de l’affinité
réfultante, la raifon des effets différens que les
acides & les alcalis produifent fur les oxides & fur
les métaux. En général, les acides ont une plus
forte aêlion fur les métaux peu oxides, que fur
ceux qui le font beaucoup; aulli favorifent-ils le
dégagement de l’oxigène jufqu’au terme d’oxidation
qui convient à leur combinaifon. L’acide fui-
furique chaffe la partie de l’oxigène qui fait la
différence de Yoxide noir à Yoxide blanc de manganèfe,
à une chaleur fort inférieure au degré qui
feroit néceffaire pour en produire le dégagement
fi l’on n’employoir que la chaleur.
93 Les alcalis, au contraire, qui paroiffent avoir
une plus forte difpofition à s’unir avec les métaux
très-oxidés, retardent le dégagement de l’oxigène
par la chaleur. J’ai fondu de la potaffe avec Yoxide
noir de manganèfe, qui forme cette combinaifon
décrite par Schéèle, & remarquable par les variations
de couleur qu’éprouve fa diflolution : il a
fallu une chaleur qui auroit fuffi pour chaffer une
partie de l’oxigène de Yoxide feul, & il ne s’en eft
point dégagé. L'oxide rouge de plomb a pu également
fe fondre avec l’alcali fans qu’il fe foit dégagé
du gaz oxigène.
»9 Une fubftance peut encore changer l’état de
Yoxide par l’aétion qu’elle exerce Ar l’oxigène
feul. C’eft ainfi que Yoxide rouge de mercure ,
broyé avec du mercure, partage fon oxigène avec
une quantité indéfinie de celui-ci, & forme un
oxide qui varie félon les proportions, & qui prend
differentes nuances de jaune-gris. Vauqueiin a
( ij Mémoires de VAcadémie des fciences , 1586.
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