
Après l’aêlion du phofphore & de l’eau de
chaux , il refte un volume de fluide égal, tantôt
à 92 j tantôt à 88 centièmes de l’air fournis à l’effai.
Il eft infipide, inodore -, impropre à la combuftion
& à la refpiration j il ne rougit pas les couleurs
bleues végétales. L’air des tinettes & des foffes
d’aifance azotées eft donc compofé de quelques
centièmes de gaz oxigène & d’ acide carbonique,
d’un peu de carbonate d’ammoniaque & de beaucoup
d-azote.
Mais d’où vient ce gaz ? Eft-il dégagé des matières
fécales, ou eft-il le produit de l’a&ion de
ces matières fur l’air ?
Les auteurs penchent à croire qu’il eft le produit
déTaétion de ces matières fur l’air. Une portion
de cts matières , mife en contatt fous une
cloche avec de l’air atmofphérique , l’a décom-
pofé en une nuit. Mais eft-ce à une aélion de la
totalité de ces matières, ou feulement à une partie
de ;ces matières, que la décompofition de l’air atmofphérique
doit être attribuée ?
Les auteurs fe décident pour la dernière de ces
opinions. L’hydrofulfure d’ammoniaque décom-
pofe également l’air atmofphérique : tous les fui-
fures alcalins jouiffent de cette propriété. Ils ten-
dent à paffer en partie à l’état de fulfures , en
partie à l’état d’eau. En dernier lieu, les foffes qui
ne contiennent plus que de l ’azote, contenoient
auparavant de l’hydro fulfuré d’ammoniaque , &
avoient perdu l’odeur de l’hydrogène fulfuré 5
enfin , l’acide carbonique que l’on a reconnu
exifter avec l'azote, y eft dans les mêmes proportions
où il fe trouve dans l’air atmofphérique 5
de forte que fi l’on ajoutoit au mélange de ces
deux gaz l’ôxigène qu’ils ont perdu > on refor-
meroit de l’air atmofphérique.
Leréchaud appliqué aux lunettes des foffes ,
en établiffant un courant d’air qui entraîne tout
le gaz méphitique, ou encore mieux un réchaud
plein de charbons allumés, porté dans une foffe j
azotée, en dilatant rapidement l’air, 8c en rompant
l’équilibre qui s’ étoit établi entre l’air extérieur
& celui de la foffe, réuffit également bien :
ce dernier moyen a l'avantage d’être ,plus prompt.
Après l’a&ion des réchauds indiqués , les corps
enflammés continuent de brûler dans* les, foffes
les animaux n’y paroiffent pas incommodés} les
ouvriers peuvent y travailler fans inconvénient.
Après avoir déterminé les caufes principales du
mépkitifme, les auteurs du Mémoire paffent à
l’examen d’autres caufes qu’ils regardent comme
Secondaires, mais auxquelles ils rapportent presque
tous les accidens & les fuites funeftes qu’ils
n’ont que trop fou vent. Ils penfent qu’on pourroic
fendre.les cas du méphitifme infiniment plus rares,
en s’oppofant à ces caufes Secondaires. La pofition$
la forme , la conftruélion aétuelle des foffes, la
difficulté de lpurs communications avec l’air extérieur
, le petit nombre & l’étroiteffe de leurs
ouvertures, la manière de procéder à leur réparation,
leur remblai & leur déblai, les matières
étrangères que l’on y verfe, la manière d’èn faire
la vidange, font autant de cirçonltances qui p eu vent
favorifer les développemens du méphitifme
dans les foffes de Paris.
Les moyens de prévenir les accidens! feroient,
i°. de placer à l’avenir les.foffes d’aifance en cour
ou tout au plus en cave fimple, loin des puits
qu’elles infe&ent fouvent 5 de leur donner des
ouvertures allez larges pour permettre à quatre
ou fîx ouvriers d’y travailler; de mu-ltiplier. ces
ouvertures pour établir des communications avec
l’air extérieur ; de donner aux efcaliers deftinés
aux opérations de la vidange affez de largeur pour
que trois hommes puiffent y marcher de front j. de
ne faire aucune vidange fans auparavant abattre
les cloifons légères qui peuvent s’y trouver, 8c
fans avoir pratiqué quelques ouvertures pour renouveler
l’air.
20. De donner, déformais à toutes les foffes la
forme d’un parallélogramme par le bas ; de les
voûter en plein ceintre par le haut, & de ne leur
donner jamais moins de huit pieds de hauteur 5.
de les conftruire avec des pierres courtes, liées,
avec mortier de chaux 8c ciment ; de paver la
foffe, & de placer ce pavé fur une forme du même
mortier j d’arrondir à l’intérieur les angles & les
bords de ces foffes; de remédier aux vices de
conftruétion des foffes. actuelles, en fupprimanc
celles établies dans les puifards, ou dans des aqueducs
tortueux ou étranglés, en fupprimant leurs
conduits ; en faifant difparoître tous les étrangle-
mens qui les partagent en compartimens 5 en obligeant
îçs propriétaires à réparer, d’après les principes
indiqués plus haut, celles qui lajffent filtrer,
les eaux.
3°. D’établir trois ouvertures au moins, une
chute, un évent, & une ouverture pour fervir à
l’extraélion des matières. La première feroit placée
verticalement; le fécond , partant de la voûte >
iroit fe rendre au fommet de la maifon .par un
canal le plus large qu’il feroit poffible. Lfeuver-
ture de la vidange devroit être fituée au milieu
de la foffe, 8c avoir les dimenfions les plus grandes
polfi blés..
4°. De défendre le,travail dans ces foffes jufqu’à
ce que l’on fe foit affuré qu’elles ne font pas méphitiques,,
en y plongeant des animaux ou des
bougies allumées, &■ jufqu’à ce que l’on y ait pratiqué
des, fumigations d’acide muriatique oxigéné.
y°. De ne jamais permettre aux propriétaires
de combler les foffes, fi ce n’eft après les avoir fait
vider; de ne combler aucune foffe avec des gra-
vois ni décombres , mais de les remblayer avec
de la terre ou du fable jufqu’à trois pieds de hauteur;
d’obliger les, propriétaires à prendre; les prér
cautions qu’exige la vidange en général, 8c.d’abattre
une partie de la voûte de la. foffe pour procéder
à fon déblai.
6°. De défendre la projeélion dans les foffes
d’aifance de matières étrangères, telles que gra-
vois, paille de foin, chiffons, planches, pierres,
débris de pots, cadavres d’animaux, eaux acides,
alcalines ,8c favoneufes. Les unes par leur décompofition
, les autres par l’abri qu'elles fourniffent
au gaz hydrogène fulfuré, font la caufe d’aecidèns
affez graves. -
Les auteurs du Mémoire propofent enfuite des
améliorations pour la vidange des foffes d’aifance.
Par exemple :
i°. L’etabliffement, à l’inftar des pompiers,
d’une compagnie d’hommes deftinés à cette branche
du fer vice de falubrité , que l’on choifiroit
forts, exempts d’infirmités, comme de penchant
à la débauche 8c à Tivrognërie, qui rendent l’in-
feétion par le méphitifme plus dangereufe ; que l’on
vêtiroit d’habits faits de tiffus de végétaux, 8c non
de laine propre à retenir l’odeur du gaz méphitique,
8c qui ne peut fe laver; que l’on forrceroit
au genre de travaux auxquels ils font deftinés ; que
l’on accoutumeroit aux dangers ; que l’on inllrui-
roit à les éviter, 8c auxquels on affureroit une
•retraite pour leur vieilleffe , &c.
2°. L’emploi d’inftrumens 8c de procédés plus
convenables ; un plus grand nombre de tonneaux,
pour éviter l’inconvénient de voir, comme cela
arrive quelquefois, la vanne difféminée dans les
rues qu’elle rend infeétes ; l’ ufage de crochets à
refforts, qui s’ouvriroient pour recevoir I’anfe du
fceau, 8c fe refermeroient auflitôt après : on évi-
teroit par-là que les fceaux mal fixés tombaffent
dans les foffes, où les ouvriers ne peuvent descendre
fans danger pour les retirer; la précaution
de féparer la partie liquide de la vanne, qui eft la
plus dangereufe, à l’aide de pompes qui épuife-
roient promptement la matière fans agitation 8c
fans développement de gaz.
Les auteurs du Mémoire confeillent encore ,
ï°. de choifir un tems fec 8c tempéré , d’inviter
le magiftrat à faire dreffer un tableau des lieux
où l’expérience journalière a prouvé que la vidange
eft le plus dangereufe ; elle ferviroit d’itinéraire
aux ouvriers, 8c les mettroic en garde
contre les dangers qu’ils auroient à courir.
20. D’obliger tout chef d’atelier à vifiter la
foffe plufieurs heures d’avance , à faire ouvrir
toutes les lunettes, 8c laiffer libres toutes les ouvertures.
3°. D’enjoindre aiix propriétaires de tenir ouverts
les lunettes, portes des efcaliers ou caves,
& tous les foupiraux par lefqueîs l’air peut pénétrer.
4°. De prefcrire aux ouvriers de ne jamais def-
cendre dans une foffe fans s’être fait lier avec
Linftrument appelé brigade : cette précaution eft
d’autant plus effentielle, qu’ il eft prouvé par un
grand nombre d’expériences, que le féjour dans
les fioflès 8c les chutes accompagnées de contu-
fions dangereufes caufent le plus fouvent la mort*
tandis qu’il eft rare que les peifonnes afphyxiées
périffent lorfqu'ellés font retirées fur-le-champ 8c
expofées au grand air.
50. De tenir la main à ce que les entrepreneurs
& les propriétaires foient contraints à faire vider
complètement les foffes, 8c de ne pas fouffrir que,
fous quelque prétexte que ce puiffe être, on éta-
bliffe de faux-plancher, comme cela a eu lieu dans
plufieurs circonftances.
V Ie. E sp a c e . Méphitifme des fépulture.s, &c. Pour
defeendre fans danger dans les caveaux qui recèlent
des corps corrompus, on Hoit, après en avoir
effayé par des lampes 8c des torches, & quand
même les corps enflammés ne s’ y éteindroient pas,
y répandre de l’acide muriatique oxigéné ou y
vaporiferde l’acide nitrique, propres tous deux à
détruire les gaz délétères qui peuvent y exifter ou
qui s’en échappent : on peut en même tems ouvrir
largement les caveaux, y établir des courans
à l’aide de fourneaux allumés. On fe trouveroit
bien de remplir les bières ou au moins de recouvrir
les corps pourris qui y font placés, de muriate
furoxigéné de chaux liquide. A la vérité, ce moyen,
comme affez coûteux , ne peut être pratiqué que
dans quelques cas particuliers. Les hommes chargés
de ce travail, ainfi que les foffoyeurs occupés
de fouiller & de vider les foffes furchargées de
corps en putréfaélion, devroient être conftam-
ment munis de l'appareil de Guyton ou du flacon
d’acide muriatique oxigéné. On ne fauroit trop
encore recommander à ceux qui defeendent dans
les foffes profondes pour en extraire les débris
des corps dans les travaux néceffaires aux cimetières,
d’être munis du même appareil, 8c attachés
à des cordes deftinées à les faire retirer promptement
de ce féjour infeét, autant que dangereux
pour leur vie.
VIIe. ESPÈCE. Méphitifme des cuves en fermentation.
Ce genre de méphitifme 8c les dangers donc
on eft menacé en foulant la vendange, font fi connus,
qu’on ne conçoit pas comment des hommes
peuvent encore s’expofer à l’afphyxie que ce travail
fait naître. Il eft aifé de l’éviter en s’affuranc
de la hauteur à laquelle s’élève le gaz acide carbonique,
produit néceffaire de la fermentation
vineufe, & en fe tenant conftamment au deffus.
Ici, l’acide muriatique oxigéné & l'acide nitrique
n’ont aucune puiffance : ce feroit au contraire les
alcalis cauftiques, l’eau de chaux & l’eau fraîche
qui conviennent exclusivement pour abforber 8c
détruire ce gaz méphitique; mais ces moyens
font infuffifans, puifque le gaz fe renouvelle fans
ceffe. Il vaut mieux prévenir fes effets chez les
hommes, que de chercher à neutralifer le gaz. La
vapeur d'ammoniaque eft un moyen propre à remplir
cet objet,' mais non aufli fûrement & aufti ex-
clufîvement qu’on l’avoit dit autrefois. Le gaz
oxigène bien pur, introduit dans les poumons, eft
le plus adtif 8c le plus certain remède pour rappeler
à la vie les afphyxiés par le gaz de la vendange, de
B 2,