
parce que cette partie elle-même retient encore
une portion confidérable de la fu bilan ce faline ,
qu’il eft impoffible d’enlever par le fecours de l’eau
feule. Le marc d‘opium bien lavé conferve toute
l’odeur vireufe particulière à cette lubdince, tandis
que la diftolution la perd prefqu’auflitôt qu’ elle
a été chauffée. Si on le preffe entre les mains lorf-
qu’ il eft encore humide , il les poiffe à la manière
des corps gras. J’en mis une partie en digeftion,
avec fix parties d’alcool, à une chaleur de 3 5 à 40
degrés j j’obtins une teinture d’une couleur rouge
très-foncé , que je filtrai encore chaude, & qui ne
tarda pas à fournir des criftaux colorés par beaucoup
de réfine : je fis une deuxième infufion au
même degré de chaleur, & j’obtins un produit
pareil. Enfin, une troifième, poutïée à l’ébullition
, laiffa dépofer, par refroidiflément, une matière
huileufe, confiftante , très-colorée, 8c mêlée
encore d’un peu de fel. Je réunis les trois infufions
alcooliques, & je les diftillai jufqu'à l ’extraélion
de prelque tout le fpiritueux. Je verfai alors le
réfidu dans une capfule, au fond dé laquelle la
réfine léparée fe précipita auffitôt. La liqueur fur-
nageante étoit louche , 8c contenoit encore de la
réfine & du fel tenus en diffolution par un reliant
de matière extraCtive, qui étoiweftée dans le marc
d'opium à caufe de fon adhérence avec la réfine.
Je la fis chauffer, & à mefure qu’elle s’ évapora,
jl s’en lepara des flocons d’un jaune-fale. Ces flocons,
féparés de la liqueur, fe diflolvirent très-
facilement dans l’alcool bouillant, & fournirent,
en refroidiflant, des criftaux affez purs & prefque
entièrement dépouillés de réfine.
» Le marc d'opium , épuifé par les infufions alcooliques
, n’eft plus qu'un compofé de débris de
végétaux, contenant alTez ordinairement du fable
& de petits cailloux. L’eau bouillante 8c l’acide
acéteux en extraient encore un peu de fécule , du
mucilage & de gluten.
» On voit par ce procédé, que cette matière eft
bien loin d’être un limple gluten, comme Joflfe lé
croyoit, 8c que c’eft au contraire un mélange de
réfine, de fel & d’huile. Ainfi lorfqu’on fait une
diffolution d'opium dans l’eau, fes différens prin- |
çipes fe trouvent partagés entre la diffolution &
la matière infoluble. Une partie du fel & de la
réfine eft entraînée avec la matière extradive j
l’autre refte non diffoute dans le marc.^ Mais,
comme j’ai remarque plus haut, la quantité de ces
deux fubftances eft fujette à varier dans la diffolution
8c dans fon réfidu , fuivant les proportions
d’eau employées. La diffolution contiendra d’autant
plus de fel 8c de réfine, quelle aura été faite
dans une moindre quantité d’eau , au lieu que fi
elle eft plus étendue, le fel & la réfine relieront
en plus grande proportion dans le réfidu. L'huile
feule refte en entier avec la matière infoluble, &
la diffolution extrattive n’en contient pas fenfi-
blement. Quant aux quantités refpe&ives de chacune
de ces fubftances dans l'opium brut, celles
qu’a données Baumé font affez exaéles ^excepté
pour le fe l, dont il dit n’avoir retiré qu’ un gros
de quatre livres d'opium3 tandis que, d’après mes
expériences, je crois qu’un kilogramme d'opium
brut peut contenir près de, quarante grammes de
fel, & trente d’huile. Cette huile eft d’un brun-
noirâtre j mais en la rediffolvant dans une grande
quantité d’alcool, elle fe précipice, en fe refroi-
diffant, fous une forme très divifée, 8c avec une
couleur d'un gris-jaunâtre. C’eft elle, comme le
dit Baumé-, qui communique à l'opium l’odeur virulente
î elle feule la conferve, tandis que les autres
principes de l'opium font inodores.
Examen de la nature & des propriétés du fel d'opium.
» Le fel effentiel d'opium, obtenu par une première
criftallifation , eft très-impur ; celui retiré
de l’extrait eft: coloré par la réfine 8c un peu d’ex-
tra&if oxigéné j celui qui provient du marc l’eft
également par la réfine, 8c de plus par l’ huile
qui y eft unie : on ne l'obtient parfaitement pur
que par des diffolutions dans l’alcool, & des crif-
tallifations répétées. Le fel d'opium purifié eft:
blanc» il criftallife en prifmes droits à bafe rhom-
boïdale, fouvent réunis en petites houpes. Il eft
infipide & inodore. 11 eft infoluble dans l’eau
froide y il exige près de quatre cents parties d’eau ,
bouillante pour fa diffolution, dont il fe précipite
en refroidiffant. La diffolution ne rougit pas la
teinture de tournefol.
» Il eft foluble dans vingt-quatre parties d’alcool
bouillant. A froid, il en demande près de cent. La
diffolution alcoolique faite par ébullition, préci-
j pite par l’eau en blanc opaque.
» Un des caractères les plus tranchans de ce fel,
c’eft fa prompte & facile diffolution dans tous les
acides liquides, foit minéraux , foit végétaux, &
on n'a pas befoin d’employer le calorique pour
l’opérer. Mais lorfqu’on fature ces diffolutions acides
par un alcali, le fel effentiel s’en précipice auffi-
tôt fous forme blanche 8c pulvérulente. Les alcalis
cauftiques augmentent un peu fa folubilité dans
l’eau, & les acides , lorfqu’on n’en met pas un
excès, l’en précipitent. L’éther 8c les huiles volatiles
diffolvent ce fel à chaud, mais en fe refroidiffant
ils le laiffent dépofer fous forme liquide &
oléagineufe , & quelque tems après le fel criftallife
au fond de ces liquides.
» Projeté fur les charbons ardens, il brûle avec
flamme , comme les matières végétales les plus
combuftibles.
35 Expofé dans une cuiller à la chaleur d’une
bougie allumée, il fe forid de proche en proche,
& fucceflivement, ainfi que le feroit de la cire
divifée en petits fragmens.
» Diftillé dans une cornue à un feu gradué, il
fe fond de même, & après être refté quelques inf-
tans dans une fonte tranquille, il fe bourfoufle. La
cornue fe remplit alors de vapeurs blanchâtres,
qui
qulfiniffent par fe condenfer, fur les parois inférieurs
du col, en une matière huileufe & jaunâtre 3
il paffe en même tems un peu de phlegme imprégné
de carbonate d’ammoniaque. Sur la fin de
l ’opération, il fe dégage de l’acide carbonique,
de l’ammoniaque & du gaz hydrogéné carboné. Il
refte dans la cornue un charbon très-volumineux,
léger, fpongieux & irifé, qui donne , par l’incinération,
quelques traces de potaffe. La matière
huileufe du col de la cornue eft très-tenace 8c
confiftantë 5 elle a une odeur forte 8c aromatique
particulière, 8c une faveur piquante & très-âcre.
33 Les propriétés que je viens de décrire appartiennent
également au fel retiré de l’extrait d’o-
pium par rediffoiution , 8c à celui obtenu du marc
par l'alcool. Le fel précipité de la diffolution d'o-
pium par le carbonate de potaffe préfente quelques
différences. Sa faveur eft légèrement amère j
il criftallife beaucoup moins régulièrement. Sa
•folubilité paroît un peu plus grand.e 5 fes diffolutions
verdiffënt le firop de violettës. Chauffé , il
décrépite un peu, 8c tombe en une efpèce d’efHo-
refcence , puis il fe fond comme l’autre. Sa diffolution
alcoolique ne précipite pas par l’eau en
-blanc opaque i mais quelques momens après on
apperçoit de petits criftaux fe former dans le liquide.
Il en eft de même de fa diffolution dans
les acides : les alcalis n’y font pas un précipité
fenfible dans l’inftant, lorfqu’on n’agit que fur de
petites quantités 3 mais bientôt après le fel repa-
roît, & fe dépôfe au fond du vafe en petites aiguilles
fines. Du refte, il donne les mêmes produits
à la diftillation. Son charbon feulement eft
moins volumineux , 8c lorfqu’on l’incinère il pa-
roït être un peu plus alcalin. Cette différente manière
d’être indique que ce fel eft uni à une petite
quantité de potaffe , mais dans un état de
combmaifon imparfaite, & qui eft plutôt favo-
neufe que faline, puifqu’il verdit le firop de violettes.
11 pâroït que lorfqu’on décompofe la diffolution
d'opium par le carbonate de potaffe , une
portion de cet alcali réagit d’une manière particulière
fur le fel 8c s’y combine 3 8c je croirois
affez volontiers que le fe l, dans le précipité qui
n’a pas encore été traité par l’alcool, eft uni à
une plus grande proportion de potaffe. En effet,
on a vu plus haut que ce précipité , après avoir
bouilli dans l’alcool, communiquait enluire à
l’eau par laquelle on le traitoit, la propriété de
verdir le firop de violettes , 8c que cette diffolu-
tion aqueufe, évaporée à ficcité & brûlée, four-
nifloit un charbon très-alcalin. La préience de la
potaffe dans ce précipité pourroit bien provenir
de fa combinaifon avec le fel, combinaifon que
l’alcool auroit détruite èn partie en diffolvant le
dernier. Quoi qu’il en foit de ces conjectures, j’ai
efîayé a enlever à ce fel la petite quantité de potaffe
qui lui eft unie, en le diffolvant dans les acides
les plus puiffans, précipitant cette diffolution par
un carbonate alcalin bien faturé , lavant ce pré-
Çm&ip, Tome V ,
cipité dans l’eau bouillante, & le diffolvant en-
fuite dans l’alcool ; mais il l’a toujours retenue, ÔC
il verdiffoit encore le firop de violettes. Ce qu il
y a de fingulier, ç’eft que le même phénomène
n’a pas lieu lorfqu’on diffout dans les acides le
fel pur, obtenu, l'oit de l’extrait, foit du marc
d'opium , 8c qu’on le précipite enfui te par un alcali
} il eft tout aufli pur qu’auparavant ; fa diffolution
dans l’alcool ne verdit pas le firop de violettes
5 & elle précipite abondamment par 1 eau.
II faut donc que la nature compofée de la diffolution
d’opium facilite, entre ce fel & la potaffe,
une combinaifon qu’on ne peut plus reproduire
lorfqu’on n’agit que fur le fel pur.
33 L’acide nitrique n’offre rien de remarquable
dans fon adlion fur le fel d'opium. Verfé lur fes
criftaux groffiérement pulvérifés, il leur communique
une couleur rougeâtre , & il les diffout en-
fuite avec beaucoup de facilite. La diffolution,
chauffée & évaporée, fournit des criftaux d acide
oxalique en affez grande quantité,relativement a
celle de la fu bilan ce faline employée. Le réfidu
de la diffolution a une faveur très-amère. L action
du calorique 8c de l’acide nitrique fur ce .fel de-
montre qu’il eft compofé d’oxigène, d’hydrogène,
d’azote 8c de carbone.
3, La manière dont ce fel fe comporte avec les
différens réactifs, fon peu de folubilité dans l eau,
fa facile diffolution dans les acides, 8c furtout les
produits finguliers qu'il donne lorfqu on.le fou-
met à faétion du calorique, me portent à le regarder
comme une fub„ftance particulière & comme
un nouveau principe immédiat des végétaux.
Tout prouve que ce n’eft point un acide , comme
"quelques chimiftes l’ont penfé : fon union elle*;
même avec la potaffe, qui a lieu lorfqu on décompofe
la diffolution d'opium par ce réaCtif, ne pré-:
fente pas les propriétés ordinaires des combinait
fions de cet alcali avec les acides ; il n a donc des
caractères fialins que la criftaiiifabilité, & je ne
lui donne le nom de fel que pour éviter des. circonlocutions
, & faute de favoir le nom propre à
lui afligner. ;
3, En confidérant combien peu ce fiel eft foluble
dans l’eau , on auroit lieu de s etonner de fa: pré-
fence dans la diffolution d'opium préparée à froid ,
fi l’on ne voyoit tous les jours les liqueurs végétales
être, ainfi que les liqueurs animales , les dif-
folvans des matières les plus infolubles. Je crois
que fa folution dans l’extrait eft due en grande
partie à l’union de la réfine avec la matière ex-
traClive. On peut l’attribuer auffi à l’acide, quel
qu’il foie, qui exifte dans l'opium. Cet acide toutefois
n’eft pas abfolument néceffaire à la folubilité,
puifque nous avons vu que le réfidu de la
diftillation des infufions alcooliques fur le marc
d'opium en retient encore une quantité affez confidérable,
même après l ’abftraétion du fpiritueux.
[ - »Après avoir examiné la nature chimique de
' ce fel, j’ai été curieux d’obferver fi une fubftance