
les autres phofphores pierreux de même nature ?
» Plufieurs phénomènes de ces phofphores paroi
fient très-propres à confirmer cette conjecture.
Premièrement, la pierre de Boulogne , ainfi que
les fpaths 8c les gypfes qui deviennent lumineux
par la calcination , a , de l’aveu de tous ceux qui
ont travaillé fur cette matière, une odeur de foufre
après cette calcination, 8c conferve cette odeur
tant qu'elle a la qualité phofphorique.
9S Secondement, la calcination de toutes ces pierres
doit être faite avec le contaét du phlogiftique
embraie des charbons , fans quoi elles ne deviennent
point phofphoriques, félon l’obfervation de
M. Margraf. O r , il eft certain que c’eft là une des
conditions abfôlument néceffaires pour la production
de tous les foufres & de tous les phofphores >
& comme cette calcination fe fait d'ailleurs avec le
concours del’air, &réuffit mieux de cette manière,
que dans les vaiffeaux clos, il y a tout lieu de croire
que le compolé lulfureux qui fe forme dans"cette
opération, fe trouve enflammé & brûlant pendant
la calcination j mais qu’à mefure que la pierre fe refroidit,
cette inflammation diminue peu à peu,
jufqu au point de devenir inferifible, à caule de
la grande quantité de matière pierreufe incdmbûf-
tible dont le compolé lulfureux eft couvert &
environne de toutes paits, mais fins cependant
cefler entièrement, en forte que l’aftion feule de
la lumière eft capable de la renouveler, & de l'augmenter
affez pour la rendre fenfible dans l’obf-
curitêi
« Troifiémement, M. Margraf a obfervé que
tous ces phofphores, qui ont befein"d'être exposés
à la lumière pour luire dans les ténèbres, peuvent,
quo'qu il y ait trois ou quatre jours 011
meme davantage qu'ils n'aient été expofés à la
lumière, & que par coqféquent ils ne paroiflent
point du tout lumineux dans les ténèbres, devenir
tres-lumineux fans être expofés de nouveau au
jour, bc cela en les échauffant feulement jufqu’à
un certain point par quelque corps capable de les
échauffer, mais qui ne puiffe leur communiquer
aucune efpece de lumière, tel, par exemple, qu'un
poêle ou un fourneau trop peu chaud pour produire
la moindre apparence de rougeur ou dé lumière
, même dans l'obfcurité. Cette curieufe expérience
indique afiez clairement qu’il n’eft quef-
tion dans cette lumière phofphorique , que d'une
inflammation très-lente, très-foible , que le froid
ralentit encore jufqu a en rendre, la lumière infenfible
même dans l’obfcurité, mais qu’une chaleur
très-foible eft;capablè d'augmenter 8c de renouveler.
Il feroit inréreffant, pour éclaircir encore
cette matière, d'expofer ces phofphores à un
j phores pierreux n*eft autre chofe qu’une combuf-
tion ou une inflammation très-lente 8c très-
foible d'une certaine quantité de phlogiftique
qu'ils contiennent.
grand froid dans le tems où ils répandent le plus
de lumière : il y a tout lieu de croire qu’on verroit
cette lumière diminuer peu à peu, bc enfin cefier
entièrement par l'effet du froid.
» Voila, comme on le voit, d,’affez fortes rài- (
fons de croire que h lumière de tous ces phof- J
» On peut, à la vérité , objecter plufieurs faits
contre ce fentiment. i°. Si la lumière de ces phofphores
n’étoit que l’effet d’une véritable inflammation,
elle ne pourroit avoir lieu fans le libre
accès de l'air, & elle s’éteindroit, comme celle
de tous les corps enflammés, lorfqu'on plonge-
toit le phofphore dans l’eau ou dans quelqu'autre
liquide. Or , il eft certain que ces phofphores pierreux
produifent leur effet quoiqu’on les tienne enfermés
dans des verres bouchés hermétiquement,
ou même lorfqu’on les plonge dans l’eau ou dans
quelqu’autre liquide, comme l’a éprouvé M. Dufay.
2°. L’expérience a prouvé aufli à M. Dufay,
que les pierres purement calcaires 8c. exemptes
d’acide ne laiffent point que de devenir phofphoriques
parla calcination. Or, pourroit-on dire,
il n’eft pas poflible qu’il fe forme aucun compofé
fulfureux ou phofphorique dans ces fortes de
pierres : donc leur lumière ne dépend d’aucune
inflammation.
p Mais on peut répondre'à ces objections , premièrement
,que, quoiqu’en général il fait vrai que
■ les corps inflammables- ne puiffent brûler fans le
libre concours de l'air , cette règle eft néanmoins
fujète à 1 quelques exceptions pour les compofés
inflammables de la nature du foufre & du phofphore
, furtout en ce qui concerne leur inflammation
foible 8c incapable de mettre le feu à d’au-
trés corps combuftibles qu’ il eft très-effentiel de
diftinguer de leur combuftion rapide, ainfi que
nous l’avons déjà fait remarquer. 11 paroît certain
^uè cette inflammation foibje 8c lente de ces fortes
de corps peut fubfifter fans le concours de
l’air, ou du moins qu’elle n’ a befoin que d’une
quantité d'air infiuiment moindre que l’autre , &
proportionnée à fa foibleffe. Il eft hors de doute
que la lumière du phofphore d’urine n’eft que
l'effet d’une combuftion foible de ce phofphore,
ainfi qu’on peut le voir au mot phofphore de Kun-
ckei. Or, tout le monde fait que cette lumière du
phofphore fe fait appercevoir dans l’eau , dans
l’huile , dans les vaiffeaux de verre les mieux
fermés 5 qu’elle augmente par la chaleur, &
qu’elle diminue par le froid j ce qui arrive aufli
aux pierres de Boulogne. D’ailleurs, quoique ces
p:erres puiffent luire, de même que le phofphore,
dans l’eau & dans les vaiffeaux de verre exactement
clos, leur lumière eft toujours plus foible
alors qu’à l’air libre', 8c même s’éteint beaucoup
plus promptement dans les liqueurs, qu’à l’air libre,
fuivant les expériences de M. Dufay. Elles
font donc, à cet égard, exa&ement femblables au
phofphore d’urine} peut-être même le foufre ordinaire
, chauffé & traité habilement, préfenteroit-
il aufli les mêmes phénomènes.
» En fécond lieu , quant à ce qu’a avance
M. Dufay, que les pierres calcaires deviennent
phofphoriques par la calcination, comme M. Dufay
n’a point fait d’examen chimique des pierres
dont il s’eft fervi, 8c qu’il n’a fait aucune expérience
pour déterminer fi elles contenoient ou
non quelqu’acide , on ne peut pas être affuré
qu’elles n’en contenoient point du tout j car il eft
certain qu’il y a beaucoup de ces pierres qui pa-
roiflent entièrement calcaires , 8c qui ne laiffent
point que de’ contenir plus ou moins de fubftance
féléniteufe ou pyriteufe. II eft donc très-poflible
que les pierres employées par ce phyficien biffent
dans ce cas. De plus , en fuppofanc même
qu’elles ne contînffent abfôlument point d'acide
ni de foufre, peut-être ces fortes de pierres font-
elles capables d,e-revenir une certaine quantité du
phlogiftique des charbons à travers lefquels on
les , calcine} & l'on conçoit facilement que ce
phlogiftque feul eft très-capable de produire tous
les phénomènes phofphoriques dont il s’agit. Enfin,
il eft confiant, par les expériences mêmes de
M. Dufay, que les pierres” calcaires pures deviennent
beaucoup moins lumineufes que celles qui
font imprégnées d'acide, & qu’elles le deviennent
beaucoup plus difficilement.
» Après tout ce qu’on vient de dire fur les
phofphores pierreux, on doit avoir une idée a fiez
claire de leur nature. Ceux que l’on connoit fous
les noms de phofphore1 de Balduinus ou de' Baudoin,
& de phofphore d’Homberg, font exactement du
même genre;, ils ne diffèrent de la pierre de Boulogne
& des fpaths lumineux que par l’efpèce de
l’aci.le qu ils contiennent.
»3 L’un de ces phofphores, c’eft celui de Balduï-
nus, n’eft autre chofe qu’une combinaifon de
craie avec l’ acide nitreux , & celui d’Homberg
eft une combinaifon de chaux avec l’acide de fel
ammoniac : ils font par conféquent, l’un un nitre ,
l’autre un fel commun à bafe terreufe calcaire, ils
acquièrent la propriété phofphorique par la calcination,
de même que la pierre de Boulogne , 6c
les fpaths, qui font des fels vitrioliques aufli à
bafe terreufe calcaire. On ne calcine point ces
"deux matières à travers les charbons, comme la
pierre de Boulogne , mais dans un creufet : le
phlogiftique eft fourni au phofphore de Balduinus
par l’acide nitreux j d’ailleurs, les craies en contiennent
auffi. Ce même principe eft fourni au
phofphore d’Hombèrg par le fel ammoniac qu’on
traite avec la chaux.
33 Comme ces fels nitreux 8c marin, à bafe terreufe,
font déliquefeens, ils font fufceptibles d’attirer
l’humidité de l’air après qu’on les adefféchés,
& même après qu’on leur a enlevé une partie de
leur acide par la calcination. C ’eft pourquoi on ne
peut les conferver que. dans des vaiffeaux exactement
clos ,. & leur qualité phofphorique dure
beaucoup moins que celle des fpaths. Au refte ,
la théorie de ces deux derniers phofphores paroît
exactement la même que celle des autres phofphores
pierreux
»3 II y a d’autres effets phofphoriques de plufieurs
matières terreufes & pierreufes, qui peut-
être ont du rapport avec ceux dont je viens de
parler : je me contenterai de les expofer ici fom-
mairement, parce que les expériences fur cette
matière n’oht pas encore été affez variées pour
qu’on puiffe fe former des idées bien juftes de la
caufe dont ils dépendent. 33 Qn fait que les diamans, fans aucune calcination
préalable, portés dans l’obfcurité apres avoir
été expofés au foleil ou au grand jour, paroiffent
lumineux. Ces pierres ne font peut-êcre pas les
feules qui aient cette propriété.
»3 Le.criftal de roche, les quartz, les agates & ,
à ce qu’il paroît, toutes les pierres dures du
genre de -celles qu’ on nomme vitrifiables , frappées
pu frottées fortement l’une contre l’autre
dans l’obfcurité, répandent beaucoup de lumière :
les verres & les porcelaines de toute efpèce produifent
le. même effet. Cette lumière ne confifte
point en étincelles faillantes à l’extérieur, comme
celles que produit la pereuflion ou le frottement
de l’acier contre ces mêmes fubftances , mais en
un éclair qui illumine fubitement tout l’intérieur
de ces corps fi c’eft par pereuflion , 8c qui eft per-
! manent fi c’eft par frottement continu fùr une
I meule de grès tournante. Est-ce là un effet d’é-
leêtricité? C’eft ce qui né pourra être décidé que
par d’autres expériences. Pour moi, je fuis porté
à croire que .cette lumière n’eft ni la matière élec-
tiique ni un dégagement du phlogiftique de ces
corps , mais feulement celle qui eft répandue partout,
que nous ne voyons point pendant la nuit
parce qu’elle n’eft point lancée vers nos yeux ,
mais qui nous devient-très-fen.fible quand elle y
eft lancée par le mouvement de vibration qu’excite
la pereuflion dans les parties infiniment petites
de ces corps durs 8c tranfparens, & qu’ ils ne
deviennent.ainfi iuminèux que pàrce qu’ ils commencent
réellement à s’échauffer. ( Voyeç ce que
j’ai dit, à ce fujet, de la nature 8c des effets de
la chaleur à l’article Feu. ) Dans le grand froid
de ié degrés du mois de Janvier 1776, j’ai frappé
fortement l’un contre l’autre , dans l’obfcurité ,
deux morceaux d’eau glacée en plein air ; mais,
quoiqu’ elle fût fort dure, 8c qu’elle eût été ex-
pofée pendant long-tems à toute la rigueur du
froid, je n’y ai apperçu aucune lumière. Je ne
puis m’empêcher de croire cependant qu’elle of-
friroit le même phénomène lumineux fi elle pou-
voit acquérir une dureté beaucoup plus grande
par un froid extrême, tel que celui qui fait figer
le mercure.
33 Plufieurs fpaths , & notamment le fpath pe-
fant, nommé par différens minéralogiftesj/^r/* vitreux,
fluor fpathique yfaujfe émeraude , le même
dont M. Schéèle a tiré l ’acide fpathique, étant
concaffés en petits naarceaux, & répandus Lue
p p p >.