
A . Ali ion du feu feul.
On effaie au feu les pierres de deux manières,
ou bien en les chauffant plus ou .moins fortement
& long-rems dans des creufets. Ce moyen, qui
ne peut être employé que dans un laboratoire,
n’eft que rarement à la portée du lithologifte, &
il eft très-rare qu'il s^èn fe-rve. L’autre procédé
confifte à traiter les pierres au chalumeau, infiniment.
ingénieux dont Bergman a le-premier tiré un
grand parti pour l ’étude des minéraux, & qui joint
à la commodité du petit volume & à la facilité
d’être tranfportable, l’avantage de permettre des
efiais fur de très-petits fragmens, d’expo fer les
pierres à l’aCtio-n d’un feu violent relativement à la
petite ma fie que l’on chauffe, & de donner très-
promptement un réfultat toujours fatisfai Tant, presque
toujours tranchant pour la connoifiance & la
décifion de l’efpèce de pierre qu’on y expofe.
Les fragmens pierreux ainfi traités, ou reftent
parfaitement inaltérables, ou perdent leur dureté,
leur tranfparence, leur forme, leurs couleurs ; deviennent
friables, fe divifent, fe fendillent, s’ éclatent
, s’éparpillent ou fe fondent, fe bourfou-
flent, fe vitrifient, bouillonnent, reftent en fonte
tranquille, donnent des verres blancs tranfparens,
opaques, folides, poreux, caverneux, liffes, colorés,
foncés, nuageux, ftriés, homogènes, &c.
Toutes ces nuances de phénomènes font autant de
moyens de reconnoître ■ & d’eftimer les différences
de pierres emi zïïzs3 & les minéralogifies s’en font
beaucoup fervis depuis Bergman. .
B. Action du feu avec les fondans.
Les pierres fe comportent tout autrement au feu
avec l’aduition de différentes matières falines,
qu’elles ne le,font feules. La principale aCtion de
ces matières ajoutées étant d’en opérer la fufion,
on les nomme dans ce cas des fondans. Souvent une
■ pierre qui ne pré-fente feule aucune altération par
l ’influence du feu, en offre une plus ou moins
confidérable lorfqu’on la chauffe avec un alcali
fixe ou avec un des Tels qui feront décrits ci-après.
La manière dont chacune des pierres fe comporte
au feu lorfqu’on la traite avec les divers fondans ,
fa fufion plus ou moins prompte ou lente, facile
ou difficile, complète ou incomplète, liquide ou
pâteufe; l’efpèce de maffe qui en réfulte, opaque,
tranfparente, vitreufe ou émaillée, fcorinée
ou denfe & eompaCte ; la couleur furtout qu’elle
affeCte, & qui dépend prefque toujours de la nature
& de la proportion des matières métalliques
qui y font contenues, font autant de caraCtèrés
utilement employés par les minéralogifies pour
reconnoître & diftinguer chaque efpèce de ces
compofés; & lorfque les caractères extérieurs,
les propriétés fenfibles ne fuffifent pas pour déterminer
avec exactitude les efpècès, cette aCtion
des fondans employés au chalumeau fert fouyent à
cette détermination en levant lés doutes, en dé-
truifant les incertitudes, & en affurant la nature
de ces efpèces.
C. AU ion des acides.
L’aCtion des acides eft en général affez foible
fur le plus grand nombre des pierres. On la croyoit
autrefois utile pour les caraCtérifer , lorfqu’on
plaçoit, parmi ces corps , une foule de fubftances
falines dont les bafes font des terres ou des bafes
terreufes acidifères, comme les nomment les mi-
néralogiftes français modernes, parce que fouvent
un acide plus, fort, en eh chafiant un]plus foible,
le dégageoit ordinairement fous la forrçîe de bulles
& avec un mouvement écumeux qu’bn nommoit
effervefcerxe. Mais ce n’eft plus par cette propriété
que les acides peuvent fervir aux litholo-
giftes, depuis que les connoifiances exaCles de la
chimie ont appris à écarter de la ciafie des pierres,
& à rapporter à celle des corps falins ces prétendues
pierres effervefcenj-es,. Il ne refte donc
plus, pour l’aCHon des acides, que deux effets ou
plutôt deux phénomènes oppofés qu’ils produi-
fent fur les pierres ; ou bien elles font parfaitement
& complètement inattaquables} ou bien elles fe
laiffent plus ou moins promptement ramollie, détruire
& fondre par ces diffolvans. Le plus fou-
vent cette dernière altération n’a lieu qu’à l’aide
du tems en laiffant agir les acides lentement fur
les pierres qui y font plongées : d’où il fuit que
cet emploi des acides n’eft rien moins que propre
à fervir aux lithologiftes qui ont befoin de voir
un effet promptement appréciable. Il eft beaucoup
plus approprié à 1’analyfedes pierres , comme
je le ferai voir à la fin de cet article.
§. II. Des méthodes lithologiques, fondées fur les
propriétés phyfiques.
Quoique les différences fenfibles qui exiftent
entre les divers fofiîles pierreux foient moins
nombreufes & moins faillantes, au premier af-
peCt, que celles que l’on obferve entre les efpè-
ces des corps «rganifés végétaux & animaux, en
les recherchant cependant avec attention , on
s’apperçoit qu’elles font quelquefois affez prononcées
& aflez multipliées pour pouvoir fervir à
les diftinguer & à les reconnoître. Telle à été
auflî la première méthode créée pour caraCtérifer
& arranger ces productions de la nature. Les premières
notions mêmes que les hommes ont pri-
fes par néceffité fur les différentes propriétés des
pierres, peuvent être regardées comme les premières
ébauches des méthodes lithologiques. On
en reconnoît un apperçu dans le Traité de Théo-
phrafte fup les pierres,
Au tems de Pline, on diftinguoit déjà les pierres
des fels, des bitumes & des métaux, & déjà exif-
toit le partage des .quatre claffes. Qn connoifioic
)a propriété électrique du fuccin &TattraCtion du
fer par l’aimant ; déjà les pierres formoient des
groupes diftin&s. On féparoit les marbres & les
gemmes , les pierres dures & les pierres tendres.
Pline a voit affez bien décrit Ta forme du criftal,
& le phénomène général de la criftailifation des
fofiîles ne lui avoit point échappé. L’antiquité n’a
cependant point eu une véritable notion ni une
idée pofitive des méthodes d’hiftoire naturelle, de
leurs avantages & de leur néceffité*
Ce n’eft que dans le dix-huitième fiècle qu’on a
créé les dénominations de règnes dans les corps
naturels, qu’on a fpécialement admis le règne mi-'
néral, qu’on a imaginé les méthodes minéralogiques
, & cherché des propriétés difiinCtives ou
des caractères pour claffer ou diftinguer fpécialement
entr’elles les différentes efpèces de pierres. Il
étoit naturel qu’on prît d’abord, pour former ces
caractères, les propriétés les plus apparentes, les
plus fenfibles, les plus faciles à faifir, & qu’en
particulier les méthodes lithologiques fuffent fondées
fur ce qu’on nomme les caractères extérieurs,
c’eft-à-dire, fut les propriétés que préfentent à
nos fens ces compofés, fans leur faire fubir aucun
changement, aucune altération quelconque.
En parcourant les diverfes claflifications des
minéraux propofées futceffivement par Bromel,
Cramer, Henckel, Wolfterdorff, Gellert, Car-
theuler, Jufti, Lehman, Vogel, Scopoli, & qui
étoient toutes plus ou moins établies d’après les
caraCtèrés fenfibles que l’oeil pouvoir faifir dans
ces corps, on reconnoît bientôt que les diftinc-
tions admifes d’abord pour les pierres pouvoient
fiiffire à peine pour les faire reconnoître fans erreur,
& qu’elles étoient plus propres à rapprocher
des matières très-difparates & à féparer des
corps femblables les uns aux autres, ou à confondre
long-tems la fcience de coordonner régulièrement
entr’eux ces compofés, avec l’art de
les caraCtérifer feulement pour les faire recon-
noître. On a commis, à cet égard, la même faute
que dans toutes les autres parties de l’hiftoire naturelle
, parce qu’en voulant donner des moyens
de diflinCtion pour les pierres, on avoit crû devoir
en même tems affujettir leur claflification ou leur
arrangement à de prétendus rapports qu’on vouloir
trouver entr’elles.
Cette fingulière prétention, qui a fait beaucoup
de mal aux progrès de la fcience, fe montre fur-
tout dans les fyfièmes lithologiques, par lefquels les
naturaiiftes, en. ne confidérant les pierres que dans i
l'une de leurs propriétés, ont voulu tirer de cette
confidération unique, & un ordre qu’ils préten-
doient être naturel pqur les difpofer entr’elles , & i
un moyen qu’ils affuroient être facile pour les diftinguer
les unes des autres. Tels ont été, parmi les'
travaux des plus illuftres minéralogifies modernes,
les fyfièmes de Linné & de Romé de Lille. Ce^ j
deux habiles naturaiiftes ont établi leur claffifica-
tiofr j comme, leurs difiinClions encre les pierres 3
fur leur forme criftalline feulement. Le premier ,
guidé par une vue philofophique, à la vérité, n’a
donné qu’une ébauche imparfaite & erronée, qui,
fans fervir à la connoifiance réelle des pierres , a
été cependant le germe des plus grandes découvertes
fur la criftallifation. Le fécond , après lin
immenfe travail fur les formes criftallines de s pierres
& fur leurs variations , a tellement multiplié
les difiinClions, les efpèces & les variétés, que ,
malgré fon infatigable activité, malgré fes defcrip-
tions exades & fa marche méthodique, ceux qui
l’ont fuivi, n’ont pu regarder fon ouvrage que
comme une fource de matériaux. Le fort de ces
deux fyfièmes a été de prouver qu’un feul caractère
géométrique étoit infuffifant, foit pour claf-
fer, foit pour décrire fpécifiquement les pierres &
fervir utilement à les reconnoître.
Inftruits par l ’infuffifance de cette marche fyf-
tématique, & guidés par une lumière moins trom-
peufe & moins vacillante, d’autres minéralogifies
habiles ont heureufement fenti qu’une feule propriété
ne pouvoit pas fervir pour établir des dif-
tinClions réelles entre les pierres 5 qu’il failoit diftinguer
foigneufemënt le fyfième qui cherche à
lier par des caractères communs ces compofés Us
uns avec les autres, de la méthode artificielle,
dont le but eft d’apprendre à les déterminer & à
les reconnoître fans équivoque & fans erreur. Ils
ont heureufement afiocié & comparé toutes les
propriétés-apparentes ou fenfibles des pierres. En
les oppofant , en les faïfant contrafter entr elles,
ils en ont tiré des caraCtèrés diftinClifs propres à
les fpécifier s ils en ont donné des efpèces de
portraits ou de fignalemens individuels, en dé-
compofant en quelque forte tous les traits de
leur phyfionomie, & leurs tableaux plusreffem-
blans ont dès-lors rempli le but qu'ils s’étoient
propofé. Telles fonr fpécialement les méthodes
de Wallérius, & furtout celles de Werner & de
Dàuhenton.
Ces deux derniers minéralogifies fe font’fpécialement
fervis de la dureté ou de la fragilité , de
la tranfparence , de la demi-tranfparence ou de
l’opacité, de la forme , de la' caffure, du grain,
de la couleur, du tiffu apparent, de la furface
matte, liffe , brillante, chatoyante} delà difpo-
fition deslames, du fens des couches, de la dif-
fection, de la propriété éleClriques& magnétique,
de là forme & de la couleur des poufiières, de la
pefanteur fpécifique, &c. 5 en un mot, de toutes
les propriétés qui peuvent tomber fous les fens ,
& qui en même tems ne permettent pas les équivoques.
Cependant, queiqu’avantageufe que foit cette
méthode de caraCtérifer les pierres , qui fe réduit,
comme on vo it , à une analyfe clairement ex-
pofée de leurs propriétés phyfiques > quelque fatalité
qü’elle donne pour diftinguer & reconnaître
chaque efpèce de pierre , en la réduifant à fa
jufte valeur, il ne faut pas perdre de vue qu’elle