
» Plufieurs efpèces de terre, furtout celles dont
les parties font naturellement très-fines & très-
aivifées , telles que font les terres .calcaires, &
encore mieux les terres argileufes, pafoiflcnt les
plus propres à s'unir au principe inflammable ; &
le phlogifiique , dans l'état huileux 6c fuligineux
ou de vapeurs, femble, de fon côté , le plus dif-.
pofé à s'unir avec ces terres, : auffi, lorfque des
terres calcaires & argileufes ont été mêlées avec
des matières graffes , & qu'elles font enfuite ex-
pofées à l'aCtion du feu dans les vaiffeaux clos,
elles retiennent une bonne partie du phlogifiique
de ces matières , qui y eft très-adhérent, leur communique
différentes couleurs , particuliérement
des nuances d'un noir qui ne peut en être féparé
que par une longue calcination à feu ouvert. On
voit dans mon Mémoire fur les argiles , que quand
on expofe ces fortes de terres au feu,, quoique
plufieurs d eptr'elles foient naturellement nes-
blanches , & que d’autres deviennent très-blanches
à une chaleur médiocre, elles prennent tou
tes des couleurs lorfqu’elîes font pouffées au grand
feu , apparemment par le conta# des vapeurs phlo-
gifiiques, èc que ces couleurs , qui font noirâtres,
grifes, jaunes verdâtrès ou bleuâtres, rtftent
opiniâtrement fans qu’il foit poffible de les en-
lever-(i). ——
*> Les charbons des matières végétales & animales
ne font autre chofe que des combinaifons
fingulières de la partie terreufe , & peut-être des
fels fixes de ces corps organifés, avec le principe
inflammable de leurs huiles , de leurs grailles.
Toutes les propriétés du charbon nous indiquent
qua-j-quoique le phlogifiique y foit dans un état de
très-facile combullibilité , il y eft cependant adhérent
d’une manière très-fixe, puifque les charbons
peuvent fon tenir la plus grande violence du feu
dans les vaiffeaux clos, fans fouffrir la moindre
altération , & fans perdre la moindre partie de
leur-principe inflammable.
» Ce principe n’eft cependant point tellement
adhérent à la terre des charbons, qu’il ne puiffe
la quitter pour fe combiner avec d’autres fubf-
rances avec lefquelles il a une plus grande affinité ;
par exemple, avec les acides vitriolique, nitreux
On fait bien certainement aujourd’hui que les métaux’ ne fe
déçompolènt pas dans les circonftances où l’on croyoit autrefois
en féparer les principes : on les regarde en conle-
quence comme des êtres Amples ou indécompofables, èc
l ’on a prouvé que, dans tous les cas où l’on croyoit autrefo
i s qu’ils perdoient leur phlogifiique t ils abforbent de l’oxi-
gène, dont on détermine même la proportion, èc qu’on leur
enlève en les réduifant dans la même quantité que celle qui '
s’y étoit fixée ; auffi on nomme oxidaxion le phénomène
qu’on nommoic autrefois calcination, èc oxides métalliques
ce qu’on nommoit encore-en 1 7 76 , ôc jufqu’en 1 78 7 , chaux
métalliques.
(1) On fait aujourd’hui que ces terres colorées retiennent, j ou du charbon, ou du fe r , ou dujaaanganèfe, & quelquefois ]
plufieurs de ces matières coup enfemble. j
Sc phofphorique ,. 8c avec.les terres métalliques.
Ainfi, en traitant des charbons quelconques an
grand feu, dans les vaiffeaux clos, avec quelqu’une
de ces fnbfiances, ces charbons fe décom-
pofent; leur phlogifiique s'en féparepour fe combir
ner ave^c celles de ces fubftances qu'on lui préfente, 6c forme avec elle un nouveau compofe inflammable,
du foufre commun, par exemple , avec
l'acide vitriolique, du foufre nitreux avec de l'acide
nitreux, du phofphore avec l’acide phofphorique}
enfin, des métaux avec des terres métalliques.
Le charbon. eft, par Cette rai fon , une des
fubftances inflammables les plus propres à tranf-
mettre le phlogifiique à d'autres fubftances , & eft
aufîï fort employé pour cela dans l'es opérations
chimiques (Q.
« C'eft furtoùt dans les matières métalliques
que les propriétés du phlogifiique. font fenfibles
& marquées. La décomposition 6c recompofition
de tous les métaux imparfaits & de tous les demi-
métaux , par la fouftradtion '6c la reititution du
principe inflammable, ne laiffe d'abord aucun lieu
de douter que ce principe ne foit une de leurs
parties conflit uante s effentielles. C'eft là une de
ces vérités chimiques qu'on peut regarder comme
parfaitement démontrées.
« On peut enlever le principe inflammable de
toutes ces.matièiesmétalliques, par lemoyen général
qui fert à l’enlever à tous les corps combuf-
tibles, c'eft-à-dire, par la combuftion avec le concours
de l'air 5 car fans cette condition le pklo-
gifiique des métaux même les plus combuftibles, ne
fe finale pas plus que celui des charbons dans les
vaiffeaux clos.
» Tous les acides minéraux , & même l’aéfion
.combinée de l'air & de l'eau, font capables de
dépouiller auffi les métaux de leur principe inflammable.
Cela fe fait alors fans combuftion proprement
dite, mais par un mécanifme qui approche
beaucoup de la combuftion 5 par une efpèce
de combuftion , ou lente , ou fans inflammation
fenfible.
Les métaux calcinés, réduits en chaux ou
terres par l’un ou l’autre de ces moyens, oii plutôt
les terres métalliques, font fufeeptibiés de fe
recombiner avec le phlogifiique, 8c de reprendre
toutes les propriétés métalliques auffi par plufieurs
moyens , c eft-à-dire, par la fufion avec des ma-
*^reS charborifeufes, ou avec d’autres matières
inflammables qui fe convertirent en charbon pen-
. Ü ^es 111 || le%efi eft élevée la doctrine pneumatique
des chimiftes modernes prouvent qu’avant ces découv
r e s on avoir une idée très-fauffe du charbon. I l eft bien
démontré aujourd hui que la matière pure du charbon ou le
carbone qui le fond en gaz acide carbonique dans le gaz oxi- '
gene a mefure qu il y brûle, eft une matière fimple ou qu’on
n a pas pu decompofer jufqu’ ici. C ’eft lorfqu’on ignoroit fa
combinaifon avec 1 oxigene , & la formation de l’acide carbonique
par cette combinaifon, qu’il étoit permis d’admet-
m la nature primitivement compofée»
dant l’opération. C ’eft là la manière ordinaire de
recompofer les métaux. Les terres métalliques
peuvent reprendre auffi du phlogifiique par la fimple
application de ce principe réduit en vapeurs,
ou même par la voie humide, en les traitant avec
du foie de foufre, avec des huiles, &c. Mais il
eft effentiel d’obferver à ce fujer, que lephlogif-
tique ne paroît néanmoins être dans les métaux, de
même qlie dans les foufres 6c dans les' charbons,
que dans l’état de ficcité parfaire, comme l’indiquent
toutes les propriétés des métaux. Ainfi , fi
leurs terres font fufceptibles de fe recombiner
avec le principe inflammable, même par la voie
humide dans certaines circonftances, il faut ab-
folurnent que la combinaifon humide du phlogifi
tique le décompose elle-même dans ces occafions-
là , & que ce principe fe fépare de toute humidité
pour fe combiner du moins d'une manière intime
avec les chaux métalliques, & les réduire en
vrais métaux. Il en eft de cette réduction comme
delà production du foufre par la voie humide.
**1 Comme la calcination 8c la réduction des métaux
fe fait par la fôuftrâCtion 8c la reftitution du
principe inflammable, on peut, en comparant les
propriétés des métaux avec celles de leurs chaux ,
acquérir des preuves- démonftratives de plufieurs
des. propriétés effentielles du phlogifiique, que
nous avons énoncées au commencement de cet
article.
»Les chaux métalliques font en général plus
dures, plus Polides, plus fixes, moins .denfes,
moins hifibles, moins opaques'que les métaux :
il eft donc évident que toutes ces qualités , plus
ou moins fortes dans les métaux, ne font.dues
qu'au (ei\Yphlogifiique. Il eft certain d’ailleurs que
P . i.es ^rtes des métaux font dépouillées de ce
p r in cip e6c moins'elles font diffolubies par les
âcides : d où il fuit que le phlogifiique fert d’intermède
pour la di ffoluuon des terres métalliques
dans les acides , à caufe de la grande affinité qu’il
a lui-même avec fes diffolvans. Voici quelques
exemples particuliers de ce qu'on vient, d’avancer
ici en général.
Ê plomb 8c l ’étain font des métaux très-
mous} cependant, lorfque le plomb eft calciné &
fondu enfuite, il en, résulte un verre beaucoup
plus dur que ne l ’eft le plomb. L’étain, qui fe
calcine encore plus complètement que le plomb ,
fë change,facilement en une terre blanche , dont
les parties, quoique très-fines, ont affez de dureté
pour qu'on s'en ferve , fous lé'nom de potée
d étain, à polir, & même à ufer des corps très-
durs ,.tels que l'acier, les verres & àutrés.
«Les demi-métaux les plus volatils, tels que le
régulé d antimoine & le ziric , laiffent, après
fiuon leur a enlevé leur principe inflammable,
des terres fixes, 6c qui réfiftent à la grande violence
du\fêu fans qu'aucune de leurs parties fe
volati-lifêv
*» Le régule d^antimoine, & éncôré plus l’étain, .
fe fond à une très - douce chaleur; cependant
les terres" de ces métaux, parfaitemenr calcinées,
font mifes avec jufte raifon au nombre des corps
les plus réfraéhires.
» A l’égard de la denfité , de l’opacité & de la
duétilité que les métaux doivent au phlogifiique ,
ces trois propriétés, qui dérivent de la même
caufé,, font visiblement dues à la manière particulière
dont les parties du phlogifiique s’arrangent
avec celles des terres métalliques. Elles femblent
indiquer que les partiès primitives intégrantes de
ceçte fubftance, quoiqu’elles foient peut-être les
plus petits de tous les atomes imaginables, lonc
effentiell ement très-denfes & très-opaques; mais
il faut de plus, pour qu elles donnent ces qualités
dans un degré fi éminent aux métaux, qu’elles
remplififent fort exactement les intervalles que les
parties intégrantes des terres métalliques laiffent
néceffairement entr'elies. Ces dernières propriétés
du phlogifiique, femblent favorifer affez le fen-
timent de Beccher &,de Stahl , qui le regardent
comme une fubftance de nature terreufe, mais
dont les parties font infiniment petites , point du
tout ou du moins très-peu cohérentes, entr’elies s
& plus propres qu'aucune autre fubftance à pren-;
drè ée mouvement rapide dans lequel connftenc
tous les; effets du feu (r).
» Quoique, le phlogifiique montre dans toutes les
expériences de chimie, une répugnance fingu-
lière à s'unir avec l'eau, & même.avec les fubftances
qui .contiennent de l’eau , nous le voyons
cependant combiné avec ce principe dans les huiles,
les réfines , les graiffes ; dans les efprirs ar-
dens, dans les éthers; en un mot, dans toutes les
fubftances inflammables des règnes végétal & animal.
On ne peut douter, d’une part, que toutes
ces^ matières ne contiennent de l'eau, car on en
retire dans leur analyfe ; & d’une autre part, leur
inflammabilité , prouve fuffifamment que .le principe
.inflammable eft auffi une de leurs parties
Ainfi, il eft bien certain que deux
principes peuvent faire, enfemble partie d'un
même compofé. -Mais il y a lieu de croire qu’ils
ne fpht point unis directement l’un à l’autre dans
les compofés huileux, mais par l’intermède d'une
fubftance terreufe ou plutôt acide ; car il eft cet*'
tain., dune part, que le pklçgifiique s'unit bien
. O ) faut'convenir que les idées, préfsntées ici fur le»
métaux , 6c fuivaiit la theôrie du phlogifiique i (ont auiii bien-
enchaînées èc au/ïï vraifernblabies qu’ il étoit.poffible de les
prélentex ù une époque où la .côinpdûtion de l’air èc des acides
étoit entièrement inconnue. I l falloir découvrir le mode
d’action des Corps combuftibles für l’air èc lés acides pour
arriver à cette donnée générale de la fîmplicité des métaux ,
ou au,..moins de leur non-décompofîtion dans toutes les
épreuves .chimiques qu’on leur fait fùbir. Il eft bien entendu
que, dans l’oxidatioîl, les métaux abforbent de l ’oxigène au
lieu de perdre le prétendu phlogifiique,, &fque dans la réduct
io n ils perdent i’o iigène au lieu d’abforbèr du. principe
inflammable.
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