
à ce bruit > les beftiâux effrayés fe précipitèrent,
vers le lieu où s'étoit faite la chute. Un jeune
homme de quinze ans, qui travailloit à dix pas dej
là fous un hangar, dit avoir vu tomber une pierre :
on s'approcha, & on en.tira une du poids de trois
livres. Elle avoit fait dans la terre un trou de dix-
huit pouces de profondeur. Le concierge l'a mesuré
après avoir enlevé la pierre avec foin, pour la
dépoter dans les archives de la maifon, avec un
récit du fait. J'ai vu le jeune homme qui eft témoin
oculaire $ j'ai vu auffi le trou fait par la pierres j'ai ;
vu cette pierre elle*même, & je rapporte un échantillon,
que l'on m’a permis d’en fépareo
” Le fol de l'enclos, que l'on nomme dans ce-
pays une cour, eft de terre franche, humide , &
recouvert de gazon. Au deflous de la terre végétale
on trouve des cailloux : rien n’annonce qu'on
f trouve naturellement des fubftances fembiables-
aux mafles météoriques, & tous les habitans de la
maifon font bien certains de n'en avoir jamais vu.
M J'ai auffi un échantillon d'une pierre femblable
tombée dans un champ auprès de Fontenil r elie ;
pafià en fifflant par-demis la têté du berger , à qui
elle caufa une grande frayeur, 3c tomba à vingt
pas de lui. Les mourons, épouvantés par le bruit
du météore, fe ferroient les uns contre les autres. !
On a depuis labouré ce champ, .& on n'y a point I
trouvé d’autre pierre de la même nature. Ces détails
m'ont été donnés au Fontenil par un témoin oculaire
que l'on m'amena.
» Du Fontenil j'allai au hameau de la Méton- i
nerie, & le concierge du château que nous quit- !
tions eut la complaifance de nous accompagner
jufque dans une ferme qui lui appartient. Les habitans
de cette ferme ont vu le nuage au deffus de
leur tête. Leur récit fur le bruit de l'explofion eft
le même que partout. Ils virent tomber deuxjierres
dans leur cour, tout auprès d'eux. L'une, dont iis
montrèrent encore la place, liffioit en tombant:
elle étoit brûlante j car la terre fuma tout à l'en-.
tour. Ils n'ofèrent la retirer que le lendemain j
tant ils a voient peur. J’en rapporte un échantillon! ;
L ’autre étoit tombée dans une haie : on la chercha ’
long-tems » mais on ne put la trouver.
33 Le fol de la Métonnerie eft formé d'un peu de ;
terre végétale, recouvrant une couche de marne j :
-au deffous font des cailloux dont on fe fert pour ;
bâtir.
» J’ai auffi un échantillon d’une pierre tombée :
^près de là dans un lieu que l'on nomme la Mar- j
•celiere. £11 e fut vue par un enfant qui gardoit les ^
moutons j elle tomba à.côté de lui. Le morceau j
aue je rapporte m’a été donné pair le père même i
ecetenfant. D’après le volume qu’il m'a.défigné, \
fcettep/>rrepouvoit.pefer>enyiron i k.^é ( 3 livres ) I
avant qu'on-n’en eût'rien ôté.
» De la Métonnerie j’allai au village de Saint- :
'Nicolas-de-Sommaice. Je me préfencai chez une 1
'Dameà; laquelle on avoir porté beaucoup de pierres !
■ météoriques. Elle avoit-autrefois ia feigneurie de ;
ce canton : elle me reçut avec beaucoup d'honné.
tete, & me donna par elle-même 3c par fes gen$
tous les détails qui étoient parvenus à fa connoif,
lance. Je trouvai chez elle deux curés, celui du I
\!r-Uu , ce^u* d un hameau voifîn , nommé Saint*
Mïchel-de-Sommaire : il y avoit de plus le garde I
roreltier & une femme de [confiance anciennement
attachée a la maifon. Toutes ces perfonnes
excepté le garde, font témoins oculaires de I31
c'jluce„des pierres. Çelui-ci revenoit alors de l'Aigle
i il a feulement vu le météore & entendu le
bruit.
Le curé de SaintrNieolas regardoit direéte-
ment le nuage d où l'explofion eft partie. C ’étoit
uî? £arre dont le plus grand côré étoit dirigé
eft & ouelt j il.fembloit immobile, & il en fortoit
un bruit continuel femblable au roulement d'un
grand nombre de tambours ; puis on entendoit les
pierres fime.r dans l'air comme une balle qui pafle,
& tomber fur la terre en rendant un coup fourd. |
Un remarquoic très-bien que le nuage décrépitoit
fuccefhvement de différeris côtés, & chacune de
ces 'exploitons reffembioit au bruit d’un pétard.
Le cure de Saint-Nicolas a entendu tomber ces
Pierres fans les voir dans leur chute 5 mais le curé
de Saint-Michel m afiuraen avoir apperçu une qui
tomba en fifflant dans la cour de fon presbytère,
aux pieds de fa nièce, 3c qui rebondit de plus d’un
pied de hauteur fur le pavé. Il dit auflitôt à fa
niece de la lui apporter i mais elle n’ofa pas, &
une autre femme qui fe trouvoit préfente la ra-
mafia. Je ne l’ai point vue j mais ce curé m’a affuré
quelle étoit en tout femblable aux autres, & ces
pierres, dont nous avions fous les yeux un grand
nombre de morceaux, font trop connues maintenant
dans ce pays pour que l’on puifie s'y méprendre.
1
» La maîtreffe de la maifon me donna plufîeui'S
de ces malïts que l on avoit 'Vues tomber. J'en
rapporte d autres dont on m'a montré les trous
-encore recens, & qui portent les empreintes des
terrains^ ou elles .font tombées. Elles font toutes
de la même nature que .celles que nous avons déjà,
& a cet égard il y a autant de témoins que d’hàbi-
tans.,Il par oit, par les renfeignemens que j’ai re**
cueillis, qu il eft tombé dans cet endroit & dans
les environs une quantité effrayante de pierres ;
maïs » quoiqu'elles foient encore fort groffes, puif-1
qu elles pèfent jufqu’à o k .9 7 ( z livres.), aucune
d éliés n'égale celles de la Vaflolerie & des environs
du Fontenil, circonftance qu'il importe de
remarquer.
» I out le monde s accorde à dire que ces pierres
fumoient fur la place où elles venoient de tomber.
Portées dans les maifons, elles exhaloient une
odeur de Toufre fi défagréable , qu’on fut. obligé
de les mettre dehors. Un gros morceau que je
brifai , m offrit encore*très-fortement cette odeur,
mais dans fon intérieur feulement. Dans les premiers
jours.ces pierres: Ce caffoient très-facilement >
toutes ont depuis acquis la dureté que nous leuf
connoiffons. Ces changement d’état font autant de
preuves phyfiques qui s'accordent pour faire voir
que ces pierres font étrangères aux lieux où elles
fe trouvoient alors, ou qu'elles y avoient été récemment
tranfportées.
» Ici comme à la Métonnerie le fol eft de terre
franche, recouvrant une couche de marne: toutes
les maifons font bâties en cailloux : jamais on n'y
a rien vu de pareil aux pierres météoriques.
» Remarquons que les témoignages acquièrent
ici une grande force par l’état 3c les qualités morales
des témoins. C'eft d'abord une Dame très-
refpeCfable > qui ne peut avoir aucun intérêt d'en
impofer j ce font deux eccléfiaftiques qui ne peuvent,
fans aucun motif, avoir l’intention d'alrérer
la vérité, furtout devant des perfonnes dont l'ef-
time & la confiance leur font nécelfaires > enfin,
ç’eft une femme âgée, qui paroît depuis long-tems
atachée à cette-maifon, 3c qui, perfuadée que ce
phénomène étoit un avertifûment du ciel, n’au-
roit pas ofé en dénaturer les eirconftances, furtout
en parlant devant des perfonnes qu’elle eft habituée
à refpe&er. Enfin, le témoignage du garde
fereftier eft lui-même un garant dé la vérité des
autres j car je fa vois que cet homme n’a voit pas
été préfent à la chute des pierres, & il ne s’eft pas
donné non plus comme les ayant vues tomber :
feulement, fon emploi l’obligeant à parcourir les
champs, il avoit eu occafion de remarquer & de
déterrer plufieurs de ces maffts qu'il me donna,
& dont il me montra les trous encore récens. Il
étoit bien certain de n’avoir jamais rien vu de
femblable, & l’on fait combien les gens de cet
état font obfervateurs.
« De Saint-Nicolas-de-Sommaire j’allai, conduit
par ce garde, au hameau du Bus-Vernet où il demeure
, 8c dans lequel on difoit qu’il étoit tombé
un grand nombre de pierres. Voyant le defir que
j’avois d'en trouver une moi-même & de la retirer
de terre, il me mena dans un petit champ qui lui
appartient, 3c dans lequel il avoit remarqué un
trou qu'il pc*nfoit avoir été fait par une de ces
pierres,: il avoit attendu que laxrécolte fût faite
pour s'en affurer > mais nous eûmes beau chercher 3c creufer dans ce trou > nous ne trouvâmes rien.
Si ce fut un défagrément pour moi de voir mon
efpérance trompée, du moins j'eus une nouvelle
occafion ^Je reconnoître la bonne foi de mon
guide.
» Nous allâmes enfuite dans une ferme voifine,
ou nous trouvâmes une femme âgée & deux jeunes
filles, qui nous déclarèrent toutes trois avoir
vu tomber des pierres 3 3c en avoir eu une jpeür
horrible* Elle s.étoient feules en ce moment dans
la maifon , & s’attendoient inceffamment à'péfir-.
files me montrèrent dans l’enclos de >ja ferme
plufieurs trous, dont elles avoientextrai,t de? morceaux
de ces pierres 3 & elles- :m'en remirent un
échantillon, Ç'eft toujours ia^méoie efpéce.
» Nous cherchâmes long-tems pour tâcher d’en
découvrir nous-mêmes quelque reftej mais ce fut
en vain. La terre avoit été humeélée depuis par
les pluies, l’herbe avoir crû, & les trous mêmes-
dont on avoit extrait des pierres s’écoienc déjà
remplis prefqu’entiéremenr. Il étoit donc très-difficile
d'en découvrir encore qui auroient échappé
aux premières recherches. Nous cherchâmes fur-
tout fous un arbre 3c dans une haie où l'on en-
avoit entendu tomber les branches,, & d'où l'oa
avoir vu s'enfuir un oifeau } mais nous ne trouvâmes
rien. JVbfervai cependant que plufieurs
branches de l'arbre & de la haie, ft-ruées dans une-
direction verticale , avoient évidemment foufferu
« Après toutes ces recherches infruétueufes %
nous allâmes dans une ferme voifine. On nous y
fit encore les mêmes récits fur l'explofion & la
chute du météore. Le fils de la maifon , âgé de
dix à douze ans, là mère , & fa foeur, âgée de
quinze ou feize, étoient.témoins de ces faits. Au.
milieu de cet effroyable bruit, qu’ils décrivent
comme tous les autres , ils virent tomber une
greffe pierre qui cafta une branche d’un poirier :
le jeune homme courut pour la ramafterj mais la
trouvant enfoncée en terre, il cria à fa foeur d'apporter
une bêche. Celle-ci vint, mais à peine arrivée
il lui palïa devant le vifâge une petite pierre
qui tomba à fes pieds. Alors elle n'eut rien de plus
preffé que de s’enfuir, 3c la pierre ne fut rarçuffée
que lorfque la peur fe fut diffipée avec le danger.
On m'a montré le poirier, & je rapporte un échantillon
de la pierre qui en a caflé une des branches.
» Plufieurs autres fermes environnantes m'ont
fourni les mêmes témoignages, 3c partout on a
vu les mêmes phénomènes.
« Je quittai ce lieu pour me rendre au hameau
du Mefle, chez un laboureur nommé Gibon, qui
étoit de la connoiffance de mes guides. C ’eft un
homme de foixante-quatre ans plein de Cens &
de rai fon j il me, reçut avec, la plus grande cor^
dialité. Lui, fa famille 3c fes gens font témoins
oculaires du phénomène; ils en décrivent exactement
le? eirconftances comme partout ailleurs. Le
roulement reftembloitfi Bien au bruit du feu dans
une cheminée , qu’ils,crurent que la maifon brû-
loit, 3c qu'ils coururent cherôher de l’eau à la
mare pour l’éteindre. «rNous avons vu, me dit ce
« vieillard,tomber des pierres d’en haut j moi, qui
33 ne fuis p^s peureux & qui étois .fatigué, je ne
?> me fuis pas dérangé pour les aller cherche r j mais
»mes en fans y coururent & les rapportèrent. Une
» d’elles tornba*près de la mare , & fit peur à une
33 poule qui fe trouvoit là ; une autre tomba fur le
»3 faite de la ma,ifon &; roula jufqu’ à terre : nous
cfdmes que. c'étoit notre cheminée, qui tom-
33 boit. » En voyant ce refpeétable. laboureur*, on
ne pouyoit douter que fon térnoiguage oefûtl'ex-
. pr.eftiorv exacte de la vérité.
w On me dopna un échantillon de cette pierre ;
on me montra, fur le penchant 4e la toiture, b