aflentiel de féparer les deux métaux. Après les
avoir paffés à la coupelle avec du plomb, on les
traite par l’acide nitrique qui diflout l'argent, fans
toucher à l'or ; cette opération eft une des plus
importantes de la doçimafie , une de celles qui
méritent le plus d'être bien connues ; elle eft du
plus grand intérêt pourtous les arts qui s'exercent
fur l'or & fur l'argent. oyeç les articles C o u p e l l
a t i o n , C o u p e l l e & D é p a r t . ) Quoiqu'on
ait décrit avec beaucoup de détails & de foin cet
art dans les articles cités, j'en retracerai ici lès
principaux procédés, & furtout les principes qui
me paroiffent être inféparables de l'hiftoire de
l'or.
Quoique dans la chimie on nomme en général
départ tout procédé qui a pour but de féparer les
métaux des. uns des autres , on applique plus
particuliérement cette dénomination aux alliages
d'or & d'argent, parce que ces deux métaux, plus
importans & plus précieux que tous les autres,
exigent des foins, des attentions que ne demandent
point ceux-ci. Il y a différens procédés pour
départir une maffe compofée d’or & d'argent. On
commence d’abord en général par effayer de re-
connoître la nature & la proportion d’alliage à
l'aide d’un moyen lïmple, mais pour la réuffite
duquel il faut beaucoup d’exercice & d'habitude}
aufbdansles ateliers un hommeeft-il fouvent chargé
en particulier de ce travail. Il eft fondé , comme
le départ lui-même, fur la diffolubilité & l'oxi-
dabilité de l'argent, & fur l'inaltérabilité de l'or.
Il confifte à frotter l’alliage fur une pierre dure
ou un jafpe quf en retient une empreinte, fur laquelle
on met quelques gouttes d’eau-forte : fi ce
n’eft que de l'argent, tout eft emportéj fi ce n’eft
que de l ’o r, la trace refte toute entière : ce qui
en refte , comparé à ce qui eft enlevé:, fert à déterminer
le titre de. l'or. On voit bien que ce |
même moyen fert également à l'or allié de cuivre j
il eft même plus fouvent employé p,our ce dernier,
bien plus fréquent que le premier dans f orfèvre-:
rie* On s'accoutume à juger habilement de.ce
premier effai à la touche ou à la pierre de touche,
en commençant par s’exercer avec des alliages
connus de toutes les proportions poflibles, qu’on
nomme touchaux. La couleur meme de la tracé
lailfée fur la pierre par l'alliage annonce aux hommes
exercés la nature, ou au moins donne le rapport
très-approché de cet alliage. Mais fi ce premier
eflai fuffitpour juger de très-petites pièces j
s'il donne une première notion fidfifante pour
guider dans l’opération qui doit .fervir à départir
la maffe alliée, il ne.fatisfait pas, à beaucoup
près , celui qui veut connoïtre exactement l'alliage
d'or & d’argent.
11 y a plufieurs procédés pour faire le départ
d’une maffe alliée f for d'argent : on diftingue
fpécialement le. départ fec , le départ de cémentation
ou concentré , le départ inverfe Je dé^
part à l'acide nitrique ou l'eau-forte. Le premier
fe fait à l'aide du foufre ; le fécond par un mélange
de fulfate de fer & de fel marin qu'on cémente
avec des feuilles de l’alliage dans un creu-
fet ; c'eft l’acide muriatique oxigéné qui agit ici
fur l’argent. Le départ inverfe fe fait par l’acide
nicro-muriatique qui diflout l’or, & réduit l’argent
en muriate infoluble. Ces trois premières
efpèces de départs font rarement ufitées, parce
qu’elles font ou embarraffantes ou peu exaCtes >
c’eft le départ à l’acide nitrique qui eft le plus em-
ployé , le plus fimple & le plus mr. Pour faire le
départ ordinaire, çelüi qui fait fuite de l ’effai &
qui doit donner une connoiffance pofitive de la
nature de l’alliage, il faut d'abord que la proportion
de l'argent foit au moins double de celle de 1 or. La plupart des êifayeurs exigent même que
l’argent fafle les trois quarts de l'alliage; & voilà
pourquoi on ajoute fouvent de l’argent à la maffe
pour arriver à cette proportion ; ce qu’on appelle
inquartation. Quand cette addition eft faite, quand
l'alliage bien coupellé ne contient plus que de
l'argent & de l'or, on aplatit le bouton qu’on
prend ordinairement de trois grammes , fur le tas
d’acier ; on le paffe au laminoir, en obfervant de
le recuire pour l’empêcher de fe fendiller , &
pour que la lame qui en provient, foit bien entière*
on fait cette lame affez forte pour réfifter & con-
ferver fa forme , quoiqu'allez mince pour être
facilement ployée ; on la roule fur une plume ou
fur un moule de fer arrondi fait exprès; on en
forme un cornet qu'on introduit dans un petit
matras conique; on verfe deffus environ fept à
huit fois fon poids d'acide nitrique bien pur, ou
d’eau-forte précipitée à trente-deux degrés de
l’aréomètre, étendu de la moitié d’eâu pure. On
place le vaiffeau fur un feu de cendre jufqu’àc e
que l ’effervefcence 6c le dégagement du gaz nitreux
foiçnt bien établis j on chauffe doucement
i tant qu'ii y a des vapeurs rouges ; quand elles font
paffées,,& quand l’effervefcence cefte au momènt
où l’on retire le matras du féu, l'opération eft
terminée, l’argent eft en grande partie dilTous>
1 or refte avec la forme de cornet & une couleur
■ pourpre-foncée. Cependant pour être füt .d'em-
porter tout l’argent & de ne point laiffer.une
Surcharge de ce métal dans Yor après avoir, décanté
doucement le premier acide de deffus le
cornet, on y reverfe encore; quatre parties d’aeide
nitrique à trente degrés , qu’on fait bouillir quelques
inftans. Cette fécondé operation ,deftinée. à
enlever tout l'argent à l’or, porte le nom de rc-
prife. On décante: encore l'acide avec précaution
pour conferver le cornet d'or entier; on lave avéc
de l’eau pur.eJe cornet qui eft devenu très-mince 6ç criblé de .beaucoup de trous ; on le fait eitfuite
tomber avec l’eau, en retournant avec précaution
le matras dans le; fond d'uri pape creufet pour fa?
yocifer le gliiiement & la chute du cornet cl’or Je
long des parois du matras fans rifquer de le brifer ;
on yide; l'eau, & on fait-recuire ou légèrement
rougit le métal , qui reprend fon brillant & fa
belle couleur ; on le pèfe avec des balances très- .
juftes, & on juge de la quantité de l'alliage, & ;
même du titre de l’or, par le poids qu il a perdu.
Pour avoir une connoiffance tres-exaCfe^ de ce
titre , on divife en décimales la quantité d orque
l’on a effayée, & op eftime, à l'aide de très-petits
poids, les plus légères pertes qu il a faites. On
fuppofoit autrefois cette maffe d or a effayer di-
vifée en vingt-quatre parties, qu’on nommoit ka-
rats, & chaque partie en trente-deux autres qu’on
appeloit trente-deuxieme de karat. Le karat, dans le
poids effectif qu’on nommoit femelle 3 étoit d'un
grain, poids de marc; de forte que le trente-
deuxième de karat étoit un trente-deuxièmede
grain. Quelquefois le karat ne repréfentoit qu'un
demi-grain dans le poids nommé demi-femelle, &
alors le trente-deuxième de karat étoit unfoixante-
quatrième de grain effectif
Quelques chimiftes ont penfé que dans le départ
de l’or allié à l'argent il y avoit un peu d'or dif-
fous, comme femble l’annoncer la couleur pourpre
foncée du cornet qui refte; mais il a été reconnu
que cette quantité étoit fi petite, qu elle
nepouvoit pas intéreffer ni inquiéter le commerce:
je reviendrai d’ailleurs fur ce fait dansl hiftoire du
traitement de l’or par les acides. Plufieurs doci-
maftiques habiles, & fuitout Cramer, Schindler
& Scnlutter, ont penfé que le cornet d’or de départ
retenoit un peu d’argent qu'ils nommoient
furckarge ou interhalt. Hellot, Macquer & Tillet
afférent au contraire qu’ il n'en contient pas une
quantité fenfible. M. Sage dit neanmoins que i or
de départ diffous dans l'acide nitro-muriatique
précipite toujours en quelques heures un peu de
muriate d'argent.
Dans.le départ en grand, on ne prend pas jes
mêmes précautions que pour le .départ d'effai ,
parce que ce n'eft pas. ja proportion exaCte entre
les deux métaux que l'on cherche , mais feuleraient
l'or affiné,: for p,ur qued'on veut obtenir. On fe
contente de ! couler ..en grenailles l or idlie d argent:
» de le mettre dans des matras^ a fond plat,
ou même dans des bouteilles de grès ; de verfer
deffus deux ou trois fois fon poids d’acide nitrique
à trente-huit ou quarante degrés; de chauffer fur
un feu doux; de décanter là liqueur quand les lignes
de la diffolution font paffés,;c eft-a-dire, le
mouvement d’effervefçenc® 1? dégagement du
gaz nitreux ; de verfer une nouvelle & petite
quantité d’acide qu’on fait-bouillir fivr Je refit! u,;
de recommencer une troifième fois cette ébullition
avec une trpifième addition d’acide, pour
être fur d’enlever tout l’argent; de laver L’or à
plufieurs^reprifes av.ee beaucoup d’eau ; de fondre
l/or «qui refte au;«fond des vafesfous la forme de
pouffière de fragmens pourpre-foncés, dans des
cr'èufétsoù l’qn projette un peu de nitre : c’tft ce
qu’on nomme or ae départ. C'eft daq^ceteq. opération.,
qui conftitue l'affinage, de l’or, que l'on pré-.
pare en même tems l’argent pur, connu auffi fous
le nom à’argent de départ. Pour l'obtenir , on verfe
dans des terrines de grès l’acide nitrique provenant
du départ & les eaux du lavage de. l'or ƒ on
les étend de beaucoup d’eau ; on y plonge une
plaque de cuivre qtî’on y lai fie féjourner pendant
quarante-huit.ou foixante heures : alors on décante
la liqueur bleue ou la diffolution de cuivre qui s’eft
formée ; on lave avec beaucoup d'eau l’argent métallique
dépofé par le cuivre en petits grains cril-
tailifés & brillans ; on Je fait recuire pour avoir
ce qu’on nomme improprement argent en chaux ,
ou on le fond & on l’affemble à l’aide du nitre
qui le purifie encore, pour le couler en lingots. La
liqueur bleue ou la djflolution nitrique qui ré-
fulte de cette précipitation du nitrate.d'argent de
départ, eft fpécialement employée, en Angle-?
terre, à la préparation des cendres bleues, par
fon mélange avec la chaux éteinte : on a même
prétendu qu’elle réufliffoft mieux que la fimple
diffolution immédiate du cuivre , ce qu’on attribuent
à un peu d’argent qui y reftoit ; mais c’eft
une erreur détruite par les expériences de Pelletier.
11 eft bien reconnu qu’il n’y a aucune aCtion
entre Yor & l’eau » & l’attraction de ce métal avec
l’oxigène eft trop foible pour qu’il foit poffiblô
qu’il l’enlève à l’hydrogène. Il y a cependant un
cas où il paroîtque l’or s'unit à l’oxigène de l’eau ,
mais fans que fon attraction pour ce^principe foit
la caufe déterminante de fa décompofition ou de
la féparation de l’oxigène & de l’hydrogène : c’eft
celui où ces deux corps fe trouvent en même
temsèxpofés à la commotion éleCtrique. On a cru
pendant quelque tems , après Ies^ brillantes expériences
de M. Van-Marum fur l’inflammation des
! métaux par cette commotion , que cette inflammation
pou voit avoir lieu dans le vide ou dan§
d’autres gaz que l’air atmofphérique. On avoir
même fait.de ce phénomène, qui paroiffoit^ bien
I vérifié,, une objection fpécieu,fe contre la doCtrine
françailè ou pneumatique, lorfquoiv (J^cpuvric
bientôt que Peau étoit décompo.fee par l-ptincelle
éleCtrique , & féparée en (fes deux élémens ga-
| zeux; dès-lors il n'y eut plus rien d’obfcur dans
: les expériences où l'on croyoit opérer l'inflamma-
1 tipn: & l'oxidatipn de l'argent, de l'or & de beau-
| coup d'au^restiiuétauxdaps le vide ou fans gaz
i oxigène. On ientit- que. J'eau en vapeur diffoute
' dsti-s jp gazjk& ffécpmpofée par l’éleCfricité „
fourniffoit a cps;métaux foxigène dont ils avoienc
befoiii pour brûler; $ loin de refter une objection
contre la chimie pneumatique , ce phénomène
bien apprécié devint une des preuves les
plus fortes, une des bafes les plus folfiies de cette
dpCtrine, dont le fort eft aujourd’hui fixé. Il eft
permis, de croire que c’eft par une même attraction
prédifpofant’e , & à l'aide de la décompoft-
tion, prelitnipiaire de l'eau., que les fulfures alca-
lir^pxrdqàt & dlffolvent fi. facilement IV , diiïo