expofés au nord, contiennent du nitrate de potajfe
m s'y reproduit fans celle, & qui eft en général
autant plus abondant, que ces lieux font plus
arrofés de liqueurs ou pénétrés de vapeurs animales,
& que l'air y eft plus ftagnant. Il s’effleurit
fou vent fous la forme de barbes ou de filets alon-
gés, déliés, & comme plians à la furface des murs
dans les écuries, les étables, les falles baffes, humides
, &c. On le ramafle quelquefois avec des
balais 5 c eft pourquoi on l'a nommé nitre ou fal-
pêtre de houjfage. On le trouve encore mêlé, plus
ou moins abondamment, dans la terre légère &
meuble des caveaux-, des celliers, des remifes,
des granges, &rc.
La nature l’offre fouvent dans les terres calcaires
, dans les marnes. Il y a des pierres tendres
de ce genre, qui, lorfqu’on les expofe à l'air, ont
la propriété de donner, au bout de quelque tèms j
du nitrate de potajfe qu’elles ne contenoient pas
tout formé auparavant : il eft vrai qu’il eft mêlé
d une autre efpèce de nitrate; mais celui-ci n'y
exiftoit pas davantage que le premier avant que
les pierres euffent été expofées à l’air. Au refte,
on obferve la même .chofe fur les terres qui forment
le fol des lieux, dont j'ai parlé. Il faut les
laiffer, pendant quelque tems , plongées dans l'air
après les avoir retirées des fouterrains ; il faut
même les agiter ou les remuer dans l'atmofphère,
pour qu'elles s'imprègnent de nitrate de potajfe qui
n'y étoit pas tout formé d’abord. Ôn verra tout-
à-l’heurè à quoi eft dû ce phénomène.
On rencontre aufli le nitrate de potajfe dans un
grand nombre de végétaux : c’eft dans leurs fucs
& dans leurs extraits que l’art chimique en montre
l’exiftence. La bourrache, la buglofe, la pariétaire,
la ciguë, le tabac, le foleil & une foule
d'autres plantes en donnent fi abondamment dans
leur analyfe, qu’on les a nommées des plantes ni-
treufes. Quelquefois même on le voit criftallifé en
aiguilles dans Lurs tiges defféchées : c'eft ainfi que
celles du grand foleil en offrent après leur deffic-
cation. On a penfé qu’il provenoit des terres où
ces végétaux croiffoient, & qu'il y étoit porté par
leurs racines. D'autres favans ont cru qu’il fe for-
moit par l’aCté même de la végétation. Quoi qu'il,
en foir, quelques plantes contiennent une fi grande
quantité de ce fe l, qu’on a“propbfé de les cultiver
pour le retirer enfuite de leur fuc. Les lieux cù
l'on prépare le tabac font de véritables nitrières.-
En obfervant avec foin les differéntès circohf-
tnnces qui accompagnent la production de ce fel
dans la nature, avant même que la fcience permît
d'apprécier avec, exactitude leur influence, l'art
«voit effayé d'en devenir l’émule, & de faire naître
du nitrate de potajfe par la réunion de conditions
analogues.. Telle, eft l'origine des. nitrières artificielles.
Quoique.cet. at,t n’ait, pas encore .acquis la
certitude & la perfection des procédés que l’état
de la fcience fembleroit rendre plus faciles qu’ils
ne le font réellement dans la pratique, il a cependant
atteint un degré d’avancement allez élevé
pour être profitable à quelques pays qui n’ont
point d’autre fource du falpêtre. néceffaire à leur
défenfe, que cette production artificielle. Plufieurs
parties de la Suiffe, furtout le canton d'Appenzel,
pré tentent un exemple frappant du fuccès des nitrières
faêtices, &r de. l'efpérance qu’on peut concevoir
de plus grands fuccès encore. La France
elle-même , où un fol fertile & l’induftrieufe activité
d'une grande population réunie dans de
petits efpaces, & fouvent même trop entaffée
dans des. demeures accumulées les unes fur les
autres , offrent tant d’autres, fources du nitrate de
potajfe dont elle a befoin j la France a déjà obtenu ,
par le zèle , les lumières & le patriotifme de plufieurs
de fes habitans, des récoltes allez abondantes
de ce fe l, produit par des mélanges nitri-
fîables, pour faire fentir que ces établiffemens
fuffiront quelque jour à fes befoins. On peut même
remarquer que le plus grand nombre des lieux où
la loi autorife aujourd’hui la fouille des terres pour
en extraire le nitrate de potajfe dont elles font pénétrées,
ne font que de vraies nitrières artificielles.
Quand on forme, avec des terres rapportées, le
fol des granges, des remifes, des écuries, des
étables, des celliers & des caves, ces terres, ce
fol artificiel, ne contiennent point de falpêtre : ce
font les débris de végétaux, les liqueurs vineufes,
les humeurs & les vapeurs animales qui lui donnent
peu à peu naiffance. Il en eft de même des
pierres calcaires tendres, des moellons , des plâtres
qui fervent à élever les édifices. Ces matériaux
ne' font primitivement imprégnés d'aucun
nitrate, & lorfque quelques années après que les
maifons ont été habitées & pénétrées de toutes
parts des liquides ôc des exhalaifons végétales &
animales qui donnent naiffance, par leur décorci-
pofition fpontanée, à ce genre de fels, on les
extrait par l’art du faîpêtrier, il eft bien évident
qu’on peut regarder ces matériaux, ces terres,
ces décombres comme de véritables nitrières artificielles.
Ainfi l'expérience prononce fur l’exif-
tence & fur l’utilité de ces établiffemens
La doClrine pneumatique, fi féconde en applications
exaCtes & utiles, vient fe lier aux observations
pratiques fur l’importance & la certitude
du fuccès des nitrières. Ges observations prouvent
qu’on peut faire produire artificiellement du nitrate
de potajfe, en mêlant aux terres calcaires , aux
terreaux, aux gazonsaux plâtres broyés ou con-
cafïés les débris des légiïmes, des boucheries, des
tanneries, des poifl’onnëries, & en général des
fubftances animales, ainfi que ceux des matières
végétales qui s'en rapprochent} qu’en élevant avec
ces matériaux de petits murs, ou en formant des
couches poreufes, percées de trous, divifé.es par
des fumiers, de petites branches, placées fous des
hangards ,& abrités du côté des pluies, autour
defquelles circule de toutes parts , mais lentement
& fans agitation, de l’air peu à peu renouvelé,
8i
& qu'on arrofe d'eau des égouts, des fumiers,
des latrines, des tueries, des cuilines, des ateliers
ou 1 on travaille les matières pourrilfantes végétales
ou animales. La doctrine moderne a mis le
fceau a ce réfultat confiant des obfervations pratiques
, en prouvant que lorfqu'on préfente à l'azote
qui s'exhale des matières pourriffantes à l'état
naiflant de gaz, de l'oxigène atmofphérique, il fe
forme ineontellablement de l'acide nitrique, auquel
il ne s'agit plus que d’offrir la bafe convenable
pour, le fixer & le convertir en nitrate de
potajfe. Aufli l'expérience prouve-t-elle qu’en ajoutant
à tous les matériaux dont on vient de parler,
& qui ont en général pour fonélion la formation
de l'acide nitrique, d'autres matériaux riches en
potaife, ou des diffolutions de cet alcali, on obtient
du nitrate de cette bafe plus abondamment
& plus promptement que lorfqu’on néglige cette
addition.
De quelques fubftances qu’on retire le nitrate
de potajfe, qu'elles foient naturelles ou artificielles;
que ce. foient des craies, des marnes naturellement
falpêtrées, des terres de fouilles, des matériaux
de démolitions, on ne peut en extraire le
fel que par le moyen de l'eau', qui le diffout fans
toucher aux terres proprement dites. L’art du fal-
pêtrier confifte à choifir & bien connoître les
matériaux falpêtrés, à leffiver ces matériaux, quels
qu’ils foient ; à les dépouiller entièrement des
nitrates qu'ils contiennent, en paffant de l'eau fur
ces matériaux jufqu'à ce quelle foit infîpide ; à
charger (iiffifamment l'eau qui fett à les diffoudre,
pour qu'elle puiffe donner ces fels par un procédé
plus facile & plus prompt, en la faifant palfer à
la fin fur des matières riches en falpêtre ; à enrichir
encore cette diffolution de véritable nitrate
de potajfe, en y décompofant les nitrates terreux
qui y font fouvent contenus très-abondamment, à
l'aide de la potaife ou du falin, ou du fulfate de.
çotaffe qui fait partie des cendres de bois neuf; à
évaporer, le plus promptement poffible, ces Ief-
fives ainfi enrichies & comme rectifiées; à en réparer,
pendant l'évaporation , quelques fels étrangers
qui fe précipitent ou qui fe criftallifent à la
furtace ; à pouffer cette évaporation, cette concentration
des leflives ou des eaux cuites, comme
on les nomme, jufqu'au point où elles fe criftalli-
•fent abondamment par le refroidilfement ; à faire
criflallifer ces eaux cuites, à en obtenir le nitrate
le plus pur, le moins déliquefeent & le moins mélangé
qu’il eft poffible de fels étrangers ^ enfin , à
tirer parti des eaux-mères qu’on décante de deffus
le fel criftallifé, des différens fels qu’on obtient
dans les progrès du travail, des terres même lef-
fivees, & qui font très-difpofées à. une nouvelle
nitrification. Cet art, pour être pouffé à fa perfection
, exigeroit des connoiffances exaCtes fur
toutes les matières falines, & notamment fur les
nitrat.es, les muriates & les carbonates. Il s’en faut
de beaucoup que la plupart de ceux qui 1 exercent,
Chimie. Tome V,
aient acquis ce degré de connoiffances ; aufli eft-il
encore éloigné du degré de précifton & d’utilité
auquel il parviendra quelque jour par l’application
de la fcience chimique.
Le falpêtre qu’on obtient par les procédés qui
viennent d’être indiqués, & qu’on pratique fur
les matériaux qui en font plus ou moins chargés ,
foie par la nature, foit par l’art, n’eft pas à beaucoup
près du nitrate de potajfe pur. Les moins nombreux
des corps qu’il puiffe contenir encore, font
deux efpèces de nitrates terreux, des muriates >
quelques fulfates même, & une matière colorante.
Il eft d’une couleur rougeâtre ou brune, gras &
déliquefeent ; aufli le nomme-t-on, dans les ateliers,
falpêtre ou nitre brut, falpêtre de la première
cuite. On pourroit bien obtenir, par une première
opération, du nitrate de potajfe pur fi on lefllvoit,
avec beaucoup de foin , les matériaux qui le contiennent
, fi on uniffbit à cette leflive une fuffifante
quantité de potaffe pour décompofer tous les fels
terreux dont elle eft chargée, fi on l’évaporoit
avec de grandes précautions, & fi on la faifoit
criftallifer régulièrement après avoir féparé, pendant
l’évaporation, le muriate de foude ou fel marin
qui fe criftallifé à fa furface. Mais ces foins font
prefqu’étrangers jufqu’ ici à l’ art des falpêtriers.
Les manoeuvres peu exactes qu’ils emploient, laif-
fent leur falpêtre fi impur encore, qu’il demande
quelques opérations fucceflives pour qu’il puiffe
être employé à l ’art de faire la poudre, à la médecine
, & furtout aux expériences exactes de la
chimie. On a fait de cette purification du falpêtre
brut ou de première cuite, qui a pour objet d’en
extraire le nitrate de potajfe feul, un art particulier,
indépendant de celui des falpêtriers, que la loi
réferve encore en France à une adminiftration fpé-
ciale , & qu’on nomme rajfinage. Il y a deux principaux
procédés pour raffiner le falpêtre de première
cuite, fourni par les falpêtriers dans les
ateliers de (’adminiftration des poudres} l’un êft
ancien , & fe fait en deux cuites fucceflives * l’autre
, créé depuis les nouvelles recherches des chi-
miftes français fur cet art, que le befoin de fervir
& de défendre fon pays, dans des circonftances
difficiles, leur a infpiré de porter à une grande
perfection, offre des avantages réels fur le premier.
Quoique mon plan ne foit pas de décrire,
dans cet ouvrage, les arts chimiques, il eft cependant
néceffaire de dire un mot de ceux qui ont pour
objet un fel aufli intéreflant que le nitrate de potajfe.
Dans le raffinage ancien à deux cuites, on met-
toit deux mille parties ( livrés ) de falpêtre brut
dans une chaudière de cuivre rouge placée à demeure
fur un grand fourneau de brique} on y
ajoutoit feize cents parties ( livres ) d’eau de rivière
} on le faifoit diffoudre par la chaleur ; on y
jetait enfuite un peu moins d'une partie (douze
onces) de colle-forte diffoute dans vingt parties
(dix pintes) d'eau bouillante, & mêlée avec
quatre féaux d’eau froide > on agi toit beaucoup la