
jS. Wallerius doutoit qu’on pût unir l’arfenic
avec le mercuie fous la forme d’une amalgamej
mais Bergman , dans fa Dijfertation fur l ’arfenic , a
parlé d’une manière pofitive de cette union en
1777. Le mercure , fuivant lui, diffout l’arfenic à
l’aide de quelques heures de feu & d'une agitation
continuelle 3 il forme avec lui une amalgame
grife. On peut en dégager l’a'rfenic par la chaleur 3
mais il emporte avec lui une portion"' de mercure.
Lehman affure que l'oxide d’arfenic s’ unit aufliau
mercure 3 & qu’après l’avoir diftillé avec ce métal,
il refte au fond de la cornue une poudre grife
compofée des deux métaux. Si l’on recommence
à diftiller ces deux matières fublimées, il avance
qu’on obtient toujours une nouvelle quantité de
cette poudre arfenico-mercuiielle. Henckel avoit
déjà dit dans fa Pyritologie, que le mercure pou-
voit fervir, comme l’alcali fixe, à purifier l’arfe-
nic 3 mais il n’eft pas aifé de bien concevoir ce
que les auteurs entendent par-là, puifqu’i! eft certain
que l’arfènic, uni à l’oxigène, ne peut en
céder au mercure, ni contracter avec lui aucune
union.
59. Le bifmuth eft un des métaux fragiles qui
fe combinent le plus aifément au mercure. Pott dit
qu’en triturant du bifmuth en poudre avec le mercure
& un peu d’eau, on en forme une amalgame ;
mais e-le réuflit mieux en verfant fur une partie
de bifmuth fondu deux parties de mercure chauffé,
& en agitant ce mélange 5 on a par ce moyen une
amalgame affez molle, qui prend de la dureté lorf-
qu’elleeft gardée quelque tems. Pott affure même
que le mercure & le bifmuth fe féparent fpontané-
ment, & que le dernier prend la forme de pouf-
fière. Cette amalgame fluide paffe toute entière
par la peau. On a vu, depuis Pott, que l’amalgame
de bifmuth eft fufceptible de criftallifer en pyramides
à quatre faces, qui fe réunifient quelquefois
en oéiaèdres5 elle eft aufli quelquefois en lames
minces, fans forme régulière. Cette criftalli-
fation a lieu quand on laifiè refroidir lentement
cette amalgame, après l’avoir fait fondre. En la
chauffant dans une cornue,elle ne donne que très-
difficilement mercure qüi lui eft uni.
60. Le mercure ne s’unit point à froid avec l’antimoine
5 à chaud, & lorfque l’antimoine eft fondu,
fi.on le mêle avec trois fois fon poids de mercure
bien chaud, on obtient, fuivant Wallerius,
une amalgame molle, peu durable, & qui fe dé-
compofe facilement. Le même chimifte a obfervé
qu’en triturant trop long-tems le mercure avec l’antimoine
, celui-ci fe fépare du premier fous la
forme de pouflière : c’eft fans doute à caufe de la
difficulté de former cette combinaifon, & aufli
en raifon de la facilité avec laquelle elle fe décom-
pofe fpontanément, que la plupart des chimiftes,
depuis Wallerius, difent prefque conftammeiît
que l’antimoineTie s’ unit point au mercure : il en
eft de même du fulfure d’antimoine.
61. L’oxide de mercure eft décompofé par un
grand nombre de métaux qui ont plus d’attraéHon
qu’ il n’en a pour l’oxigène, & qui lui enlèvent ce
principe. Souvent même, en les faifant chauffer
en limaille avec l’oxsde de mercure rouge , ces métaux
s’enflamment à mefure qu’ils enlèvent au
mercure l’ oxigène qu’ils peuvent contenir plus fer
lide, & auquel ils s’unifient plus étroitement que
lui. C ’eft ainfi que fe comportent l’arfenic, le
bifmuth , & l’antimoine furtout. Lorfqu’on les
chauffe vivement, avec trois ou quatre fois leur
poids d’oxide de mercure rouge, on voit bientôt
un grand nombre d’ étincelles, & comme une ef-
pèce de détonation dans ce vaiffeau qui fe remplit
de vapeurs, & fe garnit d’un oxide pulvérulent
blanc. Le métal qui brûle ainfi eft en effet réduit
à un oxide blanc ; l’arfenic l’ eft même en acide
arfenique, par une fuffifante quantité d’oxide de
mercure rouge , & ce dernier eft ramené à l’état
métallique.
62. L’eau n’a aucune aélion fur le mercure a
froid ; elle ne fert qu’à le diviier à l’aide de l’agitation
3 & lorfqu’on parvient à le changer par-là
en pouflière noire oxidée, c ’eft à l’air contenu
dans-l’eau qu’eft due cette converfion en oxide.
Quelques auteurs ont recommandé cette préparation
fous le nom de mercure calciné noir : je ne la
cite ici que pour faire connoitre avec quelle facilité
le mercure abforbe loxigène, & tend à fe brûler
en oxide noir partout où il rencontre cer principe.
A mefure que ce métal battu avec l’eau lui
enlève l’oxigène, l’eau en abforbe de l’air qu’elle
fournit au métal 3 car c’eft une règle, que l’eau
fe charge toujours également d’air, & fe met en
équilibre de combinaifon avec lui toutes les fois
qu’il en a le contadt.
65. L’eau bouillante ne fait pas éprouver plus
d’altération au mercure 3 que l’eau froide. Lémery
avoit déjà prouvé, à la fin du fiècle dernier, que
ce métal ne perdoit rien de fon poids par l’ébullition
dans ce liquide. Boerhaave, en répétant
cette expérience avec une patience infatigable,
& en faifant bouillir, pendant un grand nombre
de fois, des quantités d’ eau confidérables fur quatre
grammes de mercure, s’eft également affuré
| que ce métal n’avoic rien perdu. Cependant de
bons obfervateurs en médecine ont bien conftaté
que cette eau, dans laquelle on a fufpendu un
nouet de linge rempli de mercure pendant fon ébullition
, a une adtion anthelmintique ou vermifuge
très-certaine, & c’eft une pratique commune que
d’ordonner cette décodtion aux enfans , qui rendent
fouvent des vers après l’avoir prife. Quelques
médecins portent beaucoup plus loin encore
les propriétés de l’eau qui a été aiftillée plufieurs
fois fur le mercure ; ils prétendent que cette eau
eft fenfiblement antifyphilitique. Wallerius, pour
expliquer ces effets, croyoit que le mercure repre-
noit en eau, dont il fe pénéfroit, le poids de la
matière qu’il perdoit par fon ébullition, & que
c’étoit pour cela qu’on ne pouvoit pas apprécier
fa diminution. Grashuys, qui, dans fa lettre au
doéteur Maty en 1754. P,arie de la >,enu ann"
vénérienne communiquée a 1 eau par le mercure,
avance même que ce métal perd, en fervant: a
cette opération, fon efficacité ordinaire, & n a
plus enfuite la propriété de tuer les infeaes. Mais
| faut convenir qu’il faudroit des expériences plus
décifives encore que celles qui ont ete faites jul-
qu’ici, pour bien affurer la vérité de ces allertions.
H , H f , j ,
6a . Ce qui a été dit au numéro 61, lur *a ae-
compofïtion de l’oxide de mercure rouge par un
grand nombre de métaux , prouve que le mercure
eft un de ceux qui ont le moins d’attra&ion &
d’adhérence pour l’oxigène : aufli n’y en a-t-il que
très-peu, & feulement parmi les moins combufti-
bles, qui feront examinés par la fuite, auxquels
il peut enlever l’oxigène. Cependant, en triturant
du mercure coulant avec certains oxides métalliques
très-chargés de ce principe, & dans lefquels
la dernière portion qui s’y eft unie eft peu adhérente
en comparaifon de la première , qu'ils retiennent
avec une grande force, on le voit s’éteindre
affez promptement, & s’oxider en noir,.
Cela n’arrive qu’avec ceux de ces oxides furtout
trop oxides pour être encore diffolubles dans les
acides 5 & en effet, on verra par la fuite, que ces
mêmes métaux précipitent au contraire le mercure
de fes diffolutions acides fous la forme métallique,
: oxigène, en dégageoit do gaz acide fulfureux,
s'oxidoit Lui-même , & s’umffoit a la pouion de
cet acide non décompofée -, qu en chauffant fortement
& prennent fa place dans ces mêmes diffolutions.
65. C’eft dans la combinaifon du mercure avec
les différens acides , que les chimiftes ont trouvé
les propriétés les plus fingulières, & en meme-
tems les ufages les plus importans de ce métal. Il
n’tft point d’acide qui n’ ait médiatement ou immédiatement
de l’adtion fur le mercure, ou qui ne
fe combine avec fon oxide, & ne faffe un crt°ni-
pofé falin plus ou moins intéreffant à connoître.;
Les phénomènes de ces divers compofés, foit
pendant qu’on les fait, foit après qu’ils font formés,
méritent d’être étudiés avec loin 3 ils confti-
tuent une des branches les plus remarquables de
la chimie. Je les décrirai donc avec tous les détails
convenables, parce que les ouvrages de chimie ne
contiennent point encore ces détails, & parce que
' le travail que j’ai fait fur cet objet en 1791, travail
que j’ai repris en.1802 avec M. Thénard, d apres
un plan beaucoup plus vafte, me paroît propre à
répandre un nouveau jour fur ces combinaifons.
66. Les chimiftes n’avoient déterminé, avar.t
j 777 j| que d’une manière très-inexadte, en quoi
confiftoit l’adtion réciproque de l acide fulfurique
& du mercure. Tout ce qu’ils avoient fait jufque-
là ne pouvoit préfenter qu’ incertitude & que notions
vagues, à caufe de l ’etat de- la fcience; A
cette époque Lavoifier fe. fervit de cette adtion
pour déterminer la nature de l’ acide fulfurique 3
il fit voir que le mercure, aidé de l’adtionf de la
chaleur, enlevoit à cet acide une portion de fon
le fulfate de mercure , on en obtenoit du
gaz acide fulfureux & du gaz oxigène, & que la
• plus grande partie du mercure repaffoit a 1 état
métallique; mais comme fon but netoit que de
s’occuper de l’analyfe de l’ acide fulfurique, il n a
point décrit tc*is les phénomènes de cette combinaifon.
J’ai entrepris, treize ans apres lui, en 17,
& 1791, un travail beaucoup plus étendu fur cet
objet; j’ai examiné avec le plus grand foin tout ce
qui fe paffe dans la réaétion de l’acide fulfurique
& du mercure. Parmi un grand nombre de laits
nouveaux que ce travail m a préfentes , J ai aP.
perçu beaucoup de circonftances qui avoient été
entrevues ou indiquées, mais non expliquées pat
Kuncket, Rouelle l'aîné, Monnet &c. Je lu s
parvenu à diftinguer avec précffion plufieurs états
de l’union de l’oxide de mercure avec 1 acide fulfurique
, qu’on avoit, ou méconnus ou confondus.
Voici le réfuitat de mes recherches fur ce
. P°é7t-’ La principale caufe des variétés nombreufes
que préfentent les diffolutions de mercure dans
racide fulfurique, dépend tout a la fois de la
proportion de l’acide & du métal, & de la quantité
d’ oxigène que celui-ci abforbe a 1 acide ,
fuivant la température à laquelle leur aftion réciproque
s’exerce. En effet, la dofe d une partie
de mercure coulant & d’une partie & demie d a-
cide fulfurique concentré, que ion prend ordinairement
pour faire cette opération , K qu on
fait ne point agir l’un fur 1 autre a froid, donne
naiffance à des compofés très-vanes, fuivant la
température à laquelle on les traite, & le tems
plus ou moins long pendant lequel on les chauffe.
Ce mélange, pouffé jufqu'à l’ébullition dans une
cornue de verre, dont le bec recourbe plonge
fous une cloche pleine de tnercure, a 1 appareil
hydrargiro-pneumatique, donne du gaz acide fulfureux.
Dans cette opération, l’attraction du mer-
cure pour l’oxigène s’ élève comme la température
; ca r, à la chaleur ordinaire, elle eft plus
foible que celle de ce principe pour l’acide fulfureux
, & non pas pour le foufre, comme Lavoifier
l’avoit cru. En effet , on a vu ailleurs
que la portion d’oxigène qui tient à l’acide fulfureux,
porté à l’état fulfurique, y adhère moins
que celle qui eft unie au foufre dans l’acide fulfureux.
Le mercure décompofé l’acide fulfurique,
lui enlève de l’oxigène , & en fait paffet une
partie à l’état d'acide fulfureux. Si on arrête
l’opération lorfque le mercure eft changé en maffe
blanche , mais non defféchée', & torfqu il. refte
encore une portion de liquide a la furface de
cette maffe , elle contient de 1 acide fulfurique
à nu ; elle eft âcre & corrofive ; elle rougit les
couleurs bleues végétales ; elle ne jaunit point
par le contait de l’ait; feau froide ou chaud*
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