
Le fécond état où fe trouve Y o r natif eft celui
de parcelles ou de morceaux plus ou moins gros
ou fenfibles , renfermés dans une gangue pier-
reufe, prefque toujours de quartz, quelquefois
de jafpe, de corneenne, &c. Le Pérou, le Mexique,
là Sibérie, la Hongrie , le T y ro l, la Franc
e , &c. l’offrent plus particuliérement dans cet
état. La forme de cet or natif varie beaucoup ; il
eft en lames, en paillettes, en grains, en cri (faux
octaèdres, en prifmes tétraèdres, en pyramides à
quatre faces , en filets capillaires ou' en maffes irrégulièrement
arrondies, qu’on nomme rognons.
Il ne faut pas croire que Yor natif foit de Yor
pur » il eft allié à du cuivre, à de l’argent> à du
fer, même à du mercure : voilà ce qui lui donne
les couleurs fi variées qui diftinguent l’or de tel
ou tel pays, le jaune-pâle, le jaune-foncé, le
jaune-rougeâtre, le jaune-verdâtre, l’or bien ductile
, Yor roide, l’or pliant, l’or cafiântj car il préfente
toutes ces propriétés dans les divers morceaux
d’or natif de diffërens pay*s que l’on compare
entr’eux : de forte qu’en regardant cet or
natif comme une véritable efpèce parmi les mines
de ce métal, c’eft plutôt parmi les alliages naturels
qu’ il faudroit le placer , dans un fyftème minéralogique
fondé fur la nature intime des fofliles-,
le feul que les connoiffances actuelles engagent
aujourd’hui à admettre.
M. Kirwan compte cinq efpèces de mines qui
contiennent de l’or, & qu’il range conféquem-
ment à la fuite de la feule véritable efpèce des
mines de ce métal, c’eft-à-dire > de Vor natif >
favoir : les pyrites jaunes ou martiales > les pyrites
arfenicales ; la mine d’argent blanche , rouge ou
vitreufe i la mine fulfureufe d’argent, de-fer, de
plomb & de manganèfe de Tranfilvanie 5 enfin ,
, lè cuivre & le fer fulfurés avec du manganèfe. Il
eft vrai qui! ajoute, au commencement de chacun
de ces articles, les mots or mêlé,• ce qui annonce
manifeftement qu’il regarde ces mines comme autant
de mélanges, & qu’il penfe avec Bergman ,
que l’or n’eit que difiéminé / & non minéralifé.
Bergman obferve en effet, d’après l’examen de
plufieurs pyrites aurifères, que l’or qu’on en extrait
par leur digeftion dans i’açide nitrique eft en
petits grains anguleux, qui ptou^enrque ce métal
exiftoit à l’état de fimple mélange & de non-com-
pofition dans les pyrites. Ainfi les mines de cuivre
, d’argent, de plomb, de fer, de cobalt, d antimoine
, d’ou l’on extrait fou vent de l’or par les
travaux docimaftiques & métallurgiques , paroif-
fent contenir ce métal fimplement difféminé entre
leurs molécules ; & l’on peut penfer que lorfque
ces mines fe décompofent, s’effileuriffent, fe ful-
fatifent & fe diffolvent, l’or qui s’en fépare-, eft
alors roulé par les eaux , dépofé dans les fables
comme s’il étoit de l’or natif:
Peut-être cependant eft-il néceflaire de diftin-
guer de ces mines où1 l’or paroït être difféminé
avec totues fes propriétés, celles de Fahzbay f
4»
d'Offenbaya Si de Nagyag en Tranfilvanie, dans
lefquelles de Born avoit d’abord foupçonné, avec
plufieurs autres minéralogiftes, que l’or étoit com-
oiné^avec le foufre, l'antimoine,. l'arfenic, le fer
& l’argent,. Si dans lefquelles M. Klaproth a
trouvé, en janvier 1798, le métal nouveau nommé
tellure, puifque ce métal , qui avoit été pris auparavant
pour de l’antimoine, quoique Muller l'eut
déjà foupçonné un métal particulier , paroït avoir
une grande attra&ion pour l’or. Cependant le chi-
mifte de Berlin nè s’eft point encore expliqué fut
cet objet, & ce qu’on a fait fur les autres miner
rais aurifères, ou l'or eft difféminé, permet de
croire qu’il préfente dans celles-ci , ou l’état de
fimple mélange , ou: celui d’alliage. Il faut noter
ici qu’excepté Yaurum ou metallum problematicum
de Faltzbay, où l’or n’eft contenu qu’à la proportion
très-petite de deux millièmes., la mine d’Ofr
fenbaya en contient 0,30, .la mine jaune de Nar
gyag en recèle 0,27, & la mine feuilletée grife
du même lieu en renferme 0,08 Si demie.
Il réfui te donc de ce qui vient d’être expofé
fur l’hiftoire naturelle de l’or, que ce métal n’exifte
pur & bien ifolé dans aucun foffile j qu’il eft toujours
dans l’état d’alliage > que c’eft là même fon
état unique dans le globe j que fouvent il eft difféminé
ou mélangé dans d’autres mines, & qu’on
ne connoît, ni fulfure, ni oxides, ni fels d’or dans
la nature j ce qui tient manifeftement au peu d’at-
traétion que l’or exerce fur les autres corps natu^
rels, & à la force qui rapproche fes propres molécules
, comme le prouveront tous les. faits de
fon hiftoire chimique.
Il n’y a pas d’effais plus fimples & plus faciles à
| faire que ceux des mines d’ or lorfqu ils n’ont lieu
| que fur ce qu’on nomme or-natif j mais quand il
eft queftion de minerais fulfureux aurifères, on
trouve plus de difficultés : c’ eft par la voie humide
! feulement qu’on doit y procéder, & ce font lès
| procédés indiqués par Bergman qui réufîîffent le
mieux, Se qui doivent être employés. L’or natif,
ordinairement allié de cuivre , d’argent & de fer,
eft traité par l’acide nitro-muriatique. L’ argent fe
dépofe fpontanémènt en mu riare d’argent indiffo-
luble , dont un cinquième du poids appartient à ce
métal. L’or eft précipité en pouffière fine par le
fulfaee de fer 5 le fer eft indiqué par le pruffiate de
potaffe, & le. cuivre eft féparé par le fer : on fait
chacune de ces opérations fur des portions partir
culières d’or natif.
Les fulfurés de fer aurifères font réduits en
poudre : on les fait digérer dans de l’acide nitrique
affoibli à 4 j degrés de température, en employant,
à plufieurs reprifes, fix parties de cet acide pour
une partie de mine, jufqu’à ce que le foufre foit
féparé pur & fous fa couleur naturelle. Il faut
douze à feize parties d’acide pour une partie de
pyrite. Le foufre refte à la furface de la liqueur,
& l’or fe trouve au fond en poudre brune.. On le
fépare de la gangue indiffoluble par le lavage ; c’eft:
fur cès particules d’or qu’on obferve la forme an-
guleufe qui annonce qu’elles étoient difféminées
dans la mine. Les autres métaux, ie>fet,le cuivre,
le zinc & les gangues terr.eufes, calcaire Si alu-
mineufe qui peuvent .exifter dans les fulfurés aurifères.,
fe recannoiffent Si fe féparent a l aide des
diffërens procédés indiqués .dans les ^articles qui
les concernent. Les poids réunis de toutes les fubf--
tances obtenues à part doivent répondre au poids
total de.la mine. On voit bien que les mêmes.procédés
peuvent fervir à l’anal,yfe .de tous les,minerais
aurifères, de quelque nature qu’ils (oient.
Quant aux mines d’or de Tranfilvanie , où
M. Klaproth a .trouvé le nouveau métal qu'il a
nommé tellure, voici comment il en a ,fait l’effai
analytique. Il les a fait chauffer dans fix .parties
d’acide muriatique, en ajoutant .trois parties d’acide
nitrique qu’il a fait bouillir j par ce moyen il
a obtenu une diffolution complète 5 il a précipité
cette diffolution par la potaffe cauftique, qu’il a
employée affez abondamment pour rediffoudre le
dépôt blanc formé d’abord > il eft refté des flocons
bruns compolés d’oxides d’or & de fer. Il a verfé
de l’acide muriatique cians la diffolution alcaline
jufqu’à ce qu’il ne fe précipitât plus de pouffière
blanche , en évitant de mettre un excès de cet
acide : il a traité cette poudre avec une huile,
grade dans une cornue .qu’il a chauffée jufqu’a la
faire rougir. Cet oxide de tellure s’eft réduit en
métal blanc, brillant & criftallifé, dont une partie
s’eft vola.tiiifée, qu’il a examiné en particulier, & j
dans lequel il a trouvé les propriétés indiquées à j
l ’article T e l l u r e . M. Bindheim avoit déjà ana-
ly-fé, .avant M. Klaproth, la mine de Nagyag par
un procédé qui peut avoir fon avantage pour trouver
& extraire l’or, quoiqu’il ne lui ait pas fait
découvrir le métal particulier qui y eft contenu.
Après avoir tenu la mine pulvérifée dans^un creu-
fet ouvert jufqu’à ce que tout le foufre.fût brûlé ,
il a jeté le réfidu encore chaud-dans l’eau , & il
en eft refté une matière brune-rougeâtre indiffoluble.
I l l’a fait digérer fèche dans trois parties
d’acide nitro-muriatique ; il y a ajouté de l’éther
qu’il a fortement agité : l’éther a enleve l’or qu il
a réduit, & , après l’avoir fait évaporer à l’aide de
la chaleur, ce métal eft refté pur & duétile.
Les procédés fuivis dans l’extraétion de l’or font
fimples & faciles à concevoir, Le fable aurifère
des rivières eft lavé à la main, dans des fébiles de
bois , par des hommes qu’on nomme orpailleurs.
( Voyez ce mot. ) L’ or natif ne demande qu’à être
extrait de fa gangue & réuni : pour cela on le fait
paffer au boçard ; on le lave .pour entraîner la
gangue réduite eri pouffière légère que l’eau emporte
j on la broie, dans un moulin plein d’eau,
avec dix ou douze fais fon poids de mercure 5 on
décante l’eau, qui entraîne tout ce qui eft terreux.
L’amalgame une fois féparée .de la terre, & bien
brillanteeft exprimée dans des pea,ux, pour réparer
la portion de mercure excédente à la diffolution
de l’or. La portion épaiffe & folide que
laiffe l’expreffion eft chauffée dans des cornues de
grès, qu’on fait bien rougir pour obtenir à part
le mercure,,& l’or qui refte, eft fondu & coulé en
barres ou en lingots.
Quant à l’or .qui, eft difféminé ou combiné dans
les mines d’argent , de cuivre ou de plomb, on
l’extrait par la liquation , la coupellation & le départ.
Le plomb qui coule pendant la liquation du
cuivre argentifère & aurifère, entraîne avec lui
l’argent & l’or / on le coupelle enfuite pour feo-
rifier le plomb. L’ or & l’argent relient intséts &
alliés : on les fépare à l’aide du départ. On a pro-
pofé de traiter les .pyrites aurifères ;par l’amalgamation
, dont la réumte , déjà conftacée .en Allemagne.&
.au Pérou , prouve que,l’or .y eft .dans un
fimple état de diffémination, & non .combiné.
De tous les métaux connus jufqu’i c i , l’jor eft le
plus indeilruélible & le plus inaltérable par le
contaéf de l’air .5 il eft le feul d’emr’eux qui y
confer.ve fon éclat j fon brillant, fa couleur &
toute la pureté 5 le feul qui réfifte aux fiècles mêmes
accumulés. Les dorures de tous les édifices
publics , que les chimiftes ont coutume de.citer
pour prouver cette inaltérabilité de l’or .par l’air
& par les vapeurs qu’il tranfporte , ne font encore
que des exemples foibles en com parai fon,de ces
étoiles d’or attachées aux voûtes des temples bâtis,
il y a des milliers d’années, par les Egyptiens, &
que des voyageurs modernes ont vues récemment
briller de tout leur éclat fur les débris de ces
voûtes immenfes échappées à travers les fiècles à
la faux du tems. L’or s’éloigne beaucoup , par
cette belle propriété, de l’argent, dont le brillant
fe ternit, & qui prend une co.ulejur noire par fi
Longue expofition à l’air.
Quelque forte & quelque durable >que foit la
chaleur des fourneaux à laquelle on tient l’or
fondu, elle n’eft point fuffifante pour l’altérer &
en convertir même une parcelle en oxide- Cla-
véus, Kunckel, Boy le , ont tenu ainfi, pendant
des mois entiers , de l ’or en fufion au plus grand
feu des fourneaux, & ils n’y ont remarqué aucune
altération. Baumé dit avoir tenu , pendant une
année entière , de l’or en feuilles , broyé en pouffière
fine & continuellement rouge de feu, dans
un vafe où l’air pénétroit, fans qu’il.lui foit arrivé
de changement fenfi.b.le. Les alchimiftes ont cependant
prétendu que, par un feu de réverbère,
ce métal étoit fufceptible de s’axider. O11 remarque
que, quand l’or eft bien fondu & bien incan-
defeent, il préfente à fa furface une flamme verdâtre
ou couleur d’eau bien fenfible. Mais il eft
évident aujourd’hui que, fi l’on n’a rien fait éprouver
à l’or dans jees -expériences, c’eft qu’on n’a
point employé .une température affez élevée, comme
les ré fui ta rs fuivans le démontrent.
Hcmber*g ayant expofé de l’or pur au foyer de
la lentille ardente de Tchirnaufen, avoit vu ce
métal fumer, fe réduire „en vapeur^&.fe, couvrit