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fcience, les auteurs ont d’abord fentl, dans leur
travail, la néceflité de créer une nouvelle méthode
qui pût lier entr’eux tous les faits chimiques, &
en préfenter la férié dans un ordre fyftématique :
&vvoilà pourquoi on a donné, au résultat de leur
travail, le nom de nomenclature méthodique.
Les noms qu'ils ont adoptés, en les empruntant
fouvent des Anciens, & toutes les fois en général
qu’ils n’exprimoient ni une erreur ni une hypo-
thèfe infoutenable, ainlï que les mots qu’ils ont
été obligés de créer pour exprimer des corps nouvellement
découverts & inconnus aux anciens
ehimiftes, font en général courts: on a eu le plus
grand foin d’éviter les circonlocutions & les espèces
de phrafes qu’on avoit autrefois adoptées,
<te qui formoient un langage £ difficile à retenir.
La précifion & la brièveté des nouvelles expref-
•fions les rendent faciles à prononcer & à écrire,
& c’eft un moyen de ménager le tems fi précieux
dans l’étude & dans la culture des fçiences.
Les mots de la nomenclature méthodique font en
général toujours relatifs à la nature des corps qu’ils
expriment, & ils n’ont de rapports ni avec l’inventeur,
comme beaucoup en avaient autrefois,
ni par conféqueut avec les préjugés que les découvertes
faites dans les tems alchimiques a-voient
entraînés néceflairement à leur fuite. Lorfque la
nature des corps qu’on a voulu nommer n’étoit
pas allez exactement connue, on a préféré de leur
donner des noms infignifians , des noms qui n’ex-
primaffent rien de pofitif, & qui ne pufient pas
faire naître des préjugés. L’expériençe prouve que
ceux-ci jettent de fi profondes racines, & qu’on a
tant de peine à les détruire enfuite, qu’on a dû
éviter foigneufement les ©eeafions d’en faire naître
: auffi les noms infignifians ou peu fignifians
font-ils tirés, ou de la matière primitive qui fournit
le corps nommé, ou du lieu où il fe rencontre, &e.
Les racines des noms nouveaux, créés pour exprimer
des corps également nouveaux ou inconnus
des anciens ehimiftes, font eonftamment prifes
dans la langue grecque. À l’avantage de n’avoir
aucun rapport avec des mots déjà connus , zk de
ne pouvoir par conféquent être confondus avec
jes noms appartenans à des fubftances différentes,
ils réunifient auffi celui d’offrir à l’oreille des fons
doux, agréables, faciles à prononcer, quelquefois
même harmonieux, & de fe rapprocher ainfi du
génie de la langue françaife, dont la douceur &
la prononciation facile en font l’idiome le plus
généralement répandu dans le Monde. En empruntant
d’ailleurs nos dénominations de la langue d’un
peuple poli, avec lequel les Français ont eu de
tout tems la plus frappante analogie ; en fai faut
parler à la chimie te langage des Ariftate. & des
Platon , ç’eft offrir à l’efprit une fource féconde
4e fouvenits faciles, & montrer, dans les mots
d’une étymologje Caillante, 1a trace des idées qu’ ils
fèprefentent- ». & dont ils font, ou la fidêlij emr
preiilîe, ou la fimple contr’épreuve..
N O M
Toutefois en puifant ainfi, dans la langue des
philofophes grecs, les mots nouveaux dont on a
été extrêmement fobte/puifqu’ à peine en trouve-
t-on fix ou huit dans la nomenclature méthùdique ,
fes auteurs ont toujours confulté en même tems le
génie & la marche de la langue françaife > ce n’eft:
point une fer vile imitation, ce n’eft point une traduction
fimple des mots grecs qu’ ils ont tranfpor-
tée dans leur langue. Ces mots, employés en partie
feulement, font appropriés aux règles de la grammaire
de leur pays> ils n’étoient deftinés qu’i
rappeler quelques propriétés frappantes & bien
caraCtérifées, & on n’y trouve de l’ ancien idiome
d’Athènes que ce qu’il faut pour éclairer l’entendement
de ceux qui les lifent ou les prononcent.
Ils ne fuppofent que la plus légère & la plus fimple
connoiflance des principaux mots grecs, telle que
celle qui doi,t faire partie de l’éducation libérale
d’un Français qui veut fe livrer à l’étude & à la
culture des fciences.
En général, les noms appliqués aux corps (impies
, ou qui n’ont point encore été décompofés,
ne font eux-mêmes que des mots (impies; chacun
de ces corps n’eft exprimé que par un feul mot,
& c’eft prefque toujours celui qu’on avoit déjà
adopté avant nous. On s’eft fait la loi de conferver
fcrupuleufement les noms anciens toutes les fois
que la fubftance dénommée, connue depuis long-
tems, n’offroit pas, dans fa dénomination ancienne,
l’un des vices qu’on a voulu éviter. Quand elle
s’en eft trouvée tachée, on s’eft fouvent contenté
de modifier le mot reçu pour en corriger le défaut,
mais fans en altérer la nature allez pour qu’il ne
fût plus reconnoiffable. Il n’a été fait de mots
nouveaux pour nommer des corps fimples, que
dans le cas d'une néceflité abfolue, c’eft-à-dire,
lorfqu’entiérement inconnus autrefois, ces co^ps
étoient les produits de nouvelles dé ouvertes, &
n’avoient conféquemment aucun nom dans l’ancienne
nomenclature.
Les corps compofés ont reçu en général des
noms compofés deftinés à faire connoître le genre
& la nature de leurs compofans, de forte qu’en les
prononçant, on exprime, fans erreur & fans obf-
curité, ce que font les lubftinees dont on parle,
& l’on n’a point à faire de ces efforts de mémoire
qu’exigeoit autrefois la nomenclature chimique lorfque
les noms qu'elle contenoit, n’avoient aucun
rapport ou qu’un rapport trop éloigné avec les
corps dont on vouloir parler.
Il y a cependant quelques compofés trop compliqués
dans leur nature, & qui auroient exigé une
trop grande, accumulation de mots pour exprimer
leur compofition. Dans ce cas, comme on le verra
pour les fubftances végétales fk animales, on a
pris le parti d’emprunter leur dénomination,: ou
des matières qui les fournlffent, ou de quelques
'propriétésdéterminées, bien faillantes, & fufccp-
tibles. de les caraCtérifer fans erreur.
Le* noms chimiques ont encore ^dans la nomen*
clature
elature méthodique, un autre avantage; c’eft celui
de n’être que peu multipliés, malgré le grand
nombre de corps fimples ou compofés dont elle
embraffe tout l’enfemble. Pour cela on y emploie
le mode des terminaifons variées, deftinées à exprimer
les différens états des fubftances combi- j
nées, & qui font difpofées de manière à énoncer
toutes les différences que l’on remarque dans leurs
combinaifons. Ces terminaifons font les mêmes
dans les compofitions analogues, & le fon qu’elles
font entendre fuffit pour rappeler le genre de compofition
auquel chacune d’elle eft appropriée.
La réunion des principes que je viens d’expofer
forme un fyftème de dénominations faciles à retenir,
& dont l’enfemble offre,- dans la férié des
noms, le tableau exaCt & fidèle des faits qui conf-
tituent toute la fcience. Il en réfulte que le langage
chimique, compofant la nomenclature méthodique,
eft la fimple expreffion des phénomènes,
n’admet rien d’arbitraire, ne peut être regardé
que comme la repréfentation des chofes elles-
mêmes ; il a de plus l’avantage de ne pas embraffer
feulement les faits connus, mais de s’adapter encore
, avec une grande facilité , à toutes les découvertes
cachées dans le fein de la nature, comme
le prouve la fuite de celles qui ont été faites pendant
onze années, depuis 1787, époque de l’éta-
blifîement de cette nomenclature, jufqu’au moment
où j’écris ceci. C ’eft le premier exemple de la
création d’une langue fyftématique & analytique
dans une fcience. L’heureiix fuccès qui en a fuivi
l ’admiffion, permet d’efpérer qu’on en fera une
utile application aux autres fciences phyfiques, &
déjà les eflais tentés dans les nomenclatures anatomique
& minéralogique juftifient cette première
efpérance.
Le fyftème de nomenclature méthodique de voit
entraîner à fa fuite le changement des lignes ou
caractères chimiques, dont l ’ufage eft fouvent fi
avantageux pour expofer brièvement les phénomènes
& les réfultats des expériences, pour faire
une forte de langue unïverfelle & indépendante
des idiomes divers, comme les lettres dans l’algèbre.
Ils n’étoient, dans l’ancienne chimie, que
des emblèmes myftérieux, que des efpèces d’hiéror
glyphes dont les alchimiftes s’étoient fervis pour
envelopper & voiler leurs opérations. Nés de leurs
opinions auffi erronées que fingulières, ils en
avoient, Bc la faufleté, & l’incohérence. Ils étoient
fondés fur les fignatures, les fympathies, fur de
prétendus rapports entre les aftres & les corps fub-
lunaires, ou entre cés derniers eux-mêmes, comparés
les uns aux autres dans leurs propriétés les
plus difparates; ils ne pouvoient donc être confi-
dérés que comme les repréfentations menfongères
d’une fouie d’hypothèfes plus ou moins abfurdes.
Depuis long-tems, & furtout depuis l’époque ou
la chimie avoit fecoué le joug de l’alchimie, les
phyficiens ne s’en fervoient qu’à regret, & fe
plaignoient fans cefle de leur faufleté ridicule. Le
Chimie* Tome V.
moindre de leurs défauts étoit de n’offrir rien de
fyftématiquè , rien de comparable entr’eux , Bt
cette incohérence devenoit plus frappante à me-
fure qu’on étoit obligé d’en ajouter quelques-uns
pour exprimer des fubftances nouvellement découvertes
, comme on peut le voir dans les tables
d’attrapions chimiques données par Bergman, dans
lefquelles cet illuftre chimifte avoit cependant effayé
d’aflujettir la forme des caractères à quelque méthode.
Cependant aucun chimifte n’ avoit pu changer
ces anciennes fignatures, ces.emblèmes fan-
taftiques, tant que la fcience, également obfcure
& myftérieufe dans fa nomenclature , ne leur four-
nifloit aucune bafe folide pour opérer ce changement
fi défilé.
C’eft encore un des bienfaits de la nomenclature
méthodique, que d’avoir non-feulement permis, mais
encore exige impérieufement ce renouvellement
des caractères : elle feule, par fa marche fyftématique
& régulière, a pu diriger dans la création
de lignes deftinés à faire difparoître & à remplacer
fi avantageufement les hiéroglyphes anciens.
MM. Adet & Haflenfratz fe font chargés de ce
travail au moment même où la nomenclature méthodique
a été propofée, & ils l’ont exécuté avec
toute la clarté, la fimpîicité & la méthode qu’on
pouvoit attendre de leurs lumières & de leur fa-
i gacité. Sans faire connoître ici ces lignes, dont la
[ defeription & l’explication feroient entièrement
déplacées, je me contenterai de faire obferver
qu’ils font abfolument d’accord avec la marche de
la nomenclature méthodique ; que les caraCtères pris
dans des figures fimples, la ligne droite ou brifée,
le demi-cercle, le cercle, le triangle, le quarré,
pofés de diverfes manières, expriment les matières
fimples ; que chacun de ces caractères forme un
genre deftiné à repréfenter un genre de corps analogues
les uns aux autres, dont les efpèces font
enfuite déterminées par leur pofition relative , Bc
par l’addition de la lettre initiale du mot qui appartient
à chacune d’elles ; qu’en unifiant ou liant
deux de ces caraCtères fimples, les auteurs ont ainfi
repréfenté des compofés binaires, dont l'image
retrace même , par les difpofitions refpeétives des
! deux lignes alliés, la proportion de chacun de leurs
compofans ; qu’ainfi ils font parvenus, par une
méthode ingénieufe & fimple, à réfoudre la plus
grande partie du problème important qu’ils s'é-
toienc propofé ; favoir : de peindre , par des figures
& des emblèmes, la nature fimple ou compo-
fée des corps, leur odre de compofition ou le
nombre de leurs compofans, ainfi que la proportion
générale de leurs principes conftituans.
Ces lignes fimples, très-diftinéts , auffi faciles à
reconnoître qu'à écrire , en formant une férié
méthodique Bc fyftématique de caractères chimiques
fondés fur les mêmes bafes que la nomenclature
, & deftinés comme elle à repréfenter, fans
arbitraire & fans hypothèfe, tous les réfultats des
expériences, ont aufli comme elle l’avantage dJo£-