
une portion de l’hydrogène compofant le kermès,
& par-là altérer fa couleur ( i) , je fis bouillir de
IVau filtrée} je la biffai refroidir à l’abri du contact
de l’air, & je lavai divers kermès comparativement
avec cette eau & avec de l’eau aérée, ,tk je
vis conftamment que les kermès lavés avec de l’eau
bouillie étoient infiniment plus beaux, plus colorés
que ceux lavés avec de l’èau aérée ; c’eft au
point qu’en les lavant à un grand nombre de reprîtes,
on les rend abfôlument couleur de bois,
& je fuis perfuadé qu’à force de les laver ainfi
on finiroit par les rendre tour-à-fait blancs , puif-
qu’alors on auroit brûlé tout l’hydrogène qui ,
comme on le démontrera bientôt, eft le feul principe
colorant du kermès.
» Je fis de plus une autre opération, toujours
avec les mêmes proportions, & ayant égard aux
mêmes circonftances. Je reçus une portion de la
liqueur dans une terrine échauffée par la vapeur
de la matière en ébullition, & l’autre partie dans
un flacon échauffé de la même manière : on bouche
de fuite hermétiquement ce flacon, rempli de
manière à ne point laiffer d’air entre le bouchon
& la liqueur. Laliqueur de la terrine fut fortement
agitée avec cinq ou fix petits tubes de verre liés
enfemble en forme de balai : on agite cette liqueur
environ deux heures & dans un courant d’air, toutefois
à l’abri du contaft de la lumière. Le kermès
agité fut infiniment moins coloré que celui du
flacon. L’oxigène de l’air ( il n’y a pas de doute)
avoir changé la nature du kermès; car on ne fau-
roit attribuer cette différence fi notable à la précipitation
rendue plus prompre par l’agitation. Le
jour que je fis cette expérience il faifoit très-
chaud, & le flacon bouché fu t, pour prévenir
cette objection, arrofé de tems en tems avec de<
l ’eau froide. -
'*> Rouelle a voit donc une forte de raifon de dire
qu’il n etoit pas ind fférent de faire le kermès fous
une cheminée où le courant d’air eft ordinairement
très-fort, ou bien au milieu d’un laboratoire.
» Je refis enfuite du kermès, toujours avec les
mêmes proportions, en recevant la liqueur dans
une terrine à moitié pleine d’eau filtrée & froide:
le kermès fut très-vilain , très-pâle & tirant fur le
jaune. Je penfai que la précipitation, devenue très-
prompte, devoit contribuer à produire cet effet.
Je refis certe expérience en recevant la liqueur
clans une terrine à moitié pleine d’eau bouillante
filtrée : le kermès étoit moins vilain que le précédent,
mais il étoit encore altéré. Une raifon qui
( i) On fait que l’eau diflouc une afTez grande quantité
d’air , & que l’oxigène dans cet air eft dans des proportions
beaucoup plus fortes que dans l’air îttmofphérique ( il y en a
ordinairement jufqu’ à 0,32) , & l’on conçoit , étant en outre
à l’état liquide , avec quelle force il doit agir fur les corps,
& eonftquemxa.ent fur l ’ hydrogène, le plus combuftiblç de
tous.
en grand feroit bien foible , mais qui peut en être
une en petit, eft l'obfervation que je fis. J'apper-
cevois chaque fois un précipité blanc dans l'eau
de la terrine auflitôt que la liqueur du kermès étoit
en contaft avec elle : ce précipité étoit du carbonate
de chaux, provenant de la double décompo-
fition du Calfate de chaux contenu dans l'eau de
la terrine par le carbonate de pouffe de la liqueur
: du kermès.
» Je reconnus alors qu’il convenoit, ainfi que
je l’avois fait précédemment & que je l’ai toujours
fait depuis, de recevoir la liqueur dans des
terrines échauffées par la vapeur de l'eau bouillante,
ou, ce qui eft la même chofe, par la vapeur
de la matière’ en ébullition. Quand on reçoit la
liqueur dans un vafe froid, le kermès n’ell jamais
beau.
» Les proportions les plus favorables de potaffe j
de fulfüre d’antimoine & d’eau connues, fans
toutefois avoir encore obtenu de beau kermès
il n’y avoif plus à faire de recherches que fur les
proportions les plus favorables aufti de fotifre &
d antimoine conftituant le fulfure d'antimoine.-
» Il eft bien probable que la nature n’offre pas
le fulfure d'antimoine compofé toujours des mêmes
proportions de foufre & d’antimoine. Le tems
ne m a pas permis d analyfer comparativement les
divers fnifures d’antimoine répandus dans lè commerce,
travail que je m’étois propofé d’abord;
mais cette probabilité eft fi grande, qu'elle peut
être regardée en quelque forte comme une chofé
certaine ; du moins tout l’annonce, les variétés
de forme & de couleur qu'il préfenre ( i ) , & la
manière dont on l'obtient en le chauffant dans des
pots pour le féparer de fa gangue. On conçoit que,
fi par fois cetre gangue eft fulfureufe , la fufion
doit neceffairemenf ajouter au fulfüre d’antimoine
une plus grande proportion de foufre qu’il n’ en
avoit d’ abord, & les expériences fuivantes vont
faire connoitre combiendes proportions plus ou
moins grandes de foufre dans le fulfure d'antimoine
influent fur la couleur du kermès.
” J® pris feize grammes de fulfure d'antimoine
pulvérifé, que je broyai avec deux grammes de
foufre jufqu'à ce que le mélange fût parfait; j'ajoutai
trois cent foixante grammes de potafle du
commerce, & quatre mille grammes d'eau filtrée;
je fis bouillir demi-heure, filtrai, biffai repofer
vingt-quatre heures, filtrai, lavai & fis fécher.
J obtins un kermès plus beau que tous les prépé-
H L e to lè re d’antimoine affe&e quelquefois des formes
determinables, mais le plus fouvent indéterminables. Les
premières font : le fu'fure d’antimoine quadriottonal, de le
fulfure d antimoine fexoôonal $ les autres font \ le fulfure
d antimoine cylindroïde , le fulfure d’antimoine acidulaire,
le fulfure d antimoine capillaire, ou mine d’antimoine en
plumes ( de Born) , & le fulfure d’antimoine amorphe ( en
malles informes) . W 'o y n Haüy, Minéralogie, tome I V ,
page 2 6 6 .) -
dehs; il étoit peu foncé en couleur, mais léger,
brillant, & d’un brun tirant un peu fur le rofe.
93 Dans une fécondé expérience je pris feize
grammes de fulfure d’antimoine pulvérifé, que je
triturai , broyai parfaitement avec huit grammes
de foufre fublimé ; j’ajoutai trois cent foixante
grammes de potaffe du commerce, quatre mille
grammes d’eau, & j’opérai 2 la manière ordinaire.
J’obtins cette fois un kermès blanc y du moine* il fe
précipita, par le refroidiffement, à la manière du
kermès, une poudre blanche formée, comme lui,
d oxide d’antimoine & de foufre, mais point d’hydrogène
fulfuré. Bientôt enfin on en connoîtra
l’anaiyfe.
93 Comme cette forte de kermès blanc m’étonna
beaucoup d’abord, je répétai cette opération fix
fois au moins , & j’obtins conftamment, par le
refroidiffement, un précipité blanc.
■ 93 Je refis enfuite deux ou trois opérations , où
j’employai des proportions beaucoup plus fortes
de foufre ; je n’obtins, par le refroidiffement,
aucune efpèce de précipité. On conçoit que le
kermès qui a dû fe former dans ces opérations , a
dû être retenu en diffolution par la grande quantité
de fulfure hydrogéné de potaffe réfnltanee de
l’addition du foufre ; aufli la liqueur précipitoit
abondamment par les acides ; ce précipité étoit
femblable au foufre doré.
» Ayant ainfi augmenté progreflïvement les proportions
de foufre, je réfolus de les diminuer de
la même manière, ou, ce qui eft la même chofe;
d’augmenter les proportions de l’antimoine. Je fis
fon dre enfemble une partie d’antimoine & deux
de fulfure d’antimoine ; je remuai le mélange jufqu’à
ce qu’il fût refroidi ; je réduifis cette matière
en.poudre impalpable; j’en pris feize grammes,
que je fis bouillir, à la manière ordinaire, avec
trois cent foixante grammes de potaffe, & quatre
mille grammes d’eau. J’obtins un kermès infiniment
plus riche en couleur que tous ceux obtenus
jufqu’ alors ; il étoit d’un brun très-foncé ,
mais n etoit nullement velouté; il étoit terne tk
mat.
H 3:>'Je fis une autre opération avec des proportions
égales d’antimoine & de fulfure d’antimoine:
le réfultat fut à peu près le même ; le kermès obtenu
étoit très-foncé, mais terne.
*> Je répétai ces deux dernières opérations, en
employant huit mille grammes d’eau au lieu de
quatre mille grammes : les kermès obtenus furent
moins beaux.
» Il ne me reftoiVplus alors qu’à trouver la
durée la plus convenable de l’ébullition. On fait
que les auteurs preferivent de faire bouillir une
derhi-hebre, d’autres deux heures, & que d’autres
n’en déterminent point le tems. Penfant que
c etoit une circonftance effentielle à confidérer
pour obtenir le kermès beau & toujours fembla-
hle , je pris , comme à l’ordinaire, feize grammes
de fulfure d’antimoine pulvérifé, trois cent foixante
grammes de potaffe du commerce ,• & quatre millé
grammes d’eau. Je fis bouillir une demi-heure ; j'en
filtrai une portion dans un vafe échauffé par la
vapeur de l’eau bouillante ; j’ajoutai dans la chaudière
une quantité fuffifante d’eau pour que la
maffe totale fût égale à celle de la première opération,
& conféquemnient qu’on ne pût pa's attribuer
les différences qui auroient pu exifter entre
ces kermès à la précipitation plus prompte, an
rapprochement des molécules, plus grand dam la
fécondé opération que dans la première , dans la
troiiîëme que dans la fécondé , à raifon de l’évaporation
de l’eau ; je fis encore bouillir une demi-
heure , je filtrai une portion de la liqueur, je rajoutai
de 1 eau, & ainfi de fuite jufqu’à cinq fois ;
je laiffai repofer vingt-quatre heures, je filtrai,
lavai, fis fécher, & je comparai ces différens kermès
: les quatre derniers étoient à peu près fem-
blables, mais le premier étoit infiniment moins
terne, moins mat que ceux-là; il étoit plus léger,
& avoir un peu de brillant.
» J’avois remarqué dans cette longue fuite d’opérations
, que fouvent il y avoit fur les parois des
vafes où fe précipitoit le kermès, des.criftaux de
fulfate de potaffe, & qui formoient quelquefois
une pouffière blanche qui altéroit le kermès, Sc
dont on le débarraffoit difficilemest, ce fel étant
peu foluble dans l’eau froide. Aufli je réfolus de
ne me fervir déformais que de potaffe purifiée par
la criftallifation ; ainfi je fis diffoudre dans l’eau la
potaffe, je filtrai, fis rapprocher ^ laiffai repofer
le iulfate de potaffe criftallifé ; alors je décantai
& j’évaporai jufqu’à ficcité, & j’ obtins ainfi de la
potafle débar raflée en-grande partie au moins, du
lui fa te de potafle, qui, d’après M. Vauquelin, en
faifoit les tï-^ï de fon poids. Toutefois les kermès
obtenus à 1 aide de cette potafle étoient encore
mats &: foibles en couleur.
m J ai fait plufieurs opérations avec le carbonate
de potaffe obtenu du tartre : le kermès a été
femblable à celui fait avec la potaffe ordinaire.
» J'ai effayé enfin la potaffe cauftique ; j’ai beaucoup
varié les proportions & les conditions de
l’opération, mais fans réfultat fatisfaifant ; le kermès
toujours étoit foible en couleur & fans velouté
; il étoit même inférieur à ceux fournis par
le carbonate de potafle.
99 J ai fait aufli quelques effais avec le carbonate
de potaffe faturé ; mais ce moyen, qui eût d’ailleurs
été infiniment trop difpendieux, ne réuflit
pas plus que les préçédens, & cela devoit être,
pui(que par l’ébullition , comme on fait, le carbonate
fature efl ramene à l’état de carbonate avec
excès de bafe.
93 Ayant donc, avec la potaffe , épuifé toutes les
combinaifons, varié, de toutes les manières polîi-
bles, toutes les proportions & toutes les circonf-
tances de cette opération fans avoir obtenu du
kermès véritablement beau, je n’avois plus rien
à efpérer de cet alcali ; je fongeai donc à la foude,