
de feux d’artifice imitant les effets de la p o u d r e .
On croit encore que cette compofition étoit depuis
Jong-tems connue des Chinois , & fut apportée
en Europe dans le te ms des croifades.
Quoique j’aie parlé de la p o u d r e à l’article Nit
r a t e de pot as se , je crois devoir reprendre
cet objet avec plus de détails ici, à caufe de fon
importance,
je décrirai d’abord les procédés aéluels pour pré«*
parer le faîpêtre raffiné ou pur, le foufre & le
charbon j je parferai de là à la description des deux
principaux procédés de la fabrication de la p o u d r e ,
& je terminerai par des remarques fur l’état aétuel
dé cette fabrication.
Du faîpêtre & de fou raffinage.
Le faîpêtre ou nitrate de potaffe étant l’ingrédient
principal de la p o u d r e , il eft fort effentiel de
traiter de fon raffinage.
Au lieu des trois cuites qu’on lui faifoit fubir
autrefois, on le raffine aujourd’hui par une feule
fonte à chaud, qui fertà en féparer le fel marin
(par la concentration du liquide ) & les écumes,
enfuiteonle fait criftallifer dans un grand baffin
de cuivre, en troublant continuellement la liqueur
avec de longs bâtons (ou rabots faits comme ceux
avec lefquels on agite la chaux en l’éteignant ) ;
il en réfulte un nitre en petits criftaux pulvéru-
lens, que l’on retire du criftallifoir avec une écumoire
pour les dégager de Peau-mère,
On place ce fel dans, des cuves de bois en forme
de trémies, dont le fond eft percé, & l’on verfe
deflus, à plufieurs reprifes, une eau faturée de
nitrate de pouffe , laquelle diffout les Tels à bafes
terreufes , qui pourroient être reftés dans le fal-
pêtre : c’eft ainfi que fe termine l’épuration de ce
fel.
Autrefois les pains defajpêtre de troifième cuite
étoient plufieurs mois à fécher 5 maintenant le fai-
pêtre en petits criftaux, lorfqu'il a bien égoutté
dans les cuves de leffivage, eft placé dans des baf-
fins de cuivre chauffés par la partie rampante de la
cheminée des chaudières, & il fèche parfaitement
en quelques heures.
Ce procédé n’eft en vigueur que depnis huit 3
dix ans dans les ateliers de la Régie 5 il procure
une grande économie de çombuftible 8c de tems |
& une extrême facilité pour le féthage. Mais en
féparant les fels déüquefcens par un fimple lavage
à froid, avec une eau faturée de nitrate de po-
ta(Te, dont le degré de faturajion 8c la propriété
diftolvarite doivent varier comme la température,,
©n doit compter beaucoup fur la fagacité 8c le
degré d’attention de l’ouvrieç chargé de cette
©pératioo..
Du. charbon..
On peut employer différens bois pour la con-
fe<3;io.n d.e h p o u d r e h o c cependant le choix enue
eux eft d’une grande importance pour la bonté de
la compofition. Cela a été reconnu par la Régie
des p o u d r e s 3 où toutes les connoiffances relatives
à cet art font poufiees autant qu’elles peuvent
l'être. Cette adminiftration a publié fur cet objet,
il y a huit ans, une inltruéïion que j’inférerai ici.
M a n i é r é d e p r ép a r e r le ch a r b o n p o u r la c o n f e c t io n de
la p o u d r e , 'p u b lié e p a r la R é g ie d e s p o u d r e s en
i8co.
O b f e r v a t io n s g én é ra le s f u r le c h a r b o n .
Faire du charbon, c’eft dégager la partie fibreufe
d’un végétal de fes principes volatils & fluides
par Paétion du feu, pour en obtenir, dans fon plus
grand état de pureté, le carbone qui y exifte tout
formé. Les charbons offrent des propriétés phy-
fiques différentes, qui réfultent de la nature des
végétaux dont ils proviennent. Si on carbonife un
bois d’une forte confiftance, le charbon en eft
dur,fonore, pefant, 8 c conferve une partie de
l’organifation du végétal} il eft au contraire friable
, léger 8c fpongieirx s’il provient d’une plante
tendre, qui contienne beaucoup de principes vo-
: latils 8c fluides.
P r o p r ié t é d u charbon, p o u r la fa b r i c a t io n d e la p o u d r e .
La combuftibilité varie fuivant les mêmes cir-
conftances : l’un ne brûle que lentement, ne fe
réduit en cendres qu’avec difficulté, 8 c préfeme
beaucoup de réfidu* l’autre s’ailume facilement,
produit une flamme, fe confume très-vue, & fait
peu de cendres. Il eft facile de fentir laquelle de
ces différentes propriétés doit déterminer fur le
choix des bois propres à fournir le meilleur char*
bon pour la fabrication de la p o u d r e .
C h o ix , d e s b o i s .
Il eft confiant que le bois tendre & léger, qui
fournit un charbon friable^ poreux , d’une com-
bùftibilité rapide , & donnant le moins de réfidu,
par conséquent plus de carbone y doit être celui
qui réunit les conditions exigées pour cet emploi.
Ces conféquences ont dû être fuivies d’un grand
nombre d’expériences 8c de recherches fur tes différentes
efpèces de charbon,. à la fuite defquelles
on s’eft arrêté à celui provenant du bourdaine.
B o u r d a in e^
Cette plante, défignée dans Linné fous le non»
de r h am n u s f r a n g u la y 8c claffée par Juffieu dans la
famille des nerpruns,, eft un arbriffeau qui croit
dans les lieux humides > & ne s'élève guère qu’à
la hauteur de deux à. trois mètres..
Long-tems le bourdaine a eu la préférence fur
tons les autres, bois poux la.fabrication:du. charbon
à poudre. Peut-être cette exclusion en FaVeur du
bourdaine a-t-elle eu pour caufe l’empire de l’ha-
bkude à la fuite des premiers effais 5 peut-être
aulfi a-t-elle eu pour but, pendant tout le tems où
la fabrication de la poudre étoit une efpèce de fe*-
cret, de rendre plus difficile la recherche des élé-
mens de la poudre, que le Gouvernement vouloit
fe réferver : quoi qu’ii en foit, le bourdaine paroît
n’être pas le feui des bois propres à la fabrication
de la poudre. Des effais fur cette matière ont été
fairs avec foin par M. Letort. On fait que cet ancien
régiffeur, ayant à coeur d’opérer des perfec-
tionnemens dans la fabrication de la poudre y fe
livroit à toutes les recherches qui pouvoient le
conduire à fon but, avec une ardeur infatigable :
on fait auffi comment il devint la viélime de fon
dévoûment & de fon zèle pour l’art, dans un effai
fait à Eflonne fur la poudre fabriquée avec le mu-
riate oxigéné de potaffe. Nous lui avons, ainfi que
tous fes camarades, donné tous les regrets qu’il
méritoit : rendons-lui l’hommage qu’ il envioit le
plus , en publiant une partie du réfultat de fes
recherches fur la fabrication de la poudre.
Différentes autres efpèces de bois.
Le 17 avril 1785, M. Letort fit, à la poudrerie
d’Effonne | une épreuve de comparaison entre
les charbons provenans de différentes efpèces de
bois.
Il carbonifa, dans les mêmes circonftances, du
bourdaine, du peuplier, du marronier, du châtaignier
8c du tilleul, fit une compofition dq poudre
avec chacun de ces charbons au même dôfage , 8c eu t, au mortier d’épreuves, les réfultats fui-
vans :
Peuplier, portée moyenne.. 113 toifes 2 pieds.
Bourdaine......................... 110 4
Tilleul...-.................... n o 3
Marronier........................ .110 3
Châtaignier. . ........................ 109
D’après ces.expériences , le peuplier eft celui
qui paroît donner le meilleur charbon. Les autres
bois foutiennent la concurrence avec le bourdaine.
y
D’autres effais ultérieurs, en confirmant ces
données, ont appris que le faule préfente les mêmes
avantages que le peuplier, & que plufieurs
arbuftes, tels que le coudrier ,1e fufain & autres,
peuvent être employés au befoin.
De quelque bois que l’on faffe ufage, il convient
toujours de le couper dans la fève | jamais
lorfau’il eft mort j de choifir les jeunes branches
de cinq à fix ans & d’enlever l’ écorce , parce que
les vieux bois, de même que l’écorce, contiennent
beaucoup de principes terreux.
Il faut éviter également de prendre des branches
trop menues de trop groffçs > il Faut s’arrêter
à la groffçur moyenne de deux centimètres
(environ neuf lignes) : lorsqu’ elles excèdent, il
faut les refendre en quatre, de manière que la
moelle puiffe fe détacner par la combuftion. Les
branches trop menues s'incinèrent facilement &
tournent en déchet, tandis que celles trop groftes
ne fe brûlent pas complètement, & forment un
autre déchet par les brûlots. Ainfi donc il faut
bien égalifer les tiges, les couper à la longueur
de deux mètres , & en former des bottes d'environ
trois décimètres (onze pouces) de diamètre.
Dans ces dimenfions, ces bottes doivent pefer
environ quinze kilogrammes (trente livres).
On peut carbonifer le bois de trois maniérés :
dans des fours, dans des foflls ou en faude. Ce
dernier procédé eft celui employé pour le charbon
de cuifine} les deux premiers feulement pour le
charbon de la p o u d r e .
Manière de faire le charbon dans les fours.
Les fours deftinés à cet ufage ont une voûte
cylindrique en briques, & font ouverts par les
deux bouts : l’ âtre en eft plat, 8 c auffi formé de
briques j il eft établi à la hauteur d’un mètre pour
la facilité de la manoeuvre, & on peut lui donner
trois mètres de longueur fur deux de largeur. La
voûte eft un arc furbaiffé, dont la flèche peut
avoir fix décimètres (un pied dix pouces). Pour
faire le charbon au four , on y place une dixaine
de bottes de bois; on laiffe d’abord les deux portes
oppofées ouvertes > on allume d’un côté avec un
bouchon de paille. Quand le feu eft en activité,
on ferme la porte du côté où l’on a allumé > la
fumée fort par la porte oppofée} on laiffe brûler
en attifant le bois avec un crochet bifurqué, 8c
en repouffant le charbon à mefure qu’il tombe fur
. Pâtre* Quand la carbonifation eft fur le point d’être
complète , on ferme la fécondé porte. Après
un quart d’heure environ on retire le charbon, que
l’on éteint dans des étouffoirs de tôle : on y laiffe
le charbon deux jours pour s’étouffer 8c fe refroidir.
Manière de faire le charbon dans les foffes.
Les foffes à charbon peuvent varier de dimenfions
, ainfi que les fours; mais pour fixer les idées
à cet égard, il fuffit de déterminer celle néceff. ire
pour faire cent myriagrammes (deux mille livres)
au moins de charbon à la fois. Pour cet effet on
creufe en terre une foffe carrée de douze décimètres
( trois pieds huit pouces) de profondeur,
fur trois mètres de large ur 8 c longueur : on revêt
j è fond & les côtes en briques ; on conferve , fur
deux des bords de la fofle, la terre qui en eft for-
tie, après l’avoir dépouillée, à la claie, des pierres
qu’elle pouvoit contenir : fi elle eft de nature
trop pierreufé, on y fubftitue un fable argileux
fuffifamment gras, & facile à mouvoir à la pelle. •
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