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liqueur perd-elle fa couleur orangée ou rouge j
elle s’échauffe parce qu’il y a une condenfation,
un rapprochement de molécules pendant la diffo-
lution ; elle dégage du gaz nitreux, parce que l’or
ne peut être oxidé qu’aux dépens de l’oxigène de
l’acide du nitre.
Cètte diffolution .nitro-muriatique d’or faturée
eft d’une belle couleur jaune pure allez foncée 8c
riche, qu’on compare à celle de l’or fans brillant :
elle eft très-cauftique & fort aftringente ; elle tache
l ’épiderme en le cautérifant ou le détruifant en
une couleur d’un pourpre-violet , qui brunit de
plus en plus par le contaét de l’air & de la lumière,
& qui ne s’en va que par la deftruétion & la chute
•totale de cette membrane j elle produit la même
•coloration fur toutes les matières végétales 8c
animales, fur le marbre, & même fur les pierres
filicées, quand, après l’avoir introduite dans les
filions qu’on y trace à l’aide d’un inftrument d’acier
, on les expofe aux rayons du foleil. En évaporant
cette liqueur, il s’en dégage de l’acide nitrique,
& l’on obtient des criftaux aiguillés d’un
jaune femblable à la couleur des topazes, en octaèdres
tronqués ou en priÇmesquatirairgulaïres. Mais
il eft bien reconnu que la d-ff.;lation faite avec
les deux acides purs 8c fansbafes les fournit aufti.
On les obtient plus facilement îorfqu’après avoir
évaporé la diffolution plus qu’à fa moitié, on y
ajoute un peu d’alcool reétifié : ces-criftaux fe
colorent en rouge par le conraét d’une vive lumière}
ils attirent 1 humidité de l’air, & fe fondent
fpontanément. Le produit de cette déliquef-
çence eft la diffolution la plus concentrée. En
chauffant par degrés, dans une cornue, la diffolu-
tion nitro-muriatique d’or, il paffe après l’acide
nitrique , de l ’acide muriatique qui entraîne de
l ’o r, 8c même des criftaux jaunes-rougeâtres de
muriàte d’or.* la liqueur muriatique nicreufe très-
colorée qui s’élève en même tems, écoit nommée
lion rouge par les alchimiftes. Si on évapore la.
diffolution à ficcité, on obtient un muriate d’or
fec qu’on peut réduire à un grand feu, 8c qui laiffe
de l’or duétile après avoir donné du gaz oxigène.
II eft bien reconnu, par Bergman 8c par plusieurs
autres chimiftes modernes, que le fel qu’on extrait
de cette liqueur n’eft que du muriate d’or & non
du nitto-muriate, comme dn l’ avoit cru. J’ai déjà
fait remarquer que l’acide muriatique décompo-
foit le nitrate d’or. Il eft facile de concevoir qu’on
doit former également un muriate d’or en chauffant
ce métal avec un mélange d’alun , & furrout
de fulfate de fer, de nitre & de fel marin ; auffi
emploie-t-on fouvent ce mélange, ou d’autres
analogues, pour enlever l’or de deffus les vieux
cuivres dorés.
Le muriate d’or, fi reconnoiffable à fa forme,
fa couleur, au pourpre dont il teint les matières
organiques., eft très-diffoluble dans l’eau. Le phofphore
Je décompofe par la voie humide, oc en
fépare l'or réduit. Le gaz hydrogène en fépare j
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également l’or. Si on plonge dans fa diffolution
i faturée un bâton de phofphore, il fe recouvre
| d’un cylindre d’or duétile, qu’on peut en féparer
en fondant le phofphore qu’il enveloppe dans l’eau
chaude. Le foufre qui brûle 8c l’acide fulfureux
le décompofent très-rapidement. Si l’on verfe dou*
cernent au muriate d’or liquide dans de l’acide
fulfureux , il fe forme une belle pellicule d’or à la
furface, & il fe précipité fur-le-champ de l’or en
petits grains criftallins. Madame Fuiham, anglaife,
a employé ces précipitations de l’or par le phofphore
, le gaz hydrogène 8c le foufre brûlant, pour
dorer des étoffes imprégnées de diffolution nitro-
muriatique de ce métal j elle l’a également appliquée
à quelques tracés dorés fur des cartes géographiques}
elle en fait une efpèce de dorure, qui
peut avoir fon utilité dans beaucoup de cas; elle
a remarqué que cette précipitation n’ a lieu dansf
la diffolution d’or, ainfi que dans celles de l’argent
8c du plomb, que quand elles font à l’état liquide}
qu’elle ne s’opère pas également avec les fels mé-
tailiquès foliies. Madame Fuiham n’a pas été fî
heureufe dans l’explication de ce fait , quand elle
a voulu l’employer pour élever une théorie réellement
inutile & fuperflue d’aprè? la néceffité de
la préfence de l'eau relativement à une prétendue
décompofition de ce liquide. Cette théorie n’étoit
pas néceffaire, puifque l’on concevoit très-bien
l’influence de cette condition de la liquidité des
fels métalliques pour les divifer en leur fàifant
préfenter plus de furface, 8c en fervant à fixer les
gaz réducteurs entre leurs propres molécules. Les
gaz hydrogène phofphoré 8c fuifuré produifent
le même effet fur la diffolution de muriate d’or.
Les fulfures & les hydrofulfures. alcalins la précipitent
en un oxide d’or fuifuré facile à décom-
pofer par le feu, à caufe du peu d’adhérence du
foufre 8c de l’oxigène à l’or.
Toutes les matières terreufes & alcalines ont la
propriété de décompofer partiellement le muriatô
d’or, & d’en précipiter un oxide d’or jaune, qui
eft l'extrême de l'oxidation de ce métal, purfqu’il
contient à peu près 0,10 d’oxigène. On obferve
cependant que les alcalis fixes ne le précipitent
que lentement 8c difficilement} que fi on en met
une plus grande quantité qu’il n’en faut, le précipité
fe rediffout, & donne à la liqueur une couleur
rougeâtre. Cette diffolution de l’oxide d’or par
les alcalis fixes eft la raifon qui rend la précipitation
lente 8c difficile : il fe forme des fels triples
qui n’ ont point encore été examinés. L’oxide d’or
ainfi précipité devient pourpre par fon expofition
à la lumière} il donne du gaz oxigène, & fe réduit
en or très pur par i’aétion du calorique. Les acides
fulfurique, nitrique, muriatique, fulfureux,phofi
phorique & fluorique le difîblvent ou s’y unifient
facilement, tandis qu’ils n’agiffent point fur l’oxide
pourpre} ce qui prouve que l’oxidation de l’or en
poudre jaune lui donne bien plus d’ôxigène que
‘ ceHe en poudre violette ou pourpre, & que le
premier.
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premier oxide eft feul diffoluble dans les acides,
tandis que l’oxide pourpre ne peut pas s’y combiner.
La plus remarquable précipitation du muriate
d‘or eft celle qui a lieu par l’ammoniaque 5 elle
donne naiffance à ce fingulier compofé qu’on a
norrïmé or fulminant 3 & qui a été trouvé long-
tems avant l’oxide d’argent ammoniacal, mais dont
la véritable nature 8c la caufe de la propriété fulminante
étoient reliées ignorées jufqu’au moment
où M. Berthollet a fait connoître ce dernier compofé
analogue, qui n’en diffère que par une beaucoup
plus grande énergie. Il n’y a pas de produit
chimique qui ait été autant examiné par les chi-
mifl.es, que celui-ci. On peut prendre une idée
fatisfaifante des recherches nombreufes faites fur
ce compofé par les différens chimiftes, en lifant
le Truité de ïo r t configné dans le premier volume
des Infiitutions chimiques de Wafferberg , publiées
à Vienne en 1778. On y trouvera un expofé très-
bien fait, très-complet 8c très-long des expériences
connues jufqu’à l’époque où ce favant chi-
mifte a ‘écrit. La longueur même de cet article
prouve cependant que la connoiffance de Yor fulminant
n’étoit pas encore complète, tandis que
l'état avancé de la fcience par la doctrine pneumatique,
en exigeant beaucoup moins de details,
préfentera cependant un enfemble bien plus fatif-
faifant, 8c des idées beaucoup plus exactes fur ce
compofé. Quelques lignes remplaceront ici plu-
fieurs pages du Traité de Wafferberg, 8c feront
difparoîrre les lacunes nombreufes que laiffe cette
partie de fon ouvrage, fi intéreffanr 8c fi utile
cependant pour ceux qui veulent approfondir tous
les traits 8c toutes les époques de ffhiftoire de la
chimie. Cette précifion qui m’eft permife ici, 8c
qui offrira cependant des faits plus nombreux que
ceux que Wafferberg a laborieufement accumulés
dans fon long article, eft une preuve bien forte de
l’avantage de la doctrine pneumatique, 8c de la
hauteur où la fcience a été portée par les travaux
des Français.
Pour préparer Yor fulminant ou l’oxide d’or
ammoniacal, on étend une diffolution nitro-muriatique
d’or de trois ou quatre fois fon poids
d’eau diftiliée : on y verfe de l’ammoniaque cauf-
tique peu à peu, 8c jufqu’ à ce qu’ il ne fe fafle plus
de précipité, en ayant foin de ne point en ajouter
plus qu’il n’en faut, car l’excédent diffout. facilement
l’oxide fufpendu dans ta liqueur. On le lave
avec foin, 8c on le fait fécher lur des papiers à
Tair} puis on le renferme dans des vaiffeaux bouchés
de liège ou recouverts de fimple papier. Ce
précipité eft d’un jaune-roux } il pèfe environ un
quart de plus que l’or qui étoit diffous. Quelques
auteurs prétendent qu'il augmente en poids du
tiers de l’or. Cette augmentation de poids ne dépend
pas feulement des corps falins qui l’accompagnent
dans fa précipitation , mais encore de
Foxigène qui eft uni à l’or. On obtient également
Chimie. Tome
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ce précipité fulminant en décompofant une diffolution
de l’or faite par l'acide mixte compofé d a-
cide nitrique 8c de muriate d’ammoniaque par un
alcali fixe, parce que celui-ci commence par féparer
l’ammoniaque qui fe porte fur le muriate
d’or. En un mot, toutes les fois qu’il y a de 1 ammoniaque
dans la diffolution d’or, ou de quelque
manière qu’elle y foit portée, on a le corps inflammable
8c détonant lorfqu’on décompofela diffolution
par une matière alcaline telle qu’ elle foit.
Ce dernier fait général réfulte des expériences de
Bergman, confignées dans fa Differtation de Calce
auri fulminante. Bafile Valentin , qui a décrit le
premier cette fingulière préparation, avoit déjà
remarqué qu’elle détonoit également Par c^a”
leur, par le frottement 8c par la percuffion. Dans
tous ces cas, le bruit produit eft beaucoup plus
fort que celui de la poudre à canon 8c de 1a poudre
fulminante. Lewis comparoit le fon de l’or fulminant
à la vibration d’une corde courte 8c bien
tendue, 8c celui de la poudre à canon au fon
rendu par une corde longue 8c plus lâche.
Plufieurs exemples fâcheux, recueillis dans les
Mémoires académiques 8c dans les ouvrages périodiques
, montrent que l’or fulminant détone par
la fimple preffion ou par le frottement. Cette a {Terri
on eft prouvée, d’une manière irréfragable , par
l’accident terrible arrivé chez Baumé, par un gros
d’or fulminant qui a détoné pour avoir été frotté,
dans-quelques-unes de fes molécules, entre le
bouchon de crîftal 8c le goulot du flacon qui le
contenoit, 8c dont une partie feulement, qui a
brûlé, a brifé, avec une violente détonation, le
vafe de verre dont les fragmens ont crevé les deux
yeux du malheureux qui avoit eu l’imprudence
d'exciter lui-même le frottement. On s’en convainc
en frappant avec un marteau un peu de cette
poudre placée fur un tas d’ acier : on apperçoit une
petite flamme au moment où la détonation fe fait
entendre, 8c l’on trouve l’or réduit fur l’acier. En
’obfervant avec foin l’or fulminant expofé au feu
en très-petite quantité fur une lame de fer ou
d’argent, on voit qu’il prend une couleur brune :
auffitôt on apperçoit une lumière au moment où
l’or fulmine, 8c il refte fur la lame une trace d'or
très-pur 8c mat. En fai fan t détoner un peu de ce
produit dans une grande cloche de verre fur les
parois de laquelle on l’a appliqué, 8>c en approchant
de ce point un charbon allumé, on trouve,
après la fulmination , la cloche couverte de petites
étoiles d’or. Les lames métalliques qu’on place
deffus au moment de fa détonation , fe creufenc
ou fe percent dans l’endroit qu’il frappe > elles font
auffi tancées à de grandes dtftances, 8c il eft facile
de prouver par-là que l’ or fulminant frappe l’air
en tous Cens. L’étincelle éle&rique foudroyante
produit auffi la détonation de l’or fulminant.
Bergman a vérifié qu’ en expofant l’or fulminant
à une chaleur très-douce, non-feulement il ne ful-
* .mine pas-, mais on lui ôte ainfi fa propriété lulnu^-
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