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détachée d’un rocher, qu’elle fendit en deux, &
que le choc mit elle-même en pièces.
« Les mêmes perfonnes nous dirent qu’ils foup-
çonnoienc qu’une autre pierre étoit tombée dans
le yoilînage , ayant entendu diftinêtement le coup
qui leur avoit paru venir du côté-de l’eft. De
retour à cet endroit après une excurfîon de quelques
heures dans un autre quartier de la ville,
nous apprîmes avec plaifîr que leur conjecture
s etoit vérifiée, & qu’ils venoient de découvrir
une mafte du poids de treize livres, tombée à un
demi-mille nord-eft de la maifon de M. Prince.
Comme elle étoit tombée dans une terre labourée,
fans rencontrer de rocher dans fa chute, elle
le partagea en deux morceaux, donc l’un poffède,
dans un degré éminent, tous les caractères de la
pierre. Nous l’achetâmes; car cette matière devient
aujourd’hui un objet de commerce. Ces bonnes
gens prioient le ciel de leur énvoyer cette nouvelle
efpèce de tréfor, & qu’il leur fût poffîble de
vendre très-cher leurs pierres a tonnerre. Ce commerce
, il faut en convenir, eft beaucoup mieux
entendu que la méthode prefque généralement
adoptée par les premières découvertes de ce genre.
Frappé de l’idée que ces ■ pierres renfermoient de
l*or & de l’argent, on les foumettoit à toutes les
expériences de l’ancienne chimie* l e créufet de
1 orfèvre, l'enclume & le marteau du forgeron
travailloient en vain à extraire ’des richeffes qui
n’exiftent que dans l’imagination.
» A deux milles fud-elt de la maifon de M. Prince,
au pied delà colline de Taihôwa, il eft tombé une
première mafte. M. Éphraïm Porter & fa famille,
qui habitent à quarante verges de cet endroit,
entendirent diftinCtement fa chute. Ils apperce-
voient, de l’endroit où ils demeurent, s’élever de
la fumée qui leur parut d’abord fortir de la colline
, lorfque le choc d’une autre pierre vint frapper
leurs oreilles. Comme ils n’avoient jamais
entendu parler d’une chofe pareille, ils fuppofè-
rent d’abord que le tonnerre étoit tombé ; mais
trois ou quatre jours après , ayant ouï dire qu’on
avoit trouvé des pierres dans leur voifinage, ils
fe mirent à chercher, & apperçurent fur la route,
à l’endroit qu’ils croyoient avoir été frappé de la
foudre, une mafte de pierre. Elle étoit entrée
dans la terre à la profondeur de deux pieds :Tou-
verrure , qui avoit vingt pouces de diamètre,
étoit, fur les bords, d’une couleur bleuâtre provenant
de la pierre réduite en pouftière dans fa
chute.
» Elle fe brifa en plufieurs morceaux d’une
groffeur affez forte, & , d’après les calculs les
plus exaéfo, on peut croire qu’elle peloit vingt ou
vingt-cinq livres.
L’ouverture offroit l’empreinte d’un violent ,
effort; car le gazon étoit contourné & foulé à
quelque diftance.
» Il eft probable que les*quatre pierres que nous
venons de décrire en dernier lieu * furent toutes
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des effets de la fécondé explofion, & l’on peut
avec certitude aflîgner à la même caufe celle qu’il
n’a pas été poflîble de retrouver dans les environs
du lieu dont il s’agit.
» 3°. Nous voici arrivés à ce que ce phénomène
préfente de plus étonnant.
H Une mafte de pierre beaucoup plus pefante
que celle que nous venons de décrire, tomba dans
un champ appartenant à M. Élie Seely, à trente
verges environ de fa maifon. Cette chute fut accompagnée
d’ une circonftanee particulière. M. Élie
Staples, homme d’une probité reconnue , qui habite
la hauteur dominant le terrain ou cette pierre
eft tombée , a été témoin de la première appari-
- tion, de la progreflïon de l’explofion de ce météore.
Après h dernière explofion , un bruit, tel
que celui d'un tourbillon , fe fit entendre à-l’eft
de fa maifon , & paffa auflïtôt après au defiïis de
fon verger, fitué fur le penchant de la colline.
Dans le même inftant brilla au deflus du verger-
un éclair très-vif, qui, décrivant une ligne courbe,
\ parut percer la terre. On fentit une feeoufte, &
| on entendit un bruit femblable à celui occafionné
par la chute d’un corps pefant ; mais on n’en con-
noiftoit pas la véritable caufe; car perfonne du
voilinage n’avoit jamais entendu parler de pierres
tombées du ciel. On fuppofa donc que c’étoit un
coup de foudre. M. Seely, qui vint trois ou quatre
heures après dans fon champ , vifiter fon troupeau
, s’apperçut que quelques-uns de fes moutons
avoient fauté dans l’enclos contigu , & que tous
étoient frappés d’effroi. En continuant fon chemin
, il v it , non pas fans furprife, qu’un morceau
de terre , nouvellement mis en gazon , avoit été
en quelque forte culbuté, ,& que la terre paroif-
foit fraîche, comme fi elle venoit d’être remuée.
Comme il s’avançoit vers cet endroit, il trouva
un amas immenfe de débris d’une énorme pierre ,
& appela auflïtôt fa femme pour la voir.
»Des indices non équivoques d’une violente
collilion fe préfentèrent à leurs yeux. Le Commet
d’un fchifte micacé, couché auprès de cette pièce
de terre, & s’inclinant un peu, comme lacolline,
au fud-efi , fut mis en pièces dans une certaine
étendue par le choc de la pierre 3 qui reçut ainfi
une dire&ion encore plus oblique , & s’enfonça à
trois pieds de profondeur dans la terre , où elle fit
une ouverture de cinq pieds de long, fur quatre
pieds & demi de large, après avoir lancé à cinquante
& cent pieds de diftance d’énormès pièces
de gazon , des morceaux de terre & de pierre.
Quand bien même il n’y auroit eu ni météore, ni'
exploitons, ni de témoins de l’éclair & du choc,
Je feul afpeéfc de cette fcène fuffiroit pour convaincre
l’homme le plus incrédule , qu’un corps très-
pefant étoit tombé du ciel.
» Cette pierre fut brifée en morceaux , dont lé
plus gros ne l’étoit guère plus que le poing. Ils
eurent bientôt été difberfés, car toutes les perfonnes
qui étoient venues vifiter la place, s’étoient
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fait un plaifîr de les ramaffer. Nous avons effectivement
beaucoup de peine à nous procurer des
échantillons de ces différentes pierres. On ne peut
les obtenir qu’à la longue, à force d’importunités,
& en les achetant. D’après les renfeignemens que
l’on nous a donnés fur la quantité des morceaux
de cette pierre, comparée avec fa pefanteur fpé-
cifïque, nous devons conclure qu’en tombant elle
ne devoit pas pefer moins de deux cents livres.
Toutes ces pierres , au moment où on les trouva ,
étoient friables, & pouvoient aifément fe brifer
entre les doigts, furtout au moment ou on les ti-
roit de la terre; car,expofées à l’air, elles fe dur-
ciftoient par degrés. Telles furent les circonftan-
ces qui accompagnèrent la chuté de ces maffes
fîngulières. Nous avons nommé un témoin qui vit
encore ; nous pourrions en citer plufieurs autres ;
mais les preuves que nous avons déjà accumulées
fuffiront fans doute pour convaincre tout homme
raifonhable. Il ne me refte donc plus qu’à les appuyer
de la defcription minéralogique, & de l’examen
chimique des mêmes pierres.
» Les échantillons provenans des différens endroits
font abfolumeht femblables. L’obfervateur
le plus fuperficiel prononcera fans héfiter, que
ce font des portions d’une mafte commune , différente
des autres pierres qui fe rencontrent fur
le Globe.
» Nous ne nous prononcerons pas fur leur forme,
parce qu’on n’a pu obtenir que des fragmens du
grand corps de ce météore. Quelques-uns de ces
fragmens pèfent une livre, la plupart moins d’une
demi livre, & d’autres ne pèfent qu’une once. Le
morceau que M. Bronfon a entre les mains, eft le
plus grand que nous connoiflïons. Nous en poffé-
dons un qui en approche, & qui pèfe fix livres ;
il eft parfait dans toutes fes marques caraétérifti-
ques ; & nous avons une belle colleêlion d’échantillons
beaucoup plus petits, qui peuvent être
très-inftruétifs. Ces morceaux ont dans leurs formes
une irrégularité qui provient fans doute de la
frafture accidentellement occafionnée par un violent
effort. Dans plufieurs néanmoins, & furtout
dans ceux d’une certaine groffeur, on diftingue ai>
fément des portions de la partie extérieure de ce
météore.
» Ils font couverts d’une croûte d’un noir-clair,
privé d’éclat, & bordés par une grande ligne
courbe, irrégulière , qui paroît avoir renfermé la
mafte. Cette ligne courbe n’eft rien moius qu’uniforme
: on y rencontre quelquefois des concavités
, telles que celles que préfente une fubftance
molle & flexible quand on la preffe. La furface
de la croûte eft rude comme de la peau de chien
dé mer apprêtée, ou comme du chagrin ; elle
donne des étincelles fous le briquet. Certaines
portions de ces pierres font couvertes d’une croûte
noire, qui ne paroît pas avoir formé partie de l’ex-
peneur de ce météore, mais qui a été produite
tntérieurenaent à la fuite de crévaffes & de fê-
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lures occafionnées fans doute par l’intenfité de la
chaleur à laquelle le corps paroît avoir été ex-
pofé. La pefanteur fpécifique de la pierre eft de
3,6, l’eau étant à i. Sa mafte eft de couleur de
plomb ; elle eft parfemée de maffes diflinctes,
de la groffeur d’une tête d’épingle, fur un diamètre
d’un ou deux pouces. Plufieurs de ces
maffes font prefque blanches , & reftemblent
fouvent aux criftaux de feldfpaths que l’on trouve
dans quelques variérés de granit & dans cette efpèce
de porphyre connue fous le nom de vert antique.
» La texture de cette pierre eft grenue & femblable
à la pouftière qui fort des pierres. Elle ne
peut pas fe broyer fous les doigts, mais elle fe
caffe irrégulièrement fous le marteau.
" » En obfervant la mafte, on apperçoit diftinc*
tement trois efpèces différences de matières.
33 iQ. La pierre eft parfemée de maffes globuleu-
! fes, noires, dont la plupart font de forme fphéri-
que ; chez quelques-unes elle eft oblongue & ir-
gulière. Les plus grandes font de la groffeur d’un
oeuf de pigeon. On peut les détacher avec un
inftrument de fer pointu, & elles laiffent un creux
dans la pierre. L’ aimant.ne les attire pas ; elles fe
brifent fous le marteau.
3» i° . On y peut obferver des maffes de pyrites
jaunes, parmi lefquelles plufieurs ont le brillant
de l’o r , & s’apperçoivent aifément à l’oeil.
33 30. Toute la pierre offre des points métalli-
! ques. Plufieurs font vifibles à l’oeil & paroiffent
i en grand nombre. Leur couleur eft blanchâtre :
c’eft ce qui les a fait prendre d’abord pour des
parcelles d’argent. Ils paroiffent malléables, fur-
tout avec le fer & le nickel.
334°. La maffe de couleur de plomb, qui réunit
tous ces objets, a déjà été décrite, & s’étend
fur la plus grande partie de la pierre. Auflïtôt qu’on
l’expofe à l’air, elle fe couvre d’une multitude
de taches rougeâtres, qui ne paroiffent pas au moment
de la fra&ure, mais font évidemment occafionnées
par la rouille du fer.
33 Enfin, cette pierre a été analyfée dans le laboratoire
de notre collège , d’après les procédés
d’Howard, de Vauquelin & de Fourcroy. Cette
opération s’eft faite à la hâte & uniquement pour
donner au public connoiffance de ce phénomène.
Les proportions exactes de cette analyfe demandent
beaucoup plus de tems pour être tranfmifes
aux favans. Il fuffit, pour le commun des lecteurs
, de favoir que cette pierre paroît être com-
pofée des fubftances Suivantes :
»3 La filice, le fer, la magnéfie, le nickel & le
foufre.
33 Les deux premières en forment la plus grande
partie; la troifîème y eft en moindre quantité que
-les deux autres; la quatrième eft probablement
encore moindre. Quant au foufre, il exifte dans
une quantité foible , mais indéterminée,
» Le f e r eft prefque tout entier dans un é t a t