
collection de pierres , on reconnoît qu'un très-grand
nombre dè ces composés minéraux affeCte des formes
régulières, ou préfente des criftallifations plus
ou moins variées. La première idée que les natu-
raliftes ont dû avoir, a donc été que la forme crif-
talline étoit confiante j qu'elle pouvoit fournir un
moyen de claffer & de diftinguer à la fois les
pierres y & qu'elle étoit attachée en quelque forte
à leur nature intime. Linné vit dans la criftalli-
fation des pierres une analogie avec la forme organique
des plantes & des animaux. Suivant lu i, la
forme crifialline, imprimée en quelque manière
chez elles par les fois, repréfentoic une efpèce de
fécondation opérée par les fu-bftances falines,.&
il crut qu'elle pouvoit fervir à les difpofer méthodiquement
comme les organes fexuels dans les
plantes : il établit donc une méthode minéralogique
fur la forme des pierres 3 en tirant leurs
dénominations génériques des fels qu'il en regardait
comme les générateurs. Ainfi le diamant fut
pour lui une efpèce d'alun, & le criftal de roche
une efpèce de nitre. Mais Linné s'apperçut lui-
même qu'il y avoit plufieurs.erreurs dans Ion fyf-
tème; car il féparoit, dans différens genres, des
variétés d'une même fubftance, comme le fpath
calcaire, & il réuniffoit dans le même genre des
pierres très-différentes. Ce célèbre naturalifte ne
connoiffoit d'ailleurs que très-peu de criftaux, &
ne les connoiffoit que d'une manière fort inexacte.
Romé de Lille étudia avec un foin extrême, &
recueillit, avec une patience infatigable, une im-
menfe quantité de criftaux pierreux : il reconnut
les variations 81 même les contraftes apparens de
la criftallifation d'une même fubftance ; il ramena
la diverfité des formes à des types généraux ou
primitifs > il admit & fit reffortir une forme dominante
dafis chaque genre compofé de toutes les
fubftances de même nature, & décrivit les modi-
fications-variées fous lefquelles cette forme fem-
blok femiafquer ; il détermina même la gradation
ou la férié des paffages entre cette même forme
& celle des polyèdres qui fembloient s'en écarter
davantage} il découvrit le premier que , malgré la
diverfité des formes qu'affeCloit une même fubf-
taiDce pierreufe, on pourvoit en reconnoïtre & en
déterminer , jikfqn'àtun certain point , le. caractère
par la valeurconfiante de leurs principaux angles.}
enfin, il expliqua la production des principaux,
polyèdres criftailins., provenans d’une première
forme primitive, par1 des troncatures 5 & quoique
cette dernière méthode- fût une erreur, on doit
dire que ce travail de Rome de Lille eft une des
plus bel les & des plus utiles recherches qu'on, ait
faice&en minéralogie.
M. Haiiy, en étudiant, après Romé de Lille,
]a manière dont les formes de criftaux pierreux fè
modifioient fuivant ce qu’il a nommé les lois de
décroiffement, dont il fera parlé dans l’article fui-
ta n t , & en paffant en revue toutes les modifiea- 1
tions dont la forme extérieure étoit fufceptible,
a propofé quelques réfultats généraux immédiatement
applicables aux confidérations qui doivent
être préfentées ici.
Les formes criftallines des pierres ne peuvent
pas fervir de caractères pour en diftinguer les efpèces.
Les pierres n'affcCtent ni toutes ni toujours
ces formes. Les métamorphofes nombreufes que
leur criftallifation éprouve, s’oppofent à ce qu'on
trouve dans leur configuration aucun point commun
de réunion propre à lier enfemble celLs qui
appartiennent à une même efpèce. Il ne faut pas
cependant négliger l'étude des formes dans les
pierres ; il faut fe fouvenir que tous les criftaux
d'une même efpèce, ayant de l'analogie par le
nombre.de leurs plans & des côtés qui terminent
ces plans, ainlî que par la difpofition mutuelle des
mêmes plans, ont en même te ms leurs angles conf-
tamment de la même mefure j en forte qu’un feul
criftal, quelque modifié'qu'il foit, peut repréfenter
tous les autres. De cette première vérité, démontrée
par ies recherches de Romé de Lille, il fuit
que l'on peut déterminer, d'après la feule mefure
des angles, toutes les variétés de criftaux pierreux
compris fous une même efpèce, ou bien reconnoïtre
, pour deux efpèces differentes, des criftaux
pierreux de formes analogues s'ils diffèrent
d'ailleurs par la mefure de leurs angles.
Si les formes identiques, comme le cube, l ’octaèdre
régulier, le prifme hexaèdre régulier, &c.
qui fe rencontrent dans desèfpèces très-différentes,
1 s'oppofent à ce qu'on puiffe reconnoïtre, avec cer-
j titude, les minéraux, & à ce qu'on établiffe une
méthode fondée fur la criftallifation, il fuffira alors
de combiner, avec ce premier caractère de la
forme, un fécond caractère facile à faifir, pour
tirer un parti avantageux de cette obfervation fur
les criftaux pierreux. Ainfi donc, quoique la forme
extérieure ne repréfente véritablement que dans
i très-peu de cas les efpèces parmi les pierres, tan*
■ tôt elle fuffit feule pour les indiquer, tantôt il ne
faut que la joindre à quelqu'autre confidéràtion
pour diftinguer convenablement les efpèces.
L'habitude, qui s’acquiert par un long exercice,
eft néceffaire pour reconnoïtre les formes
des pierres qui ne font pas réellement prononcées,
. furtout lorfque les criftaux pierreux font groupés
ou ferrés les uns contre les autres, ou cachés en
partie dans la gangue : il faut mefurer les angles
plans, l'inciinaifon refpeCtive des faces ou des
arêtes. Cette mefure fe prend avec un inftrument
qu’on nomme goniomètre 3 & dont on trouve la
defcription dans le Journal dePhyfique & dans plufieurs
ouvrages de minéralogie.
B. Forme du noyau ouforme intérieure.
La forme extérieure , la* criftallifation apparente
des minéraux dont on vient de parler , n’eft fou-
vent, & prefque- toujours, qu'uné enveloppe qur
recouvre une forme primitive, & qui varie fuivant
certaines lois, tandis que la forme intérieure eft
confiante. Bergman, en étudiant le mécanifme de
la ftruCtiire des criftaux, eft le premier qui ait
confidéré les formes diverfes d'une même fubl-
tanee comme produites par la fuperpofirion de
plans décroiffans régulièrement autour d’un noyau
criftallin d'une-figure confiante. Cette idée-mère,
vérifiée par le célèbre chimifte d'Upfal, fur une
variété de fpath calcaire fraCturée, fut leprife
enfuite, & finguliérement agrandie par M. Haiiy,
qui l’appliqua à une fuite de minéraux criftal lifés, :
qui la généralifa par üp très -grand nombre de !
recherches ingénieufes, & qui trouva les lois na- ■
turelles des déçroiffemens , & par l'expérience,
&■ par le calcul, de manière qu’il s'eft rendu cette
découverte abfolument propre, puifque d'ailleurs,
lorfqu’un hafard heureux de fraCture d'un criftal ■
la lui offrit, il ignoroit abfolument ce que Berg- •
mari avoit fait avant lui. Cette branche nouvelle
de l’étude des minéraux, qui conftitue, dans fa'
partie pratique ou expérimentale , une véritable
criftallotjomie, & , dans fes recherches théoriques,.
une criftallométrie bien différente des notions in* »
cohérentes , vagues & fouvent erronées qu'on
avoit avant les découvertes de M. Haiiy, préfente
aujourd'hui quelques principes généraux qu'on
peut expofer en peu de motsv
Lorfque l’on confidère les fraCtures accident
telles qui fe forment dans les criftaux pierreux par
les. chocs qu'ils éprouvent, on remarque qu'elles?
fe font dans des fens déterminés , particulier^ à
chaque genre de matière criftallifée. Si l'on veut;
divifer ou difféquer les criftaux avec une lame de
couteau, .en frappant ou appuyant avec précaution
fur ces corps naturels, ce qui imite l'art de cliver
fi connu des lapidaires, on obfervede même qu’ils
ne fè prêtent à cette diffeCtion que dans un .fens.
déterminé 5 on reconnoît ce fens à la facilité qu'on
éprouve à détacher les lames du criftal, & à la
furface polie, liffe & brillante de ces mêmes,
lames. A l’aide de cette efpèce d'anatomie, on
parvient à retirer, à extraire en quelque forte
d'un polyèdre extérieur un folide différent du premier,
qui femble fouvent n'avoïr avec lui aucun
rapport, & qui y étoit enfermé ou caché fous une
enveloppe furajoutée : ainfi on extrait un cube
d'un oCtaèdre, d’un dodécaèdre$ un oCtaèdre d'un
cube, un rhomboïde déterminé d’un prifme ou
d’une autre efpèce de rhomboïde, &rc.
Tous les minéraux, & en particulier toutes les
pierres y ne paroiffentpas fe prêter également à cette
divifion mécanique; mais outre que l'expérience
prouve qu'il y en a un beaucoup plus grand nombre
qui s'y prête qu'on ne l'auroit d'abord penfé, on
fupplée à la recherche direCte de leur ftruCture
par l’obfervation des ftries qui les fillonent, par
la pofition des faces que des fraCtures violentes
mettent ».découvert, -ou par l’analogie avec d'autres
criftaux divifibles.
Il eft reconnu que toutes les variétés de forme
extérieure, préfentées dans les diverfes modifications
de la même fubftance ou d’une .fubftance de
la même nature , fe rapportent par la diffeCtion à
une feule & même forme intérieure , à un noyau
identique pourvu du même nombre de faces également
inclinées les unes fur les autres, & fe joignant
fous les mêmes angles : de là la dénomination
de forme primitive pour le noyau intérieur,
& de formes fecondaires pour celles qui diffèrent
de la première , & qui font produites par l’addition
de lames décroitlames fuivant des lois qui ont
été déterminées.
: Ces deux formel, fouvent furajoutées l'une à
l’autre, donnant des variétés de figures quelquefois
très-nombreufes pour une même fubftance,
on peut confidérer toutes ces variétés fous un
point de vue géométrique, comme compofées d'une
quantité confiante, qui eft le #oyau , '& d’une
quantité variable , qui forme l'enveloppe, i l ne
s'agit plus, d'après cetti confidéràtion, que de
trouver la loi de la variation.
Si l'on ôbferve les figures des lames fuperpofées
fur le noyau, on voit que ces lames vont en dé-
croiffant, tantôt de tous les côtés à la fois, tantôt
dans certaines parties feulement, de forte que les
déçroiffemens ont pour terme de départ, tantôt
les arêtes du noyau, & tantôt les angles. Or , c'eft
dans ce décroiffement même , partiel ou totàl, que
confiilent toutes les variétés de formes fécond sires.
Le problème qu'on doit fe propofer: pour
connoître la génération de chacune de ces formes
peut être pofé de la manière fui vante : Étant donné
un criftal Jiconduire , ainfi que la figure de fon noyau
& celle de fes molécules ( fuppofant dé plus que
chacune des lames furajoutées su noyau foit dé-
paffée par la précédente, dans cet tain es parties,
d une quantité égale à une , deux , trois rangées
de molécules ) , déterminer, parmi les différentes lois
de décroiffement, celle d’où, refaite une forme entièrement
femblabié a la prOpofèe par le nombre, lu figure y
la difpofition des faces, b la mefure des angles plans
& folides. Par le calcul appliqué à chaque cas particulier
de forme fecondaire, on trouve une 1-oi
de décroiffement qui fatisfait aux conditions de ce
problème.
On rend de plus les variétés fènfibîes en arrangeant
les folides d'un volume fenfîble, pris pour
des molécules intégrantes, fur un noyau plus gros,
de manière à offrir à l’oeil un exemple greffier,
mais exaél, des difpofitions des lames fur les faces
du noyau, & de la production des diverfes formes
fecondaires par le décroiffement. Une fuite de ces
modèles de ftruCtures, de ces diffeétions de criftaux
fabriqués en bois ou en carton, a été faite
par les foins de M. Haiiy, & l'on peut, à mefure
qu'une nouvelle forme eft connue dans fa génération
, en offrir ainfi le type aux yeux des obferva-
teurs. Il n'y a plus enfuite qu'à réduire , par la
penfée, ce$ folides geofliets en molécules imper