
liqueur refroidie par cette addition, & qui repre- ï
noir bientôt fon bouillon ; on l’écumoit avec foin, j
en ajoutant, à plusieurs reprifes , de le au froide I
pour favorifer la formation des écumes jufqu'à ce I
que celles-ci difparuffent; on féparoit, à l'aide J
a une grande cuiller percée , le fel marin qui fe
criftallifoit à la furface ; on le mettoit dans un
panier placé au deffus de la chaudière, dans laquelle
il s'égouttoit ; on enlevoit toute la liqueur
jufqu'à fon fond trouble avec des puifoirs, & on
la verfoit dans des badines de cuivre qu'on recou-
vroit d'une planche étoupée tout autour pour
éloigner le contaét de l'air; on laiffoit repofer
cette cuite pendant quatre à cinq jours ; enfuite ,
en ouvrant ces badines, on y trouvoit le nitre
criftallifé qu'on faifoit égoutter. C ’étoit le falpêtre
de fécondé cuite, beaucoup plus blanc & plus pur
que le brut, privé de la terre, de beaucoup 6'eau-
mère ou de fels déliquefeens, & d'une portion de
fel marin. Mais il contenoit encore trop de ces
deux matières étrangères au nitrate depotajfe pour
pouvoir être employé, avec avantage , à la fabrication
de la poudre; en conféquence on lui faifoit
fubir un fécond raffinage ou une troifième cuite
de la manière fuivante :
Sur deux mille parties de falpêtre de fécondé
cuite, placées dans une autre chaudière de cuivre,
on jetoit cinq cents parties d'eau ; on chauffoit,
©n ajoutoit à la diffolution une demi-partie de
colle-forte dans feize parties d'eau ; on braffoit,
on écumoit foigneufemer.t, on employoit encore
un ou deux féaux d'eau froide. Quand la liqueur
étoit nette 6c fans écumes, on la verfoit, avec le
puifoir, dans les baffines de cuivre, qu'on bou-
choit exactement. Cinq jours après on en retiroit
tè nitrate de potaffe , criftallifé confufément en gros
pains blancs, purs & comme fpathiques ; on les
faifoit égoutter en les plaçant de champ, & en les
inclinant au deffus des badines. L’eau-mère une
fois écoulée, on laiffoit bien fécher ces pains à
l ’air pendant trente à quarante jours. C ’étoit le
nitre de la troifième cuite , affez pur pour la fabrication
de la poudre. Dans ces diverfes opérations,
les fels terreux non diffolubles-Te précipicoient au
fond des chaudières, ou fe rafîembloient avec les
écumes. Le muriate de foude ou le- fel marin,
moins folubie que le nitrate de potajfe, 6c fe crif-
tallifant par évaporation, fe dépofoit également
au fond , ou s’élevoit avec les écumes. Les nitrates
terreux 6c autres fels déliquefeens, comme très-
diffolubles & peu criftallifables, s'écouloient, dans
la liqueur égouttée, fous le nom & eau-mère. 11 fe
formoit aufli, à la fürface des pains maflifs & concrets
, de longs criftaux de nitrate de potajfe, tranf-
parens 6c prifrnàtiques-, qu'on détaehoit dans les
'raffineries, 6c qu’on vendoit pour les ufage&chi-
miques ou pharmaceutiques, parce qu'on avoit
remarqué qu'il ne faifoit pas d'auffi bonne poudre
que celui qui étoit en maffe folide, grenue & fans
forme déterminée. - ,
Dans le nouveau procédé de raffinage, beaucoup
plus prompt que le précédent, on diffout
d'abord le fel marin .6c les fels terreux déliquefeens.
On l'a perfectionné peu à peu, & on le
pratique de la manière fuivante aujourd hui, en
le fubftituant à l'ancienne méthode dans tous les
ateliers de i'adminiftration des poudres. On écrafe
le falpêtre brut avec des battes; on le met dans
des cuveaux de bois bien faits , qui en contiennent
chacun deux à trois cents kilogrammes ; on
verfe défius un cinquième de fon poids, ou vingt
pour cent d'eau froide, & on agite le mélange ;
on le laiffe macérer pendant fix ou fept heures :
l'eau acquiert, en diffolvant les fels déliquefeens 6c le muriate de foude , vingt-cinq à trente degrés
de pefanteur à l'aréomètre; on la laiffe écouler
par une chantepleure placée au bas des cuveaux
qu'on débouche; on verfe encore dix pour
cent d'eau fur le même falpêtre ; on braffe & on
laifle macérer pendant une heure ; on fait écouler
cette leconde eau ; on verfe en troifième cinq
pour cent d’eau furie fel que l'on braffe, St on la
laiffe écouler un inftant après. On porte ce falpêtre
lavé avec trente-cinq pour cent 4'eau froide,
& bien égoutté , dans une chaudière de cuivre ,
où l'on a mis moitié de fon poids, ou cinquante
pour cent d'eau qu'on a fait bouillir. Lorfque la
diffolution , qui donne de foixante-fix à foixante-
huit degrés à l'aréomètre, eft faite, on [a fait
couler dans un criftallifoir ou dans une large
auge de plomb ou de cuivre, de quatre décimètres
de profondeur, trente-deux de longueur 6c
vingt-fix de largeur. A mefure que le fel fe dé-
pofe par le refroidiflement, ce qui a lieu au bout
d'une demi-heure, on agite la liqueur avec des
rateaux pour divifer le fel en petits criftaux aiguillés
très-fins, qui fe deffèchent très-vîte; on
ramène les criftaux vers les bords, on les enlève
avec des écumoirs percés, on les met égoutter dans
des paniers placés fur des chevalets autour du
criftallifoir, de forte que l'eau qui s'écoule, retombe
dans ce vafe : le falpêtre égoutté eft mis
dans des caifles ou trémies de bois à double fond ,
le premier percé de petits trous ; on le lave avec
cinq pour c-ent d'eau froide : égoutté une fécondé
fois, & e-xpofé à l'air fur des tables, il fe fèche en
quelques heures. On le deflèche aufli dans de lar->
ges chaudières fur le feu , en lui donnant quarante
cinq degrés de température, & en l'agitant
beaucoup; en deux ou trois heures on le rend fi
fec par ce procédé , qu'il refte enfuite dans la
main qui le prefie, comme du fable, fans fe prendre
en maffe ni conferver la forme quelui imprime
la preffion. Il eft prefqu'inutile de dire qu'on traite
les eaux du lavage à froid comme des eaux-mères,
& que celles qui fortent du criftallifoir, &c. font
reprifes dans des travaux fucceflifs. Ce procédé,
imaginé pour les befoins preffans de la république,
n'exige que peudejoufs, tandis que l'ancien
, par les deux cuites, duroit plufieurs mois;
néanmoins celui-ci eft bon en lui-même, 6c réuf-
fi; bit n quand il eft pratiqué en cours réglé de fabrique.
Malgré l'exaébitude 6c la perfeélion de l’art actuel
de raffiner le falpêtre , le nitrate de potajfe
u'eft pas encore parfaitement pur après les opérations
indiquées; & s'il peut remplir toutes les
conditions qu'on exige pour les arts, il ne fuffit
pas entièrement pour les travaux chimiques. Il
contient encore quelques centièmes de fels étrangers,
furtout de muriate de foude; on le purifie
une dernière fois, & fans y laiffer abfolufaënt
aucune matière étrangère , en le faifant diffoudre
dans de l’eau chaude, & en laiffant refroidir lentement
fa diffoiution. Alors on obtient les prifmes
très-tranfparens , très-réguliers , dont il a été
parlé plus haut. Le'muriate de foude fe fépare en
partie à la furface de la liqueur d'où on.peut l ’enlever,
ou bien il refte dans i’eau-mère.
Le nitrate de potajfe, expofé au feu, fe fond
bien avant de rougir : il forme un liquide comme
huileux ; il ne perd que très-peu d’eau de crif-
tallifation qui y adhère beaucoup ; il ne fe def-
fèche point & refte toujours en fufion. Si on le
laiffe refroidir , il fe fige en une maffe opaque '
liffe , à calfure vitreufe ; quand on le coule dans
des vafes plats 6c verniffés, il s'y prend en une
croûte folide , mince, caftante, qu’on nommoit
très-improprement dans les pharmacies criftaiminéral.
Tant qu’il n’a été que-fondu, il eft encore
fans altération dans fa nature intime ; mais dès le
moment qu'élevé au deffus de la température né-
çeffaire à fa (impie fufion , il a laifle exhaler
quelques bulles, ou qu'il a bouilli, il a déjà perdu
quelque chofe, & ce n’eftplusdu nitrate de potajfe
pur. En le faifant ainfi bouillir dans des cornues
de grès ou de porcelaine, on en extrait du
gaz oxigène, qui va prefqu'au tiers du poids de ce
fe l, du gaz azote à la fin, & la potaffe refte pure
dans le vaiffeau diftillatoire; mais pour cette décom-
pofition complète , il faut employer un très-grand
feu. Quand on ne tire qu'une portion du gaz
oxigène qu'il peut fournir , on change le nitrate
de potajfe en nitrite. ( Voye^ ce mot.')
Du nitrate de potajfe bien pur 6c . bien criftallifé
xefte fans altération à l'air : feulement lorfque
J'atmofphère eft très-humide, il arrête un peu
d’eau à fa furface , mais fans fe ramollir, fans
changer de forme, fans être vraiment déliquef-
cent. Dans l’air chaud & fec, il n'eft pas plus ef-
florefeent ; de forte que lorfqu'il fe ramollit &
devient en partie liquide par fon expofition à
l'air, on peut en conclure qu'il contient des fels
déliquefeens, des nitrates terreux, furtout du
nitrate de chaux.
L’eau, à dix degrés du thermomètre de Réau-
mur, diflout un feptième de fon poids de nitrate
de potajfe. Il fe produit du froid dans cette diflo-
lution, il s’en produit encore davantage en le
mêlant avec delà glace qu’il fond, St l'on fc fert de
ce refroidiflement pour congeler des liqueurs dans
l'art du glacier. 11 eft vrai qu’on emploie du nitre de
la fécondé cuite,qui, à raifon du ftl marin 6c des
fels déliquefeens qu'il contient, agit d'une manière
différente de celle du nitrate depotajfe pur.
L'eau bouillante diflout deux fois ion poids de
ce fel. Il fe criftallifé alors très promptement &
en maffe par le refroidiflement; mais quand on
emploie plus d’eau, on l'obtient fous la forme
criftalline régulière, décrite ci-deffus.
De tous les nitrates, celui de potaffe favori fe le
plus l’inflammation des matières combuftibles, les
allume le plus vite , brûle le plus complètement :
voilà pourquoi il eft exclufivement employé pour
la fabrication de la poudre à tirer , pour l'artifice 6c pour un grand nombre de procédés pharmaceutiques
ou de procédés-des divers arts.
Mêlé avec le charbon , à la dofe de trois parties
contre une .de ce dernier,- le nitrate de potajfe
l'allume avec beaucoup d'aélivité, foît à la chaleur
rouge , foit par le contaéi d'une matière enflammée.
On faifoit autrefois cette opération de
deux manières: dans l’une on avoit poui but d'obtenir
ce qu'on nommoit nitre fixé par le charbon ,
ou alcali de nitre extemporané ; on projetoit le mélange
dans un creufet rouge , 6c lorfque la détonation
étoit paffée, on recueilloit le réfidu alcalin
; c’étoit de la potaffe unie en partie avec l'acide
carbonique. Dans l’autre procédé, on adaptoit à
une cornue de grès ou de fonte , ouverte par le
haut, & placée dans un fourneau, plufieurs grands
ballons de verre à deux tubulures, qu'on lutoic
les uns aux autres après en avoir mouillé les parois
intérieures, & qu'on appeloit ballons enfilés :
dans cette difpoifition, quand la cornue étoit rouge,
on y jetoit par parties le mélange en bouchant à
! chaque détonation l’ouverture fupérieure de ce
vaifleau avec le couvercle qui lui étoit adapté. Le
produit aériforme de cette détonation paffoit avec
fifflement dans Je vafte appareil des ballons ; une
partie fe condenfoit dans ces vafes , ou fe diffol-
voit dans le peu d'eau qui les mouilloit ; une autre
reftoit fous forme fluide élaftique : tels étoient
le gaz acide carbonique formé 6c le gaz azote,
produit de la décompofition de l’acide nitrique ;
fouvent ces gaz brifoient avec fracas les appareils ;
-aufli recommandoit-on d'adapter plufieurs grands
ballons les uns aux autres, de faire un mélange
groflier du charbon & du nitre, & de ne le projeter
dans la cornue rouge qu'en petites portions.
Les alchimiftes avoienc imaginé cette opération,
qu'ils nommoient clyjfus, comme les vapeurs elles-
mêmes qui s'en dégageoient , pour obtenir une
liqueur à laquelle ils attribuoient de merveilieufes
propriétés pour la préparation de leur trop fa-
meuJe pierre philofophale. Les chimiftes phyficiens
s'en font enfuite fervis pour prouver que l’acide
du nitre étoit dëcompofé, 6c qu'il n'y avoit que
de l’eau non acide pour produit ; ils avoient même
obfervé que ce produit liquide,étoit plutôt alcal
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