
Mémoire phyfîço-chimique fur les pierres tombées de 1‘atmofph 'ere , le 19 avril 1808 , dans larrondif-
fement de Borgo-Saint-Donnino j par Jean-Bap-
tijle Guidottis profejfeur de chimie & (thifoire
naturelle h /*univerfté de Parme.
« Si les grandes détonations de la foudre, les
tremblemens de la terre, ou les éruptions de matières
ignées des entrailles d’une montagne , qui
viennent tout, à coup à recouvrir fes flancs .» font
des phénomènes fl impofans, que l’homme, dans
quelqu’ état qu’il fe trouve , eft à la fois à leur af-
pe£t agité par la crainte, & porté à la méditation
fur les forces fecrètes de la nature; les pluies de
corps fol ides & perfiftans qui, des hautes régions
des nues, ont été tant de fois précipitées fur notre
Globe, font fans doute des phénomènes aufli im-
pofans & d’un égal intérêt pour lui. La fréquence
ou la durée des premiers a prouvé, même au
peuple, leur exiftence ; mais la chute des maffes
pierreufes & métalliques, par leur rareté & le volume
confidérable qu’elles ont préfenté quelquefois
, fut par le paffé crue d’un petit nombre, réputée
préfage funefte par la foule; & dans le vulgaire
, comme dit Lucrèce il ne manqua pas
de ceux
Qui' multa in terris fierit colloque tuentur-,
Quorum operum eauf as n u llâ r a t ïo n è videie
Pojjunt j ac fieri diyino nitmitj.fi rëntur.
» Cependant les philofoph.es, occupés à étudier
la caufe du phénomène, réunirent bientôt tous les
récits de .fembkbles événemens rapportés par les
anciens hiftoriens, firent un examen approfondi
des circonftances qui les avoient accompagnés,
comparèrent les récits des auteurs & les différens
corps tombés fur lés diverfes régions du Globe,
qui, bientôt après, décompofés & réduits à leurs
principes effentiels, mirent hors de doute l’authenticité
d’accidens fi extraordinaires.
p II feroit donc inutile de. répéter les témoignages
des hiftoriens anciensfacrés & profanes,.
& ceux des modernes, qui tous afférent que, fur
difté.rens points du Globe très-éloignés , il eft
tombé de l’atmofphère des cendres., du fable, du
foufre, du mercure > des pierres & des malles métalliques.
» D’ailleurs, ce travail feièntifique a déjà été
fait, avec éclat, par MM. Howard, Izarn, &y
avant eux encore, par le Père Trôili§ Jéfuite, qui,,
en 1766 , publia à. Modène un Mémoire appuyé
d’une telle férié de documens authentiques fur la
chute de maffes pierreufes, qu’il ne refte rien à
defirer à cet égard:. Aüfli je ne m’étendrai pas à
prouver h vérité de tant de faits analogues; mais
je me bornerai à. établir l'authenticité de celui q ue :
je vais rapporter, & à tracer une defeription fidellê
des phénomènes qui ont précédé & accompagné fa
pluie des pierres, qui a eu lieu le 1% avril i 8q8,
dans les États de Patn)^.. -
» Nous devons les premiers détails cïrconftan-
ciés de cet événement à M. Locard, fubdélégué
de Borgo-Saint-Donnino, qui les tranfmit à M. Nar-
don, adminiftrateur-préfet des États de Parme &
de Plaifance, dans une lettre dont j’ai cru devoir
joindre ici copie.
Borgo-Saint-Donnino, le a6 avril 1808.
93 Moniteur l’adminiftrateur,
» Ayant appris, par diverfes perfonnes, que,
dans quelques communes de mon arrondiffement,
on a voit vu tomber des pierres dans la journée du
19 de ce mois, j’ai envoyé fur les lieux afin d’avoir
des renfeignemens fur cet événement extraordinaire.
» J’ai l’honneur de vous adreffer une àes pierres
en queftton, que le maire de Medefano m’a fait
pafler. Vous trouverez en outre, Moniteur l’ad-
miniftrateur, dans la traduéfion ci-après de la lettre
que le maire de Medefano m’a écrite , des détails
fur l’événement en queftion» Cette lettre eft ainfî
conçue :
» J’ai l’honneur de vous tranfmettre une des
pierres tombées le 19 du courant. J’ai fait les recherches
les plus minutieufes fur les autres qu’on
a trouvées; mais, dans mon abfence, elles font
paffées entre les mains de prêtres & d’autres perfonnes
, qui, fans en donner la caufe , ont voulu
feulement fatisfaire à leur curiofité. Je vous dirai
donc, fi cela vous intéreffe, qu’une de ces pierres
fe trouve auprès du juge-de-paix de Noceto, qui
fut vue par l’huiflkr, & que celui-ci a ramaffée à
Pieve-Cii-Cufignano. Deux autres fe trouvent chez
l’adjoint Montecchi de Riviano, qui lui ont été
données par des perfonnes de Cglla-Coftamezrana.
Les autres , on m’affure qu’elles ont été rarnafîées
par des prêtres dont on ne m’a point dit les
noms.
w J:ai pris les plus exaéls renfeignemens fur ce
qui a précédé & accompagné cet extraordinaire
événement..
3» M. Antoine Picelli, archiprêtre de Varano-
de’-Marehefi (perfonne très-digne de fo i) , m’a
raconté qu’à environ une heure de l’après-midi,
le ciel étant en partie couvert de nuages cendrés
& en partie ferein, on entendit un vent qui, en
agitant l’atmofphère, laiffoit une odeur fulfureufe,
qui fembloit avoir aufli du bitumineux. Après quelques
minutes on entendit plufieurs coups en l’air,
qui fembloient une batterie de boîtes >.& auxquels
fuccéda un bruit comme de tonnerre fourd.
On a entendu le même bruit à Medefano, Miano,
Saint-André,. & dans plufieurs autres villages, tant
au-deçà qu’au-delà du. Taro, quoiqu’ils foient à
une diftance die deux à trois- lieues de Varanor
Marcbefi, avec cette différence qu’aucun des har
bicans de ces villages m’a dit d’avoir fenti „ oti!,
P mieux dire.,, d’avoir fait atte u tioa àt l’odeur; jgf
foufre que M. l’arcniprêtre précité aflfhre d’avoir
fenti. . W W
»En entendant ce bruit extraordinaire, qui n a-
voit aucune reffemblance avec le tonnerre, tous
ni’ont affuré qu'ils avoient été pris par la crainte,
& M. l’archiprêtre m’a affuré que, le trouvant fur
fa terraffe 4 effrayé aufli, regarda du côté de l’ancien
château de Varano-Marchefi , dont il refte
des vefliges confidérables, & vit s’élever un globe
de fumée très-épais, qui, laiffant une odeur de
foufre, s’éleva à une très-grande hauteur, & en-
fuite s’évanouit. Tout cela fembloit, ainfi qu’il
l’affure, arrivé entre les débris dudit château &
le Mont-Grollo, fitué dans la commune de Sainte-
Lucia.
»3 Quelques inftans après on a vu tomber dix à
douze pierres à Cella- Gofta-Mezrana, Varano-
Marchefi & Pieve-de-Cufignano.- Celle que j’ai
l’honneur de vous adreffer a été vue par le nommé
MarcOrlandeîli > & fon fils étant allé pour la tirer
de la terre, attendu qu’elle étoit enfoncée à la
profondeur d’un demi-iracao, il ne put parvenir
à le faire , parce qu’elle étoit .brûlante. Ainfi le
père la fît tirer de la terre avec une pioche. Cette
pierre eft la plus groffe qui fort tombée ; mais je
regrette qu’elle ne fe trouve plus entière, car la
curiofité d’un ignorant en a fait ôter un morceau
finiffant en pointe. La couleur noire dont cette
pierre èft revêtue au dehors teignoit visiblement,
à ce qu’on m’affure ; maintenant elle ne produit
plus cet effet, ayant été beaucoup maniée. Ne
foyez point furpris, Morifieur, en voyant cette
pierre couverte de terre ; cela provient de ce qu’elle
étoit enfoncée, & j’ai voulu la laiffer dans le même
état où elle fe trouvoit lorfqu'on me l ’a donnée.
33 Agréez, &c. Signé Ross y .
*3 J’ai entendu très-diftin&ement, dans la journée
du 19, entre midi & une heure, un bruit
femblable à celui que font, en éclatant, les fulèes
d’artifice. J’étois alors fur le pont du Stirone ,
e’eft-à-dire, dans la pofition la plus favorable pour
entendre & juger d’où partoit le bruit. Nombre
de coups fe font fuccédés fans interruption , &
tous au fud-eft. Je n’ai rien vu dans l’air. Le ciel
fembloit très-ferein, même vers cette partie. Il
faifoit beaucoup de vent.....
»3 Agréez, Moniteur l’adminiftrateur, l’hommage
de mon refpeêt.
39 Le fubdélégué. Signé , L o c a r d ».
33 M. radminiftrateur, curieux d’avoir un récit
exaét du fait, 8c jaloux de donner aux fciences une
preuve de la protection qu’il leur accorde, m’invita
à me rendre fur les lieux pour recueillir des
hibitans les circonftances liées à l’hiftoire de la
chute de ces pierres x & me chargea d’en faire
î'aualyfè.
» En conféqnence je me portai „ le f mai paffe ,,
am carnpagpes dites Ceba-di- Coita-Mezi ana ,
Pîeve - di - Cufignano & Varano-de’-Marchefi,
fituées au fud-eft de Borgo-Saint-Donnino, &
dont les deux premières n’en font diftantes que
d’environ douze kilomètres, & la dernière près
de quinze. Elles forment enfemble un triangle
qu’on peut évaluer à neuf kilomètres de circonférence.
33 A mon arrivée à Cella-di-Cofta-Mezrana, j’interrogeai
M. Pierre Fedeli , chapelain du lieu 5
Alexandre Tanzi & Michel Grafiani. Ce dernier
avoit déjà trouvé, à la profondeur de huit centimètres
, une des pierres tombées.
33 Parmi ceux dont je recueillis des renfeignemens
à Pieve-de-Cufignano, je dois citer Marc
Odandelli, qui fut témoin de la chute d’une pierre
qu’il déterra enfuite. C ’eft cette pierre qui fut envoyée
à M. le fubdélégué, & par lui à M. l’adminiftrateur,
& dont une partie a été fourni fe à l’ana-
lyfe, ainfi qu’on le verra ci-après. Enfin, arrive à
Varano-de’-Marchefî, les témoignages ont été
unanimes, & tous ceux que j’ai interrogés m’ont
fait des dépofitions conformes à celles que j’avois
reçues de M. Antoine Sidoli, chapelain,& à celle
de Chriftophe Mezradri, propriétaire.
>3 Le 19 avril 1808, le ciel couvert de nuages
cendrés, légers & difperfés de manière à laiiïer
fouvent entrevoir fa férénité, l’air tranquille , on
entendit tout à coup, à une heure après midi,
& fans être précédées d’aucun éclair, deux grandes
explofions femblables à deux coups de canon. A
Tinftant elles furent fuivies d’une férié d’autres
moins fortes, égales aux décharges de boîtes x
pendant l’efpace d’une minute & quelques fécondés
, & qui, en continuant, devinrent plus
fréquentes. Bientôt après on entendit, pendant
trots ou quatre minutes , un bruit fourd , comparé
, par ces habitans, au bruit produit par un
grand courant d’air agité, ou aux mugiflèmens
d’une cheminée enflammée. C ’eft à ce moment que
la chute des pierres a eu lieu. Elles faifoient entendre
, en tombant, un fifftement dans l’air , femblable
^ celui que produit un corps lancé avec une
frondé. Elles parurent aux fpeétatcurs des traces
de fumée, & quelques-uns même, au premier
abord , les crurent la foudre.
»» Le*refte de la journée l’état du ciel fut le
même. A Varano-Marchefi , les perfonnes que j’at
citées plus haut m’ont afluré que la chute des
pierres y avoir été plus confidérable qu’ailleurs.
Cependant des recherches foignees n’en ont pas
encore fait découvrir.
»3 Michel Graffani, fe trouvant à la diflance
d’environ cinq mètres du point où. tomba une des
pierres y affuré n’avoir fenti aucune odeur,, ni ap-
perçu de globe de feu, ni de fumée, ni d’eelair.
»■ Marc Orandelli, de la Pieve-dk-Cufîgnano ,
dépote le fait fuivant, que j,e tranferis littéralement.
33 Je travaîllors au champ de Vignabora, au li u
appelé GabSiano , fur tes confins de Pîeve-ide