
” Le phlogiftique a auflî une très-grande affinité
avec 1 acide nitreux j il paroît même en avoir davantage
avec cet acide qu'avec le vitriolique,
comme on le verra par les faits fuivans.
M Premièrement, la volatilité de l'acide nitreux,
fa couleur, fon odeur , fa force moindre que celle
de l'acide vitriolique, enfin fon inflammabilité &
fa décompolition totale par l'inflammation , prouvent
que le phlogiftique entre lui-même dans la
compofition de cet acide, 8c eft' une de fes parties
conftituantes. Stahl & la plupart des chimiftes
penfent même que ce n’eft que par ce principe,,
que l'acide nitreux diffère du vitriolique.
»3 En fécond lieu, l'acide nitreux agit en général
plus fortement que le vitriolique fur tous les
compofés qui contiennent le principe inflammable,
8c leur enlève plus efficacement ce principe,
comme on 1 obferve finguiiérement dans les diffo-
lutions métalliques. 11 paroît d'ailleurs que l'acide
nitreux fe comporte à peu près comme le vitrio- ,
lique, dans fes combinaifons avec une quantité de j
phlogiftique furabondànte à fa compofition; mais il |
s y trouve des différences qu'ondoie attribuer au
principe ,inflammable qui fait partie de fa combi-
riaifon ; il ne peut, de même que l'acide vitriolique,
s'unir de la manière la plus intime avec le
phlogiftique des corps, que dans l'état de ficcité
parfaite ; il forme alors une efpèce de foufre que
l'on peut nommer foufre nitreux, qui, à caufe du
phlogiftique déjà contenu dans l'acide , eft d’une fi
grande inflammabilité, qu'il prend feu à mefure
qu il fe forme, 8c que, jufqu'à préfent du moins,
on n a pu 1 avoir feul 8c non enflammé ; état dans
lequel on obtient facilement du foufre vitriolique.
( V o y e i , a c e f u j e t , DETONATION DU NITRE.)
p Lorlque l'acide nitreux contient de l'eau
furabondànte, il ne laiffe point que d'agir auffi
très-puiffamment fur le phlogiftique de la plupart-
des corps ; mais il n en réfulte point d'inflammation
, à moins que, dans l'acte même de Ia.com-
binaifon , 1 acide 8c le phlogiftique ne puiffent fe
mettre l'un & l'autre dans.l'état de'ficcité : faute
de cette circonftancè, il ne iê fait qu'une union
fuperficielle & faible de ces deux fu bilan ces.L'acide
nitreux aqueux fe charge, à la vérité, 'de
phlogiftique par furabondance; ce qui augmente
beaucoup fa couleur, fon odeur 8c fa volatilité
( on a des exemples bien fenfibles de ces effets
poids des corps avec lefquels il fe combine. D’ailleurs, ces
paffages de l’état de foufre à celui d’acide, & de celui d'acide
à l’état de 'foufre-, font aujourd’hui bien reconnus , Sc par
1 une des plus belles fériés des expériences de Lavoilïer,
pour des opérations contraires a ce qu’on les croyoic autrefois
, & il en réfulte que, puifque le foufre eft le corps fim-
ple, & l'acide le corps compofe, le fondement de la doctrine
de Stahl: eft renverfe fans retour. Les mêmes applications
ont lieu pour tous les autres points de la théorie, &
furtout pour , les faits relatifs aux acides du nitre, dont
la nature & les compofés font parfaitement connus auiour^'
d’hui. ( Voyei les mots N i t r a t e s & Sqvfrê. ) - ,rdans
les. diffolutions de prefque toutes les matières
métalliques, teîles que le fer, le cuivre, le
zinc, 1 étain, &c. par l'acide nitreux); mais alors
ce phlogiftique ne tient que faiblement à l'acide, à
caufe de la préfence de l'eau, de même que dans
l'acide fulfureux volatil, & s'en fépare auffi fans
le fecours du feu, ôc par la fimple expofition à
1 air ; 8j ce qu’il y a de bien fingulier, c’eftque
les vapeurs de cet acide nitreux qui paroît fur-
chargé de principe inflammable, ne peuvent s’allumer
comme celles des acides vitriolique '6c marin
dans les mêmes circonftances, & que, s’il eft
reçu dans l’appareil pour les gaz, il paroît lui-
inême fous la forme d’un gaz très - fingulier.
( V oy e iy ù ce fujety l'article G a z NITREUX.)
^ w II eft à remarquer à ce fujet, que , quoique
l’acide nitreux aqueux foit vraifemblablement capable
de fe charger ainfi par furabondance d'une
plus grande quantité cle phlogiftique que l’acide vitriolique,
on n'obferve point cependant que l’acide
nitreux ainfi phlogiftique foit auffi différent de l’acide
nitreux dans fon état naturel, que l'acide vitriolique
fulfureux l’eft de l’acide vitriolique pur;
mais il tft facile de voir que cela ne vient que de
ce que l’acide nitreux , dans fon état naturel, contient
déjà aflez à t phlogiftique pour avoir jufqu’ à
un certain point toutes les propriétés d'un acide
phlogiftique , 8c que par conféquent ces qualités
doivent refter les mêmes, & peuvent feulement
devenir plus fenfibles par une furabondance de
phlogiftique3 au lieu que l’acide vitriolique, dans
fon état de pureté, ne contenant point de phlogiftique
y ou du moins n'en contenant point fenfi-
blement, doit paffer de l'apparence d'un acide
non phlogiftique , à l'état d'un acide uni au principe
inflammable , lorfque d'acide vitriolique pur
il devient acide fulfureux volatil, ce qui lait une
-différence du tout à rien; au lieu que ces chan-
gemens dans l'acide nitreux ne font qu'une différence
du plus au moins. Cela me paroît même
une des meilleures preuves que nous aiyons dè la
préfence du phlogiftique t comme principe & partie
conftituante dans l'acide nitreux (r).
Toute cette théorie de l’acide du nitre contenant du
phlogiftique ôy feu fixé ^de l’affinité de celui-ci avec l’àside,
de la formation d’un foufre nitreux, de fa volatilité, de fa
j couleur , dé* 1 fa prétendue inflammabilité, de fon a<ftion vive
| fur ^ co.TPs cPm^uftibies , expliquées par-là , n’eft plus au-
! j°vrd hui que la preuve de l’ignorance où l’on étoit jufqu’en
I J7° i -f lanatiiré.de l’acide nitrique. Stahl, dont Macquer
j 3-doptôit toutes les idees, regardoit l’acide nitrique comme
» 4e l'acide fulfurique uni d’une certaine manière au phlogif-
| tique i mais depuis qu’on fait que l’acide du nitre eft formé
; d azote & d oxigene , depuis que la proportion même de fes
principes eft tres-exa&ement connue, depuis qu’on a décou-
j vert ôc détermine la différence des acides nitrique Sc ni-
; freux, du gaz nitreux, Hugàz oxijdule d’azote, qu’on les
fait paflir de 1 ùn à l’autre par la feule variation dans l’a pro-
. portion de leurs principes j depuis enfin qu’il n’eft plus rien
Tefte d obfcur dans l'hiitoire de cet acide & dans celle de
fon aélipn fur les corps çombuftibles, d’après la cohnoiffançe
■ 33 L'acide
s» L’acide du fel commun ayant de l’odeur, de la
couleur, & furtout une très-grande volatilité,
femble pourvu de toutes les propriétés d’un acide
uni au principe inflammable. Cependant nous ne
Voyons pas qu'il ait la même difpofition que les
acides vitriolique & nitreux à fe combiner avec
ce principe, ni d’ une manière intime, ni même
d’une manière fuperficielle; au contraire, il re-
fufe d'agir fur plufieurs fubftances inflammables,
telles que les huiles » il agit plus foiblement fur
les métaux, leur enlève moins de leur principe
inflammable , & y tient plus fortement que les
deux autres acides minéraux.
>3 Enfin, nous ne connoiflons"aucune combinai-
fon directe de l'acide marin avec le phlogiftique,
aucun foufre marin; car le phofphore de Kun-
ckel, que de grands chimiftes , & furtout Stahl,
ont cru tel, ne l’eft point, comme on le verra
en fon lieu. Quelle eft donc la raifon de ces propriétés
en quelque forte contradiétoires? Nous
cpnnoiffons trop peu la vraie nature de ces acides,
& furtout de l'acidé marin, & le principe
qui le diftingue des autres acides , pour être
en état de rien dire de bien fatisfaifant fur cela.
Suivant Beccher , c'eft la terre mercurielle qui fpé-
cifie & caraétérife l’acide marin. Ce feroit donc,
dans cette fuppofition, cette terre qui empêche-
roit cet acide de s’unir au phlogiftique ; mais il paroît
d’un autre côté, tant par les propriétés de
l’acide marin, que par celles des métaux qu’on
fuppofe contenir auffi la terre mercurielle, qu’elle
a plufieurs des propriétés duphlogftique. Ne fe-:
roit-elle donc, comme Henckel iemble porté à
le croire, que le phlogiftique lui-même , mais modifié
d’une manière particulière ? ce qui change-
roit fa nature jufqu'à un certain point. Attendons
du terris , de l'expérience & de l'avancement de
la chimie , de nouvelles lumières fur cette matière
encore jufqu’à préfent fi obfcure (;).
33 Les alcalis fixes montrent, dans beaucoup
d'expériences, une affez grande difpofition à fe
combiner avec le phlogiftique r leurs propriétés
pofîcive du peu d’adhérence & de la facile feparation de fe$
deux principes , toutes les notions données par Macquer ne
font plus que des fiétions, qui n’ont pas plus de. vraifem-
blance que de vérité.
(i) Ce que dit ici Macquer de l’acide muriatique eft encore
plus erroné, s’il eftpodiblè, que les fictions précédentes
fiir l'acide nitrique. Schéèle avoit bien mieux arrangé,
même dans l’hvpothèfe de Stahl, les rapports de cet acide
avec le phlogiftique , en le difant phlogiftiqué dans fon état
naturel, & en le confldéraut comme déphiogiftiqué après
1 avoir diftillé fur l’oxide de manganèfe. O11 a prouvé depuis
que dans ce dernier état il eft combiné avec de l’oxigcne,
oc on l’a nommé à caufe de cela acide muriatique oxigéné. On
a toujours reprdché avec raifon à Stahl fon opinion fur
1 acide muriaciquf', qu’il regardoit comme fufceptible d’être
Converti en phofphore. Ce qu’y ajoutoit en 1776 Macquer
fur la terre mercurielle qu'il y admettoit avec Beccher, eft
une. féconde hyporhèfe fur l’exiftence d’un principe inventé
par le dernier , et qui n’a jamais pu être prouvé.
Chimie. Tome V*.
indiquent même que ce principe entre dans leur
compofition ; cependant il paroît qu'ils ont en
général moins d’ iffinité avec le principe inflammable
, que les acides vitriolique & nitreux , &
même que les terres métalliques. On n’a point
encore examiné fuffifamment les phénomènes qu’ils
préfentent avec les matières inflammables. Dans
certains cas, ils acquièrent une od'eur très-vive ,
très-pénétrante, & une extrême volatilité, comme
lorfqu'ils fe changent en alcali volatil ( 1 ); ce qui
arrive, comme on le fait, en les combinant &
diftillant avéc des matières graffes ; dans d’autres
cas , ils fe faturent d’une matière inflammable ,
avec laquelle ils paroiffent aff.z intimement combinés
, fans acquérir autant d’odeur & de volatilité
que les alcalis volatils; cela arrive Iorfqu'on
les calcine dans des vaiffeaux clos avec des matières
charboneufes, comme Iorfqu'on fait l’alcali
favoneux pour le bleu de Pruffe. En feroit-il de
ces deux combinaifons de l'alcali avec le principe
inflammable, comme de celles des acides vitriolique
& nitreux avec ce même principe ? Je fuis
très-porté à le croire ; mais cette matière demande
un examen ultérieur (2).
39 Le phlogiftique paroît, comme on l’a vu , avoir
beaucoup de difpofition à s’unir aux matières fè-
ches & terreufes, & à y adhérer fortement. Mais,
malgré cette difpofition, on ne peut pas à beaucoup
près faire cette combinaifon à volonté ,
c’eft-à-dire, en telle quantité qu’on juge à propos,
& en prenant le principe inflammable dans un
corps quelconque. Je ne fais s’il quitteroit l’acide
vitriolique ou les matières métalliques peur s'unir
avec une fimple terre: il rfy a pas lieu de le préfumer
, à moins que ce ne fût par des procédés recherchés
& peut-être fort laborieux. Ce qu'il y a
de certain, c'eft que , quoique ces fortes de recherches
foient très-intéreffantes, attendu qu'elles
tiennent de fort près à la théorie de la compofition
des métaux qui ne paroiffent formés que de
terre & de phlogiftique , elles n’ont pas été faites,
ou du moins ce que les chimiftes ont pu faire fur
cela n'a point été public* & expofé clairement
jufqu’ à préfent. ( Voye^ Métaux <5? Métalli-
sation. ) (3)
(t) C’eft encore là une ancienne erreur de la chimie avant
1780. On n'a aucune preuve que les alcalis- fixes fe con-
vernflsnt en alcali volatil par la diftillacion avec des matières
graffes ou prétendues phlogiftiaaéés. On a pris long-
tems la formation, "totale d'ammoniaque par l’union de
i l’azote & de l’hydrogène, pour un paffage des alcalis fixes à
l’érat d’alcali volatil.
(2) Cette opinion de Macquer étoit ingénieufe à l’époque
. où il la préfenta au monde favant ( en 1748). Il eft aujourd’hui
prouvé que la formation de l’acide pruffique par les
matières'-animales calcinées-avec les alcalis fixes* tient à üné
■ combinaifon d’hydrogène, d’azote & de carbone, & peut-
être. d’un peu d’oxigène. ( f^oyc^ Vanicle Pross'iates. )
| (3) Les'-anciens chimiftes regardaient les métaux cérame
| formés de terres particulières & de phlogiftique ou feu fixé.
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