
d’or ne fe Fait pas aufli fans perte. Si on ne lave
avec beaucoup d’attention, les plus petites paillettes
Font entraînées avec le fable} elles font
même quelquefois fi minces, que toute l’adreffe
de 1 ouvrier ne fauroit aller jufqu’à les arrêter. On
fait que les feuilles des batteurs d’or nagent fur
l ’eau. L’expérience m’a même appris que, placées
au fond de l’eau, elles s’élèvent à fa furface
avec une vitefle égale à celle des corps les plus
légers. La chaux d’or de l’Arriège nous a encore
fait voir l'or dans un état où il fumage l'eau. Les
paillettes ne font peut-être jamais fi minces que
les feuilles des batteurs d’o r, ou que les petits
grains de l’or çn chaux de l’Arriège, mais elles
le peuvent être aflez pour obéir trop facilement
aux mouvemens de l’eau.
» Il n’eft pas plus fur d’ailleurs que nos laveurs
retirent toujours du fable tout l’or qu'ils y ont
retenu^ ils y verfent le mercure avec auflî peu de
précaution, qu’on le verferoir fur de l’or moulu
•pour faire un amalgame. Il y a pourtant bien des
circonftances où le mercure ne fauroit mordre
fur 1 or. Que les furfaces de l’or foient grafîes,
en voilà allez pour arrêter fon effet, [.es Indiens ^
cpii ne travaillent la plus grands partie de leurs
mines qu’avec le vif-argent, prennent bien d’autres
foins pour lui faire enlever le métal > malgré
Jefquels cependant l’or & l’argent lui échappent
quelquefois. On en a nombre d’exemples cités par
Alphonfe Barba, qui eft pour les mines des Indes
ce qu’eft Agricola pour celles d’Allemagne } il
rapporte même des cas où le mercure fe réduit,
dit-il3 en eau, c'efbà-dire, où il eft fi divifé , fî
dilïous , qu’on le perd lui-même. Je ne fais files
Indiens mêmes ne perdent pas beaucoup d’or pour
ménager trop le mercure. M. Frézier nous apprend
cju’ils répandent tantôt dix, tantôt quinze
& tantôt vingt livres de mercure fur chaque demi-
caxon ou vingt-cinq quintaux de matière. Nous
avons mis du mercure dans ia proportion d’un à
cent vingt-cinq , qui eft la plus grande des précédentes,
fur du fable de la rivière du Gardon. Pour
faciliter l’amalgame nous y avons ajouté du fei &
du vinaigre > nous avons broyé le tout jufqu’ à ce
que les grains de mercure ne biffent plus vifibles }
enfin, pour fuppléer à l’air chaud des Indes, auquel
les caxons reftent expofés près de trois Ternaires,
nous avons fait chauffer ce mélange. Le
mercure en a retiré de l’or , mais il n’a pas tout
pris. Après l’avoir féparé du fable, nous avons
jeté fur ce même fable une nouvelle dofe de mercure
, double de la précédente , qui en a retiré à
peu près la même quânticé^d’or.
» Au refte, les laveurs n’entreprennent guère
de lavér uhe grande quantité de fable avant d’avoir
examiné ce qu ils s en ^peuvent promettre.
Ils commèncènt par des eflais, comme tous ceux
gui entreprennent le travail des minés} ils voient
a peu près turque! pied leur tems fera payé , par \
ce. qu’ ils retirent d’or de diverfes petites portions
r de fable prifes en différens endroits de la grève.
Ce font ces memes eflais qui les déterminent à
laver plutôt le fable d'un endroit, que celui des
environs.
» Toutes les paillettes d'or que nous avons ob-
fervées, ont des figures allez irrégulières} elles
ont pourtant cela de confiant., qu’elles font de
petites lames, je veux dire qu'on ne fe les doit pas
repréfenter faites comme des grains de fable j elles
n°r IÎY>*ns e? épaifiVur que dans les autres fens.
11 femble qu elles étoient arrangées par couches,
par feuilles dans la mine} quelquefois elles paroif-
fent elles-mêmes feuilletées quand on lés obferve
avec la loupe. On ne les doit pas imaginer non plus
minces comme le font les feuilles des batteurs
d or } elles ont une épaifieur qui fe laide apperce-
V° lr * caPaôle de leur donner de la folidité.
Leurs figurés, malgré leurs irrégularités, tiennent
toujours de la ronde} leurs bords font auflî
arrondis : ce font des efpèces de petits gâteaux }
les frottemens ont abattu leurs angles } pendant
quel eau les entraîne, elies rencontrent un fable
qui les ufe.
» Parmi celles des rivières de Cèze & du Gardon,
on en rencontre aflez communément qui
ont une ligne 6c demie de diamètre, mais il y en
a davantage qui n’ont qu’une ligne 6c même
qu une demi-ligne. Nous en avons de l'Arriège,
qui ont deux lignes dans le fens où elles font le
plus grandes. Les paillettes du Rhin font beaucoup
plus petites, & fouvent les paillettes du
Rhône m’ont paru plus petites que celles du Rhin}
mais j ai toujours trouvé aux plus petites une fi-
gtHie approchante de celle des plus groflls.
” On aflure pourtant qu’on a quelquefois ra-
mafle dans le Rhône des paillettes grofles comme
des grains de millet, & même comme deslentilles :
les Allemands en citent, tirées de leurs rivières,
de grofles comme des fèves } mais ce ne font pour
aînfi dire que des miettes , fi on les compare avec
ces gros morceaux d'or trouvés dans le Pérou 6c
le Mexique, & groflls peut-être encore par le
récit des voyageurs. Le Père Feuillée, à qui l’on
peut s’en fier, aflure avoir vu une pépite, c’eft le
nom qu’or» donne à ces morceaux d’une grofleur
| extraordinaire, du poids de foixante-fîx marcs 6c
quelques onces, dans le cabinet d‘Antonio Porto-
Gararo : on nous en fit voit une en 1716 à l’Académie,
qui pefoit, à ce qu’on nous dit, cin*
quante-fix marcs. Sa figure approchoit de celle
d un coeur. Elle appartenoit à Don Juan de Mur,
ci-devant corrégidor d’Arica. M. Frézier a fait
mention de cette pépite dans fon Voyage. Il en
cite aufli une autre de foixante-qnatre marcs, qui
fut achetée par le comte de la Moncloai vice-roi
du Pérou, pour en faire îpréfent au roi d’Efpagne.
Mais ces pépites paroiflent extraordinaires aux
habitans des Indes comme à nous. Ce font des
morceaux de mines entiers), qui font détachés ou
découverts par des torrews rapides, & nous ne
favons pas quelle eft la grofleur des morceaux d’or j
qui fourniflènt depuis fi long-tems nos rivières1
de paillettes. Nous verrions peut-être des pépites
chez nous fi un coup brufque, un torrent extraordinaire
, détachoit à la fois ce qui n’eft enlevé
que par parcelles en plufieurs années. La nature
travaille dans de grands laboratoires} elle ne fait
guère dans lè même endroit pour peu de matière.
« Il y a des endroits où l'or des rivières eft attaché
à des fiagmens de pierres : Fabricius en
cite, & cela arrive lorfque les veines de la mine
ne font que des filets minces, étoitement unis à
la pierre. Le même coup arrache, avec la feuille
d’o r, la pierre à qui elle eft adhérente} mais il
femble que l’or eft en mafles aflez grofles dans les
endroits d’où il eft détaché en pures paillettes.
» Le fable avec lequel ces paillettes font mêlées,
eft lui-même une efpèce de richefie, mais
qui ne peut toucher que les feuls obfèrvateurs de
la nature. Les laveurs le jettent comme inutile.
Nous en diftinguerons de trois fortes en les distinguant
par rapport à leurs couleurs j favoir: un
fable blanc , un fable rougeâtre & un fable noir.
Le blanc eft celui qui eft emporté par les premières
iotions : obfervé au microfcopé, il paroît
compofé de criftaux pareils à ceux des fables les
plus communs } aufli n’eft-il qu’un fable ordinaire.
Mais le fable rougeâtre, vu au microfcopé, &
même à la loupe, offre le plus joli fpeétacle du
monde : c’eft un amas de toutes les pierres tranf-
parentes & colorées, connues dans la jouaillerie.
Il n’eft que rubis, faphirs, émeraudes, jacinthes,
&c. Les pierres qui y font les plus communes
font celles dont les nuances tiennent depuis
la couleur du rubis balais, jufqu’à celles de toutes
fortes de jacinthes : de là vient que la couleur
de ce fable eft rougeâtre pour la vue fimple. Les
faphirs, topazes, émeraudes, y font plus rares,
quoiqu’on y en découvre de très-belles couleurs.
» Pour le fable noir , il eft prefque tout de fer,
& auflî attirable par le couteau aimanté , que la
limaille même de fer. Il y a beaucoup plus de ce
fable noir parmi celui du Rhône, que parmi celui
du Rhin. J’ai tiré du premier', avec le couteau
aimanté, près du tiers en fer} ce qui me fait pen-
fer que les laveurs fe ferviroient utilement de
lames de fer aimantées pour dégager leurs paillettes
d’une partie confidérable de la matière inutile.
Ce travail iroit même plus vite que celui des
dernières lotions } mais il faudroit qu’ils euflent
foin de laiffer fécher le fable avant de lui prétexter
leurs lames, autrement la rouille les pourrait
gâter.
» Il refte pourtant du fable noir, fur lequel le
couteau aimanté n’a point de prife , & qui apparemment
n’eft point du fe r , car aprè* avoir été
expofé au feu pendant quelque tems, il n’en devient
pas plus attirable. La pefanteur de ce fable
femble cependant prouver qu’il eft métallique}
mais comme il y en a peu de celui-ci mêlé avec
beaucoup de fable rouge, il n’eft pas aifé d’en
fàire l'efiai.
« Le fable rouge, ou ce fable qui n’eft qu’un
amas de petits grains de differentes & vives cou-
. leurs, eft auflî d’une pefanteur approchante de
celles des fables métalliques , puifque par les lotions
il ne peut être féparé aes grains de fe r ,
quoique là grofleur deTes grains ne furpalTe guère
celle des leurs ; il tient aufli apparemment des
parties métalliques.
» Les veines des mines font ordinairement entourées
de pierres tranfpàrentes comme lés crif-
; taux, mais plus tendres. On les appelle fluors,
parce qu’elles fondent aifément au feu , 6c fer-
; vent de fondans aux mines. Il y en a de différentes
couleûrs. Ne pourroit-on point prendre nos
grains; de fable pour des fragmens de ces pierres.
» Je ferpis cependant aflez difpofé à regarder
ces grains de Table comme des pierres colorées,
mais de la dureté de celles que je royaume peut
fournir, & cela fondé fur l’obfervation fuivante.
! On trouve au Puy’ en Velay des pierrès de différentes
couleurs, & dë quelque valeur dans ia
jouaillerie quand elles font grofles. Ces pierres fe
ramaffent dans un ruiffeau appelé Pérouii/ions dont
on lave le fable. Le fable'lavé , avec lequel ces
pierres font mêlées, ne diffère de celui où l'on
trouve les paillettes , qu'autant que le gravier
diffère du fable commun. J’ai vu des pierres de
toutes fortes de couleurs parmi ce gros fable,mais
les jacinthes y dominent comme dans notre fable
fin. Enfin , ce qui achève la parité ', 'c’eft que ces
pierres font mêlées avec un fable noir, ou qui
nous a été envoyé pour te l} & lorfque nous l’avons
examiné au couteau aimante, nous avons vu
que ce couteau en attiroit auflî aifément les grains,
quoique gros quelquefois comme des pois , que
ceux de fer pur.
» Les grains du fable du Rhin ont des couleurs
plus foncées que ceux du fable du Rhône : ceux-
ci n’ont fouvent qu’une légère teinte de couleur
de chair, comme les rubis balais les moins colorés
: on y voit pourtant aufli des topazes, des
émeraudes, bcc.
» Il n’eft pas néceffaire de faire remarquer pourquoi
nous avons donné le fable noir & le fable de
couleur différente du fable commun pour des indices
des endroits où il eft le plus avantageux de
chercher les paillettes. Ce n’eft pas qu’elles s'y
trouvent nécefl’airement mêlées } mais fi la rivière
en a entraîné , elle doit les avoir dépofées
avec les autres grains pefans. Outre ces trois ef-
pèees de fable, on en trouve une quatrième dans
quelques rivières, qui fouvent a flatté les cher-
cheuis de grains d'or d’une trompeufe efpérance.
Cette efpèce de fable eft commune dans la rivière
du Gardon : c’eft un amas de paillettes tai-
ceufes, dont la couleur a tout l’éclat du plus bel
■ or. Loin de la perdre au feu, cette couleur, elle