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& d’une féchereffe extraordinaires à la gorge &
au nez. Le voile du palais leur fembloit être devenu
comme foüde, ligneux, & très-difficile à
mouvoir j les narines leur paroiftoient garnies d’un
parchemin fec & roide , & leur mucus fortoit
finguliérement épaiffi y les yeux étoient rouges 8c
larmoyans, & toute la face allumée. Quelques
heures après ce premier effet, les paupières fe
colloient, & les larmes devenoient glutineufes.
Tous ces fymptômes réunis m’ offroiènt le tableau
le plus prononcé d’un rhume violent ; la fièvre
catarrhale même accompagna cette affeCtion artificielle
, que j’ai eue maintefois depuis oecafion
d’obferver chez moi & chez les autres. En décrivant
, dans mes leçons , cette maladie produite
par le gaz acide muriatique oxigéné , j’eus foin
de faire obferver que 3 fi l’on avoir dit jufque-là ,
en plaifantant, de la médecine & des médecins
qu’ils enverroient la fièvre, il pouvoit être dit à
préfent, fans plaifanterie 3 qu’ils donneroient le
thume.
Pour déterminer avec précifion l’effet de ce
,gaz , j’en imprégnai des liqueurs animales 3 du
blanc d’oeuf j du férum du fang 3 de la falive, &
je les vis conftamment s’épaiffir, fe concréter 3 fe
coaguler par ce fluide comme par l’ acide muriatique
oxigéné liquide. A mefure que cette concrétion
s’opéroit, cet acide perdoit fes caraClèrés
d’oxigénation, vepalToit à l’état d’acide muriatique
ordinaire, & tout prouvoit que fon oxigène }
lui étoit enlevé par la fubftance animale. En me
montrant ainfi que le principe acidifiant épaiffif-
foit les humeurs animales, cette fuite d’expériences
me permit de foupçonner, ce que j’ai également
inféré dans mes leçons & dans quelques-
uns de mes Mémoires, qu’il y a dans la production ,
naturelle des rhumes du nez, de la gorge 8c du
larynx, de la part de l’air atmofphérique, une
aCtion analogue à celle du gaz acide muriatique
oxigéné, furtout dans les cas où l'atmofphère paffe
rapidement de.l’état humide & tempéré 3 au froid
fec & au mouvement des vents qui en tranfpor-
tent & en renouvellent, avec beaucoup de célérité,
les différentes maffes comprimées & conden-
fées. Ceux qui font expofés à l’un ou à l’autre
cas, éprouvent au nez, à la gorge & au larynx
une fenfation analogue d’âcreté, de féchereffe,
de faveur comme aftringenté 3c métallique, & de
refferrement général dans la membrane qui tapiffe
«ette région.
A cette première connoiffance pofîtive fur Té-
paiffiffement ou la coagulation de nos humeurs
produite par l’oxigène, j’ajoutai bientôt plufîeurs
autres expériences en 1789& 1790, lors au cours
très-étendu de foixante leçons fur les matières
animales, que je fis, pendant cette dernière année,
au Lycée. Ce fut même véritablement dans cette
oecafion de recherches, que je conçus, & que je
commençai à exécuter le plaide travaux dont j’ai
plu fi cuis fois entretenu depuis les fociétés fa van-
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tes. Là furent découverts l’épaiffiffement immédiat
& la véritable coagulation communiquée au blanc
d oeuf 8c au férum albumineux du fang par l’oxide
rouge de mercure , qui fe rapprocha én même
tems de l'état métallique, en cédant fenfiblement
fon oxigène à la fubftance animale. Cet effet devint
pour moi un trait de lumière il m’explique
comment la vifeofité 8 c la qualité favoneufe, écu-
meufe des liquides animaux tenoient à la tendance^
qu’ils ont pour abforber l’air & s’unir à
l’oxigène 3 comment les oeufs , long-tems plongés
dans 1 air, acquéroient la propriété de fe cuire &
de fe durcir plus vite ; comment toutes les liqueurs
animales en général blanchilfoient & épaiffiffoient
à l’air.
Bientôt l’examen que nous fîmes, M. Vauquelm-
& moi, des larmes & du mucus nafal, agrandit
encore a mes yeux la puiflance & faCtion de l ’oxi-
gene atmofphérique fur lés humeurs des animaux,,
expofées, par leur fiége & les lois de leur excrétion,
au comaCt de 1 air. Le liquide lacrymal nous
montra , dans une pareille expofition à laquelle il
eft deftiné par la nature, qui le verfe fans cefle
entre le globe de l’oeil & l'atmofphère, une vifeofité
qui s accroît peu a peu depuis la propriété
filante, jufqu'à former ces concrétions blanches
ou jaunâtres qui bordent & collent les paupières
ou qui enveloppent les caroncules lacrymales en
fe moulant fur leur furface. Defcendues dans les
rofles nafales, unies au mucus du nez qu’elles
paroiffent deftinées à délayer & à détacher de la
furface de la membrane de Schneider, j’ai vu dès-
lors les larmes préfenter encore, dans leur mélange
avec ce dernier mucus fi fouvent balayé par
1 H"’ ’ l)ne Pyogreffion plus rapide vers la concref-
cibihte & la formation d’une matière opaque
lolide, d'une confiftance de gelée ou de colle’
par l’abforption continuelle de l’oxigène armor-
phérique. La fubftance animale qui fubit ce ehan-
gement en s oxigénant, a pour ce principe une
affinité égalé a celle qu’exerce en même tems, fur
la quantité notable d’acide carbonique répandu
dans 1 air fortant du poumon, la portion de liquide
animal imprégnée de fonde;'auffi cette dernière
s eft-elle offerte a nous à l'état de carbonate de
foude dans 1 humeur des narines, tandis qu’elle
eft a 1 état pur ou cauftique dans les larmes. L’oxi-
génation du mucus animal n’eft pas plus douteufe
ici que la faturation de la foude qui C'aecompa-
gne t elle n a pas lieu fans le contait de l’air. Pendant
le fommeil, les larmes coulent très-fluides
fous „les paupières fermées & le long du canal
palpébral, tandis que, durant la veille ..elles acquièrent
un leger épaiffiffement, qui les étend,
comme une forte de membrane tranfparente, fur
la iclérotide & la cornée.
. L’exemple & les faits relatifs à.li falive ne font,
ni moins frappans, ni moins favorables à mes idées,
ni moins utiles à bien connoître par les applica-
; uoijs immédiates qu’elles offrent à la phyfiologiè.
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C’eft encore un liquide fur lequel I’oxigène a la
plus grande influence, & qui femble être deftiné
a s'en imprégner pour le tranfporter dans le canal
alimentaire. Ayant toutes fes fources ouvertes
dans la cavité qui établit une communication continuelle
entre l’air 8c la poitrine, & qui comprime
& reffaffe fans cefle ce fluide avec les liquides
dont les parois de la bouche font mouillées j dif-
pofées d’ailleurs, par fa nature muqueufe, à retenir
entre fes molécules celles de l’air, elle s’en
charge à toutes fortes de degrés, & de là vient le
fait annoncé, il y a plufieurs années, par M. Michel
Durennetar, relativement à l’oxidation de l’or ou
de. l’ argent trituré dans un mortier avec de la
falive, ainfi que l’ufage où l’on eft, dans quelques
pharmacies, de hâter l'extinCtion du mercure dans
les graiffes en crachant de tems en tems dans les
vafes qui fervent à cette faftidièufe opération.
Auffi fuis-je perfuadé que, dans le procédé de
Chiarenti de PHe, pour introduire les médica-
mens par la voie des abforbans cutanés, la falive
ne fert pas feulement d’excipient, mais'influe
encore fur la propriété médicamenteufe en raifon
de l’oxigène qu’elle apporte dans.i’efpèce de com-
binaifon qui fe forme.
De ces confidérations fur l’abforption du gaz
oxigène par les liquides animaux , fur I’oxigène
qui quitte plufieurs compofés pour s’unir dé préférence
à ces liquides, fur l’effet d’épaiffiffement
ou de coagulation qui réfulte dans ceux-ci de fon
union intime, il m’a paru naturel de m’élevér à
l ’application d’un phénomène medical configné
dans les regiftres de l’Ecole de Cos, & confirmé
par les obfervations de tous les fiècles 8c de tous
1-es hommes de l’art. Il s’agît de ce qu’on a nommé
c o c iîo n dans les maladies $ changement coriftant,
qui annonce 8 c accompagne leur terminaîfon heu-
reufe. Cette coCtion confifte dans un épaiffifîè-
tnent égal 8 c homogène d’une humeur quelconque
; effet qu’on ne peut pas méconnoître pour
une fixation d’oxigène, & pour une combinaifon
analogue à toutes celles dont je viens d’offrir le
dénombrement : la formation du pus rentre encore
absolument dans la même claffe, provient de la
même caufe, 8c obéit aux mêmes lois.
. Tout fe ralfemble donc dans les faits recueillis
jufqu’ici pour prouver qu’un des principaux
moyens d’agir de l’oxigène dans les médicamens,
dépend de fa combinaifon avec les matières animales,
8c de l’épaiffiffement qu’il produit dans les
liquides, organiques , foit immédiatement & à
mefure qu’il fe combine, foit médiatement, 8c
par la feule difpofition à fe concréter qu’iî leur
communique iorfqu’il n’eft encore que légèrement
adhérent a ces fubftances. C’ eft fans doute de là
que découle cette propriété conerefcibîe 8c plafti-
quô qu’on obferve dans les humeurs des animaux
qui, refpirant par des organes pulmonaires plus
ou moins étendus, femblent avoir des milliers dê
»ouches ouvertes pour abforber l’oxigène atmofo
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phérique. C’eft auffi à cet effet qu’il faut attribuer
le changement aflez prompt que fait naître, dans
les humeurs féreufes des ulcères atoniques , l’application
des matières oxigénées , ordinairement
fuîvie de la diminution d’écoulement & d’une plus
grande confiftance des liquides qui s’en écoulent.
Ce pre mier effet eft bientôt fuivi de la cicatrifation
qu’il précède & qu’ il annonce »comme cela fe préfente
dans les progrès naturels des ulcères qui, au
moment où ils approchent de leur guérifon , fe
couvrent d’un pus épais 8 c collant, au lieu de
l’humeur ichoreufe qui les baignoit avant cette
époque. Il feroit difficile de concevoir cette ab-
forption & cette combinaifon de l’oxigène, fans
y voir en même tems la fo-urce d’un changement
de nature dans les fubftances animales où il fe
fixe, & fans admettre que la proportion de leurs
principes conftituans éprouve une variation plus
ou moins prononcée / femblable à celle qui fe
mamfefte toutes les fois que, dans des effais chimiques,
on traite ces fubftances par quelque matière
fortement oxigénée. Cette variation , qui
n’eft pas fans doute auffi forte dans les effets médicamenteux
, que dans les expériences chimiques,
eft cependant de la même nature, & confifte fpé-
cialement dans la féparation d’une partie d’hydrogène
qui fe dégage ou fe combine en eau, ainfi
que dans le développement d’une certaine dofe de
carbone qui eft fouvent mife à nu.
Mais ces actions chimiques de I’oxigène , qui
aident à faire concevoir fes effets médicamenteux,
ne font pas les feules qu’il paroît exercer fur le
corps des animaux ; car celui-ci n’étant pas feulement
fournis aux forces & aux phénomènes chimiques,
doit éprouver encore de la puiflance
médicamenteufe d’autres changemens. Ce qu’on
défigne par le nom de f o r c e s o r g a n iq u e s 3 parce
qu elles font inhérentes aux organes vivans, cette
mobilité mufculaire qui, furtout par fon obéif-
fance aux ftimulus divers, entretient les mouve-
mens & préfide à la v ie , reçoit certainement une
modification de la part de l’oxigène médicamenteux.
Il y a plus de trente ans que Carmînati remarqua,
pour la première fois, que les animaux ,
fuffoqués par ce qu’on nommoit alors Y a i r f i x e >
offroient, lors de la diffe&ion faite immédiatement
après la mort, leur coeur comme paralyfé 8t
infenfible aux irritans les plus a&ifs. On en conclut
dès-îors que l’air fixe agifloit comme un poi-
fon narcotique, & il a fallu près de vingt ans de
travaux & de recherches avant que Goo iwin 8c
Humboldt euflent découvert que le coeur perd
o it, dans ce cas, fa force irritable 8c fa contractibilité,
parce que le fang qui y parvenoit>
n’y portoit plus de ftimulus excitant, que la pré-
fence du gaz oxigène dans l’air pouvoit feule y
entretenir en fe diffblvant dans ce liquide. On at
vérifié de plus que le gaa oxigène , refpiré feu! „
ainfi que l’ufage des médicamens oxigénés, aug-
mentoit la chaleur 8c l’énergie vitale» que Ies