
devient fufceptible de fe volatilifer en partie. C ’eft |
cette huile qui donne la molleffe, & fert à lier les J
autres principes de Y opium ; c’eft elle aufli qui
renferme le principe vireux d’où dépend la vertu j
narcotique de cette fubftance, car lorfqu’elle a été j
l'éparée de l’extrait, il ne refte à celui-ci d’autre |
odeur que celle qu’ont ordinairement les extraits
des plantes inodores à demi-cuits, & les proprié- I
tés médicinales de cet extrait font aufli beaucoup
plus douces que celles de ’i’opwm; il n’agit plus
comme narcotique, mais comme Ample, calmant,
effet qui dépend probablement d une portion de
ce principe vireux qui refte uni à la partie extractive
dans Jaquelle il eft embarraflé. On peut voir
dans les Élémens de-Pharmacie de M. Ëaumé une
obfervation très-bien détaillée d’une perfonné
guérie de mouvemens 'convulfifs à l’eftomac, &
de vomiffemens continuels par l’ufage de ce feul
médicament.
m M. Baumé, pour_décompofer Y opium 3 en prépare
l’extrait par une longue digeftion de la manière
fui vante :
33 On coupe par morceaux quatre livres de bon
opium ; on le fait bouillir, dans douze ou quinze
pintes d’eau, pendant environ une demi-heure : on
pafle la décoction avec forte expreflion : on refait
bouillir le marc dans de nouvelle eau encore une
fois ou deux, ou jufqu’à ce qu’il foit épuifé : on
mêle toutes les liqueurs : on les pafle au travers
d’un blanchet, & on les réduit>par l’évaporation,
environ à fix pinces. On met cette liqueur dans une
cucurbite d’étain fuftifamment grande : on la place
fur un bain de fable : on échauffe le vaifleau, &
on entretient le feu, que l’on continue tous les
jours pendant fix mois ou bien pendant trois mois
jour & nuit. On a foin de gratter de tems en tems,
avec une fpatule de bois, le fond du vaifleau, afin
de détacher la réfine qui commence à fe précipiter
au bout de quelques jours de digeftion : on remplit
le vaifleau avec de l’eau à mefure qu’elle s’évapore.
La chaleur doit être affez forte pour entretenir
la liqueur prefque toujours, au degré de
l’ ébullition.....Lorfque la digeftion eft finie & que
la liqueur s’eft refroidie, on la pafle à travers un
blanchet, afin de féparer le fèdiment : on lave ce
dépôt avec de l’ eau, afin d’en emporter tout ce
qu’il contient d’extraétif, & on fait évaporer la
liqueur jufqu’en confiftance d’extrait fuffifamment
foîide pour pouvoir en former des pillules.
» Si on veut obtenir le fel effentiel de Y opium,
on ne fait point évaporer la diflolution jufqu’à fîc-
cité, mais feulement jufqu’à ce .qu'elle foit réduite
environ à une pinte. On la laiffe refroidir du foir
au lendemain : elle fournit un fel effentiel terreux,
roux , figuré à peu près comme le fel fédatif, &,
mêlé de quelques criftaux en petites aiguilles.
M. Baumé n’a encore màlheureufement rien publié
fur la nature de ce fel, & les découvertes intéjef-
fantes qu”il a faites fur l’opium, doivent faire de-
firer ardemment 'aux amateurs de la fcience chimi- -
que, que quelqu’un mette la dernière main à un
travail de cette importance.
33 Dans la digeftion de Y opium, e’eft l’huile qui
fe fépare la première : après trois ou quatre jours
elle vient nager à la furrace de la liqueur, où elle
forme une pellicule cendrée, graffe & collante à
peu près comme la térébenthine. Cette pellicule
refte ainfi jufqu’à la fin du premier mois de digeftion,
après quoi il n’en paroît plus que quelques
portions, encore faut-il que la liqueur foit chaude.
En même tems que l’huile fe dégage, la partie
réfineufe, qui n’ëtoit liée à la partie gornmeufe
que pat^cet intermède, fe fépare, & fe trouve
d’autant plus décompofée, que la digeftion a duré
plus long-tems $ car dans les commehcemens elle
retient encore une portion de matière huileufe-,
qui la fait s’attacher au fond des vaiffeaux lorf-
qu’ils refroidiffcnt î mais vers la fin de l ’opération
cet inconvénient n’a plus iie.u.
» La quantité de chacun des principes de IV
pium du commerce, d’après le calcul de M. Baumé,
eft dans la proportion fuivante : Sur quatre livres
difloutes dans l’eau , on retire une livre une once
de marc fec, compofé de feuilles & autres impuretés
j une livre quinze onces, ou à peu près la
moitié du po’ds total d’un véritable extrait favo-
neux : douze onces, ou à peu près un cinquième
de matière réfineufe, un gros de fel effentiel, trois
onces fept gros de matière volatile, fediflipent pendant
la digeftion. >•
Au mois de janvier 1777, quatre ans après la
publication de fon ouvrage cité ci-deffus, Bucquet
communiqua à la Société royale de médecine de
Paris des Obfeiyations fur lanalyfe de l'opium. Je
les infère ici pour faire fuite aux détails déjà donnés
fur ceite matière.
e« L‘opium, dit Bucquet, eft un des plus puiffans
remèdes que la médecine puiffe employer dans le
traitement d’un grand nombre de maladies aigues.
La propriété qu’a cette fubftance de calmer les
douleurs les plus vives,& les plus opiniâtres, l’a
depuis long-tems rendue recommandable. Diof-
coride en a beaucoup célébré l’ufage > Sylvius de
Leboë l’émployoit fi communément qu’il en reçut
le furnom de Doéîor opiatus ; Sydenham s*en eft
fervi fréquemment, & avec fuccès. Cependant de
très-habiles médecins, à la tête defquels fe trouvent
Galien & l’illuftre Fernel, ont redouté les
effets de Yopium , & l’ont regardé comme un poi-
fon dangereux. On lui a reproché de diminuer la
fenfibilité, & d’engourdir les nerfs de toute l’habitude
du corps, tandis qu’ il foulève l’eftomac &
excite fouvent le vomiffement : mais furtout on
I’accufe de fufpendré même & d’arrêter les crifes
les plus falutaires 5 en forte que ce n’eft que dans
les cas de la plus grande néceflité , prefque toujours
à regret & pour ainfi dire en tremblant, que
les meilleurs praticiens emploient aujourd’hui I V
pium.
*> L’analyfe chimique, qui, fi elle étoit faite avec
foin, pourroit être très-utile à la médecine-pratique
, n'a pas jufqu’à préfent jeté beaucoup de
jour fur la nature & les propriétés des plantes &
de leurs produits. Plufieurs chimiftes ont travaillé
fur Y opium ; ils ont cherché à en modérer l’aétion
& à en diminuer les effets, foit en le torréfiant ou
en le faifant fermenter, foit en le combinant avec
différentes fubftances acides ou alcalines, foit en
féparant, à l’aide des menftrues convenables, les
principes qui entrent dans fa compofition j mais le
plus grand nombre de ces prétendues corrections
n’a point été généralement adopté. La torréfaction
n’a paru propre qu’à détruire entièrement la vertu
de Y opium y en altérant tous fes principes. La fermentation
de cette fubftance, pure ou mêlée avec
d’autres, n’a pas été fuivie avec affez de foin pour
qu'on puifie en connoître les circonftances & les
produits. L’aCtion des acides & des alcalis fur ce
fuc n’a point été fuffifamment examinée, & on ne
fait pas précifément ce qui fe pafle dans ces fortes
de combinaifons. Aufli Geoffroy, dans fon Traité
de matière médicale, Lémery, dans fon Cours de
chimie , & Baron fon favant commentateur, ont-
ils préféré l’ ufage de Y opium pur à celui des différentes
préparations qu’on a effayé d.’en faire. Cependant
Sydenham , qui a fait un grand ufage de
Y opium dans fa pratique, l’a prefque toujours combiné
avec le vin d’ Efpagne & avec les ‘plantes
aromatiques, nervines & cordiales, comme la
canelle, les clous de girofle &r de fafran, pour
former fon laudanum liquide, adopté dans un grand
nombre de difpenfaires. La Faculté de Paris en
prefcrivant de préparer l’extrait d * opium ou laudanum
de manière à retirer tous les principes de
ce fuc, préfère le viffblanc à tout autre menftrue
vraifembiablement pour faire entrer dans le produit
la partie tartareufe &r la portion de favon ex-
traCtif qui fe trouvent dans le vin.
33 Une différence d’opinions' fi marquée entre
des favans célèbres me paroît dépendre de ce que
Jes principes de Yopium ne font pas bien connus.
M. Geoffroy dit que c’eft un fuc gommo-réfineux
compofé d’huile & de fel, l'oit acide, foit alcali,
dont une grande portion fe diflout dans l’eau, &
une portion médiocre dans l’efprit de vin. Il y
admet aufli beaucoup d’un prétendu foufre grof-
fier & cependant très-expanfible, à la préferice
duquel il attribué les principaux effets de Y opium.
M. Lémery regarde Y opium comme compofé d’une
partie fpiritueufe diffoluble dans l’eau, & d’une
partie réfineufe groflière & terreftre, qui n’eft dif-
foluble que dans l’efprit de vin. Enfin Baron, en
réfutant l’opinion de Lémery , dit que Y opium eft
une gomme-réfine plus diffoluble dans l’eau que
dans 1 efprit de vin. Cartheufer,, l’un des médecins
qui a le*plùs contribué à perfectionner la ma-
tiere medicale en y portant les lumières de la
cnimie, paroît avoir beaucoup mieux connu IV
pium ^ il le définit un compofé gommo-réfineux,
cnarge a un principe vireux très-mobile. II obferve
que cette fubftance eft plus diffoluble dans l’efprit
de vin que dans l’eau, puifque l’efprit de vin qu’on
y applique, en diflout d’ abord environ les trois
quarts, & que l’eau achève de diffoudre le refte,
tandis que, fi on commence par appliquer l’eau ,
ce menftrue n’en diflout guère que la moitié, &
laiffe l’autre moitié à diffoudre à l’efprit de vin.
Cartheufer obferve en outre que le principe odo-
• rant & vireux refte attaché de préférence à la
matière réfineufe, qui n’eft diffoluble que par i’ef-
prit de vin, & l’expérience lui a fait connoître
qu’une très-petite dofe de cette partie réfineufe
produifoit des effets narcotiques infiniment plus
; marqués,quene le pourroitfaire une quantité beaucoup
plus confîdérable de la portion de Yopium
que l’eau diflout. Aufli Cartheufer penfe-t-il qu’un
des meilleurs moyens d’adoucir Y opium & de modérer
fon a&ion eft d’en préparer l'extrait avec
de l’eau , foit par la macération, foit par l’infu-
fion, foit enfin par une légère décoCtion > il pro-
pofe ëncore d’y ajouter-les fucs de fruits acides,
ou de laifler fermenter quelque tems la diflolution
d'opium faite par l’ eau.
33 On trouve, dans les Elémens de Pharmacie de
Baumé, de très-bonnes recherches fur la nature
de Y opium y & il paroît que lb fentiment de ce
chimifte s’accorde affez bien avec celui de M. Cartheufer.
C ’eft en préparant l ’extrait d‘opium par
une longue digeftion, félon le procédé attribué
communément à M. Homberg, que M. Baumé eft
parvenu à avoir des notions exaCtes. fur la nature
de ce fuc, & fur la manière donc fes principes font
combinés.
33 Il reconnoît dansl’opium une partie extraCtive
diffoluble dans l’eau, & une matière réfineufe qui
, n’eft diffoluble que dans l’èfprit de vin 5 il remarque
, ainfi que l’a fait M. Cartheufer, que cette
fubftance réfineufe eft dans deux états aifferens,
favoir : dans celui d’une réfine fèche & pulvérulente
, qui fe précipite au fond de l’eau dans la-“
quelle on fait bouillir Yopium, & fous la forme -
a une huile ëpaifle & peu volatile qui fe dégage
pendant l’ébullition, & vient nager à la furface de
l’eau.) M. Baumé admet aufli dans Y opium un fel
effentiel, qu’ il dit n’avoir point examiné, mais que
M. Cartheufer affure être un acide : ce fel s’obtient
facilement de la diflolution d'opium rapprochée
& mife à criftallifer.
33 II eft démontré, par les expériences de M. Baumé,
que Y opium fe décompoie pendant qu’on en
prépare l’extrait par une longue digeftion : la partie
vireufe de cette fubftance fe diflipe avec l’huile
la plus légère. La réfine qui ri’étoit fufpendue dans
l’eau qu’à la faveur de la partie huileufe, fe précipite,
en forte que la liqueur éclaircie ne tient
plus en diflolution que la feule partie extraCtive
, qui ne conferve rien de l’ odeur défagréable particulière
à Yopium y & qui, fuivant MM. Neuman,
Cartheufer & plufieurs médecins célèbres, poflede
une grande partie de la vertu calmante, fans rien
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