
voit conflamment fes effets à l’air fixe ou acide
méphitique, & depuis la Grotte-du-Chien près de
Naples, les bouliaous du midi de la France, les
mines & carrières méphitifées, jufqu’aux calles
trop pleines des vaiffeaux, aux faites trop étroites
& trop encombrées des hôpitaux, des prifons,
jufqu’aux foffes d'aifance, ii célèbres par leurs
effets délétères fur les hommes, on voulut que le
méphitifme fût toujours dû au dégagement ou àja
formation de l’acide aérien, crayeux, méphitique ;
car il r.-çut fucceffivement ces noms divers avant
de porter celui d'acide carbonique, fous lequel il
eft aujourd’hui généralement connu.
De là vinrent les procédés qu’on ne ceffa de
éonfeiller dans tous les cas d’infeétion , de méphi-
tifme, de putréfaction & de contagion, car on
alla julqu’ à confondre tous ces phénomènes naturels
entr’eux : de là le perpétuel confeil des flambeaux
& de la paille allumée, de l’eau de chaux
& de la teinture de tournefol pour reconnoître le
gaz méphitique, ainfi que les grands arrofemens,
les pourans d’eau, la chaux, le lait de chaux., les
alcalis cauftiques pour l’abforber & en détruire
les effets.
Il a fallu plus de vingt années de découvertes
fuçceflives affez nombreufes, des études approfondies
fur les gaz, pour redreffer ces idées trop
générales, trop vagues, & par cela même inexactes
fut le méphitifrre, comme il en avoit fallu pour
renverfer la théorie fauffe de Macbride, qui par
fes ingénieufes recherches avoit cru pouvoir fixer
la caufe de la putréfaction dans le dégagement de
fait fixe, 8ç la fource des'antifeptiques dans la
reftitution de ce prétendu principe aux matières
putréfiées.'
Aujourd'hui Ton fait pofitivement, i*. que le
méphitifme n’eft pas du dans tous les cas a la pte-
fence de l’acide carbonique ou méphitique ; z°. que
ç’eft à la vérité à cet acide gazeux qu’il faut rapporter
celui de la Grotte-du-Chien & de plufieurs
cavités fouterraines, ainfi que celui des cuves en
fermentation & des lieux trop étroits, où brûle
une grande quantité de charbon , fans poflibilité
de renouvellement de l’air ; 30. qu’à la préfence
de cet acide fe joint celle des gaz oxide de carbone
& hydrogène carboné,dans le cas du charbon
brûlé &des combuftionsfaites en général dans
des lieux trop étroits 40. que le gaz hydrogène
carboné eft plus méphitique & plus délétère encore
que le gaz acide carbonique feul ; que le
gaz hydrogène fulfuré eft encore plus dangereux
q«e le gaz acide carbonique 8c que Je gaz hydrogène
carboné j 6°. que le gaz azote eft également
afphixiant, & peut au* fe trouver, quoiqu'il y
fort plus rare, parmi les fluides méphitiques;
7". que le gaz ammoniac , mêlé au gaz hydrogène
fulfuré en hydrofulfure gazeux, eft également
délétère, mais un peu moins méphitique que le
gaz hydrogène fulfuré feul ;.8°. qu'il peut y avoir
dgS gaz méphitifans mixtesbacompofés, £Sc que
Tafphixie peut être produite par îa préfeflCe &:
Talion fimultanée de plufieurs de ces gaz à la
fois.
Munis de ces connoiffances exa&es que la fcience
fournit par l’état où elle eft portée aujourd’hui
(juin 180.6 ) j les phyficiens o it tous les moyens
d’étudier avec plus de facilité les diverfes efpèces
du méphitifme 3 & de rechercher avec plus de fruit
les procédés propres à les détruire, & .à'en combattre
les dangereux effets.
On va voir dans la fécondé partie, que ces nouvelles
lumières permettent déjà de mieux apprécier
la nature variée du méphitifme y d’en claffer
les différentes efpèces, & de les reconnoître à des
caractères affez certains pour ne plus permettre „
dans ce genre, d’erreurs préjudiciables à la vie
comme à la fanté de l’homme & des animaux.
IIe. PARTIE. Des diverfes efpèces de méphitifme.
On peut diftinguer en deux genres les diverfes
efpèces de méphitifme connues j le premier comprend
les méphitifmes naiurels, & le fécond, ceux
que l’on\do;t à l’art ou à des circonftanees que les
arts font naître.
Parmi les premiers il faut ranger, i°. les antres-
fouterrains où les animaux ne peuvent vivre &
font afphixiés, telle que la Grotte-du-Chien près
de Naples, la cave de Montjoly près de Clermont-
Ferrand j,z°. les cavités creufées dans la terre pour
faire des puits, des glacières,, des fondations profondes;
30. les mines des métaux & lés carrières»
de houille-
Parmi les méphitifmes du fécond genre , dont le
nombre eft beaucoup plus grand que celui des premiers,
on doit compter, i°. les caveaux remplis
ou garnis de diverfes fubftances, & furtout d’huiles
volatiles & odorantes les foffes d’aifance ;
3®. les foffes des tombeaux & des cimetières >
4°. les cuves où fermence le moût du raifin la-
décoCtion d’orge germé, le jus de pommes ou de
poires ; y°. les lieux refferrés &j3njçombrés par un»
trop grand nombre d’hommesTcomme les prifons,
les vaiffeaux, les hôpitaux; 6®. les chambres
récemment peintes ; y°. les fteurs & les fruits»
confervés dans des chambres clôfes ; 8°. les greniers
remplis de foin qui n’eft pas très-fec ; 90. enfin v
la vapeur du charbon allumé. Reprenons fucceffivement
ces douze efpèces de méphitifmes, divifées
en deux genres.
Ier. Genre. Méphitifmes naturels*
lcfr. E spèce. Méphitifme de la Grotte-du-Chien#
&c. U eft bien reconnu que la Grotte-du-Chien ,,
ainfi que les cavernes méphitifées naturelles, eft
plus ou moins remplie de gaz ackie carbonique
qui s’y- renouvelle fans ctffe. C’eft pour cela que
le méphitifme y occupe la région intérieure , que-
les animaux y font luffoqués plus vue que les honvmes,
que les bougies s’y éteignent, que 1 eau de \
chaux & celle de baryte y font troublées & précipitées,
que la teinture de tournefol y rougit,
que l'eau qu’on agite forcement dans les couches
méphitiques y devient piquante & aigrelette. Tous
ces ré fui tats, vérifiés par de nombreufes expériences,
ne laiffent aucun doute fur la nature du gaz
méphitifant. Il ne refte à déterminer fur ce point
que la caufe qui renouvelle le gaz acide carbonique
dans les cavités. Depuis Pline, & fans doute
avant lui jufqu’à nos jours, la Grotte-du-Chien
eft conftamment remplie de ce gaz jufqu’à une
certaine hauteur. Quoiqu’on ne puiffe pas déterminer
la caufe qui le reproduit fans ceffe , il paroït
que les terrains anciennement volcanifés font la
fource la plus ordinaire de cette reproduction.
C ’eft au moins ce que femble annoncer la conf-
tance avec laquelle ces grottes méphitifées fe rencontrent
dans les pays de volcans.
II®. Espece. Méphitifme des puits, &c. U arrive
fouvent qu'en creufant la terre pour ouvrir des
puits, des foffes , des glacières, & c ., & furtout
quand on trouve des couches de terre végétale,
de terre calcaire ou de gypfe, il fe développe , au
moment même & par l’effet des fouilles, des efpèces
de courans de gaz acide carbonique, qui
rempliffent tout ou partie feulement de ces cavités
artificielles. On a vu fouvent les hommes employés
à ces travaux faifis d’afphixie, & des expériences
affez exaCtes ont plufieurs fois prouvé que le gaz
méphitique, dégagé dans ces circonftanees, étoit
de l’acide carbonique, qu’on reconnoît fi aifément
& fi fûrement par lés caractères-qui viennent d’être
indiqués. Cependant il paroït aufti que la caufe de
ce méphitifme des puits, qui fe renouvelle quelquefois
dans les lieux après avoir difparu, n’eft
pas conftamment de l’acide carbonique. M. Cadet
Devaux a décrit un méphitifme des puits qui ne
formoit, dans les cylindres vides fouterrains,
qu’une couche de quelques décimètres d’épaif-
feur, au deffus &c au deffous defquels il étoit
permis de refpirer. Si cette obfervatiôn eft exaCte,
il s’enfuit que, dans ce cas, le gaz méphitique
n’eft pas de l’acide carbonique qui oecuperoit le
bas des puits. Seroit-ce du gaz azote, dont la- légèreté,
peu fupérieure à celle de l ’air, lui per-
mettroit de relier quelque tems ftationarre, & de
n’être déplacé que lentement par le fluide atmof-
phérique? Il faut convenir que ce fujet mérite un
nouvel examen, & qu’il doit être recommandé à
l’intérêt comme à la fagaeité de ceux des phyficiens
modernes à qui l ’occafion de s’y livrer fera
offerte.
III. Espece. Méphitifme des mines & carrières.
Depuis long-tems les mineurs connoiffent & ont
décrit diverfes variétés de méphitifme, qui attaquent
les galleries des mines & les cavités des
carrières.^ Ils en ont furtout déterminé une qui
n eft pas inflammable, & une autre qui jouit de
ce cao&ère. Cette dernière eft nommée par les
mineurs feu or!fou, parce qu’ en y apportant une
torche enflammée elle s’allume & détonne avec
fracas. Us diftinguent encore des exhalaifons 8e
des inhalaifons 5 mais ces noms font plus appliqués
à la forme, qu’à la nature des vapeurs méphitiques
des mines. Il paroït que plufieurs gaz les
conftituent & varient fuivant la différence des
mines. L'acide carbonique en fait certainement
une partie; le gaz hydrogène pur, ou fulruré, ou
carboné, paroït auffi conftituer quelques-unes de
ces mofètes ou moufètes. On les attribuoit autrefois
à des vapeurs fulfureufes & arfenicales, &
en effet le foufre 8e l'arfenic peuvent bien être
tenus en diffolution ou en vapeur dans ces fluides
méphitiques des mines. On ne peut s’empêcher
de reconnoître que leur hiftoire eft encore loin
d’être approfondie. Toujours eft-il certain que le
gaz hydrogène impur eft fouvent la caufe de ce
méphitifme minéral, & c’eft à lui que font dues
non-feulement les détonations produites dans les
galeries par les lampes des mineurs , mais encore
les inflammations fpontanées qui fe forment fouvent
à l’ouverture des puits des mines de houilles,
qui durent quelquefois très-iong-tems, & qui forcent
d’en abandonner ou d'en fufpendre l’extraction
ou l’exploitation.
IIe. G e n r e . Méphitifmes artificiels.
Irc. E spèce. Méphitifmes des caves. Les caves
les plus faines deviennent quelquefois méphitiques
par les matières que l’on y renferme. Ce font fur-
tout les huiles volatiles ou les effences qui leur
donnent ce caractère : on l’a vu d’une manière
très-1 marquée dans plufieurs caves des droguiftes.
Deux jeunes gens ont été afphixiés dans une cave
de la rfifô des Lombards , où l’on avoit renfermé
; plufieurs tonneaux d’effence de térébenthine. Il
n’y a pas lieu de douter que les émanations de
cette huile, ou plutôt une partie même de l’huile
réduite en vapeur, a porté dans l’air de la cave
une altération qui l’a rendu promptement incapable
d’entretenir la refpiration. Et en effet, une
huile voladlifée dans l’air doit y éprouver une
combuftion prompte, en abforber l'oxigène, y
répandre du gaz hydrogène carburé, & convertir
ainfi en mofète très-dangereufe le plus pur aliment
de la vie. Ce que l ’huile volatile fait, toutes
les matières végétales, fraîches & odorantes fur-
tout, telles que des fleurs en grande quantité, des
fruits verts, des feuilles fraîches, peuvent le faire
plus ou moins promptement, & ce qui eft arrivé
dans dès caves, peut fe renouveler par la même
caufe dans des chambres, des ferres, & dans des
lieux refferrés où l’air ne fe renouvelle pas, ou fe
renouvelle beaucoup moins vîte qu’il n’eft altéré.
IIe. ESPÈCE. Méphitifme des foffes d'aifance. Cette
efpèce eft la plus fréqaente & la plus dangereufe
de toutes. C ’eft dans ces lieux de corruption y
auxquels on peut joindre les-égoûts où Ajournent
A x