
J’ai obtenu, des cheveux fournis au feu dans
un appareil fermé , les mêmes produits que de
toute autre matière animale , avec cette différence
, qu’ils fourniffent plus de foufre & ne donnent
que très-peu de gaz : ils laifîent dans la cornue
vingt-huit à trente centièmes de charbon.
Par l'incinération ils m’ont fourni du fer & du
manganèfe , qui donnent une couleur jaune-brune
à la cendre , du phofphate , du fui fa te & du car?
bonate de chaux , un peu de muriace de foude &r
une quantité notable de filice. Les cendres des
cheveux rouges font moins colorées, parce qu’elles
contiennent moins de fer & de manganèfe j celles
des cheveux blancs en recèlent moins auffi, mais
l’on y trouve beaucoup de magnéfîe, relativement
aux autres principes j car les cheveux ne
laiffent guère au-delà d’un centième & demi de
cendres.
» L’alcool tire des cheveux noirs deux efpèces
d’huile > l’une blanche , qui fe dépofe par le re-
froidilfement fous forme de petites lames brillantes
; l’autre, qui fe fépare à mefure que l’alcool fe
volatilife, eft d’un gris-verdâtre , & devient concrète
auffi à la longue.
» Les cheveux rouges donnent également une
huile blanche & concrète comme le blanc de baleine,
mais l’alcool laiffe dépofer par l’évaporation,
une autre huile qui eft rouge comme du fang. Ce
qu’il y a de remarquable & d’intéreffant dans cette
expérience, c’eft que les cheveux les plus rouges
qui y ont été fournis , font devenus bruns ou châ-
tains-foncé : je conclus de là que la couleur des
cheveux rouges eft due à la préfence de cette
huile.
» Dans les expériences quej’aifaites, & dont j’ai
omis un grand nombre qui ne font qu’acceffoires
au but principal, l’on voit que les cheveux noirs
font formés de neuf fubftances différentes } fa-
voir :
» i°. D’une matière animale qui en fait la plus
grande partie ;
3> 2°. D’une huile blanche concrète, en petite
quantité ;
- 33 3P. D’une autre huile grife-verdâtre, plus
abondante ;
• >3 40. De fer dont l’état de combinaifon eft incertain
;
33 y°. De quelques atomes d’oxide de manganèfe
i
33 6° . De phofphate de chaux î
337®. De carbonate de chaux, en-très-petite
quantité j
»3 8°. De fîlice, en quantité notable ;
»> 90. Enfin , d'une quantité confidérable de
foufre.
>3 Les mêmes expériences font connoître que
les cheveux rouges ne diffèrent des cheveux noirs
qu’en ce qu'ils contiennent une huile rouge au
lieu d’une huile noire-verdâtre ; enfin, que les
cheveux blancs diffèrent des deux premières efpèces,
en ce que l’huile n'eft prefque pas colorée
, & qu’ils contiennent du phofphate de magnéfîe
, qu’on ne trouve pas dans les autres.
' 33 D’après cette connoiffance de la nature des
principes conftitutifs des cheveux , je penfe que
l’on peut rendre raifon des couleurs variées qui
diftinguent ces organes. La couleur noire eft produite
par une huile noire & comme bitumineufe.,
& peut-être aufti par la combinaifon du fer avec
le foufre. Les couleurs rouges & blondes feroient
dues à la préfence d’une huile rouge ou jaune,
dont l’intenfité, diminuée par une petite quantité
d’huile brune, donne le roux. Enfin, la couleur
blanche feroit due à l’abfence de l’huile
noire & du fer fulfuré. Je crois que, dans les cheveux
rouges & blonds , ainfî que dans les blancs,
il y a toujours un excès de foufre , puifque lorsqu'on
leur applique des oxides métalliques blancs,
tels que ceux de mercure , de plomb, de bif-
muth, &c. ils noirciffent très-promptement. La
manière dont ce corps agit fur les fubftances métalliques
me fait foupçonner qu'il eft uni à l’hydrogène.
33 Ne pourroit-on pas expliquer auffi la blancheur
arrivée fubitement aux cheveux des personnes
frappées d’ un profond chagrin ou furpri-
fes par une grande peur? Il faudroit fuppofer,
pour cette explication , que, dans ces momens de
crifes où la nature eft en révolution, & où con-
féquemment les fonctions naturelles font fufpen-
dues ou changées de nature , il fe développât dans
l’économie animale un agent qui, paffant jufque
dans les cheveux, en décompofât la matière colorante.
Mais quel agent poûrroit produire cet
effet ? Les acides feuls en paroiffent capables : ce
qu'il y a de certain, c’eft que des cheveux noirs,
plongés pendant quelque té ms dans ces diffolvans,
& notamment dans l’acide muriatique oxigéné,
blanchiffent très-fenfiblement.
33 La produétion rapide d’un acide dans l’économie
animale ne paroît pas impoffible, en confi-
dérant qu’un mouvement de colère dans les hommes
, auffi bien que dans les animaux, fuffit pour
changer la nature de certaines de leurs humeurs &
les rendre venimeufes, & en voyant que le fluide
galvanique détermine fouvent dans les matières
animales & végétales la formation ou au moins
le développement d’ un acide ou d'un alcali, fui-
vant les circonftances. Quant à la blancheur qui
arrive aux cheveux graduellement & avec l’âge,
je l’attribue au défaut de fécrétion de la matière
colorante.
33 II y a dans les cheveux, indépendamment de
la matière animale qui en fait la baie & qui eft la
même dans tous, une matière colorante qu’on
peut en féparer, & dont la nuance varie fui van t
l’efpèce qu’elle caraélérife. C’eft à cette fubftance
graffe que j’attribue la foupleffe , l’élafticité , l’inaltérabilité
dont jouiffent les cheveux ; & c’eft
fans doute auffi à la même fubftance qu’ils doivent
la propriété de brûler fi rapidement & de former
abondamment du fa von avec les alcalis.
» Après avoir traité des matières colorantes des
cheveux , je vais effayer de cara&érifer la fubftance
animale qui en forme le corps, en la comparant
avec toutes celles que l’on copnoît. Sans
rapporter toutes les expériences que j’ai faites à
cet égard, je dirai que ce n’eft point de la gélatine
, puifque ladifTolution dans l’eau * qu’on opère
avec peine , ne fe prend jamais en gelée par l'évaporation
5 que ce n’eft pas non plus de l’albumine
, car elle ne fe diffoudroit pas dans
l’eau bouillante fans fe décompofer, & la diffo-
lution fe comporteroit différemment avec lés
réactifs.
33 L’humeur dont la fubftance des cheveux fe
rapproche le plus , fi elle n’eft pas abfolument la
même, fe rapproche finguliérement de celle que
les phyfiologiftes ont défignée fous le nom de
mucus ou de m u c ila g e a n im a l , qui n’eft ni gélatine
ni albumine.
>3 Cette humeur, qui eft féparée dans les narines,
la bouche, l'oelophage, la trachée artère ,
l’eftomac, la veffie, & en général dans toutes les
cavités du corps, donne à l’eau beaucoup de vif-
cofîté, & la faculté de mouffer fortement par l'agitation.
Dans certains cas, elle fe file comme la
fubftance de la foie oa comme celle dont les araignées
font leurs toiles j conferve de la tranfpa-
rence & de la flexibilité après la defficcation $ &
je ne doute pas que fi elle contenoit un peu
d’huile ,-elle ne reffemblât entièrement à la fubftance
des cheveux.
» L’épiderme, les ongles , les cornes , la laine"
& les p o i l s en général, font formés du même mucus
animal, & recèlent également dans leur com-
pofition une certaine quantité d’ huile qui leur
donne la foupleffe & l’éiafticité qu’on leur con-
noît.
»3 Un commencement de travail entrepris fur
l'humeur de la plique, qui m’a été remife par
M. Alibert, médecin de l’hôpital Saint-Louis,
nie fait croire qu’elle eft de la même nature que la
fubftance des cheveux, & qu’elle eft furabondante
à la formation de ces derniers.
3» Lés p o i l s & les cheveux font les parties du
corps humain qui fe confervent le plus Ion g-te ms ;
ils n’ont point en eux le même principe de dé-
compofition & de changement de nature quiexifte
dans la plnpart des autres fubftances animales, ils
font même plus durablesque les os 5 & dans les
anciens tombeaux où les fquelettes étoient réduits
en pouffière, ou détruits tout-à-fait par l’a&ion
dé l’eau & de l’ air, les cheveux encore fubfiftans,
après avoir réfifté aux efforts des fiècles, attef-
toient encore que des cadavres humains y avoient
été dépofés. Il eft bien facile de voir que cette
confervation dépend entièrement de la nature
cornée, indiffoluble des cheveux, & que n’étant
point altérables par l’air ni par Teau, qui fondent
& atténuent peu à peu toutes les autres fubftances
animales, ils reftent avec leurs propriétés & leur
compofition au milieu même de la deftruétion qui
s’empare de toutes les parties organiques. Gar-
man, dans fon Traité d e M i r a c u l i s m o r tu o r um , cite
un grand nombre de faits & d’obfervations qui
prouvent cette indeftru&ibilité & cette durabilité
des p o i l s . 33
POIRÉ. Le p o i r é eft une liqueur vineufe, que
l’on prépare en faifant fermenter le fuc des poires
écrafées & exprimées fous une meule. Cette forte
de vin, très-agréable lorsqu’elle eft bien faite, eft
ordinairement aigrelette, & difpofée à mouffer
par l’acide carbonique qu’elle recèle afféz abondamment
, & par la fermentation qui y continue.
On en prépare en Normandie, qui a prefque la
qualité & l’agrément des vins de Champagne
mouffeux.
Le p o i r é , comme le cidre, contient du mucilage,
de l’extrait, peu de tartre, & une certaine
quantité de matière fucrée. Voilà pourquoi il
donne beaucoup plus de réfidu par l’évaporation ,
& il ne dépofe point de tartre, comme le fait le
vin de raifin.
Il eft fufceptible de donner de l’alcool par la
diftillation, &r, dans les années'abondantes, on
le brûle pour en obtenir une eau-de-vie d’affez
bonne qualité quand elle eft préparée avec foin ;
il demande encore plus de précaution que le vin
ordinaire dans fa diftillation , à caufe de i’ëpaiffif-
fement que contraéle la liqueur par l’évaporation
, & de la quantité d’extrait qu’elle contient.
C ’eft pour cela que les eaux-de-vie de cidre & de
p o i r é , diftillées groffiérement & fans précaution,
comme on le fait dans la plupart des fermes , ont
un goût & une odeur d’empyreume qui ne permettent
pas de les employer ordinairement pour
la table } mais en appliquant à l’art de brûler les
liqueurs , les procédés & les appareils améliorés
qu’on emploie fi utilement aujourd’hui dans le
midi de la France pour les vins, on fera des eaux-
de-vie & des alcools affez fins & affez délicats
pour être adaptés à la préparation des liqueurs de
table, & aux ufages pharmaceutiques.
Le p o i r é , comme le cidre , eft fufceptible de
s’altérer beaucoup plus facilement & plus promptement
que le vin , & ne peut pas être conferve
auffi long-tems que cette dernière liqueur 5 il va
rarement au-delà de deux ou trois années de confervation
, & cela eft dû aux matières végétales
muqueufe & extraétive qu’il contient.
On fait avec le p o i r é , qu’on laiffe aigrir en l’ex-
pofant dans des vafes à moitié vides, à une température
qui excède dix à douze degrés, un vinaigre
de très-bonne qualité, qu’on fubftitue au
vinaigre de vin, & avec beaucoup d’avantage,
dans les pays à cidre. On a même remarqué que
le vinaigre de p o i r é eft plus fin, plus délicat & plus
agréable que celui de cidre.