
Il y a plufieurs corps qui deviennent & qui ref-
tent pendant quelque tems phofphorefcens par
une chaleur vive & toutefois infuffifante pour les
faire rougir, quoique leur phofpkorefcence fe ma-
nifefte par une forte d'incandefcence. Je veux
parler ici du fulfure de cuivre que l'on forme en
chauffant & en faifant fondre un mélange de foufre
en poudre, 8c de cuivre en limaille , dans un
cylindre de verre placé au milieu des charbons
allumés. Ce feu n’eft pas allez fort pour faire rougir
les parois de ce creufet, quoiqu’affez mince ;
& cependant auffitôt que le foutre 8c le cuivre
entrent en combinaifon, les deux matières fe fondent,
fe combinent, 8c présentent,.à l’inftant de
cette combinaifon, une lumière rouge - purpurine
qui les pénètre dans toute leur épaiffeur. On ne
peut pas dire que ce phénomène dépende d'une
combuftion, 5e foit une inflammation , puifque
l’appareil eft bien fermé 8c ne contient pas d’air.
D’après les différens faits que je viens de citer»
on doit voir que les phénomènes de la phofpho-
refcence par la chaleur iont différens lés uns des
autres , ■ & tiennent à des caufes qui ne font pas
les mêmes. Si plulîeurs d’entre les corps phofphorefcens
par ce procédé femblent devoir cette
propriété à la fortie plus ou moins brufque de
l’eau évaporée par la chaleur , plufieurs aufli la
préfentent quoiqu’on n’y connoiffe pas d’eau, ou
quoiqu'ils nxen perdent pas par l’aétion du feu qui
les rend lumineux. Concluons de ces confidéra-
tions, qu’une caufe unique ne préfidant point à ce
genre de phofpkorefcence $ ilTaudra étudier ce phénomène
avec plus de foin & d’attention qu’on ne
Ta fait jufqu’aujourd’hui } il faudra interroger la
nature par de nouvelles & nombreufes expériences
; que beaucoup de chofes reftent à faire encore
dans ce genre de recherches, & furtout que
chacun des corps dont il eft queftion mérite d’occuper
en fon particulier ceux qui voudront fe
livrer à ces études intëreffantes.
V*. GENRE. Phofpkorefcence par imbibition de la
lumière.
Nous voici arrivés à la confédération d’ un genre
de phofpkorefcence très-différente de celle des qua- I
tre genres précédens. Il s’agit ici de corps q u i, J
fans être d’abord lumineux, le deviennent par la !
feule expofition à la lumière folaire. Tel eft fur- j
tout le diamant très-renommé par cette propriété, j
Expofé pendant quelques heures au concaét des '
rayons folaires, & porté enfuitedans l’obfcurité,
on allure qu’il brille plus ou moins vivement. On
a dit la même chofe des rubis & de quelques autres
gemmes, furtout des téléfies de M. Haiiy-. Les
efcarboucles ont été célébrées par les auteurs
orientaux, en raifon de cette propriété. Quoiqu'on
l’air attribuée à un allez grand nombre de corps
nommés tous phofphores à caufe de ce caractère,
elle réiide furtout dans ces fofïiles connus pendant
fl long-tems fous le nom de pierres précieufes. Ce
ne font pas feulement des voyageurs , des hifto-
riens, des auteurs de romans qui ont annoncé cette
propriété remarquable du diamant & de plulîeurs
gemmes : s’ils étoient feuls on pourroit douter de
leur fidélité, de leur véracité, ou du moins de
leur manière d’obferver > on pourroit fuipedter
leur bonne foi & craindre leurs exagérations ;
mais des phylîciens célèbres, des obfervateurs habiles
ont cité & décrit fi pofitivement cette phof
pkorejcence fpontanée & communiquée par la lumière
elle-même, qu’il -n’eft prefque pas permis
d’élever des doutes fur fon exiftence. Cependant
je ne dois pas diffimuler qu’elle a été niée par plufieurs
naturaliftes. M. Patrin allure qu’il n a pu
rien obferver de femblable , quoiqu’il ait tenté
plufieurs fois & avec foin l’expérience du diamant
expofé aux rayons lumineux & porté dans
i’obfcuriié. . ?
On a expliqué cetçe propriété phofphorique eu
difant que les rayons lumineux pénètrent le diamant
, s’y accumulent & en reffortent enfuite par
une forte de régurgitation ou de trop plein par
l’effet de reffort communiqué à cesxrayons en raifon
de leur accumulation même, & de la preffion
qu’ ils éprouvent dans cette accumulation. Rien
n’eft fi naturel, au premier coup-d’oeil, que cette
explication. Des corps plongés dans des torrens
de lumière, & difpofés de manière à l’abforber
dans leurs pores , doivent être en effet refpien-
diffans & lumineux tant que ce principe s en
échappe, par la néceflîté de fon émiffion correspondante
à fon abforption. Mais que de difficultés
ne rencontre-t-on pas lorfqu’on veut fe rendre
raifon de ce phénomène ? Quelle eft d’abord cette
difpofition , cette forme intérieure, cette ftruc-
ture poreufe du diamant, pour ne parler que de
celui qui eft le plus connu fous ce rapport, par
laquelle il admet ainfi, il appelle oirboit en quelque
forte entre fes lames ce principe fi rapide dans
fon mouvement, & fi puifïànt dans fon élafticité?
Comment accorder la dureté, la denfité de tiffu
du diamant, avec la célérité de -la lumière, qui
femble repouffer toute idée de fixation entre des
particules fi rapprochées ? Quelle eft la caufe qui
retient & qui comprime les rayons folaires dans
un milieu qui les réfléchit, qui les difperfe d’ail-
leurs-avec tant de force ? Comment la fortie d’une
matière fi aéfcive eft-elle fi lente? Y a-t-il une affinité
particulière entre le diamant & la lumière?
’ Eft-ce à cette affinité qu’il faut attribuer cette
| forte de fixité de la lumière? Toutes ces quef-
| tiens, cemmé on voit , & toutes celles' qu on
! pourroit faire fur-le même fujet, ne pourront etre
! réfolues, fi elles en font fufceptibles , que par des
j expériences délicates 8c futvies. On doit d’autant
] plus appeler à cet égard l’attention des phylîciens »
| qu’il y en a eu encore très-peu qui fe foient trouves
f dans des circonftances affez favorables pour fe li-
- vrer à ce curieux travail. Avoir en fa poffeffion
des diamans affez volumineux & affez beaux pour
être des fujets dignes de ces expériences, & promettant
des réfuitats certains, n’eft que rarement
au pouvoir des hommes occupés d’interroger la
nature.
VIe. GENRE. Phofpkorefcence par l’ejfet des
combinaifons chimiques.
Je range dans ce fixième genre la phofphoref-
■ cence qui fe montre pendant qu’on fait certaines
combinaifons chimiques, & qui paroiffent tenir
de l'aéte même de ces combinaifons. On pourroit,
ar exemple, rapporter à ce genre la lumière bril-
inte qui accompagne l’union du fou fre avec le cuivre,
& dont j’ai parlé à l’article Phosphorescence
par la chaleur , parce que c’eft au moyen
du calorique accumulé jufqu’à la fufion de ce ful-
fure, que ce phénomène a lieu. Il n’eft pas douteux
qu’elle tient à l’aéte même de l’union du
cuivre & du Coufre, puifque chacun de ces deux
corps ifolé ne prefente pas la lumière phofphorique
rouge , même en les chauffant plus fortement
qu’on ne le fait par la combinaifon. On peut croire
que plufieurs métaux traités avec le foufre par le
même procédé, offriroient le même éclat phofphorique
, fans doute avec des couleurs variées, fui-
vant la nature particulière de chaque fubftance
métallique. Voilà encore un fujet d’expériences
que j’offre aux chimiftes , & qui peut leur dévoiler
des faits inconnus jufqu’aujourd’hui.
N’eft-ce pas à la même fource qu’il faut rapporter,
& dans le même genre qu'il faut ranger la
phofphorefcence de la chaux bien vive, éteinte dans
l’eau pure 8c peu abondante dans la faifon des
grandes chaleurs, comme Pelletier l’a obfervé &
décrit avec l’intérêt que devoit lui infpirer un
phénomène dont aucun chimifte n’avoit parlé
avant lui ? C’eft au moment même de l’union intime
avec l’eau, que cette phofpkorefcence fe déve-
-loppe, & il eft évident que c’eft à cette union
même quelle eft due. .
11 feroit prefqu’étrange’ de ne pas attribuer
cette propriété lumineufe au dégagement de la
lumière , & par conféquent à fa féparation de l’un
des deux corps qui fe combinent, & peut-être de
tous deux à la fois, fuivant une loi de l ’affinité
chimique qu’on n’avoit pas encore foupçonnée,
tant on a été loin jufqu’ici de concevoir les combinaifons
de la lumière. Schéèle a ouvert, à cet
égard, une carrière brillante dans laquelle trop
peu de chimiftes encore fe font engagés. Rien ne
répugne, d’ après les faitsjndiqués par cet habile
chimifte, à ce qu’on admette des combinaifons,
des attrapions chimiques de la lumière, & par
conféquent des émiffions de ce principe qui, auparavant
caché ou latent, paroit en liberté avec
le mouvement & toutes les propriétés qui le ca-
raPérifent au moment où il fe fépare des com-
pofés dont il faifoit partie. Il fe comporte alors
comme le fait le calorique $ .& fi les de.ux propriété
/ .v j* . Tome V .
tés, la chaleur & la lumière , font dues au même
corps dans différens degrés de viteffe & de direction,
il n’yauroit plus aucune difficulté. En comparant
les cas où le calorique fe dégage comme chaleur
, à ceux où il s’élance comme lumière, on le
verroit fortant lentement dans les premiers, & fe
dégageant avec a Pi vite dans les féconds. On con-
noît beaucoup de combinaifons chimiques où il y
a de la chaleur produite ou éduite : j’ofe affûter
que, par des obfervations bien exaPès fur des combinaifons
faitesdans l’obfeurité, on en découvrira
beaùcoup aufh dans Iefquelles il y a émiffion de
principes lumineux.
VIIe. GENRE. Phofpkorefcence par des compofés
faits a dejfein,
Il y a quelques matières phofphorefcentes qui
ne font telles que par les préparations qu’on leur
fait fubir, & ce font par conféquent des compofés
faits à deffèin. Tel eft furtout le fulfate de baryte
, le plus fameux des phofphores pierreux,
qui n’eft fufceptible de phofpkorefcence que lorf-
qu’il a été calciné au rouge , au milieu des charbons
ardens, & mêlé auparavant avec de la gomme
délayée dans l’eau pour lui faire prendre la forme
de gâteaux minces, très-bien appropriée à la calcination
qu’il doit fubir. Cette préparation formé,
à l’aide de la chaleur, un fulfure de baryte par la
décompofîtion de l’acide fulfurique, à l'aide de la
matière charboneufe rouge. Ce fulfure qui contient
du carbone très-divifé, eft lumineux dans l’obf-
curité, & conferve ce caraPère pendant quelques
jours s'il eft gardé dans un vafe fermé & bien fec.
Lorfqu'il a perdu cette propriété par le tems ou
par fon expofition à l’air, on la lui rend en le
calcinant de nouveau au milieu des charbons. A
Bologne, où la découverte de cette efpèce de
phofphore a été faite, on le vend en petits gâteaux
fabriqués avec de la farine & de l’eau, &
qui ont confervé cette forme après la calcination.
On l’offre ordinairement à tous les voyageurs qui
paffent par cette ville, 8f c’eft un ufage établi parmi
ceux-ci de s’en munir d’une petite boîte, comme
pour prouver qu’ils ont été en Italie.
La phofpkorefcence de ce phofphore de Bologne
n'eft pas une fimpie émiffion de lumière , comme
celle de la plupart des phofphores que j’ai indiqués
jufqu’ ici j c’eft, à ce qu'il paroît, une ef-
pèce de combuftion lente & lumineufe, dans laquelle
le foufre extrêmement divifé fe brûle, &
repafie peu à peu à l’état d’acide fulfurique. Pour
la faire renaître lorfqu’elle s’affoiblit beaucoup &
même lorfqu’elle a tout-à-fait difparu, une nouvelle
calcination eft néceffaire, puifqu’elle opère
de nouveau la décompofîtion du fulfate de baryte
& la formation du fulfure carburé de baryte : la
théorie en eft donc auffi facile que fimpie. Sa
propriété de luire dans le vide ou fous.l'eau, fuivant
l’ancienne expérience de Dufay , ne s’oppofe
point à ce qu’on la regarde comme une combuf