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cette ingénieufe théorie par le fuccès des remèdes
qu'ils employoient. Leur ouvrage, trop peu
connu en France, mais dont M. Alyon a enrichi
1 Ecole françaife , fera un des monumens fcienti-
fiques qui prouvera le plus combien de fecours la
médecine peut attendre de la chimie.
Ainfi le mouvement que j'ai annoncé , eft impri-
mé ; il n’eft plus à craindre qu'il s’arrête & fe ra-
lentiffe. Le feul obftacle que puiffe éprouver dans
fa marche cette révolution médicale, c'eft qu'elle
n'aille avec trop de rapidité; c'eft qu'elle ne foit
accélérée indifcrétement par des imaginations
trop ardentes, & déjà quelques lignes de cette
dangereufe accélération fe manifeftent dans le
monde favant. Cette doCtrine chimique, dont la
lente & circonfpeCte application peut renouveler
la phyfique animale , femble déjà entraîner au-
delà du but des efprits d'ailleurs recommandables.
On veut élever un édifice, & à peine a-t-onquelques
matériaux deftinés à être liés les uns avec les
autres. Sans doute il eft déjà reconnu que le fyf-,
tème animal où l'oxigène joue un grand rôle, peut
pécher par défaut ou par excès de ce principe vivifiant
i que, fourceprimitive de la chaleur, il l’eft
en meme tems de 1 irritabilité & du. mouvement
vital} qu'en le portant, foit à l'çxtérieur, foit à
l'intérieur, dans les individus malades, il y excite
en général l’aâion de la v ie } qu'on doit admettre
deux claffes de remèdes, en les confîdé-
rant fous ce point de vue, les oxigénans & les
défoxigénans ; que les premiers augmentent toute
l'aCfcivité du fyftème., la chaleur, la circulation,'
la force & la mobilité} que les féconds ralentif-
fent au contraire tous ces effets naturels ; que fou-
vent, dans l'empirifme éclairé des bons praticiens,
qui tient lieu jufqu'ici des principes certains
dont l’art de guérir eft.encore privé ;-fes médjca-
mens qu’ils prefcrivent ij agiffent par l'une ou l'autre
de ces facultés, l'une oxigénante, 6c l'autre
défoxigénante. Mais li ces affertions déjà fondamentales
peuvent être comptées au nombre des
vérités que la médecine doit à la chimie françaife
modemej fi cet art fa tu taire peut déjà s'en promettre
d'importans fecours & des lumières plus
certaines que celles qui ont" guidé jufqu'ici fes l
pas, combien de chofes n'a-t-il pas encore à de-
firer? Que d’importans problèmes n'a-t-il point
encore à propofer à ia chimie ? Que de Solutions
n a-t-il pas a attendre d’elle , pour abandonner le
fentier qu'il a fuivi jufqu'à-préfent, pour regarder
toutes fes anciennes bafes comme des erreurs &
comme des chimères ? Qu'il y a loin encore des ;
premières données que l’on poffède,à cet enfem- I
ble de vérités néceffaires pour former un corps de
doCtrine complet, un fyftème médical nouveau !
A peine connoît- on quelques phénomènes de certaines
fondions de l'économie animale ; à peine y
a-t-on fait quelques heureufes applications des dé- i
couvertes pneumatiques modernes , & déjà l’on
ÿeut en tirer des isdu&ions générales fut la-nà:h
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ture & Iles caufes des maladies; à peine a-t-on
ébauché l’analyfe de quelques-unes des principales
humeurs dans l'état fain , & l'on veut déjà claffer
les maladies d'après les altérations chimiques des
liquides, & former une nofologie humorale. On
propofe de divifer les maladies fuivant l'excès ou
le»défaut de l'hydrogène,: de l’azote.> de l'oxi-
gène ou du carbone quand on n'a pas encore
trouvé la proportion des principes conftituans
dans aucune matière animale -3 confédérée en par-
ticulier* On confond déjà ce qui peut être avec ce
qui eft} on donne de fimples apperçus, préfentés
feulement comme tels par leurs auteurs, comme
des vérités démontrées : on diroit que cés efprits,
preffés de créer des théories générales & fugitives
comme les idées-qui1 les occupent, veulent nuire
par une trop précoce application & par. des ré-
fultats hypothétiques, à une fcience qu'ils n'ont
point affez cultivée pour en faire un ufage prudent
& ré fer vé.’
Le feul remède que je connoiffe contre ce mal
qui menace également & la médecine & la chimie
, c’eft d'expofer avec précifion l’état où cette
dernière -eft parvenue3 dans l'explication de quelques
uns des phénomènes de la- vitalité ; c’eft de
marquer avec exactitude le terme où elle eft arrivée
j c’eft d'empêcher de confondre ce qui n'eft
qu’efpérance encore, avec ce qui eft réel & démontré.
Je crois avoir rempli ce but dans ce premier
Mémoire} au moins ai-je efîayé de l'atteindre,
relativement à l'aCtion médicamenteufe de l’oxi-
gène. Ce Mémoire n'eft vraiment qu’une introduction
à tout le travail que je me propofe de
publier, par morceaux féparés, fur toutes les
parties de la phyfique animale, fur léfquels la chimie
moderne commence à répandre quelque jour.
Mon objet eft de féparer ce qu’on fait exactement
fur cette phyfique fi peu avancée encore, d'avec ce
que quelques hommes prétendent favoir ; de montrer
ce qu'on peut efpérer de connoître par l ’expérience,
comme ce qu’on ne connoît pas encore;
d’appeler ainfi , par de grandes & belles efpéran-
ces, plus de travailleurs qu'il n’y en a encore pour
cultiver ce champ qui promet de fi belles moiffons,
mais d'écarter de ce concert glorieux d'efforts
ceux qui le troublent par leurs difcordantes clameurs.
Si, à toutes les époques des découvertes générales
de phyfique qui ont toujours plus ou moins
marqué dans la carrière médicale, de bons efprits
avoient eu foin de départir les applications vraies
& utiles, & de combattre à armes égales, & les
détracteurs obftinés-qui refufent toute influence
à ces découvertes, & les indifcrets novateurs qui
leur en donnent beaucoup trop, & furtout qui
leur en donnent une exclufive , la phyfique dès
corps organifés n'auroit point été infeCtée des
erreurs qui l'ont fans celle déshonorée en retardant
fai marche fi l’on n’avoit pas conquis autant
de vérités'qu'on en a toujours defiréës , au
moins on n'autoic pofifédé que des vérités.
PAIN.
P A I
P a IN. On a vu aux article« F arine & Fer-
AtENTATioN, que la farine de froment contient,
avec 1 amidon , de la fubftance glutineufe ; que
cette matière , fufceptibie d'un mouvement in-
teftin très-rapide, eft la caufe qui fait fermenter
& foulever.la pâte, 6c par conféquent la rend capable
de former du p a in . C'eft fur cette bafe
qu’eft fondé tout ce qui tient à la panification.
Macquer a traité cet objet avec beaucoup de clarté
& de méthode, en fe fervant des principales don-
^ees contenues dans les ouvrages de Parmentier,
celui des chimiftes français qui a traité de l’art de
faire le p a in avec le plus de détails & de fuccès.
Je donnerai donc ici la plus grande partie de l’article
Pain du D i c t io n n a i r e d e C h im i e de Macquer,
parce qu il contient toutes les connoiffances générales
les plus indifpenlables fur cette matière.
ct L homme, qui paroit deftiné par la nature à
manger de tout ce qui eft capable de nourrir, &
plutôt même encore des végétaux-que des animaux,
a , de tems immémorial & dans prefque
toutes les parties de la terre, pris les graines fa-
rmeufes pour la bafe principale de fa nourriture ;
mais comme ces graines ne peuvent être mangées -
que difficilement par l'homme dans l'état où la nature
les fournit, cet être intelligent & induftrieux
eu parvenu par degrés, non-feulement à extraire
la partie farineufe, c’eft-à-dire, la feule qui foit ;
nutritive dans ces graines, mais encore à la pré- ■
parer de manière qu'il en réfulte un aliment fain
& agréable, tel qu'eft le p a in que nous mangeons
prefentement.
» Rien ne paroit fi fimple, au premier coup-
d oed, que de moudre du bié, d’en réparer la fa—
rine, d’en faire une pâte avec de l’eau, & de
taire cuire cetre pâte dans un four. Ceux qui
font accoutumes a jouir des plus belles inventions
humaines fans avoir jamais réfléchi à ce qu'il en
a coûté pour les per fi Ctionner, ne trouvent rien,
dans toutes ces opérations , que de fort commun
- ^ ^orc trivial. Il paroit cependant bien certain
que les hommes ont. été pendant très4ong tems à
ne manger que des bouillies ou galettes vifqueu-
ies, compactes, peu agréables au goût-, & difficiles
a digérer, avant que d’être parvenus à faire
du p a in de bon goût & de bonne qualité, comme
nous layons prefentement. il a fallu inventer &
perfectionner fucceffivement les ingénieufes machines
dont on l è fert avec tant d’avantage pour
moudre le grain, & en féparer la pure farine
Prefque fans peine & fans travail; il a fallu que
cS recherçhes, ou plutôt quelque hafard heu-
îeux dont un bon obfervateur aura profité, fif-
Îëht découvrir que U farine, mêlée, d'une certaine
C f t iM i z . T o m e y .
quantité d'eau, eft fufceptibie d’une fermentation
qui en détruit prefque toute la vifeofité, exalte fa
faveur , & la rend propre à faire un p a in léger,
très-agréable au goût, & très-facile à digérer.
Cette opération effentielle, d’où dépend la bonne
qualité du p a in 3 eft entièrement du reffort de la
chimie. Il feroit bien glorieux pour ceux qui ont
jadis cultivé cette fcience, qu'on pût leur attribuer
une auffi utile & auffi importante découverte;
mais malheureufement il n'eft que trop probable
qu’ils n'y ont contribué en rien. Les chimiftes de
l'ancien tems avoient bien autre chofe à faire que
de perfectionner le p a in & d'autres objets auffi
communs : il falloit qu'ils fiffent de l’or, & qu'eft-
ceque du p a in en comparaifon de l'or?
» Quoi qu'il en fo it, c'eft à l'heureufe invention
de faire lever la pâte avant de la cuire, que
l’on doit attribuer la perfection du p a in . Cette
opération confïfte à garder un peu de pâte juf-
qu’à ce que, par une forte de fermentation qui
lui eft particulière, elle fe foit gonflée , raréfiée
&• ait acquis une odeur & une faveur qui ont
quelque chofe de v if, de piquant, de fpiritueux
mêlé d'aigre, & même aéfagréable. On pétrit
exactement cette pâte fermentée avec de la pâte
nouvelle : ce mélange, aidé d'une chaleur douce
détermine promptement cette dernière à éprouver
elle-même une pareille fermentation, mais moins
avancée & moins complète que celle de la première.
L'tffet de cette fermentation eft de divifer
d'atténuer la pâte nouvelle , d'y introduire beaucoup
d'air ou-.de gaz , qui, ne pouvant fe dégager
entièrement à caufe de la ténacité & de la confifi
tance de certe pâte , y forme des yeux ou peti'es
cavités, la fouiève, la dilate & la gonfle, ce oui
s’appelle la faire l e v e r , & c'eft par cette raifon
qu on a donne le nom de Levain à la pâte ancienne
qui détermine tous ces effets.
|| Lorfque la pâte eft ainfi levée , elle eft en
état d'être mife au four, ou en fe cuifant elle
fe dilate encore davantage par la raréfaction de
l'air & de la fubftance fpiritueufe renfermée entre
fes parties, & forme un p a in tout rempli d’yeux
par conféquent léger 6c totalement différent des
malfes lourdes , compaCbs, vifqueufes & indi^ef-
tes qu'on obtient en faifant cuire de la pâte de
farine qui n'a point levé.
» L'invention de la bière ou des vins de grain a
encore procuré une nouvelle matière très-propre
à améliorer le p a in : c’eft l’écume qui fe forme à
la furface de ces liqueurs pendant leur fermentation.
Cette écume ou ferment, introduite dans là
pâte de farine , la fait lever encore mieux & plus
promptement que le levain ordinaire. Elle fe