
Les acides métalliques n’attaquent pas Tor, 8c .
n’en altèrent en aucune manière les propriétés, j
M. Vauquelin , dans Tes recherches 8c Tes décou- J
vertes fur i’acide chromique , a trouvé que cet
acide , mêlé à l’ acide muriatique , lui donnoit !a
propriété de diffoudre l’or; ce qui tient à une portion
d’oxigène qu’il fe lailfe enlever par l’acide
muriatique, comme des expériences immédiates
le lui ont fait voir, 8c comme ce palfage de l’acide
«bromique, naturellement orangé, à l’état d’oxide
v ert, à mefure que l’aétion fur l’or a lieu, le lui a
«Tailleurs prouvé fans réplique.
L’or à l’état métallique n’a aucune attra&ion
pour les terres 8c les alcalis, dont il ne reçoit aucune
altération. A l’état d’oxide pourpre, & mieux
encore d’oxide jaune , il s’unit aux terres vitrifiées
par des alcalis , 8c forme ou des émaux violets,
pourpres, ou des verres jaunes d’or ; c'eft
par cette dernière propriété qu’on le fait entrer
dans la fabrication des topazes artificielles. Ces
verres jaunis par l'or, où entre l'oxidé de plomb
en grande quantité , 8c fouvent celui de manga-
nèfe, préfentent quelquefois une propriété bien
remarquable; c’eft qu’en les faifant chauffer légé
rement Sc bien avant qu’ils fe fondent, ils fe c o l
o r e n t en pourpre permanent ouenrouge de rubis ;
ce qui paroît etre dû à un changement d’équilibre
& de combinaifon de l’oxigène.
Aucun oxide d’or pourpre, fait par quelque
procédé que ce foit, n’éprouve de changement par
les alcalis ni par l’ammoniaque j mais fon oxide
jaune précipité de ladiffolutionpar les alcalis fixes,
digéré pendant quelque tems avec l’alcali volatil,
paffe facilement à l’état d’or fulminant ; ce qu’il
eft effëntiel de favoir quand on travaille fur ce
métal, afin de ne pas s’expofer, dans les diverfes
opérations qu’on fait fur Tor, à le porter, fans
s’en douter, à l’état d’oxide ammoniacal , qui
pourroit fulminer lorfqu’on s’oceupetoit à le réduire
par la chaleur.
Les fels les plus aétifs, les nitrates 8c les mu-
riates furoxigénés n’ont aucune aétion fur l ’or pur.
Cependant on a obfervé que le borax affaiblit fa '
couleur, & que le nitre qu’on emploie quelquefois
pour le purifier 8c l’affiner, ainfi que pour
affembler les molécules divifés de ce métal, la
rehauffent & la rendent beaucoup plus brillante
qu’elle ne Tauroit été fans cette addition.
Outre le prix réel attaché à Tor en raifon de fa
beauté, de fon inaltérabilité & de fa rareté ; outre
celui d’eftime 8c de préjugé que les paffions
humaines lui ont donné , 8c qui le fait confidérer
comme le premier & le plus utile de la nature , il
a par lui-même, & en raifon de fes propriétés individuelles,
une foule d’utilités qui feules lui méritent
encore le rang qu’il occupe dans l’opinion.
Son peu d’abondance ne permet pas qu’on le fabrique
lui-même en uftenfiles :,ceux d’un petit
volume qu’on en fait, ne peuvent être travaillés
avec ce métal pur, qui a trop de molleffe pour
bienconferver les formes qu’on lui donneroit: on
l’allie en général avec un dixième ou un douzième
de fon poids de cuivre, qui lui donne la co.nfif-
tance 8c la dureté requifes, ce qui forme Y or à
vingt-deux karats du commerce, ou Yor de bijoux.
Les monnoies d’or, qui font plus petites,
plusépaiffes, & d’une forme plus folide que celles
des bijoux, ne contiennent qu’un vingt-quatrième
d’alliage, & font à vingt-trois karats.
Le brillant & la belle couleur de l’or, joints à
fon indeftruétibilité, plaifent trop aux yeux, 8c
excitent chez les hommes un fent itnent de g ûté 8c
de plaifir trop marqué , pour qu’on n’ait pas cherché
depuis long-tems, 8c beaucoup perfectionné
par conféquent l’art de multiplier fon afpeèt, de
de le réduire prefquè tout en fur faces, & d’en recouvrir
une foule de corps qu’il orne, qu’il enrichit
& qu’il défend en même tems de toute altération
& de toute deftruCtion : de là les efpè-
ces 8c les variétés fi nombreufes de dorures ou
d’applications d’or fur le fe r , le cuivre, l’argent
8c les autres métaux, fur les pierres 8c les fels in-
diffolubles, fur les bois, fur les étoffes, fur les
papiers 8c fur les cartons. Les dorures les plus légères
ou lts plus fuperficielles font faites avec <ks •*
diffolutions d’or qu’on réduit, foit par une furface
métallique, foit par le phofphore, le foufre brûlant
8c l’acide fulfureux, comme dans les procédés
ingénieux de madame Fulham. Quelques-unes des
plus fimples confiftent dans l’application, au moyen
d’un mordant ou d’un mélange collant 8c fufcep-
tible de defliccation, de feuilles d’or dont on accumule
plus ou moins les couches, qu’on rend très-
unies par le frottement 8c la preffion avec des
corps durs, 8c qu’on fait pénétrer dans toutes les
cavités,, 8c fuivre exactement toutes les formes,
fans les corrompre , avec de petits inftrumens qui
fervent à les enfoncer exactement partout. Telle
ëft la dorure fur bois , fur carton, fur écaille , fur
la corne, fur les os, fur les pierres 8c fur une
foule de corps de nature non métallique.
On nomme or en chaux , 8c on emploie fouvent
pour certaines dorures celui qu’on prépare en
broyant avec du miel les rognures de feuilles
d’or, en les lavant dans l’eau, 8c en faifant fécher
enfuite les molécules d’or qui fe précipitent. L’or
en coquille eft de Tor en oxide pourpre, précipité
de fa (iiftblution 8c délayé avec une eau mucilagi-
neufe ou une diffolutioir de gomme. Pour faire
Tor en drapeaux , qui fert auffi à quelques efpèces
de dorures , on trempe des morceaux de vieux
linge fin dans une diftolution nitro-muriatique
d’or; on les fait fécher 8c on les brûle. Quand on
veut s’en fervir, on trempe un bouchon mouillé
dans les cendres de ces chiffons ; on en frotte
l’argent, fur lequel l’or très divifé s’applique" facilement.
Quelquefois dans les dorures où Tor eft
appliqué en oxide brun , on paffe les pièces légèrement
au feu pour rendre à ce métal fon état j>ur
& fon brillant. La vapeur du foufre ou Taeide
fulfureux pourroit fervir au même ufage.
La dorure en or moulu eft la plus precieufe 8c
la plus folide. C’eft fur le cuivre rouge ou jaune
qu’on l’applique le plus fouvent. On commence
par bien nétoyer la pièce que l’on veut dorer , à
l’aide du fable & de i’acide nitrique affoibli, que
Ton nomme- eau fécondé ; on la paffe dans cette liqueur
, 8c on la frotte avec des pinceaux de fil de
cuivre, nommés gratte-bojfes. On la plonge enfuite
dans une diffoîution nitrique de mercure très-éten- ,
due d’eau, qui dépofe fur le cuivre une petite couche
de mercure métallique deftinée à faire contracter
une forte adhérence à l’amalgame d’or
qu’on étend fur la pièce après l’avoir préalablement
iavee à grande eau pour emporter la portion
d’acide > quand l’amalgame eft bien uniformément
étendue*lui la pièce, on la chauffe en la plaçant
fur les charbons pour faire volatilifer tout le mercure.
L’or refte feul 8c d’un jaune-mat. On lui
donne le brillant 8c le poli en paffant deffus ce
qu'on nomme cire à dorer, ou un mélange de bol
rouge (argile ferrugineufe ) , de vert de-gris,
d’alun 8c de fulfate de fer, incorporés avec de la
cire jaune, 8c en chauffant enfuite une dernière ,
fois la pièce pour brûler la cire. .
L’application de Tor fur l’argent, efpèce de dorure
en or moulu , qu’on connoît fous le nom de
vermeil, réuflit mieux encore , 8c prend une cou-
leur beaucoup plus riche, ainfi qu’une folidité plus
grande à l’aide de l’amalgame qu’on fe contente
d’appliquer fur l’argent bien déroché ou néroyé
par Taeide nitrique : on chauffe enfuite la pièce à
feu nu pour en enlever le mercure. On donne à
ces dorures précieufes 8c durables diverfes teintes
ou nuances de jaune, de rouge, de pourpre ou
de verdâtre, par differentes matières falines ou
autres qu’on applique en poudre ou en pâte, 8c
qu’on fait chauffer fur l’amalgame j on les brunit
à la manière ordinaire, par le frottement 8c la
preffion, avec des corps durs 8c polis. L’argent
doré ou le vermeil imite parfaitement Yor par la
couleur.
• Un des arts les plus induftrieux 8c les plus in-
téreffans de ceux qu’on exerce fur Yor, c’eft celui
du batteur 8c du tireur d‘or : il eft fondé fur la
duCtilité extrême de ce métal, 8c fur la facilité
avec laquelle il s’étend. Battre Yor confifte à le
frapper régulièrement 8c d’une manière lûre entre
des membranes des inteftins nommées baudruches
, fur des tas d’acier parfaitement dreffés, avec
des marteaux carrés, également liffes 8c droits: à force de multiplier les pereuffions, on réduit
Tor en feuilles fi minces que le vent les emporte.
On les coupe enfuite en carrés, 8c on les place
entre des feuilles de papier doux 8c imprégné de
fanguine dans fa pâte même : c’eft ce qu’on nomme
des livrets. Les feuilles d’orfont criblées de milliers
de trous, de manière qu’on voit le jour au travers
en les plaçant entre T ce il & ia lumièrej mais malgré
ces nombreufes déchirures, elles ont encore une
aflez grande cohérence pour fe tenir d’une feule
pièce, 8c pouvoir être appliquées tout entières fur
la furface de beaucoup d'autres corps. L'art du tireur
d’or n’eft pas moins remarquable. Un cylindre
d’argent, recouvert d’une couche d or ou folide-
ment doré, p.affé 8c tiré avec effort par les trous
des filières d’acier , depuis ceux qui font prefque
du diamètre du premier cylindre ou qui s’en éloignent
peu , jufqu’ à ceux qui donnent des fils pref-
qu’imperceptibles, s’alonge toujours dans le meme
état, toujours forme d’un cylindre folide d argent
8c recouvert d’une enveloppe d or, dont la minceur
femble échapper à l'imagination. Ges feuilles
d’ or& ces fils fi ténus d’argent doré qu’on nomme
en général f l - trait y fervent à une foule d ufages
dans un grand nombre d’arts ou on les emploie.
Ce n'eft pas Un art moins recommandable dans
les nombreux travaux que Tor entretient parmi les
hommes, que celui de donner à fes plaques, à fes
petits cylindres ou à fes fils toutes les formes fî
variées 8c fi élégantes que les orfèvres 8c les joailliers
favent lui faire prendre. Produits de l’induf-
| trie, du talent 8c de Tadreffe, de l'habileté 8c de
j l'imagination de ces ouvriers intelligens, les vafes,
les uftenfiles, les joyaux 8c les bijoux d’or centuplent
fans ceffe fon prix} 8c en fourniffant un
aliment perpétuel au luxe , heureufement infatia-
ble, ces morceaux, où le goût âc le perfectionnement
du bel art dutieffin fe montrent 8c s éievent
chaque année, font une utile occafion d occuper
beaucoup de mains, 8c de favorifer, chez les peuples
modernes, le commerce qui multiplie les
jouiffances de l'homme , 8c qui eft la lource de Ja
richeffe 8c de la profpérité de tant de nations. Il
eft de la nature 8c de la perfectibilité de l’homme
d’aimer les bijoux 8c les uftenfiles d'or, puifque lé
Sauvage de l’Amérique 8c de l’Afrique, qui a fi
peu de befoins d’ailleurs quand on l oppofe aux.
citadins délicats-de l’Europe , charge les oreilles,
les bras, les doigts, les narines 8c les lèvres memes
de fa compagne $ de fragmens de paillettes 8c de
filamens d’or qu’il ramaffe dans les torrens 8c les
ruiffeaux, 8c qu’il courbe ou travaille avec facilité
en raifon de la pureté 8c de la molleffe de ce métal
natif.
Difféminé en plaques minces de toutes les formes
ou en paillons , tordu fur lui-même en canne--
tilles, alongé fous forme de fils folides ou roulé
fur des fils de foie qui le foutiennent 8c qui lui
donnent plus de volume 8c plus de confiftance,
Tor fe multiplie encore, fur les vètemens de plu-
fieurs peuples, en broderie, en tiffus, en galions.
Tantôt il annonce Topulence 8c le luxe de ceux
qui s’en couvrent, tantôt il fert de décoration 8c
marque les dignités parmi les hommes. On Taflocie
dans les tiffus à la fo ie , au lin , à la laine, aux
crins, à la plume} on le marie avec toutes les
nuances de couleur ; on le fait briller même à travers
de petites couches de verre qui adouciffenc